23ème dimanche – Année C – 4 septembre 2022 – Évangile de Luc 14, 25-33

Évangile de Luc 14, 25-33

Le Chemin de Jésus

Toutes les routes montant à Jérusalem se remplissaient de pèlerins tout heureux de se retrouver pour fêter la grande solennité de la Pâque qui approchait. Les Galiléens qui connaissent Jésus et ont vu ses miracles parlent de lui aux arrivants avec enthousiasme : n’est-ce pas lui le Messie attendu ? Va-t-il faire un coup d’éclat dans la capitale ?Allons-nous enfin retrouver la liberté ? Maintenant c’est une grande foule qui s’agglutine sur la route derrière lui en chantant son espérance.

Mais d’un mot Jésus va tenter d’anéantir leurs illusions. Peine perdue car à son entrée dans la capitale, ils acclameront encore « le roi fils de David ».

Renoncer à tout pour suivre Jésus

De grandes foules faisaient route avec Jésus.
il se retourna et leur dit :     « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme,
ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. »

Terrible exigence. Impraticable, diront certains.

Déjà lorsque Jésus avait annoncé qu’il montait à Jérusalem mais qu’il y souffrirait beaucoup, il avait lancé à tous : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même et prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. Car qui veut sauver sa vie la perdra mais qui perd sa vie à cause de moi la sauvera « (9,23).

Cela semble signifier que celui qui se décide à être disciple de Jésus doit persévérer même si sa famille le lui reproche et le presse de renoncer. Il peut arriver que la foi provoque des dissensions, des colères, des menaces. « Je ne suis pas venu apporter la paix mais la guerre…On se divisera père contre fils… « (12, 51)

Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple.

A la foule qui rêvait de victoire, de brandir des étendards, de jouer de la fanfare, Jésus annonce un tout autre programme. La foi sera contestée, les croyants s’attireront des moqueries, certains seront dénoncés et traduits au tribunal, d’autres verront leur carrière brisée..

L’essentiel sera donc de suivre Jésus. Non d’imiter à la lettre tout ce que l’on raconte de lui dans les évangiles mais de vouloir appliquer tous ses enseignements dans la vie. « Porter sa croix » ne veut pas dire s’infliger des souffrances mais accepter de porter avec courage les épreuves que le monde vous infligera. Les chemins seront variés ; la croix aura des formes différentes. Mais lorsque nous voyons notre société, comment imaginer une vie de foi sans croix ?

Deux Paraboles

Deux petites paraboles, que Luc est seul à raconter, invitent au discernement.

Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ?
Car, si jamais il pose les fondations et n’est pas capable d’achever, tous ceux qui le verront vont se moquer de lui :  ‘Voilà un homme qui a commencé à bâtir et n’a pas été capable d’achever !’

Et quel est le roi qui, partant en guerre contre un autre roi, ne commence par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui marche contre lui avec vingt mille ? S’il ne le peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de paix ».

Vous qui me suivez pour faire partie de la foule et parce que vous avez une idée fausse du messie, faites bien attention. Commencez par réfléchir, par bien prendre conscience des enjeux de l’engagement de la foi, des sacrifices auxquels il va falloir consentir, de la dureté du combat. Se proclamer pour Jésus par enthousiasme superficiel ou par imitation de la foule et puis se détourner vous attirera les sarcasmes. Bâtir sa vie jusqu’au bout pour Jésus et avec l’Évangile exige un engagement tenace. La vie chrétienne est une guerre : évaluez donc bien vos forces car elle ne cessera jamais.

La conclusion sonne comme une exigence radicale : un appel au renoncement total.

Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple.

Tentation du masochisme

Devant ce passage qui nous impose les exigences les plus radicales et même tranche au coeur de nos relations les plus chères, le prédicateur hésite et il est tenté d’arrondir un peu les angles en parlant de la miséricorde du Seigneur, de l’infini de son pardon, de la douceur de l’Esprit. Mais aucune de ces réalités n’est évoquée ici.

Ce texte n’exagère pas car il insiste très fort sur l’attachement total que le disciple doit porter à la personne de son Seigneur et sur l’âpreté du combat qu’il faudra mener pour lui.

Mais il comporte un danger que l’histoire de l’Église révèle. La répétition intensive des mots intransigeants – « se renoncer…porter sa croix…cet homme ne peut pas être mon disciple… » a conduit certains esprits à des pratiques ascétiques excessives : Ste Rose « se livrait à des austérités effrayantes » dit son biographe : certains farfelus décidèrent de vivre au sommet d’une colonne (les stylites) ; la pratique de l’auto flagellation était courante dans certains ordres religieux… Les psychologues ont pointé le mépris de soi, l’obsession de la culpabilité, le prurit du scrupule, parfois du masochisme, on a même parlé de « La névrose chrétienne » (P. Solignac). Mais il n’y avait là que dérives faussement pieuses

Le jeune homme riche a été invité à quitter tous les siens et à renoncer à tous ses biens. Mais ce n’était qu’une invitation libre et son refus n’a pas été noté comme une condamnation. Tous les premiers documents (Actes, lettre d’apôtres) témoignent que les convertis demeuraient propriétaires tout en étant avertis sur le danger très grave de l’argent.

Seuls les membres de la communauté originelle de Jérusalem ont donné leurs biens selon les besoins. Mais c’est parce qu’ils se figuraient que le Messie allait revenir très bientôt. L’affaire a tourné à la faillite générale et Paul, et d’autres, ont dû quémander des secours aux communautés lointaines. Le procédé n’a plus été repris que dans les Ordres religieux.

Conclusion

La priorité essentielle est de découvrir et d’aimer la personne de Jésus dont le visage rayonne de manière extraordinaire dans les évangiles. Sa découverte devient une vocation, un appel à participer à son projet de recréer l’humanité : à la guérir du mal, à lui pardonner ses péchés qui sont à la racine de tous ses malheurs et à la rehausser dans la condition divine.

Ce projet inauguré par Jésus Seigneur se poursuit par la communauté de tous ceux qui croient en lui, qui lui font confiance. Cette Église est fondamentalement joyeuse car elle a reçu la Bonne Nouvelle et est chargée de la transmettre au monde entier.

Toutefois la résistance du mal est terrible : elle se déchaîne dans l’égoïsme, la haine, les conflits et elle s’immisce même au coeur de la religion. C’est pourquoi Jésus va souffrir, et tous ses disciples à sa suite. Ils ne chercheront pas les mortifications mais ils se heurteront à l’incrédulité, seront la cible de sarcasmes et d’injures. Jésus sera arrêté, condamné, crucifié.

Mais en menant à terme le dessein reçu de son Père, il en recevra la Vie éternelle. Comme son Maître, la souffrance du disciple sera le contrecoup de sa persévérance.

Certes sa faiblesse demeure et il n’est pas toujours à la hauteur de sa vocation. L’amour de Jésus le conduira à décider ce qui lui paraissait impossible. Comme son Seigneur à l’agonie, il dira : « Père, que cette coupe s’éloigne de moi !…. Mais que ta Volonté soit faite et non la mienne »

Fr Raphael Devillers, dominicain.

Lettre pastorale du Cardinal Saliège

23 août 1942

La France vient de commémorer le 80ème anniversaire de la « Rafle du Vel’ d’Hiv ». Ce 16 juillet 1942, sans même avoir reçu l’ordre des Allemands, la police française fit la traque des Juifs et les parqua, dans des conditions inhumaines, dans le stade du Vel d’Hiv. Ils étaient près de 15 000. Peu après, des convois les amenaient à Auschwitz pour être exterminés.

Dans le silence général, une voix se fit entendre, celle de Mgr Saliège. « Il a sauvé l’honneur de l’Église en 1942 parce qu’il a compris qu’elle ne devait pas renoncer à cette dimension prophétique…à ce rôle d’« Église sentinelle » (Pasteur Visser ‘t Hooft).

Albert Camus écrira : «  La grande foule des hommes attendait pendant toutes ces années qu’une voix s’élevât pour dire nettement où se trouvait le mal »

Monseigneur Jules-Géraud Saliège (1870-1956), archevêque de Toulouse est de longue date un ardent défenseur des Juifs. Durant l’été 1942, il obtient des informations aux sujets des rafles et des premières déportations.

Le dimanche 23 août 1942, il fait lire une lettre pastorale de protestation, qu’il a lui-même rédigée, dans toutes les églises de l’archidiocèse de Toulouse.

En l’espace d’une nuit, le document devient un manifeste. Des centaines de milliers d’exemplaires sont copiés et distribués. Certains historiens qualifieront cette déclaration de « 18 juin spirituel ».

Pour l’anniversaire de cet événement, ce texte a été proclamé et reproduit dans toute la France.


« Mes très chers Frères,
Il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits tiennent à la nature de l’homme. Ils viennent de Dieu.
On peut les violer. Il n’est au pouvoir d’aucun mortel de les supprimer.

Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle.

Pourquoi le droit d’asile dans nos églises n’existe‐t‐il plus ?
Pourquoi sommes‐nous des vaincus ?
Seigneur ayez pitié de nous.
Notre‐Dame, priez pour la France.

Dans notre diocèse des scènes d’épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou.

Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes, les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos Frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut
l’oublier.

France, patrie bien aimée, France qui porte dans la conscience de tous tes enfants la tradition du respect de la personne humaine. France chevaleresque et généreuse, je n’en doute pas, tu n’es pas responsable de ces horreurs.
Recevez mes chers Frères, l’assurance de mon respectueux dévouement. »
Jules‐Géraud Saliège Archevêque de Toulouse 13 août 1942
A lire dimanche prochain, dans toutes les églises, sans commentaire.

Journal La Croix – plusieurs articles – n° juillet-août 2022


Emmanuel Macron :
« L’odieux antisémitisme est là »

Ce dimanche 17 juillet 2022, E. Macron a commémoré les 80 ans de la Rafle.

« Ces heures noires souillent à jamais notre histoire La France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable ». A dessein, E. Macron a repris ces mots de J. Chirac, premier Président à reconnaître la responsabilité de la France dans la Shoah. « La France le fit, l’État français le fit. L’État français parqua ces familles avant de les déporter dans des camps d’extermination ».

E. Macron a prononcé ce discours à Pithiviers, dans le Loiret, d’ù sont partis 6000 Juifs vers les camps de la mort. Il a inauguré la gare comme un nouveau lieu de mémoire de la déportation.

« Nous n’en avons pas fini avec l’antisémitisme…Il peut prendre d’autres visages, se draper dans d’autres mots, d‘autres caricatures, mais l’odieux antisémitisme est là, il rôde, toujours vivace…Il se déchaine dans la barbarie terroriste…il s’installe dans la succession des assassinats antisémites. Il s’affiche sur les murs de nos villes. Il s’infiltre par les réseaux sociaux…Il joue de la complaisance de certains partis politiques…

Ni Pétain ni Laval ni aucun de ceux-là n’a voulu sauver des Juifs, c’est une falsification de l’histoire que de le dire … Les forces républicaines doivent redoubler de vigilance…La mécanique de 1940 venait de loin, nourrie de haine et d’un antisémitisme devenu ordinaire… » a conclu le Président.

Selon des rapports, les Juifs français éprouvent un très fort sentiment d’insécurité : 85 % d’antre eux pensent que l’antisémitisme est répandu dans le pays, près des ¾ le pensent en hausse ..1/3 d’entre eux disent s’être sentis en insécurité en 2022.

Journal La Croix 18 8 22

22ème dimanche – Année C – 28 août 2022 – Évangile de Luc 14, 1-14

Évangile de Luc 14, 1-14

Une Invitation Agitée

Le mot « pharisien » a pris à tort le sens péjoratif de dévot hypocrite, d’homme sournois et cauteleux. Or ce mouvement est né chez des Juifs pieux attristés par le nombre de leurs compatriotes qui, séduits par la splendeur nouvelle de la civilisation gréco-romaine, abandonnaient les traditions religieuses de leur peuple. En réaction les pharisiens voulaient exhiber leurs appartenance à la Loi et se démarquaient par leurs pratiques pointilleuses – d’où leur nom qui signifie « séparés ».

Une des coutumes de leurs confréries était d’organiser un banquet chez l’un d’eux le vendredi soir, pour fêter l’entrée en sabbat et débattre de questions religieuses. Ce pouvait donc être l’occasion de mieux connaître ce Jésus qui semblait remettre en question ce qui leur paraissait essentiel. Luc rapporte trois invitations.

La première est bousculée par l’entrée intempestive d’une pécheresse en pleurs qui verse du parfum sur les pieds de Jésus qui lui souffle : « Tes péchés sont pardonnés ». Stupeur de l’assemblée ( 7,36)

Dans la deuxième, Jésus éclate en une violente colère : « Malheureux, vous les pharisiens qui purifiez l’extérieur mais pas l’intérieur ! Malheureux vous les scribes qui chargez les gens de fardeaux accablants mais vous vous en dispensez ! ». Évidemment dès la sortie de Jésus, la furie monte : « Ils s’acharnèrent contre lui et cherchaient des questions pour le piéger » (11,37)

La troisième est l’évangile de ce dimanche.

Le Repas chez un Chef Pharisien

Un jour de sabbat, Jésus était entré dans la maison d’un chef des pharisiens pour y prendre son repas, et ces derniers l’observaient.

L’invitation n’est pas franche et amicale : elle est l’occasion de poser des questions embarrassantes à Jésus afin d’épier ses réponses et en tirer arguments contre lui pour le dénoncer à la foule comme impie. Jésus, lui, n’est certainement pas dupe de la manœuvre mais il accepte le dialogue. Il continue patiemment à les fréquenter, et même à accepter leurs invitations. Mais il est hors de question de leur faire la moindre concession. On n’achète pas la vérité du message de l’Évangile par des banquets et des cadeaux.

La scène comporte quatre parties. La première, la guérison par Jésus d’un homme souffrant d’œdème, n’est pas racontée par la liturgie : les convives n’ont rien à rétorquer à un acte humanitaire qui semble enfreindre l’interdit du sabbat. Soigner l’homme dépasse les règlements.

Prendre les dernières Places

Jésus dit une parabole aux invités lorsqu’il remarqua comment ils choisissaient les premières places, et il leur dit :
 « Quand quelqu’un t’invite à des noces, ne va pas t’installer à la première place, de peur qu’il ait invité un autre plus considéré que toi.  Alors, celui qui vous a invités, toi et lui, viendra te dire : ‘Cède-lui ta place’ ; et, à ce moment, tu iras, plein de honte, prendre la dernière place.
Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place. Alors, quand viendra celui qui t’a invité, il te dira : ‘Mon ami, avance plus haut’, et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui seront à la table avec toi.
 En effet, quiconque s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »

Décidément cette envie vaniteuse de se pousser en avant et d’occuper les places d’honneur est un défaut qui énerve beaucoup le Seigneur. Déjà dans sa diatribe précédente, il avait lancé : «  Malheureux êtes-vous, Pharisiens, vous qui aimez le premier siège dans les synagogues et les salutations sur les places publiques » (11, 43).

Et il avait bien dû constater que ses apôtres eux-mêmes n’en étaient pas indemnes : alors qu’il venait de leur annoncer qu’il allait être rejeté à Jérusalem et que tout disciple devait prendre sa croix, il les avait surpris en train de se quereller pour savoir qui était le plus grand (11, 34). « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier et le serviteur de tous » avait-il répliqué en leur donnant l’exemple d’un enfant. Et sa mère n’avait-elle pas chanté Celui qui « jette les puissants bas de leurs trônes et élève les humbles » ?(Luc 1, 52)

Que le monde offre des titres ronflants et des trônes imposants, qu’il se prosterne devant des « sommités », que des malins jouent des coudes pour se pousser en avant, c’est leur affaire. Mais le plus affligeant, c’est de voir des Éminences ecclésiastiques faire de leur vocation une course poursuite aux titres, de faire des plans de carrière, de s’évaluer selon la longueur de leurs traînes et le nombre de leurs médailles.

La sentence finale dépasse la simple question de sagesse : C’est Dieu qui abaissera celui qui se gonfle, et qui élèvera l’humble piétiné par les autres.

Inviter les Pauvres

Jésus disait aussi à celui qui l’avait invité : « Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins ; sinon, eux aussi te rendraient l’invitation et ce serait pour toi un don en retour.
Au contraire, quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ;  heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour.

Cela te sera rendu à la résurrection des justes. »

Jésus remarque que tous les convives appartiennent au même milieu : même style de vêtements, même culture. Entre gens qui se connaissent, il est normal qu’un donné appelle un rendu, un cadeau sollicite la réciproque, et les invitations s’alternent avec politesse. Ainsi on demeure entre soi et les relations sont très aisées.

Et voilà que Jésus suggère à son hôte une initiative impensable : inviter des pauvres. Ils seront tout à fait incapables de te rendre la pareille donc tu poseras un acte totalement gratuit, tu feras un cadeau sans restitution. Alors tu connaîtras le bonheur de Dieu car il te ressuscitera et t’invitera au banquet de la Vie éternelle avec tous les pauvres qui sont ses préférés.

Au premier coup d’œil, cette suggestion nous paraît peut-être farfelue, difficile à réaliser dans son absolu. Mais d’abord réfléchissons un peu :

  • Nourrir les affamés est une priorité absolue qui interroge les dépenses parfois exorbitantes de nos réceptions mondaines.
  • La charité ne peut se limiter à une pièce jetée rapidement dans un gobelet ni à une signature sur un chèque. Le pauvre est une personne : son besoin primaire, comme nous, est la relation humaine, le regard attentif, la parole bienveillante. Le pape François a souligné plusieurs fois l’insuffisance d’une charité anonyme.
  • En tout cas, la messe du dimanche devrait mettre en acte cet idéal. Très souvent nous nous y regroupons par affinités, parce que nous nous connaissons et faisons partie du même milieu. Il serait nécessaire que nous fassions sauter ces murs dans lesquels nous nous enfermons et que nous participions à un repas fraternel sans classe, tous accueillis par le même Amour, tous nourris de la même « portion » précisément pour accomplir la « communion » fraternelle qui était le but de la Croix.

La 4ème et dernière scène (14, 15-23) est omise par la liturgie.

Fr Raphael Devillers, dominicain.

Cérémonie à la Mémoire des Martyrs de la Déportation – 6 sept. 2015

DISCOURS DE HAÏM KORSIA,
GRAND RABBIN DE FRANCE

Il y a tout juste 70 ans, les camps d’extermination étaient libérés par les forces alliées. Le monde découvrait l’horreur insoutenable de la barbarie nazie. Des enfants, des vieillards, des femmes, des hommes, parqués dans des camps avec la ferme intention de les éliminer, mais, avant, de les déshumaniser, d’en faire des morceaux, « des stücke »…Des millions de personnes destinées à une mort certaine, industrielle et systématique, soumises à des tâches exténuantes ou directement sélectionnées pour la chambre à gaz….

Pourquoi, d’année en année, perpétuer ainsi la mémoire de la shoah ? Enseigner n’est pas guérir mais tirer les leçons de l’histoire, prévoir et prévenir. Ce n’est ni par culte de la mort, ni par obsession du passé, mais parce qu’il est de notre devoir d’enseigner à nos enfants et de porter au monde ce que l’homme, mû par d’épouvantables ambitions, a pu un jour faire d’un autre homme.

Nous honorons la mémoire des six millions d’âmes disparues, mais nous célébrons aussi la vie…Nous rendons hommage aux Justes et aux résistants et nous dénonçons la politique collaborationniste du régime de Pétain qui livra les Juifs à l’occupant….

Le mal n’est jamais loin de nous, car il est aussi en nous. Comment ne pas évoquer le maux qui rongent aujourd’hui notre monde ? Combattons-nous assez l’extrémisme et les nouveaux totalitarismes ? Sommes-nous assez âpres à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme qui tue pourtant, aujourd’hui encore, partout et tout le monde ?

L’an dernier, je dénonçais fermement devant vous les manifestations dans les rues de France, au cours desquelles les cris « mort aux Juifs » avaient si sinistrement retenti, l’attaque des synagogues, mais aussi l’exacerbation des violences antisionistes et antisémites. Début janvier, la communauté nationale, et la communauté juive en particulier, ont été la cible de la terreur, frappées au coeur, meurtries dans leurs chairs…

Le 11 janvier, la société, trop longtemps muette et passive, est sortie de son silence apeuré ou complice, elle s’est massivement levée pour affirmer sa détermination à vivre en fraternité…Aujourd’hui il nous faut agir ! Agir pour lutter, dans un front uni, contre le terrorisme et tous ceux qui instrumentalisent et dévoient la religion pour tuer au nom de Dieu, d’où qu’ils viennent et quels qu’ils soient. Agir pour ne laisser personne au bord du chemin de la vie….La France, qui rayonne dans le monde entier par ses valeurs d’humanisme, d’universalité et de partage, ne peut se taire face à l’épreuve de ses frères humains.

N’oublions pas le terrible verdict de Chantecler dans le « Roman de Renart » : « Maudits soient les yeux qui se ferment quand ils doivent rester ouverts ».

Ce verset biblique vaut pour chacun : «  Tu aimeras l’étranger comme toi-même car tu as été étranger en terre d’Égypte » (Lév 19, 34)

21ème dimanche – Année C – 21 août 2022 – Évangile de Luc 13, 22-30

Évangile de Luc 13, 22-30

Un Enseignement qui Choque

A 15 reprises dans son évangile, Luc note que Jésus « enseigne » : il s’agit donc de son activité principale. Cet enseignement ne se réduit ni à une instruction abstraite ni à une consolation onctueuse ni à des conseils d’une vague spiritualité. Et il bouscule fortement. Dès le début Jésus prêche dans la synagogue de son village Nazareth et il s’en fait exclure ; pendant ses derniers jours à Jérusalem, il s’installera dans le temple pour y « enseigner »et on fera tout pour le déstabiliser ; enfin les autorités du sanhédrin le livreront à Pilate en l’accusant de « soulever le peuple en enseignant dans toute la Judée à partir de la Galilée »(23,5). Cet enseignement est donc populaire mais jugé subversif. Or jamais Jésus ne se taira ni n’acceptera de l’édulcorer. Il lui vaudra la mort.

Aussi la question rebondit de ville en village : qui est cet artisan qui s’est fait prophète et qui opère des guérisons ? Est-il le Messie ? Est-il vrai qu’il va instaurer le royaume de Dieu ?…Partout Jésus allume le feu des débats, des enthousiasmes et des sarcasmes et on le crible de questions.

Y aura-t-il beaucoup de sauvés ?

En ce temps-là, tandis qu’il faisait route vers Jérusalem, Jésus traversait villes et villages en enseignant.
Quelqu’un lui demanda : « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? »

Cette question ne se pose-t-elle pas encore aujourd’hui ? A l’époque les maîtres lui donnaient des réponses très différentes. Certains affirmaient que tout le peuple d’Israël serait sauvé à cause de son élection et des mérites des Pères. D’autres au contraire estimaient que les infractions contre la Loi étaient telles que finalement seule une minorité d’Israël mériterait d’aller au ciel de Dieu. Quelqu’un demande à Jésus son avis sur cette question débattue mais il va refuser nettement d’entrer dans cette querelle d’écoles.

Jésus leur dit : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas.

Comme toujours Jésus interpelle directement son auditoire. On n’a pas à spéculer sur des problèmes mais à s’engager soi-même, immédiatement et en urgence, pour changer de comportement et tout faire pour pouvoir entrer dans le Royaume. Car l’entrée ne va pas de soi, elle n’est pas automatique, la porte en est étroite, c.à.d. elle exige de durs efforts, des renoncements pénibles. Déjà les prophètes de la première Alliance tonitruaient contre les puissants et les orgueilleux qui se contentaient d’une piété superficielle, de rites hypocrites tout en acceptant l’exploitation des pauvres et le mépris du droit.

Le message de Jésus, on le voit bien dans l’Évangile, est lui aussi, et plus encore, intransigeant contre des conduites qui bafouent les volontés de Dieu. Certes la miséricorde de Dieu est infinie : encore faut-il la demander, donc prendre conscience de ses errements et décider de s’en corriger dès que possible.

Lorsque le maître de maison se sera levé pour fermer la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte, en disant : ‘Seigneur, ouvre-nous’, il vous répondra : ‘Je ne sais pas d’où vous êtes.’
Alors vous vous mettrez à dire : ‘Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places.’
Il vous répondra : ‘Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice.’

Le temps de la vie terrestre est celui des options et des changements possibles mais il a un terme. Celui qui s’est obstiné à faire le mal, à commettre l’injustice s’est rendu incapable d’entrer dans le Royaume, il s’est distancié du Seigneur, maître de la maison. Celui-ci n’est pas dur et implacable : c’est l’homme qui, de lui-même, s’est exclu.

Et il est vain de chercher des excuses : « Je connaissais et j’admirais l’évangile…Je participais aux liturgies… ». La connaissance de Jésus et de son évangile sont insuffisants : seule compte son application, sa mise en pratique. C’est la façon de vivre qui approche ou éloigne du Seigneur.

Le Royaume accessible à Israël et aux Nations

Là, il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, et que vous-mêmes, vous serez jetés dehors. Alors on viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu. »

Des fils d’Israël – tels les grands patriarches, les prophètes et tant d’autres encore aujourd’hui – ont pratiqué la loi de justice et entreront dans le Royaume. Et ils y seront rejoints par des personnes de toutes les nations. Tout nationalisme, tout racisme, tout ritualisme superficiel sont supprimés dans le Royaume si mystérieux à définir et que Jésus évoque en reprenant l’image du banquet utilisé dans la Première Alliance :

« Le Seigneur de l’univers va donner sur cette montagne (Sion) un festin pour tous les peuples, un festin de viandes grasses et de vins vieux…Il fera disparaître sur cette montagne le voile tendu sur tous les peuples : il fera disparaître la mort pour toujours » (Isaïe 25, 6).

L’image du banquet signifie le don de la vie et de la joie partagées par le Seigneur avec ses élus venus des quatre coins du monde : avec le Messie cette Vie éliminera toute mort. Mais Jésus ne reprend pas la localisation à Sion / Jérusalem : le Royaume sera transcendant.

Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers. 

Si bien que parmi les païens qui ont été appelés les derniers dans l’histoire, certains seront admis en masse dans ce Royaume ; et par contre, des enfants d’Israël qui avaient pourtant été appelés les premiers en seront exclus.

Accepter les reproches du Seigneur

Les parents et les enseignants le savent bien : l’amour qu’ils ont pour leurs jeunes les oblige parfois à secouer leur indolence, à les tancer pour leurs erreurs répétées. Ces reproches sont parfois durs, même violents mais ils sont nécessaires sur le chemin de l’éducation.

De même les curés de paroisse, pour être des bergers fidèles, ne peuvent pas gommer les passages plus durs des évangiles. On ne peut trahir la Parole de Dieu quand elle admoneste, on n’arrondit pas les angles de la Vérité quand elle impose des exigences nécessaires.

Nos défauts sont bien enracinés, ils sont lourds à vaincre : aussi nous souhaitons que l’on nous laisse tranquilles, que nos liturgies restent des moments de consolation paisible. Mais l’Évangile se meurt lorsque nous en faisons une boisson soft.

Certes sur le champ, nous sommes secoués, nous estimons que le prédicateur exagère. Certains paroissiens même divergent vers une autre paroisse où la prédication est doucereuse. Or le passage par la porte étroite exige des changements parfois radicaux. Le mode de vie prôné dans nos sociétés occidentales avec sa course effrénée vers les divertissements, la consommation , le gaspillage exacerbe l’égoïsme et mène à la destruction : tout le monde le reconnaît . A la suite de Jésus, nous devons être les prophètes d’une vie plus vraie et donc déjà plus heureuse. Il est normal que l’enseignement de l’Évangile nous secoue

Accepter les leçons du Seigneur

En terminant sa lettre, l’auteur de la « Lettre aux Hébreux » (2ème lecture de ce jour) expliquait déjà le bien fondé des remontrances :

Frères, vous avez oublié cette parole de réconfort, qui vous est adressée comme à des fils : « Mon fils, ne néglige pas les leçons du Seigneur, ne te décourage pas quand il te fait des reproches.  Quand le Seigneur aime quelqu’un, il lui donne de bonnes leçons ; il corrige tous ceux qu’il accueille comme ses fils » (citation de Prov. 3, 11).
    

Ce que vous endurez est une leçon. Dieu se comporte envers vous comme envers des fils ; et quel est le fils auquel son père ne donne pas des leçons ? Quand on vient de recevoir une leçon, on n’éprouve pas de la joie mais plutôt de la tristesse. Mais plus tard, quand on s’est repris grâce à la leçon, celle-ci produit un fruit de paix et de justice.


C’est pourquoi redressez les mains inertes et les genoux qui fléchissent, et rendez droits pour vos pieds les sentiers tortueux. Ainsi, celui qui boite ne se fera pas d’entorse ; bien plus, il sera guéri.

Fr Raphael Devillers, dominicain.

CONCILE VATICAN II

Constitution sur l’Église – Chap. 7 – n°48

L’Église, à laquelle dans le Christ Jésus nous sommes tous appelés n’aura que dans la gloire céleste sa consommation, lorsque viendra le temps où toutes choses seront renouvelées et que, avec le genre humain, tout l’univers, intimement uni avec l’homme et atteignant par lui sa destinée, trouvera dans le Christ sa perfection définitive.

Le Christ élevé de terre exerce continuellement son action dans le monde pour conduire les hommes vers l’Église, se les unir par elle plus étroitement et leur faire part de sa vie glorieuse en leur donnant pour nourriture son propre Corps et son Sang.

La nouvelle condition promise et espérée a déjà reçu dans le Christ son premier commencement ; l’envoi du Saint-Esprit lui a donné son élan et par lui elle se continue dans l’Église où la foi nous instruit sur la signification même de notre vie temporelle, dès lors que nous menons à bonne fin, avec l’espérance des biens futurs, la tâche qui nous a été confiée par le Père et que nous faisons ainsi notre salut.

Ainsi donc déjà les derniers temps sont arrivés pour nous . Le renouvellement du monde est irrévocablement acquis et, en réalité, anticipé dès maintenant …

Cependant, jusqu’à l’heure où seront réalisés les nouveaux cieux et la nouvelle terre où la justice habite, l’Église en pèlerinage a sa place parmi les créatures qui gémissent présentement encore dans les douleurs de l’enfantement, attendant la manifestation des fils de Dieu.

Ainsi donc, unis au Christ dans l’Église et marqués de l’Esprit Saint, en toute vérité nous sommes appelés enfants de Dieu, et nous le sommes ; mais l’heure n’est pas encore venue où nous paraîtrons avec le Christ dans la gloire , devenus semblables à Dieu parce que nous le verrons tel qu’il est. Tant que nous demeurons dans ce corps, nous sommes en exil loin du Seigneur, possédant les prémices de l’Esprit, nous gémissons intérieurement et nous aspirons à être avec le Christ.

La même charité nous presse du désir de vivre davantage pour lui, qui est mort pour nous et ressuscité. Nous avons donc à cœur de plaire au Seigneur en toutes choses et nous endossons l’armure de Dieu afin de pouvoir tenir contre les embûches du démon et lui résister au jour mauvais.

Ignorants du jour et de l’heure, il faut que, suivant l’avertissement du Seigneur, nous restions constamment vigilants pour pouvoir, quand s’achèvera le cours unique de notre vie terrestre, être admis avec lui aux noces et comptés parmi les bénis de Dieu, au lieu d’être, comme les mauvais et les paresseux serviteurs, écartés par l’ordre de Dieu vers le feu éternel , vers ces ténèbres du dehors où « seront les pleurs et les grincements de dents ».

En effet, avant de régner avec le Christ glorieux, tous nous devrons être mis un jour devant le tribunal du Christ, pour que chacun reçoive le salaire de ce qu’il aura fait pendant qu’il était dans son corps, soit en bien, soit en mal ; et à la fin du monde « les hommes sortiront du tombeau, ceux qui auront fait le bien pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal pour une résurrection de condamnation ».

C’est pourquoi, estimant qu’il n’y a pas de proportion entre les peines du présent et la gloire qui doit se manifester en nous, nous attendons, solides dans la foi, la bienheureuse espérance et la manifestation glorieuse de notre grand Dieu et Sauveur, le Christ Jésus» qui transformera notre corps de misère en un corps semblable à son corps de gloire, et qui viendra pour être glorifié dans ses saints et admiré en tous ceux qui auront cru.

Fête de l’Assomption de Marie – Année C – 15 août 2022

Évangile de Luc 1, 39-56

Fête de l’Assomption de Marie

La figure de Marie est très importante pour ma piété personnelle depuis mon enfance. En effet, j’ai grandi dans une famille chrétienne qui était et est toujours très fervente, pieuse et croyante. La prière du rosaire et la dévotion à la Mère de Jésus ont toujours été essentielles au sein de ma famille. Ce chemin de foi m’a personnellement marqué et m’a conduit à l’autel du Seigneur Jésus-Christ. C’est ainsi que j’ai été ordonné prêtre dominicain.

Nous célébrons chaque année le 15 août l’Assomption de la Vierge Marie. Cette tradition, bien qu’ancienne, a été célébrée par les premiers chrétiens d’Orient depuis le Ve siècle à Jérusalem. Ce n’est que le 1er novembre 1950 que l’Assomption de Marie est proclamée comme dogme par le Pape Pie XII (1939-1958) : « La Vierge Marie a été élevée en corps et en âme à la gloire du Ciel ».

Comme cette fête n’est pas mentionnée dans les Saintes Écritures, on écoute un extrait de l’Évangile de Luc qui commence par le récit de la Visitation et qui se termine par le Magnificat. Après la visite de l’Ange Gabriel, Marie part vers sa cousine Elisabeth, à qui elle exprime sa joie de porter l’enfant de Dieu (Lc 1, 39-55).

Lors de l’Annonciation, Marie avait répondu à l’Ange Gabriel avec humilité : « Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole » (Lc 1, 38). Ainsi, la Vierge Marie dit son « Oui » à la Parole de Dieu, et devint Mère de Jésus, se mettant au service du projet de Dieu. Par son « Oui » et son obéissance à la Parole de Dieu, la Vierge Marie est entrée dans le ciel, corps et âme.

Sens de l’Assomption pour nous

La Vierge Marie est pour nous « un signe d’espérance et une source de réconfort. » Elle représente la voie à suivre : s’unir à son Fils ressuscité. La fête de l’Assomption est une invitation pour nous à vivre notre vie de foi et notre avenir sous « le manteau » de la Vierge Marie, sous sa protection. C’est elle qui nous mène par le chemin de la foi à la promesse d’une vie éternelle.

Célébrer l’Assomption de la Vierge Marie signifie aussi que nous ne devons jamais séparer la mort de la vie. La figure de la Vierge Marie me fait penser à une petite histoire :

Une dame riche, qui avait joué un grand rôle sur terre, est décédée. L’Apôtre Pierre l’accueillit et lui montra une belle villa : « Voici l’appartement de votre servante. ». La dame riche se dit alors : « Si ma servante a déjà un si bel appartement, qu’est-ce que je vais bien avoir ? » Peu après, l’Apôtre Pierre lui montra une autre maison, toute petite et misérable, et lui dit : « Là, c’est votre appartement ». Indignée, la dame riche répondit : « Je ne peux quand même pas habiter là. » L’Apôtre Pierre répliqua : « Je suis désolé, mais avec les matériaux que vous nous avez envoyés, nous n’avons pas pu construire davantage. » La dame riche n’avait pas fourni suffisamment de matériaux de construction et a dû se contenter d’une pauvre habitation au ciel.

La Vierge Marie, en revanche, a suffisamment pris ses dispositions dans sa vie. Elle a dit « Oui » lorsque Dieu l’a choisie pour être la Mère de son Fils, elle s’est entièrement épanouie dans son rôle de Mère de Jésus, elle a connu les joies d’une Mère. Mais aussi les souffrances ; et sa souffrance a été encore plus grande lorsqu’elle a été témoin de la mort de son Fils sur la Croix.

Mais, quoi qu’il en soit, la Vierge Marie a persévéré dans sa foi. Sa confiance en l’amour de Dieu et en sa miséricorde n’a jamais vacillé. Marie est pour nous non seulement la grande croyante, mais aussi elle est l’image de l’Église, qui garde la Parole dans son cœur et la transmet. Elle savait que Dieu n’abandonnerait pas ceux et celles qui lui font confiance. Bien plus, il a pitié d’eux et fait de grandes choses pour eux. Tout comme il a fait de grandes choses pour la Vierge Marie.

La grande action de Dieu en faveur de Marie a commencé par son élection en tant que Mère de Dieu et s’est poursuivie par son Assomption, corps et âme, dans le ciel, dans la gloire du Dieu.

Nous ne pouvons que dire merci à Marie du fond du cœur. Elle nous oriente sur notre chemin vers la vie éternelle. Par sa vie, Marie nous montre le bon chemin.

Par son soutien et son exemple, la Vierge Marie ne cesse de nous rappeler que nous devons fournir à temps suffisamment de matériaux de construction.

Si nous en prenons conscience aujourd’hui, ce jour de fête de l’Assomption pourrait prendre un nouveau sens, peut-être même pour ceux et celles qui ne la connaissent pas bien. C’est une fête d’espérance, de réconfort et de joie. Que la Vierge Marie nous aide à reconnaître et à faire la volonté de Dieu dans les situations complexes de notre vie quotidienne. Amen.

Fr Jean-Bertrand Madragule, dominicain.

20ème dimanche – Année C – 14 août 2022

Évangile de Luc 12, 49-53

La Mission de Jésus

Nous avons entendu plusieurs enseignements de Jésus : sur la prière, l’usage de l’argent, la vigilance…Mais n’oublions pas qu’il est en train d’emmener ses disciples sur la route de Jérusalem où, leur a-t-il dit, il va être rejeté et mis à mort par les autorités mais son Père le ressuscitera. Et dans la dernière parabole, il a prévenu les intendants de rester vigilants car le Maître viendra à l’improviste pour juger.

Cette issue finale de sa mission, qui s’approche de jour en jour, obsède Jésus : il a hâte de réaliser jusqu’au bout la volonté de son Père mais le prix à payer sera horrible. Tout à coup, à ses disciples, il exprime la passion et l’angoisse qui le poignent. Il nous révèle ainsi le sens de sa venue sur terre.

Le Grand Désir de Jésus

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :
« Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé !
Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli !

Jean-Baptiste l’avait prophétisé : « Il vient, celui qui est plus fort que moi : il vous baptisera dans l’Esprit-Saint et le feu »(2, 16). Jésus ressuscité annoncera à ses disciples : « Vous allez recevoir une puissance, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous »( Ac 1, 8). Et en effet à la Pentecôte, « comme des langues de feu leur apparurent » et toute peur disparue, remplis de force et. de confiance, ils sortiront et se mettront à prêcher, avec feu, les merveilles de Dieu. Le feu de la Bonne Nouvelle commencera à s’étendre par toute la terre.

Mais pour cela, il faudra d’abord que Jésus accepte de donner sa vie : à Gethsémani et au Golgotha, il sera plongé, « baptisé » dans un second baptême bien plus effroyable que le premier. Jésus ici ne peut s’empêcher de révéler aux siens la crainte, l’horreur qui le torturent à la perspective de ce qui l’attend. Non il ne cherche pas la mort, elle le révulse, le tord déjà d’angoisse. Mais il ne peut reculer, il doit dire sa vérité quoi qu’il en coûte. En faisant de sa mort un don d’amour, il ouvrira le don de l’Esprit.

La Paix qui provoque des disputes

Si vraiment la Pâque de Jésus accomplit l’attente du Messie, le monde va-t-il connaître la paix ? Hélas non.

Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division.
Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ;
ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère,
la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. »

La croix de Jésus opère la transfiguration de la haine et de la violence des bourreaux en amour, pardon, miséricorde de la part du Seigneur. Et de là s’élancera la Bonne Nouvelle de la paix. Mais il ne s’agit pas d’une paix automatique et imposée. Jésus est bien l’Agneau de Dieu qui apporte la paix du monde mais ne reçoit cette paix que celui ou celle qui croit en Jésus, qui se fait son disciple, qui décide de vivre et de se donner complètement à la manière de son Maître.

Cette paix est un don gratuit mais elle est difficile : elle bouscule nos préjugés, elle torpille notre égoïsme, elle nous oblige à changer d’échelle de valeurs. Elle accule chacun à se décider librement. Du coup elle introduit la division au cœur des familles, des nations, du monde. La Loi de Moïse partageait Israël et les nations : l’Évangile s’adresse à toute personne et distingue croyants et incroyants. Mais on ne joue pas avec la vérité et on ne bafoue pas la liberté. Là est le prix de l’égalité et de la fraternité.

Le judaïsme disait qu’après une terrible période d’affrontements, le Messie enfin apporterait la paix. Jésus enseigne que sa venue messianique provoquera immanquablement divisions, heurts, déchirures. Le temps de l’Église reste ce qu’il a été dès le début : le vieux Syméon l’avait prophétisé à sa mère : il « sera un signe contesté »(2, 34). L’Évangile n’est ni une obligation ni une démonstration mais « un signe » devant lequel chacun doit opter.
Si votre famille ne partage pas la même foi, souvenez-vous que Jésus lui-même a été rejeté par son village, par certains de sa famille, par les autorités religieuses. A sa suite, les martyrs gardaient la paix au milieu des affres des persécutions.

Fr Raphael Devillers, dominicain.

Forage de Puits pour la Clinique en R.D.C.

Je m’appelle Jean-Bertrand Madragule Badi et j’ai été ordonné prêtre dominicain en République démocratique du Congo en 1994. Après avoir passé une vingtaine d’années en Allemagne j’ai été assigné le 28 décembre 2022 au Couvent Saint-Albert le Grand à Liège.


Fr. Jean-Bertrand Madragule

La situation dramatique et catastrophique du Congo suite à la deuxième guerre de 1998 à 2003 m’a profondément touché. Les Églises étaient les seules institutions qui disposaient d’une infrastructure en état de fonctionnement. Je ne pouvais pas préparer ma thèse de doctorat en Théologie à l’Université de Bonn, pendant qu’un enfant était en train de mourir de la malaria parce que ses parents n’avaient pas les moyens de payer les médicaments. Je ne pouvais pas profiter de la vie avec insouciance, tout en sachant qu’une femme enceinte ne survivrait pas à l’accouchement de son bébé parce qu’elle recevrait des soins médicaux insuffisants.

Et c’est pourquoi, en 2014, j’ai décidé, de fonder l’association « Kongo Social-Care e. V. » dont le but est d’aider les personnes les plus démunies, en particulier les enfants qui n’ont pas eu autant de chance que moi.

En octobre 2021, j’ai profité de mon séjour au Congo pour m’imprégner de la situation de nos différents projets. J’ai vécu dans ma chair la réalité profonde des populations locales. Je sais apprécier ce que signifie avoir de l’eau potable ou de l’électricité. On ne peut pas imaginer ici en Belgique une maison habitée ou un hôpital sans eau et sans électricité ! Au Congo, s’il y a de l’eau, il faut aller la puiser très loin de la maison ou de l’hôpital. Et encore cette eau n’est-elle pas potable, il faudra encore la chauffer avant son utilisation.

Durant ce temps, je n’ai jamais eu l’électricité 24 heures sur 24 heures. Mon téléphone mobile était régulièrement déchargé et toute communication était coupée.

Alors nous avons commencé le projet d’adduction d’eau à Durba et la Clinique H. Brauhardt, dans le Nord-Est du Congo. Ce forage de 81 mètres de profondeur est presque terminé. Pour faire fonctionner la pompe immergée et les autres appareils du laboratoire, il nous faut absolument des panneaux solaires.

Je compte beaucoup sur la bonté de votre cœur pour la réalisation de ce projet social. Aidez-nous à continuer de rendre possibles nos projets au Congo.

Compte bancaire :

Titulaire : Kongo Social-Care ASBL
IBAN : DE15 3205 0000 0000 2770 04
Communication : Panneaux solaires.
Les dons sont déductibles des impôts.

19ème dimanche – Année C – 7 août 2022 – Évangile de Luc 12, 32-48

Évangile de Luc 12, 32-48

Veilleurs dans la nuit du monde

Après la sévère mise en garde contre l’avidité (parabole de l’homme enrichi), laquelle s’adressait à tout le monde, Jésus poursuit par un enseignement à ses disciples. Il leur commande de chasser toute inquiétude concernant même les besoins élémentaires, la nourriture et le vêtement, car ce serait un manque de foi. La liturgie ne rapporte pas cette instruction mais uniquement sa finale que voici.

Un trésor au ciel

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Sois sans crainte, petit troupeau : votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. Vendez ce que vous possédez et donnez-le en aumône. Faites-vous des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, là où le voleur n’approche pas, où la mite ne détruit pas. Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur.

Ce dépouillement ne vise sans doute que les disciples engagés dans la vie itinérante apostolique puisque, dans leurs lettres, les apôtres n’imposeront jamais ce don total à leurs correspondants. Mais comme le Seigneur, ils appelleront à une foi qui est totale confiance puisque les croyants sont le petit troupeau sur qui veille le Seigneur et que Dieu leur a donné d’entrer dans son Royaume.

Ces dons divins d’une richesse extraordinaire permettent le détachement des biens terrestres et obligent aux dons aux malheureux. Ainsi, les croyants ont un trésor inaltérable que nul ne peut leur enlever. Attention à ne pas mettre leur coeur dans les richesses du monde.

Parabole des serviteurs vigilants

Restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées. Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte. Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : c’est lui qui, la ceinture autour des reins, les fera prendre place à table et passera pour les servir. S’il revient vers minuit ou vers trois heures du matin et qu’il les trouve ainsi, heureux sont-ils !

Cet enseignement sur l’usage de l’argent est suivi d’un autre qui va prendre de plus en plus d’importance : la vigilance. Jésus sait que les hommes vont le refuser et le faire disparaître mais il sait que son Père lui rendra la vie et qu’il reviendra à une date indéterminée. Tout au long de ce temps où le Seigneur semblera absent, la tentation sera grande de laisser la foi s’étioler et disparaître.

Il faudra absolument demeurer vigilant, vivre dans le monde tout en n’oubliant jamais que le Seigneur peut revenir d’un moment à l’autre. Sans relâchement, le disciple qui reste un citoyen du monde n’oublie pas qu’il reste surtout un serviteur de son Maître et celui-ci doit toujours guider sa conduite.

Quel bonheur pour les serviteurs en état de veille lorsque le Seigneur reviendra : il se fera leur serviteur au repas de fête de l’Alliance. Mais attention : il faut tenir jusqu’à la fin de la nuit, résister aux épreuves des ténèbres qui incitent à perdre la foi et l’espérance.

Parabole du voleur

Vous le savez bien : si le maître de maison avait su à quelle heure le voleur viendrait, il n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison. Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »

Veiller dans la foi alors que l’on est fort préoccupé par les affaires du monde, bousculé par les critiques et les objections et que d’autre part on est déçu par l’Église, n’est pas simple. A la façon des voleurs, le Fils de l’homme viendra par surprise, au moment où l’on ne s’y attend plus. Il ne s’agit pas d’être tourmenté, anxieux, inquiet mais au contraire heureux puisque, un jour, le Fils de l’homme manifestera où est l’essentiel et rétablira enfin la justice.

Parabole des intendants

Pierre dit alors : « Seigneur, est-ce pour nous que tu dis cette parabole, Ou bien pour tous ? » Le Seigneur répondit : « Que dire de l’intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de son personnel pour distribuer, en temps voulu, la ration de nourriture ? Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera en train d’agir ainsi ! Vraiment, je vous le déclare : il l’établira sur tous ses biens. Mais si le serviteur se dit en lui-même : “Mon maître tarde à venir”, et s’il se met à frapper les serviteurs et les servantes, à manger, à boire et à s’enivrer, alors quand le maître viendra, le jour où son serviteur ne s’y attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas, il l’écartera et lui fera partager le sort des infidèles.

L’intervention de Pierre introduit une instruction spéciale à l’endroit des responsables de communautés chrétiennes que la parabole compare à des intendants. Leur charge principale est de fournir la nourriture aux disciples c.à.d. le pain de la Parole de Dieu et le pain de l’Eucharistie. Pour demeurer des veilleurs et avoir la force de témoigner du Seigneur, les disciples doivent apprendre, approfondir le sens du Verbe de Vie. N’est-ce pas la méconnaissance de l’Évangile et la religion réduite à des pratiques rituelles qui sont une des causes principales du grand lâchage observé en ces dernières années ?

Mais la faute est peut-être due également à certains « intendants » qui n’ont pas bien exercé leur mission. Le relâchement de leur vigilance et l’enlisement dans la routine ont pu les faire tomber dans deux fautes dangereuses : utiliser la violence envers les brebis du Seigneur ou se laisser griser par les plaisirs terrestres. Qu’ils se ressaisissent au plus tôt car de toutes façons le Seigneur viendra et les punira, quels que soient leurs titres.

Rétribution proportionnelle

Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’a rien préparé et n’a pas accompli cette volonté, recevra un grand nombre de coups. Mais celui qui ne la connaissait pas, et qui a mérité des coups pour sa conduite, celui-là n’en recevra qu’un petit nombre. À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage. »

Tous les responsables d’Églises n’ont pas reçu une formation égale : c’est pourquoi ils seront jugés de manière proportionnelle.

Vue d’ensemble : Foi, Espérance, Amour

Ces 5 derniers dimanches nous ont présenté un portrait global de la vie du disciple telle que le Seigneur la propose.

15ème dimanche : Le Bon Samaritain. L’essentiel est d’aimer Dieu de tout son être et de tout son pouvoir. Et d’aimer l’autre homme en se faisant son prochain pour le servir.

16ème dimanche : Les deux sœurs. Grande est l’hospitalité mais plus encore l’écoute, le désir ardent de connaître l’Évangile pour en vivre. C’est notre meilleure part : offrir l’hospitalité au Seigneur dans notre coeur.

17ème dimanche : La prière. Le Seigneur nous offre le trésor de la prière, le Notre Père, qui nous installe en pleine confiance filiale et unifie tous nos désirs dans la vérité.

18ème dimanche : Parabole de l’homme enrichi. Il croyait assurer sa vie par la croissance de ses possessions. Péril de l’argent. L’avoir cherche la longévité terrestre ; la foi vise l’éternité de l’être.

19ème dimanche : La vigilance. Les disciples restent des citoyens du monde dans un monde de joies et de souffrances. L’espérance ferme du retour du Seigneur les tient éveillés pour discerner les véritables valeurs et faire les choix à bon escient. Ceux qui ont une responsabilité dans les communautés doivent doublement veiller pour exercer leur fonction.

Comme on le voit, la foi, l’espérance et la charité sont les énergies fondamentales.

La foi est le fondement de notre assurance – et non l’argent qui cherche toujours à s’y substituer.

L’espérance nous garde éveillés pour mener une existence signifiante où la justice l’emportera.

L’amour nous décentre de notre égoïsme et nous constitue enfants de Dieu.

La maison animée par les Trois est heureuse. Sûre de son fondement, éclairée par l’éveil, réchauffée par l’amour, elle guette avec confiance le moment où le Maître frappera à la porte.

Fr Raphael Devillers, dominicain.

« Arrêtons ce naufrage de civilisation »

Pape François à Lesbos, Grèce (5 12 2021)

Chères sœurs, chers frères, je suis de nouveau là pour voir vos visages, pour vous regarder dans les yeux. Des yeux remplis de peur et d’attente, des yeux qui ont vu la violence et la pauvreté, des yeux embués par trop de larmes

Une crise qui nous concerne tous

…Nous avons compris que les grandes questions doivent être abordées ensemble. …L’avenir de tout le monde est en jeu, il ne sera serein que s’il est intégré. Ce n’est qu’en étant réconcilié avec les plus faibles que l’avenir sera prospère. Parce que lorsque les pauvres sont rejetés, c’est la paix qui est rejetée. Le repli sur soi et les nationalismes – comme l’histoire nous l’enseigne – mènent à des conséquences désastreuses.

Elie Wiesel, témoin de la plus grande tragédie du siècle dernier, a écrit : « C’est parce que je me souviens de notre origine commune que je m’approche de mes frères, les hommes. C’est parce que je refuse d’oublier que leur avenir est aussi important que le mien »..

En ce dimanche, je prie Dieu de nous réveiller de l’oubli de ceux qui souffrent, de nous secouer de l’individualisme qui exclut, de réveiller les cœurs sourds aux besoins des autresurmontons la paralysie de la peur, l’indifférence qui tue, le désintérêt cynique qui, avec ses gants de velours, condamne à mort ceux qui sont en marge ! Luttons à la racine contre cette pensée dominante, cette pensée qui se concentre sur son propre moi, sur les égoïsmes personnels et nationaux qui deviennent la mesure et le critère de toute chose.

Arrêtons ce naufrage de civilisation !

Regardons le visage des enfants. Ayons le courage d’éprouver de la honte devant eux, qui sont innocents et représentent l’avenir. Ils interpellent nos consciences et nous interrogent : “Quel monde voulez-vous nous donner ?” Ne fuyons pas trop vite les images crues de leurs petits corps gisants sur les plages. La Méditerranée, qui a uni pendant des millénaires des peuples différents et des terres éloignées, est en train de devenir un cimetière froid sans pierres tombales. Ce grand plan d’eau, berceau de tant de civilisations, est désormais comme un miroir de la mort.

Ne permettons pas que la mare nostrum se transforme en une désolante mare mortuum, que ce lieu de rencontre ne devienne pas le théâtre de conflits ! Ne laissons pas cette “mer des souvenirs” devenir la “mer de l’oubli”. Frères et sœurs, je vous en prie, arrêtons ce naufrage de civilisation !

C’est Dieu que l’on offense en méprisant l’homme créé à son image, en le laissant à la merci des vagues, dans le clapotis de l’indifférence, parfois même justifié au nom de prétendues valeurs chrétiennes. La foi, au contraire, exige compassion et miséricorde – ne l’oublions pas que c’est le style de Dieu : proximité, compassion et tendresse.

La foi exhorte à l’hospitalité, Jésus affirme solennellement qu’il est là, dans l’étranger, dans le réfugié, dans celui qui est nu et affamé. Et le programme chrétien, c’est d’être là où est Jésus. Oui, parce que le programme chrétien, a écrit le Pape Benoît, c’« est un cœur qui voit »…

Prions maintenant la Vierge Marie pour qu’elle ouvre nos yeux sur les souffrances de nos frères.