2ème dimanche de l’Avent – Année C – 5 décembre 2021 – Évangile de Luc 3, 1-6

Évangile de Luc 3, 1-6

Préparez la route du Seigneur

En débutant une année nouvelle, le 1er dimanche de l’Avent nous a dit l’essentiel à savoir: le terme de l’histoire (Jésus, le Fils de l’homme glorieux, établit son règne d’amour et de paix), et, en conséquence, notre façon de vivre (parmi la succession des malheurs, rester éveillés, sur nos gardes, conscients de l’enjeu majeur).

A partir d’aujourd’hui, 2ème de l’Avent, nous allons à nouveau parcourir la vie de Jésus, le Verbe de Dieu fait homme. Nous n’évoquons pas de vieux souvenirs surannés car la liturgie actualise, rend présents les actes et les paroles de Jésus pour les disciples qui se rassemblent. S’ils sont attentifs, avides de les recevoir, ils deviennent pour eux «  Évangile »aujourd’hui. Chaque dimanche – jour de résurrection – la Bonne Nouvelle les réveille de leur somnolence et leur apporte la présence du Fils de l’homme qui ne cesse de venir pour nourrir leur foi et les unir dans sa communion

La Venue du précurseur dans l’histoire

L’an 15 du règne de l’empereur Tibère ; Ponce-Pilate étant gouverneur de Judée ; Hérode, prince de Galilée ; son frère Philippe, prince du pays d’Iturée et de Traconitide ; Lysanias, prince d’Abilène ; les grands prêtres étant Hanne et Caïphe : la Parole de Dieu fut sur Jean, fils de Zacharie, dans le désert.

L’Évangile n’est pas une fuite dans un autre monde, il ne se réduit pas à une spiritualité mystique, à une quête de développement personnel, de consolation sacrée : il se joue dans l’histoire, il est événement, au cœur des affrontements politiques et économiques. Pour éviter que le lecteur prenne les personnages de son livre pour des mythes à la ressemblance des dieux gréco-romains, Luc – qui écrit vers les années 8O-85 – aime noter les dates.

Israël est alors le seul peuple qui adore le Dieu Unique qui a fait alliance avec lui et cependant depuis des siècles il est écrasé par les grands Empires : Babylone, la Perse, la Grèce et maintenant Rome. Or, après des siècles de silence de Dieu, tout à coup un homme reçoit la Parole de Dieu : il s’appelle Iohanan (Dieu fait grâce) et Luc avait raconté sa naissance. Fils d’Élisabeth et de Zacharie, le prêtre, il devait normalement, comme celui-ci, exercer des fonctions liturgiques dans le temple de Jérusalem mais, comme jadis Jérémie et Ézéchiel, Dieu a fait bifurquer sa vocation et l’a envoyé prêcher sur les routes : le prêtre est devenu prophète.

Dans la liturgie, les hommes construisent une maison pour Dieu, on y appelle les croyants et ils font des sacrifices et des prières : avec Jean, la Parole de Dieu sort du lieu sacré et retentit sur les chemins des hommes.

Jean parcourait toute la région du Jourdain ; il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés – comme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe : «  A travers le désert, une voix crie : « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits, les routes déformées seront aplanies. Et tout homme verra le salut de Dieu ».

Jean choisit son champ d’action : non pas un désert – mot qu’il reprend à Isaïe pour correspondre à la citation – mais la vallée du Jourdain qui est la région frontalière entre Israël et la Transjordanie, pays de cultures, de transit, de contacts entre Juifs et païens – indice du futur passage de l’Évangile dans toutes les nations.

Prédication de Jean

« Il proclame » : le verbe est important car il désigne la tâche du héraut qui doit accomplir, en hâte et avec justesse et solennité, une annonce capitale qui concerne tout le peuple. Ce même verbe sera utilisé pour Jésus et les premiers apôtres. Hélas, aujourd’hui, il est davantage la pratique des médias et de la publicité qui lancent « la bonne nouvelle » de la sortie d’un nouveau modèle. Notre prédication a perdu de son tranchant : elle enseigne, elle répète, elle moralise, elle ne secoue pas. « Il cause bien, le père ! »…mais il ne cause aucun effet.

Jean proclame donc qu’il est urgent de se convertir et de manifester cette décision en se laissant plonger par lui dans les eaux du Jourdain. « Conversion » ( en grec « métanoïa »): encore un mot important. Il ne s’agit évidemment pas de changer de religion ni seulement d’accomplir quelques sacrifices de pénitence mais de prendre la décision radicale de changer son orientation de vie, de reconnaître que l’on a besoin d’être purifié. Le prophète Jean n’envoie pas ses auditeurs aux sacrifices purificateurs du temple, il n’engage pas à des ablutions répétées comme à Qûmran. C’est lui Jean qui mène ce baptême, il est unique et il est passage de la frontière du Jourdain. Car les archéologues ont retrouvé le lieu du baptême de Jean : il se situait sur la rive gauche du fleuve (en Trans-Jordanie) si bien que cela forçait les candidats à refaire le mouvement d’entrée en terre d’Israël. St Luc pouvait donc y voir comme une suite de l’histoire d’Israël, comme un nouveau retour d’exil.

La Libération

Jean proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés – comme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe : «  A travers le désert, une voix crie : « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits, les routes déformées seront aplanies. Et tout homme verra le salut de Dieu »

Au temps de Jean, Israël vit sur sa terre mais écrasé sous le joug de l’esclavage païen : soumis à la puissance colossale de l’Empire romain, la situation paraît irrémédiable. Et voilà que Jean annonce un événement extraordinaire : c’est le Seigneur lui-même qui va venir. Quelle route faut-il donc lui préparer ?

Les Cantonniers du Seigneur

Évidemment si le Seigneur vient, il n’est pas question de lui construire une autoroute, ni de préparer une navette spatiale. Les cinq travaux détaillés par Isaïe sont à prendre au sens imagé et il n’existe pas de gros engins pour faciliter leur exécution.

« Aplanir sa route – Tout ravin sera comblé –  Toute montagne et toute colline seront abaissées –  Les passages tortueux deviendront droits –  Les routes déformées seront aplanies » : Jean nous exhorte à un gros travail sur nous-mêmes. Nous usons parfois de ruses tortueuses pour obtenir des résultats, nous nous gonflons d’orgueil, ou au contraire nous nous laissons tomber dans le découragement, nous louvoyons par manque de sincérité. L’entrée dans l’Évangile nous mobilise pour tracer un chemin de clarté, de droiture, de justice, pour aménager les rencontres qui nous conduisent vers les autres. Concorde, dialogue, partage, solidarité, réconciliation, service, fin du racisme, dons aux pauvres : il nous faut construire et pratiquer ces chemins ardus afin que nous soyons certains que le Seigneur vient. Sans cela, Noël devient du toc.

Mais pour quel résultat merveilleux : « Et tout homme verra le salut de Dieu ». Certes l’événement ne sera pas le fruit de nos efforts car Dieu seul est maître de sa décision mais l’effet ne sera plus réservé au profit d’un seul peuple. « Toute chair verra le salut de Dieu ». L’Évangile aura une visée universelle.

Jean n’est que le Précurseur

Jean-Baptiste est bien le premier personnage de l’évangile et il est essentiel d’écouter sa voix et de mettre en pratique ce qu’il dit. D’ailleurs le prochain dimanche nous précisera davantage la conduite convertie qu’il nous presse de prendre. Mais en outre il nous révélera l’essentiel de sa mission : nous préparer à accueillir Celui-là qu’il annonce et qui viendra derrière lui. « Le salut de Dieu » sera Quelqu’un : Jésus de Nazareth.

Conclusion : Vivre l’Avent

L’Avent se vit dans la joie des commencements. Dieu dit : « Je vais accomplir ma promesse de bonheur » (1er dimanche). Mais il serait trop facile de déposer sa pantoufle au coin du feu pour y attendre des cadeaux. « Préparez le chemin du Seigneur » clame Jean : il faut au préalable s’atteler au dur travail de la conversion. Pour cela, il n’ y a pas de machine mais l’effort d’ouvrir les yeux, d’oser remarquer nos manques de rectitude, nos mensonges, notre passion d’accumuler, notre laisser-aller, nos découragements.

Et pour demeurer dans la joie du Seigneur qui vient avec certitude, relisons l’extrait de la lettre de Paul (lue en 2ème lecture). On y ressent tellement bien l’écho de la joie et de l’amour qui faisaient vibrer la vie des premiers chrétiens.

Frères, chaque fois que je prie pour vous tous, c’est toujours avec joie…
Dieu a si bien commencé son travail : je suis persuadé qu’il le continuera jusqu’au jour où viendra le Christ Jésus…
Que votre amour vous fasse progresser dans la connaissance…
Ainsi, dans la droiture, vous marcherez vers le Jour du Christ.
Vous aurez en plénitude la justice obtenue grâce à Jésus-Christ pour la Gloire et la Louange de Dieu ».

Chers lecteurs et lectrices, je reprends cette prière à votre intention.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.

Trois Noëls différents à vivre plus sobrement

Au fil des ans, Noël est devenu le festival de l’hyperconsommation et de l’individualisme. Nombreux sont ceux qui désirent vivre cette fête davantage en cohérence avec le message originel de la célébration de l’Incarnation : sobriété, simplicité, convivialité. Quelques conseils pour se préparer à vivre la Nativité autrement.

1. Un Noël plus solidaire

Avant tout, partez des besoins des associations plutôt que de vos propres idées ou envies. De nombreuses structures organisent des réveillons solidaires avec les personnes isolées. Prenez contact avec les associations les plus proches de chez vous, pour identifier leurs besoins : bénévolat, don d’argent, de nourriture, vêtements ou jouets. Votre démarche sera ainsi plus productive. Le Secours populaire, par exemple, vient de lancer la campagne nationale des Pères Noël verts. Le principe : organiser des actions (collecte, papier cadeau à la sortie des magasins, soirées caritatives) tout au long du mois de décembre, pour permettre aux familles accueillies toute l’année de fêter Noël à la maison avec des cadeaux et un repas amélioré. De son côté, la Fondation de France organise des Réveillons de la solidarité pour 25 000 personnes seules et fragilisées.

Les initiatives individuelles sont aussi les bienvenues. Jeune maman, Solweig a décidé de fabriquer un calendrier de l’Avent inversé. Au lieu de contenir un chocolat, l’initiative invite à faire un geste solidaire chaque jour : un petit sacrifice, de l’aide à un inconnu… « Et le week-end, il y a un cadeau spirituel et une invitation à un moment de qualité le dimanche , explique la jeune catholique. Noël est l’occasion de faire plaisir à ceux qu’on aime, mais pour ceux qui ne peuvent pas se le permettre, j’ai voulu profiter de l’Avent pour offrir un peu de mon temps, de l’argent et des produits de première nécessité à ceux qui en ont besoin …

2. Un Noël plus écologique

Guirlandes électriques, papier cadeau, surconsommation… Tous les ans, la fin du mois de décembre est sujette à beaucoup d’excès, qui ont des répercussions directes sur le plan écologique. Or, de nombreuses alternatives plus durables existent. D’abord le menu du réveillon. Pourquoi ne pas opter pour des substituts au foie gras, qui est produit à partir du gavage forcé d’oies ou de canards, ou au caviar, composé d’œufs d’esturgeons dont l’espèce est menacée ? Sans renoncer complètement aux classiques de saison, le saumon bio ou sauvage, les huîtres (dont la coquille va au compost) ou les langoustines bio peuvent être des choix plus écologiques.

Encore mieux : le repas végétarien ! Il faut environ 15 000 litres d’eau pour produire 1 kg de viande. Alors, cette année, pourquoi ne pas opter pour des légumes en chaussons ou un risotto aux champignons ? Engagée dans une démarche zéro déchet depuis trois ans, Éléonore et son mari ont voulu l’appliquer à leur façon de fêter Noël. Et cela commence… par le papier cadeau. « Ça m’a toujours fait mal au cœur de voir tout ce papier à la poubelle, souvent non recyclable . » Alors, la Dijonnaise l’a remplacé par d’immenses sacs en tissu ou a réutilisé des boîtes en carton. « Je me sers le plus souvent de sacs en kraft pour les cadeaux aux amis, et en tissu pour la famille . » Il peut aussi être intéressant de reconsidérer ce que l’on s’offre : présents dont la fabrication et les matières premières sont de qualité afin qu’on les conserve plus longtemps ; cadeaux immatériels comme des places de concert ou un soin du visage ; objets utiles plutôt que des gadgets, en demandant aux uns et aux autres de quoi ils ont vraiment besoin… D’autre part, les produits de seconde main s’imposent de plus en plus dans la façon de consommer des Français, ce qui limite l’empreinte carbone – tout en étant plus économique. Pour les achats d’objets, livres, jouets ou vêtements d’occasion, de nombreux sites et applications existent : label-emmaus.co, videdressing.com, luckyfind.fr ou vinted.fr.

3. Un Noël plus spirituel

Et parce que l’Avent sert avant tout à se préparer intérieurement à la fête de Noël, l’incontournable calendrier de l’Avent peut être une belle façon de vivre un temps spirituel (du moment qu’il ne se limite pas à la découverte de chocolats !). Les éditions de l’Emmanuel viennent par exemple de sortir un calendrier Fratelli tutti, inspiré de la dernière encyclique du pape François. Les applications de prière YouPray et Hozana proposent également un petit temps spirituel par jour pendant les quatre semaines qui précèdent Noël. Certaines abbayes invitent aussi les volontaires à venir passer quelques jours pour se préparer à la naissance du Christ. Après une année de pause due au Covid, une soixantaine de monastères en France et en France accueillent des jeunes pour vivre des week-ends spirituels et de ressourcement jusqu’au 18 décembre.

Et pourquoi ne pas vivre la nuit de Noël dans une abbaye ? De nombreux moines et moniales proposent à ceux qui le souhaitent, seul ou non, de venir vivre un temps spirituel pendant le réveillon du 24 décembre ou même du 31. C’est le cas des frères dominicains de la Sainte-Baume, dans le Var. Du 21 au 25 décembre, ils proposent une retraite intitulée Noël provençal, au pied du massif de la Sainte-Baume, en Provence (saintebaume.org).

La Vie, no. 3978, jeudi 25 novembre 2021 – extraits

Plus de pauvreté

Plus d’un quart des bénéficiaires des aides d’urgence de l’association « souffrent d’une insécurité alimentaire grave », révèle le rapport annuel sur l’état de la pauvreté en France. Même avec de l’aide, ils se privent de l’essentiel. Plus d’un quart (27%) des bénéficiaires de l’aide alimentaire « ne mangent pas pendant une journée entière ou davantage, de manière régulière.

A cette insécurité alimentaire « grave », s’ajoute une insécurité « modérée », qui concerne 53% des personnes aidées. Sauter un repas est une pratique courante dans cette catégorie, notamment lorsqu’il s’agit de se sacrifier pour ses enfants.

Caritas rappelle l’augmentation continue du recours à l’aide alimentaire en France : 2,6 millions de bénéficiaires en 2009, contre 5 à 7 millions désormais, toutes sources d’aide confondues. L’an dernier, pour 57% des bénéficiaires des chèques-services du Secours catholique, c’était la première fois qu’ils demandaient un coup de pouce pour se nourrir.

Fondation abbé Pierre : 1 Français sur 5 n’a pas les moyens de se chauffer correctement.

1er dimanche de l’Avent – Année C – 28 novembre 2021 – Évangile de Luc 21, 25 -36

Évangile de Luc 21, 25 -36

« D’où sors-je ? Où cours-je ? Dans quel état j’erre ? »

Un bon mois avant la société civile, l’Église ouvre son calendrier de l’an 2022. Ce fait est hautement symbolique puisqu’il nous invite, nous chrétiens, à nous élancer les premiers dans la nouvelle étape de l’histoire. Nous ne sommes pas toujours les meilleurs qui donnent l’exemple car l’avant-garde est soumise aux premiers tirs de l’ennemi, aux attaques du mal qui fait tout pour stopper notre élan. Mais le pire malheur est de ne pas remplir notre mission et de rentrer dans les rangs sans oser nous aventurer sur de nouveaux chemins, sans vouloir conduire l’humanité hors des ornières. A quoi sert une Église aussi conventionnelle que le monde et qui se limite à plaquer un vernis religieux par des cérémonies ? Nous entrons EN AVENT signifie aussi nous partons EN AVANT. Nous devons être les prophètes du nouveau monde.

Le Dernier Enseignement de Jésus

Comme Marc que nous écoutions l’année passée, et comme Matthieu, Luc, qui sera notre guide cette année, rapporte l’ultime et très long et très difficile enseignement de Jésus avant d’entrer dans sa Passion. Conscient de sa mort toute proche, il sait que celle-ci n’est pas l’échec de sa mission mais, tout au contraire, le tremplin pour conduire le monde et l’humanité à leur vraie fin.

En ce dimanche inaugural, nous écoutons la fin – et même écourtée – de ce discours. On y distingue trois points.

L’Ébranlement cosmique

Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées par la fracas de la mer et de la tempête. Les hommes mourront de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde, car les puissances des cieux seront ébranlées… »

Terrifiant début d’année ! Peut-on encore parler de « Bonne Nouvelle » ? Contrairement à Aristote et Marx, Jésus ne croit pas à l’éternité du monde. Mais rassurons-nous : si les savants nous annoncent eux aussi la fin de notre monde, ce serait pour dans quelques millions d’années. A moins que les hommes eux-mêmes, par leur rapacité et leur aveuglement, n’anticipent la catastrophe. Jésus a refusé de préciser toute datation.

La Venue du Fils de l’Homme

« Alors on verra le Fils de l’Homme venir dans la Nuée, avec grande puissance et grande gloire. Quand ces évènements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre délivrance approche ».

L’événement fondamental est dit de la manière la plus sobre, en quelques mots : la venue triomphale du Christ. On reconnaît tout de suite la citation du prophète Daniel qui a été rapportée à plusieurs reprises :

« Je regardais : des trônes furent installés et un Vieillard (symbole du Père) s’assit : son trône était en flammes de feu…Un fleuve de feu coulait devant lui…Je regardais dans les visions de la nuit, et voici qu’avec les nuées du ciel venait comme un Fils d’homme. Il arriva jusqu’au Vieillard. Et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté. Les gens de tous les peuples le servaient. Sa souveraineté ne passera pas ; sa royauté ne sera jamais détruite…(Daniel 7, 9-14)

Donc l’histoire de l’humanité n’est pas née sans raison pour s’achever dans le néant. Elle n’est pas une suite chaotique et insensée parce que tout se vaut. Si la violence, la haine, la trahison semblent parfois régner, causer des millions de victimes et des horreurs sans nom, le règne véritable est celui de l’amour, de la douceur, de la pauvreté, de la paix.

Edith Stein à Auschwitz, Maximilien Kolbe mourant de faim dans sa geôle sont rois tandis que leurs bourreaux sont prisonniers de leur méchanceté. La Bonne Nouvelle est moquée, bafouée, méprisée mais elle règnera éternellement. L’Évangile est la véritable libération.

On souhaiterait ensuite recevoir quelque lumière sur la suite, la mystérieuse éternité : rien n’en est dit. Ce qui seul importe c’est notre comportement aujourd’hui de disciple.

Exhortation à la vigilance

« Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans la débauche, l’ivrognerie et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste. Comme un filet, il s’abattra sur tous les hommes de la terre. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous serez jugés dignes d’échapper à tout ce qui doit arriver et de paraître debout devant le Fils de l’Homme ».

Alors que l’événement essentiel – la venue du Fils de l’homme – était dit en quelques mots, l’exhortation finale est soulignée avec beaucoup d’insistance. Le danger est double en effet : ou bien de ne plus croire qu’il y aura un jugement final et vivre à sa guise selon ses intérêts ou être obsédé par la catastrophe, se perdre dans des supputations sur les signes éventuels et même arrêter toute activité dans la certitude de son imminence.

Ce jour viendra à l’improviste, il s’abattra d’un même coup comme un filet sur l’univers des hommes. Cette fin ne dévalorise pas les projets et les activités, elle n’envoie pas les croyants hors du monde dans le désert ni ne les fait trembler d’une panique perpétuelle. Mais son annonce certaine nous met en garde notamment contre trois tentations la débauche, l’ivrognerie et les drogues, l’enlisement dans un trop grand souci des biens matériels. Remarquons que notre société moderne multiplie les efforts pour accentuer la virulence de ces passions : les médias et les réseaux sociaux deviennent rongés par la pornographie, excitent la fuite dans l’esclavage des addictions, poussent à la rage des achats compulsifs.

« Restez éveillés et priez en tout temps » : la vigilance est l’ultime et importante consigne du Christ. Elle n’appelle pas à l’insomnie ni à l’inquiétude tremblante. Mais la foi ne fait pas de nous des matous ronronnant des cantiques, des bienheureux fiers d’avoir leur « Ciel Ticket Service ».

Gros travail de rester éveillés dans une société qui fait tout pour nous endormir. « Dormez, bonnes gens, tout va bien, vous allez être augmentés. Et ne ratez pas le prochain numéro de votre série favorite ». La publicité est-elle autre chose qu’une terrible machine pour nous hypnotiser et nous rendre dociles comme des moutons de panurge ?

Soyez éveillés, clame Jésus. Sachez reconnaître les enjeux du monde et agir en conséquence.

La Prière dans la Vie

Pour cela, une grande recette essentielle : « Priez en tout temps ». Cela ne signifie évidemment pas ruminer des formules mais cesser de confiner Dieu dans les lieux sacrés et au moment de la prière du soir, ne plus séparer le sacré et le profane, laisser Dieu en-dehors de la vie ordinaire.

Comment Dieu voit-il mes habitudes d’achat, mon usage de la télévision, ma façon de placer mon argent, de chercher de hauts rendements ? « Acheter est un acte moral » disait Benoit XVI. Dans mon entreprise, que fais-je pour refuser des engagements incompatibles avec ma foi ? Pour la question du climat, que puis-je faire ? Tous les Organismes humanitaires appellent au secours car la pauvreté augmente : quel est mon quotient de partage ?

La prière en tout temps ouvre les yeux, les cœurs et les mains.

Conclusion

Jésus n’est pas madame Soleil : au seuil de l’année nouvelle, il ne nous donne pas la liste de tout ce qui va arriver. Il nous dit – et redit – l’essentiel : « Je viens ». L’histoire n’est ni un progrès incessant ni une chute vers l’abîme. « Le Fils de l’Homme vient » : or nous le connaissons bien par les évangiles et nous savons le genre de monde qu’il veut et qu’il réalise avec certitude. Ce sera une humanité qui baigne dans la clarté de la Miséricorde. Ainsi nous est révélé ce que le monde ne trouve pas : le sens.

Les yeux ouverts, remplis de confiance, le cœur éclairé par la prière, conscients de nos fautes et de nos faiblesses, nous nous élançons « en avent »

Bonne année, à vous, chers lectrices et lecteurs, sous la conduite de l’Esprit.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.

La Lutte contre l’Évasion fiscale, Mère des Batailles

En 2016, les auteurs publiaient « Sans domicile fisc » : ils prolongent la réflexion par un manifeste présentant 10 propositions pour les responsables politiques mais aussi pour tout citoyen. – Extraits de leur interview dans « La Croix », 13 11 2021.

« …Les Pandora Papers ont montré que 9750 milliards d’euros, soit 13 % de la richesse mondiale, étaient dissimulés dans des paradis fiscaux, à l’abri de l’impôt. Preuve que ce système opaque continue de prospérer dans des proportions hallucinantes – alors que nous ne sommes pas encore sortis d’une crise sanitaire dont beaucoup ne se relèveront pas.

  • Les choses pourraient changer avec le projet de réforme fiscale proposée par l’OCDE et adopté par le G20…..

Cette réforme va dans le bon sens mais le chemin est encore long… Ce projet est très en recul par rapport à la première annonce de J. Biden qui proposait un impôt minimum à un taux de 25 %. Ce taux a été fixé à 15 % ! Et il est prévu un tas de dérogations et exonérations accordées aux industries extractives. Enfin l’accord doit encore être approuvé par tous les pays, ce qui n’est pas gagné.

Quelle sera l’attitude de l’Union européenne, en particulier d’États membres comme les Pays-Bas, Malte, Chypre ou le Luxembourg qui sont de fait des paradis fiscaux bien qu’ils ne figurent pas sur la liste de Bruxelles….Au-delà des déclarations tonitruantes des responsables politiques, il faudra une pression forte de l’opinion pour faire avancer les choses.

…On nous assène que la France vit au-dessus de ses moyens, que le dépenses publiques sont trop élevées, que notre modèle social coûte trop cher, que cela nuit à notre compétivité. Pourtant, dans le même temps, une masse d’argent colossale se dissimule dans les paradis fiscaux. Entre fraude et évasion de capitaux, on estime à 80 milliards d’euros la perte fiscale. Ce trou dans les recettes est le fruit d’un hold-up des ultra-riches et des multinationales, une attaque en règle contre la République et l’intérêt général. Il est donc urgent de réarmer l’État pour lutter contre ce phénomène. Imaginez le changement si l’on parvenait à récupérer cette somme pour répondre aux grands défis du moment que sont la lutte contre le dérèglement climatique et la réduction des inégalités !

  • Dans votre livre, vous faites référence à l’encyclique Laudato Si. Un élu communiste qui cite le pape n’est pas courant !

Je me souviens du discours du pape François à La Paz de 2015. Il parlait de l’argent comme étant « le fumier du diable ». La formule m’avait percuté. Un tas de fumier amassé dans un coin ne sert à rien. Mais le fumier que l’on répand dans un champ le fertilise. A sa façon, le pape est une voix puissante pour refuser la fatalité et la résignation qui conduisent au désespoir ?. Comme lui, je crois à la capacité des humains à se rassembler pour dire  « Ca suffit ! ».

  • Vous faites une série de 10 propositions. Laquelle vous paraît la plus forte ?

Réguler la finance est l’affaire de tous. Pas seulement des dirigeants mais aussi des parlementaires ,des syndicats, des ONG, des associations, des citoyens. Voilà pourquoi nous proposons de lancer, sans tarder, une COP Finance, à l’image de ce qui se passe pour la climat, pour fonder les principes et les outils d’une véritable coopération financière et fiscale.

  • Quand on regarde le COP climat, on peut douter de l’efficacité de ce type d’assemblée.

C’est vrai. Les COP climat ne résolvent pas tout, et une COP fiscale se heurtera aux mêmes contraintes. Mais cela permet aussi de poser un constat partagé, de donner un cap, d’ouvrir la voie à une mobilisation collective. L’Europe peut jouer un rôle pilote dans la mise en place de cette nouvelle architecture faïencière mondiale…

Passée l’élection présidentielle, la première mesure serait de réunir les 27 à Bruxelles pour mettre à jour la liste des parais fiscaux de l’Union européenne et se donner une feuille de route afin de bâtir une finance éthique, seule voie de survie de l’humanité

E. et A. BOCQUET : « Sans domicile fisc », éd. Le Cherche Midi, 2016
«  Milliards en fuite », même éd. – 17 €


Réflexion sur l’éthique financière en Europe

La Commission des Épiscopats de l’Union Européenne (COMECE) vient de publier un document de réflexion sur l’éthique dans le secteur financier, appelant à une réforme pour réduire les tensions sociales et promouvoir un changement de comportements au niveau des individus et des entreprises.

L’objectif du document de la COMECE est de stimuler un débat au niveau européen sur la promotion d’un changement au sein du secteur financier, afin de réduire les effets négatifs des tensions sociales et de la crise climatique, qui augmentent en raison de la pandémie actuelle de COVID-19. « Dans la perspective chrétienne, le Bien Commun est le critère d’évaluation de nos activités financières. Nous appelons à mettre le soin au cœur de nos finances ». Les marchés bancaires et financiers devraient accorder une plus grande attention aux plus faibles parmi leurs parties prenantes par la notion de « soin » qui est un appel à aller au-delà d’une transaction de marché efficace basée sur l’équivalence, pour prendre soin du partenaire, du client, du fournisseur, de l’environnement, de la communauté locale – les comportements doivent changer au niveau des individus et des entreprises. ( Cathobel – 18 novembre 2021 )

Le Christ Roi de l’Univers – Année B – 21 novembre 2021 – Évangile de Jean 18, 33-37

Évangile de Jean 18, 33-37

« Je suis venu pour témoigner de la Vérité »

Quelque temps avant l’année civile, l’Église termine ce jour son année liturgique par la grande proclamation de sa foi : Jésus de Nazareth est bien le Roi Seigneur de l’univers. Et, paradoxe suprême, l’évangile de ce dimanche raconte comment Jésus affirme sa royauté au moment même où il va être condamné à mort.

Les autorités religieuses du temple de Jérusalem étaient en effet de plus en plus excédées par ce Galiléen depuis sa joyeuse entrée en ville, surtout suite à sa colère contre le marché aux bestiaux, ses débats où il l’emportait sur les experts, sa popularité de plus en plus grande. Quoi qu’il dise de sa douceur, la foule, enflammée par l’effervescence pascale, n’allait-elle pas se soulever derrière lui dans une révolution violente ? Cet homme était dangereux : il fallait le supprimer au plus vite. Puisque Rome, seule, avait pouvoir de condamner à mort, on réussit à capturer Jésus dans la nuit au mont des Oliviers et dès le petit matin, on livra le prisonnier à la résidence de Ponce Pilate, le gouverneur.

Les Juifs refusèrent d’entrer dans une maison païenne afin de rester purs et pouvoir consommer bientôt la Pâque : c’est pourquoi ils demeurèrent dehors. Cela va obliger Pilate à un va et vient et 7 scènes vont se succéder : à l’extérieur, il se heurte aux Juifs qui vocifèrent et exigent la condamnation à mort de cet homme ; à l’intérieur, Pilate interroge ce curieux prisonnier dont il ne voit pas la culpabilité. Qui a raison ?

1ère Scène : Dehors : Pilate et les Juifs

« Ceux qui avaient amené Jésus n’entrèrent pas dans le prétoire. Pilate vint donc les trouver à l’extérieur :

  • « Quelle accusation portez-vous contre cet homme »
  • «  Si cet individu n’avait pas fait le mal, te l’aurions-nous livré ? ».
  • «  Prenez-le et jugez-le vous-mêmes suivant votre Loi ».
  • « Il ne nous est pas permis de mettre quelqu’un à mort ».

C’est ainsi que devait s’accomplir la parole par laquelle Jésus avait signifié de quelle mort il devait mourir ».

« Ceux qui avaient amené Jésus n’entrèrent pas dans le prétoire. Pilate vint donc les trouver à l’extérieur :
« Quelle accusation portez-vous contre cet homme »
« Si cet individu n’avait pas fait le mal, te l’aurions-nous livré ? ».
« Prenez-le et jugez-le vous-mêmes suivant votre Loi ».
« Il ne nous est pas permis de mettre quelqu’un à mort ».
C’est ainsi que devait s’accomplir la parole par laquelle Jésus avait signifié de quelle mort il devait mourir ».

On voit l’embarras : les Juifs accusent Jésus pour des raisons religieuses. Pilate rétorque que ce n’est pas son rayon, qu’il est là pour juger les troubles politiques. Sa police qui surveille la ville a dû l’assurer que ce Galiléen était inoffensif. Les Juifs auraient pu faire exécuter Jésus par lapidation mais ils tiennent à ce que Rome porte la responsabilité et donc l’exécutent sur la croix.

Or Jésus déjà avait annoncé qu’il mourrait de cette façon : « Comme Moïse a élevé le serpent, il faut que le Fils de l’homme soit élevé » (3, 14). Et : « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes »(12, 32). La croix, qui est un écrasement dans l’horreur, sera donc « une élévation » comme on est élevé sur un trône et une pancarte portera l’inscription « Jésus Roi des Juifs ». Elle sera comme la représentation de l’offrande que l’humanité fait à Dieu afin d’obtenir son pardon. Les deux poutres transversales manifesteront l’union retrouvée entre ciel et terre, entre miséricorde du Dieu transcendant et amour des hommes de toutes origines. Les premières représentations de Jésus en croix seront glorieuses ; c’est l’occident qui insistera de plus en plus – trop ! – sur l’horreur de la souffrance.

2ème Scène : Dehors : Pilate interroge Jésus

Pilate rentra dans la résidence. Il appela Jésus :

  • « Tu es le roi des juifs ? ».
  • « Dis-tu cela de toi- même ou d’autres te l’ont-ils dit de moi ? ».
  • « Est-ce que je suis Juif moi ? Ta propre nation, tes grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu fait ? ».
  • « Ma royauté ne vient pas de ce monde. Si ma royauté était de ce monde, mes gardes auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Mais ma royauté maintenant n’est pas d’ici ».
  • « Tu es donc roi ?
  • « C’est toi qui dis que je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix.
  • « Qu’est-ce que la vérité ? »

Sur ces mots Pilate alla trouver les Juifs dehors…

Pilate est très perplexe devant cette situation inédite : des Juifs qui insistent pour que l’un de leurs compatriotes soit mis à mort et il ne parvient pas à comprendre leur raison. Il a entendu le mot « messie » dont il ne saisit pas la signification : chef de guerre ? révolutionnaire ?….roi ?…Jésus lui demande d’où il tient ce mot et quel sens il lui donne. Il lance : Finalement qu’as-tu fait pour que tes chefs veuillent ton exécution ?…C’est alors que Jésus peut ouvertement parler de sa royauté et comment il faut entendre cette affirmation.

Donc Jésus affirme bien qu’il est roi, il parle de « ma royauté »par trois fois. Mais celle-ci « n’est pas de ce monde ». Attention : cela ne signifie pas que cette royauté ne s’exercera que plus tard, dans un autre monde ultra-terrestre. Son Royaume est bien là, ici, maintenant mais il ne s’établit pas, il ne s’exerce pas à la manière des royaumes du monde. Ceux-ci ont un territoire limité, le roi siège dans des palais somptueux, il impose son pouvoir par succession ou par la force, il dirige tous ses sujets, il déploie sa puissance par l’apparat, la force, les grandeurs, le luxe. Il dirige une police et une armée qui sévissent sans pitié.

Le royaume de Jésus contredit de bout en bout cette conception : il ne s’établit pas sur un territoire délimité, ne dispose pas d’une force qui le défend. A Gethsémani, les pauvres apôtres ont bien tenté un essai mais Jésus les en a dissuadés sur le champ : « Celui qui emploie l’épée périra par l’épée ». Il n’a pas de trône, n’étale aucun faste, n’appelle que les volontaires.

En quoi donc consiste cette mystérieuse royauté ?

  • Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité, écoute ma voix.

Tout ne s’éclaire que si l’on croit que Jésus, comme il l’affirme, a son origine près de son Père ainsi que l’affirmait d’emblée le prologue : « Au commencement était le Verbe, le Verbe était tourné vers Dieu et le Verbe était Dieu …Il était dans le monde et le monde fut par lui, il est venu chez les siens …Et le Verbe fut chair et il a habité parmi nous » (1, 1-14). Il n’est pas venu comme déflagration fulgurante, ni pour montrer Dieu, ni pour l’expliquer, ni seulement pour transmettre sa Loi comme Moïse. Il est venu et il a été et il est par son être, ses paroles et ses actes « Témoin de la Vérité ».

Comment établit-il son royaume ? Non sur un peuple ni sur un territoire. Non par la force ni par la séduction.« Il PARLE ». Selon la parabole, Il lance des messages comme des graines à tout vent. Comme le Bon Pasteur, il hèle ses brebis, dont le cœur est ouvert à la lumière ; celles qui le connaissent, qui le reconnaissent, accourent vers lui et marchent à sa suite. Celui dont le cœur est faussé par des désirs mauvais – se réaliser dans l’orgueil, l’avidité des biens, la dureté…- n’entend pas cette voix, refuse de l’écouter, s’en moque.

Pilate a fait des études, il a étudié les philosophes grecs et latins, il a participé à des débats sur les grandes questions qui agitent l’humanité. Il est parvenu au scepticisme, à la conviction que l’on ne saura jamais la vérité. C’est pourquoi excédé par ce curieux prisonnier, il se lève brusquement pour rejoindre le groupe dehors : « Bah qu’est-ce que la vérité ? ». Un mythe, un rêve. Et il se détourne de ce Juif ridicule qui était devant lui « la Vérité » (14, 6)

Il est gravissime de capituler devant la recherche de la lumière. Peu après, alors même que, par trois fois, Pilate vient d’affirmer qu’il ne trouve aucune raison de condamner cet homme, les Juifs le menaceront de déclencher une émeute et de l’en déclarer coupable à Rome. Sa carrière est en jeu : Pilate craque et signe l’arrêt de mort de Jésus qu’il a déclaré innocent !!. Qui tourne le dos à la lumière bascule dans la trahison et le crime.

3ème Scène : Dehors : Pilate libère Barabbas

4ème Scène : Dedans : Flagellation et parodie du couronnement impérial

5ème Scène : Dehors : Jésus exhibé : On exige sa mort

6ème scène : Dedans : Jésus devant Pilate décidé à le relâcher

7ème Scène : Dehors : Jésus exhibé : la foule exige sa mort ; Pilate cède.

Conclusion

Deux remarques importantes. Il serait faux (comme on la fait) d’accuser l’ensemble du peuple juif. L’immense foule des pèlerins ne connaissait pas Jésus ; pris par tous les préparatifs de Pâque, ils n’ont même rien su de cette scène.

Pilate représente la multitude partagée devant ce personnage de Jésus. On ressent pour lui une certaine sympathie mais les confrères, les médias, les désirs de réussir sa carrière, l’acharnement au travail, le goût des divertissements font qu’on se laisse entraîner….Chers parents, vous verrez sans doute de vos enfants quitter cette foi que vous avez tenté de leur transmettre. Dites-leur une chose essentielle : On ne badine pas avec la vérité ; « Il faut aller à la Vérité avec toute son âme » (Simone Weil)

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.

Pape François

«   Libérer le sacré de ses liens avec l’argent »

(Angelus 7 11 21)

Le pape François a commenté l’Évangile du jour (Mc 12,41) qui opposait les dons ostentatoires des scribes du Temple au don radical de la femme pauvre qui donne tout ce qu’elle a. Un épisode qui invite à « mieux regarder », a-t-il insisté, et à se méfier des hypocrites.

Le Pape a exhorté chacun à ne pas fonder sa vie « sur le culte de l’apparence, de l’extériorité » et pire, à « ne pas plier la foi à [ses] propres intérêts ». Il a rappelé que ceux qui utilisent « la religion pour s’occuper de leurs affaires, abusant de leur autorité et exploitant les pauvres », font partie du « mal du cléricalisme ». 

Au contraire, le chemin à suivre est celui de la veuve, « maître de foi » qui « n’a plus rien, mais […] trouve son tout en Dieu … Elle n’a pas peur de perdre le peu qu’elle a, car elle a confiance en l’abondance de Dieu, qui multiplie la joie de ceux qui donnent ». « Ses pièces sonnent plus belles que les grandes offrandes des riches, car elles expriment une vie consacrée à Dieu avec sincérité », a continué le Pape. C’est seulement ainsi, a-t-il conclu, que l’on peut « guérir » de la « maladie dangereuse de l’âme » qu’est l’hypocrisie.

« Secoue ta foi ! »

(Audience 10 11 2021)

Concluant son cycle d’enseignements consacré à la Lettre de l’apôtre Paul aux Galates, le pape a médité sur la « liberté apportée par le Christ », qui n’est ni « libertinage » ni « autosuffisance présomptueuse » mais se vit « dans le service de la charité ». Ce chemin n’est pas sans difficultés : « La seule chose que nous pouvons faire dans les moments difficiles est de réveiller le Christ, qui est dans notre cœur. Il dort mais il est présent », a-t-il souligné en s’inspirant d’une homélie de saint Augustin : « Tu entends des insultes, tu es fatigué, tu es contrarié, et Christ dort. Réveille le Christ, secoue ta foi !»

« Même dans la tourmente, tu es capable de faire quelque chose », car le Christ voit au-delà de la tempête. Il voit « un panorama qui, par nous-mêmes, n’est même pas concevable ». Au fil de sa catéchèse, le pape a mis en garde le chrétien contre « la tentation de revenir en arrière » pour plus de sécurité. « Nous ne sommes pas des personnes qui reviennent sur leurs pas », a-t-il insisté. Et d’encourager : « Ne vous lassez pas de faire le bien.»

Le Pape a encouragé à invoquer plus souvent l’Esprit Saint pour obtenir son soutien. Il a recommandé « une prière spontanée », qui naît du cœur et dont le mot-clé est « viens ! » : « Viens, a prié le pape, parce que je suis en difficulté, viens parce que je suis dans l’obscurité… Viens parce que je ne sais pas quoi faire, viens parce que je vais tomber. » Et de conclure : « Et ainsi nous serons des chrétiens libres, non pas enchaînés.»

Concile Vatican II : La Liberté Religieuse

Ne se voulant pas Messie politique dominant par la force, il préféra se dire Fils de l’Homme, venu « pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude » (Mc 10, 45). Il se montra le parfait Serviteur de Dieu , qui « ne brise pas le roseau froissé et n’éteint pas la mèche qui fume encore » (Mt 12, 20).

Il reconnut le pouvoir civil et ses droits, ordonnant de payer le tribut à César, mais en rappelant que les droits supérieurs de Dieu doivent être respectés : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22, 21).

Enfin, en achevant sur la croix l’œuvre de la rédemption qui devait valoir aux hommes le salut et la vraie liberté, il a parachevé sa révélation. Il a rendu témoignage à la vérité , mais il n’a pas voulu l’imposer par la force à ses contradicteurs.

Son royaume, en effet, ne se défend pas par l’épée , mais il s’établit en écoutant la vérité et en lui rendant témoignage, il s’étend grâce à l’amour par lequel le Christ, élevé sur la croix, attire à lui tous les hommes.

Instruits par la parole et l’exemple du Christ, les Apôtres suivirent la même voie. Aux origines de l’Église, ce n’est pas par la contrainte ni par des habilités indignes de l’Évangile que les disciples du Christ s’employèrent à amener les hommes à confesser le Christ comme Seigneur, mais avant tout par la puissance de la Parole de Dieu.

33ème dimanche – Année B – 14 novembre 2021 – Évangile de Marc 13, 24-32

Évangile de Marc 13, 24-32

L’Ultime Enseignement de Jésus :
« Veillez, soyez attentifs »

Contrairement à ce que l’on attendait, Jésus n’a ni soulevé la révolte contre les occupants romains ni envoyé en enfer les gens immoraux : c’est la vérité du rapport à Dieu qui est central. Jésus est entré dans le temple et a essayé d’obtenir sa conversion. En vain. Les autorités religieuses ayant absolument refusé ses appels, Jésus sort du temple et, à ses disciples qui s’extasient sur la beauté de cet édifice, il fait une déclaration stupéfiante : « Il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit ». Là-dessus, il se rend sur la colline d’en face, le mont des Oliviers, où les 4 grands apôtres, Pierre, Jacques, Jean et André, l’interrogent : « Dis-nous quand cela arrivera et quel sera le signe que tout cela va finir ». En effet ils croient que la fin du temple marquera la fin des temps.

Jésus leur répond par un très long discours, étonnant chez Marc où il est toujours très bref. C’est son ultime enseignement : tout de suite après commencera le récit de la passion. La liturgie n’en donne qu’un extrait mais il est important d’en retenir les points essentiels car il s’agit de l’apocalypse qui éclaire notre histoire. Aujourd’hui dans les médias, un « spectacle apocalyptique » désigne une vision d’horreur et de catastrophes. Or au sens étymologique grec, une apocalypse signifie une « révélation » : c’est la chance de recevoir une lumière sur une histoire obscure. Dans la bible, l’’apocalypse est une bonne nouvelle qui « révèle » la victoire de Dieu au milieu de toutes les détresses.

L’Histoire continue

L’opinion commune croyait en général que la venue du Messie signalait la fin des temps avec la victoire définitive du bien sur le mal et une éternité de bonheur pour les élus de Dieu. Eh bien non, révèle Jésus. On va même me mettre à mort mais effectivement je suis bien le Messie, l’unique, mais l’histoire va se poursuivre avec ses cahots. Croyez et retenez bien mes enseignements.

13, 5 – « Prenez garde que personne ne vous égare. Beaucoup diront : « C’est moi le sauveur » et ils égareront bien des gens ».

Mise en garde primordiale, souvent oubliée. Des dictateurs, des idéologies prétendront apporter le salut que l’Évangile n’a pas donné. Ah si les évêques allemands avaient mis en garde leur peuple contre ce fanatique qui promettait le royaume ! Ah si les chrétiens avaient refusé de suivre ceux qui assuraient le bonheur général par l’exploitation effrénée pour une consommation à tout-va …et qui va à la destruction !

13, 7. « Il y aura des guerres, des tremblements de terre, des famines …».

Devant la succession des catastrophes, il ne faut pas croire que « la fin du monde est proche ». La création se tord dans les douleurs de l’enfantement du nouveau monde. (Rom 8, 22).

13, 9 « Les disciples de Jésus seront livrés aux tribunaux. Ainsi ils témoigneront : il faut que l’Évangile soit proclamé à toutes les nations. Ne vous inquiétez pas : dites ce que l’Esprit-Saint vous dira. Les membres d’une même famille se dénonceront. Vous serez haïs de. tous à cause de Moi. Celui qui tiendra jusqu’à la fin sera sauvé ».

Les premiers lecteurs de Marc à Rome en ont fait l’expérience. On a mis à mort les premiers apôtres, on vient de tuer Pierre, on pourchasse les chrétiens, les familles se déchirent. Jésus avait promis le bonheur des béatitudes mais la dernière annonçait déjà les persécutions. Le monde hait et haïra toujours le message de l’Évangile qui contredit son égoïsme, sa cupidité, sa violence.

13, 14 « Il y aura un terrifiant malheur en Judée : fuyez vite …Alors si quelqu’un vous dit que le Messie est là, ne le croyez pas. De faux messies se lèveront, feront des signes pour égarer, même les élus. Prenez garde, je vous ai prévenus de tout ».

Cee passage mystérieux est sans doute une allusion à la révolte qui a provoqué la terrible guerre entre Juifs et Romains et qui a abouti à la destruction de la ville et à l’incendie du temple en l’an 70. Tout ce passage se termine donc comme il a commencé : par une vigoureuse mise en garde contre le danger de se laisser prendre par les faux messies. Signe que cette tentation est virulente. Là-dessus on enchaîne sur le texte qui constitue l’évangile de ce dimanche.

La Venue du Fils de l’Homme

13, 24 « En ces temps-là, après une terrible détresse, le soleil s’obscurcira, la lune perdra son éclat ; les étoiles tomberont, les puissances célestes seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’Homme venir sur les nuées avec grande puissance et grande gloire : il enverra les anges pour rassembler les élus des 4 coins du monde ».

Les prophètes utilisaient déjà ces images de perturbations cosmiques pour raconter un événement « bouleversant » qui secoue l’équilibre du monde et montre que les plus puissantes forces cosmiques sont ébranlées par l’événement voulu par Dieu. Cet événement, c’est l‘accomplissement du célèbre songe de Daniel : « Des trônes furent installés, le Vieillard s’assit, les livres furent ouverts. Et voici qu’avec les nuées du ciel venait comme un Fils d’Homme : il arriva jusqu’au Vieillard et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté…Sa souveraineté ne passera pas et sa royauté ne sera jamais détruite » (Dn 7, 14).

Et le Fils d’homme – titre que Jésus s’est toujours approprié – envoie ses apôtres afin de rassembler dans la paix les élus, qui ne sont pas une élite privilégiée, mais ceux et celles qui sont demeurés fidèles à leur vocation.

La Parabole du figuier

13, 28. « Que la parabole du figuier vous instruise : des que ses branches sont tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. De même vous aussi, lorsque vous verrez cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte ».

Les apôtres demandaient à Jésus à quel signe ils reconnaîtraient que la fin approche. Contrairement à ce qu’ils pensaient et qui reste l’opinion répandue, Jésus les invite donc par cette parabole à guetter plutôt les signes de renaissance de la vie. Lorsque vous verrez ses envoyés proclamer sa Bonne Nouvelle dans le monde entier, opérer des conversions, guérir les cœurs de leurs péchés, les remplir de concorde, de joie, de paix, alors réjouissez-vous : la Vie nouvelle est en train d’éclore, les premiers fruits apparaissent. Plutôt que de vous laisser écraser à l’écoute des catastrophes, voyez cette multitude de petits gestes de réconciliation, de dévouement, de service qui jaillissent dans l’ombre et dont les médias ne disent rien. Là est l’avenir du Nouveau Monde qui vient, là se devine l’action du Fils de l’Homme.

Certitude et Vigilance

L’enseignement se poursuit par une remarque étonnante mais qui s’éclaire si on lit la fin du discours de Jésus

13, 30. « Amen je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront : mes paroles ne passeront pas. Quant au jour et à l’heure, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils mais seulement le Père. Prenez garde, restez éveillés car vous ne savez pas quand ce sera le moment. C’est comme un homme qui part en voyage, il a laissé sa maison, confié à ses serviteurs l’autorité, à chacun sa tâche. Il a donné l’ordre au portier de veiller. Veillez car vous ne savez pas quand le maître va venir, le soir, à minuit, à l’aurore, le matin. Craignez qu’il n’arrive à l’improviste et ne vous trouve en train de dormir. Ce que je vous dis, je le dis à tous : VEILLEZ ! »

En effet le Fils de l’Homme va, les jours suivants, recevoir le couronnement et la souveraineté. Mais de quelle façon inimaginable ! Hissé et couronné sur le gibet de la croix, il recevra la Vie de son Père et ouvrira son Royaume. Et si le temple de Jérusalem disparaît, 40 ans plus tard, les anges, les apôtres, les envoyés du Seigneur se disperseront aux quatre coins du monde.

L’histoire se poursuivra pour une durée indéterminée et elle verra se succéder des tsunamis épouvantables, des séismes, des guerres. Des faux prophètes assureront qu’ils apportent enfin le bonheur : ne les croyez jamais. Alors qu’ils ne prêchent que la paix, les envoyés de Jésus seront en butte à la méfiance, à l’hostilité, à la haine. On les jugera, on les condamnera, ils subiront les plus affreux supplices.. Même des familles s’entre-déchireront. Des multitudes de prisonniers rendront témoignage, inspirés par l’Esprit. Leur martyre sera la plus haute des proclamations.

Dans ce processus séculaire où se mêlent proclamations, conversions, rejets, il est impossible de fixer une date. C’est le secret du Père. Dans cet univers bouleversant, le Sauveur a créé sa maison, la communauté universelle des croyants, et chacun y a sa tâche à remplir. Et le Fils de l’Homme, Seigneur, reviendra.

Plutôt que de spéculer sur le calendrier, il ne nous donne qu’une consigne capitale, c’est le dernier mot de son enseignement : VEILLEZ. Non qu’il faille vivre dans la crainte et le tremblement, l’inquiétude et l’angoisse.

Au contraire, le croyant vit comme son Seigneur le lui a appris, confiant dans sa miséricorde. Éclairé par son enseignement, il remplit sa tâche en union avec ses frères et sœurs. Pour lui l’histoire n’est pas absurde : elle a un sens. Sa mission est de tenir allumée la Lumière de la Bonne Nouvelle.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.

Dans une culture de l’immédiat (1ère partie)

Par MARK PADREZ, Dominicain

« … Notre culture a radicalement changé. En seulement 30 ans, nous sommes devenus très différents en raison de la technologie. De l’ordinateur, Internet, téléphones portables, tablettes, à Face Book, Twister, Instagram, Amazon et Zoom. Nous avons un accès immédiat les uns aux autres, aux divertissements, à la nourriture, aux vêtements, aux transports et tant d’autres choses.

Tout cela a changé notre manière d’être en relation les uns avec les autres ou plutôt de ne pas l’être. Nous nous sommes ancrés dans notre propre petit monde, dans ce que nous pensons et croyons, et cela est renforcé et réaffirmé par les nouvelles et les blogs que nous choisissons de lire, les podcasts que nous écoutons et les vidéos que nous regardons. Et ce n’est pas seulement en politique mais dans notre pratique religieuse, notre foi.

Dans ce petit monde que nous avons créé, nous n’écoutons pas et nous ne cherchons pas la vérité, mais nous écoutons et recherchons ceux en qui nous avons confiance. Notre culture est clivée : extrême droite, extrême gauche, militantisme, discours haineux, discriminations, violence et même meurtre.

Les progrès technologiques ont sans aucun doute façonné notre monde pour un mieux à bien des égards, mais il y a eu un prix à cela. Notre monde ne souffre pas d’une crise d’autorité mais plutôt d’une crise d’authenticité.

Culture de la Rencontre

…Il y a un exemple que je voudrais présenter. Cela s’est passé le 6 novembre 2013. A la fin de l’audience avec environ 50 000 participants, le pape François a aperçu un homme dans la cinquantaine. Il était assis dans un fauteuil roulant et accompagné de sa tante Lotto. Celle-ci se souvient : « …Quand il s’est approché de nous, j’ai pensé qu’il me donnerait la main. Au lieu de cela, il est allé directement à Vinicio et l’a serré dans ses bras. Je pensais qu’il ne le rendrait pas ; il le tenait si fort. Nous n’avons rien dit, mais il m’a regardé…un regard magnifique tout à fait inattendu. Vinicio, habitué aux regards choqués et effrayés à cause de la maladie qui le défigurait dit : « Il n’a aucune peur…J’ai tremblé. J’ai ressenti une grande chaleur…J’avais l’impression de rentrer chez moi dix ans plus jeune, comme si j’avais été libéré d’un grand poids ».

Ces images ont fait le tour du monde…Le geste muet et éloquent du pape ne pouvait pas laisser indifférent…Il ne s’agissait pas d’un coup publicitaire. La caresse du pape était une expression authentique de la façon dont il comprend son ministère pour l’Église et pour le monde. Depuis qu’il a pris la direction de. l’Église, le pape a souligné la nécessité de tendre la main et de susciter une culture de la rencontre…Les pauvres, les faibles et les misérables confirment que François met en pratique ce qu’il prêche !

La promotion par le pape d’une culture de la rencontre attire notre attention et mérite une profonde réflexion.

Conférence aux Dominicains de France – juillet 2021
Texte paru dans « Prêcheurs : Bulletin de liaison des Dominicains de France- n°248)

32ème dimanche – Année B – 7 novembre 2021 – Évangile de Marc 12, 38-44

Évangile de Marc 12, 38-44

Elle donne tout qu’elle a : Je donnerai tout ce que je suis

La liturgie ayant sauté quelques passages dans la lecture de Marc, il est bon de rappeler les cinq ultimes controverses qui ont opposé Jésus à ses adversaires : elles expriment les convictions profondes qui le conduiront à la croix.

11, 27 – 12, 12 : contre les grands prêtres, scandalisés par son intervention vigoureuse contre le marché installé sur l’esplanade, il s’est justifié par une parabole : il est le fils envoyé par son Père afin de faire donner du fruit à une vigne stérile. On le tuera mais le Père donnera la vigne à d’autres. Donc Jésus est absolument certain d’être en train d’accomplir la mission reçue de son Père.

12, 13-17 : aux pharisiens et autres tentés par la révolte contre l’occupant, il conseille de payer le tribut. « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Toute révolte finirait dans un bain de sang (ce qui surviendra en 66-70 avec la destruction de la ville et de son temple)

12, 18-27 : aux sadducéens sceptiques, il affirme la certitude de la résurrection des morts. La croix l’horrifie mais ne le fera pas reculer.

12, 28-34 : à un scribe, il affirme que le grand commandement est d’aimer Dieu de tout son être, et d’aimer son prochain comme soi-même. Ce qui ouvre le salut à tous les peuples.

12, 35-37 : à son tour Jésus fait la leçon aux scribes : déjà un ancien psaume donnait au Messie le titre divin de « Seigneur ».

Ainsi le simple charpentier de Nazareth parvient chaque fois à éviter tous les pièges et à faire de meilleures réponses que tous les spécialistes qui pensaient le dévaluer aux yeux du peuple. Au contraire, les gens sont ravis des réponses de Jésus et ils l’écoutaient avec plaisir (12,37). Jésus est donc conscient de son identité, de la haine qui monte contre lui mais il est certain de la vérité de sa vie. C’est en écoutant et en assimilant son enseignement que, peu à peu, et à travers nos faiblesses, nous mènerons une vie de disciple messianique.

Aujourd’hui nous écoutons la finale de cette série d’altercations : maintenant Jésus attaque – et durement !

Jésus dénonce les défauts des scribes

Dans son enseignement, Jésus disait : «  Prenez garde aux scribes qui tiennent à déambuler en grandes robes, à être salués sur les places publique, à occuper les premières places dans les synagogues et les premières places dans les dîners. Eux qui dévorent les biens des veuves et font pour l’apparence de longues prières : ils subiront la plus rigoureuse condamnation ».

Pourquoi sont-ce les scribes qui restent la cible de ces flèches ? Parce que Marc écrit son livret après l’an 70 : la révolte a abouti à la catastrophe, le temple est incendié, il n’y a plus de sacrifices par les prêtres. Le cœur de la foi et du culte réside dans le rouleau des Écritures sacrées. Les Scribes pharisiens sont devenus les personnalités les plus importantes, étudiant et commentant la Torah dans les synagogues. L’étude devient sacrée. C’est alors que se développe une hostilité de plus en plus féroce entre les scribes juifs et les communautés chrétiennes qui se développent partout en acceptant des païens et en remettant en cause certaines pratiques de la Loi.

Assidus à l’étude, intelligents, éloquents, certains maîtres deviennent imbus d’eux-mêmes, vénérés par une cour de disciples. Admirés par la foule, tentés de se juger supérieurs, ils se revêtent de tuniques remarquables qui les démarquent du commun, arborent fièrement les insignes religieux. Leur arrivée se remarque de loin, le peuple multiplie les courbettes. On s’honore d’inviter aux sièges d’honneur ces grands personnages dont on boit les paroles. On admire leur piété qui semble infatigable mais est-elle sincère ? Pire encore, certains maîtres exhibent une dévotion pour s’attirer les bonnes grâces de veuves fortunées et capter leur héritage. Hypocrisie, vanité, cupidité.

Toutefois il faut faire deux remarques. Comme nous-mêmes, Marc généralise. Il ne faut pas mettre tous les scribes dans le même sac : Jésus lui-même a admiré l’un d’eux qui partageait sa vision. D’autre part, le jugement très dur contre pharisiens et scribes ne doit pas entraîner un antijudaïsme (ce qui a été le cas) : les évangélistes veulent mettre en garde les nouveaux scribes et théologiens chrétiens afin qu’eux-mêmes ne retombent pas dans ces mêmes travers qui guettent toujours les détenteurs d’autorité. Rappelons-nous comment Jésus tançait sèchement ses apôtres avides des places d’honneur : « Le premier d’entre vous sera l’esclave de tous ».

Enfin le séjour de Jésus dans le temple se termine par une petite scène qui sert d’avertissement général et d’ouverture pour la suite.

La Générosité Authentique

Assis en face du tronc, Jésus regardait comment la foule mettait de l’argent dans le tronc. De nombreux riches mettaient beaucoup. Vint une veuve pauvre qui mit deux petites piécettes, quelques centimes. Appelant ses disciples, Jésus leur dit : «  En vérité je vous le déclare : cette veuve pauvre a mis plus que tous ceux qui mettent dans le tronc. Car tous ont mis en prenant sur leur superflu mais elle, elle a pris sur sa misère pour mettre tout qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre ».

Alors Jésus sortit du temple……….

Dans un dernier tour de l’esplanade, Jésus s’arrête près de la salle du trésor où des troncs recueillaient les dons des fidèles en vue de l’entretien et de la finition des bâtiments. Un brin amusé, il observait la tactique de certains grands personnages bien vêtus qui s’arrangeaient pour que les passants remarquent et entendent résonner les piles de pièces qu’ils glissaient dans le tronc. Certains observateurs manifestaient leur admiration pour ces hommes si généreux. Par contre personne ne prêtait attention à une pauvre veuve qui se faufilait pour laisser tomber 2 ou 3 piécettes sans guère de valeur.

Jésus n’est pas dupe de cette comédie et il rectifie le jugement naïf de ses disciples par un enseignement qui lui paraît important en l’introduisant par un« Amen » solennel. Cette femme est la seule personne généreuse car elle a donné tout ce qui lui restait pour vivre. Les autres, qui n’ont offert qu’un peu de leur superflu, sont des fats vaniteux et imbéciles: non seulement ils ne se privent de rien mais en outre ils s’attirent les félicitations du peuple.

Autrement dit la générosité ne s’évalue pas selon la grandeur du don mais selon la proportion entre la possession et le don. Un milliardaire qui, ému par la misère des sinistrés des inondations récentes, verse 10 millions d’euros à la Croix-Rouge n’est ni généreux ni charitable puisque son geste ne grève en rien son train de vie et n’est qu’un premier pas sur la voie de la justice. Il faut cesser de confondre charité et obole.

« Alors Jésus sortit du temple »

Naguère en Haute Galilée, Jésus a pris le grand tournant de sa vie : monter à Jérusalem pour la Pâque(8, 31).

En chemin il a répété à ses disciples qu’il serait rejeté par les autorités religieuses et il leur a clairement donné un enseignement difficile. Mais un disciple, comme son maître, doit donner sa vie. Après une dernière halte au village de Béthanie, assis sur un âne, il fit son entrée en ville acclamé par la foule qui guette la venue du règne de David.

Tout de suite Jésus entre dans le temple (11, 11) ; le lendemain il tente d’éliminer le marché aux bestiaux que les grands prêtres y avaient installé pour des raisons lucratives : toucher les locations juteuses des emplacements (11, 15) ; chaque jour suivant il revient sur l’esplanade où il enseigne le peuple et où les autorités le criblent de questions. La tension monte, le piège se referme sur Jésus qui sent grandir la menace. Une dernière fois, il ose dénoncer la vanité et la cupidité des scribes pharisiens (12, 38).

Et enfin, en contraste avec cette société cupide et injuste, Jésus montre la grandeur d’une pauvre femme qui donne son avoir, « tout ce qu’elle avait pour vivre »(12, 44). C’est le dernier enseignement de Jésus dans le temple. Et tout à coup la modeste silhouette de cette femme s’éclaire, son geste semble inviter Jésus à donner tout lui aussi. Elle a donné le tout de son avoir : à présent Jésus va donner le tout de son être.

Ainsi Marc enchaîne : « Et Jésus sortit du temple »(13, 1). Et il n’y reviendra plus ! Sa tentative de convertir tout l’appareil du temple se solde par un échec. Il sait que son heure est venue : les autorités sont décidées à en finir avec ce perturbateur dangereux. Sur la croix, il va donner sa vie. Mais son Corps ressuscité deviendra le nouveau Temple universel ouvert à la prière de toutes les nations.

Il faut apprécier comment Marc, et les autres évangélistes, ont souligné la place des femmes dans la vie et la mission de Jésus : attitude très insolite pour l’époque.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.

Résister à la domination de la finance

«  …Ce sont des réflexions importantes à l’heure où les incertitudes et la précarité qui marquent l’existence de tant de personnes et de communautés sont aggravées par un système économique qui continue de se débarrasser des vies au nom du dieu argent, en inculquant des attitudes rapaces à l’égard des ressources de la Terre et en alimentant tant de formes d’inégalité ».«Dénoncer le mal» ne suffit pas: il faut aussi «promouvoir le bien».

Faire germer un nouveau modèle économique

«Dans le sol pollué par la domination de la finance, nous avons besoin de nombreuses petites graines qui feront germer une économie juste et bénéfique, à l’échelle humaine et digne de l’homme. Cela signifie traduire la doctrine sociale de l’Église en pratique». 

Sortant de son texte, le Pape a évoqué une discussion qu’il avait eu avec une femme économiste, qui avait reconnu son impuissance à relier sa responsabilité dans la finance avec des notions d’humanisme et de foi qu’elle voulait mettre en pratique.

Le Pape a expliqué que les trois mots «solidarité, coopération et responsabilité» sont les pierres d’angle de la doctrine sociale de l’Église «qui considère la personne humaine, naturellement ouverte à la relation, comme le sommet de la création et le centre de l’ordre social, économique et politique». La pensée économique et sociale de l’Église s’oppose donc à la fois à une dérive «individualiste» mais aussi à la logique «collectiviste»«qui réapparaît aujourd’hui dans une nouvelle version, cachée dans les projets de standardisation technocratique».

Un lien direct avec la Parole de Dieu

«La doctrine sociale est ancrée dans la Parole de Dieu, afin d’orienter les processus de promotion humaine à partir de la foi en un Dieu fait homme. C’est pourquoi elle doit être suivie, aimée et développée: reprenons la doctrine sociale, faisons-la connaître: elle est un trésor de la tradition de l’Église ! C’est précisément en l’étudiant que vous vous êtes sentis vous aussi appelés à vous engager contre les inégalités, qui frappent surtout les plus faibles, et à œuvrer pour une fraternité réelle et effective».

Le Pape a aussi relié cette trilogie «solidarité, coopération, responsabilité » avec «le mystère de Dieu lui-même, qui est Trinité. Dieu est une communion de personnes et nous pousse à nous réaliser par une ouverture généreuse aux autres (solidarité), par la collaboration avec les autres (coopération), par l’engagement envers les autres (responsabilité)».

Dans tous les domaines, nous sommes aujourd’hui plus que jamais obligés de témoigner du souci des autres, de sortir de nous-mêmes, de nous engager avec gratuité dans le développement d’une société plus juste et équitable, où l’égoïsme et les intérêts partisans ne prévalent pas. En même temps, nous sommes appelés à être vigilants quant au respect de la personne humaine, de sa liberté et de la protection de sa dignité inviolable».

Une marche avec Jésus à nos côtés

Dans ce chemin, même si cela signifie aller à contre-courant, «nous ne sommes pas seuls. Dieu s’est approché de nous. Pas avec des mots, mais avec sa présence: en Jésus, Dieu s’est incarné. Et avec Jésus, qui s’est fait notre frère, nous reconnaissons en chaque homme un frère, en chaque femme une sœur.»

Les chrétiens sont donc «appelés à un amour sans frontières et sans limites, signe et témoignage que nous pouvons aller au-delà des murs de l’égoïsme et des intérêts personnels et nationaux;

au-delà du pouvoir de l’argent qui décide souvent des causes des peuples;

au-delà des barrières des idéologies, qui divisent et amplifient la haine;

au-delà de toutes les barrières historiques et culturelles

et, surtout, au-delà de l’indifférence: cette culture de l’indifférence qui, malheureusement, est quotidienne ».

«C’est donc une grande tâche que de construire un monde plus solidaire, plus juste et plus équitable. Pour un croyant, ce n’est pas quelque chose de pratique détaché de la doctrine, mais c’est donner corps à la foi, à la louange de Dieu, à l’amour de l’homme, à l’amour de la vie.

Oui, chers frères et sœurs, le bien que vous faites à chaque personne sur la terre réjouit le cœur de Dieu au ciel. Poursuivez votre voyage avec courage», a conclu François, avant de bénir les participants.


COP 26 : François demande des « réponses efficaces »

Les représentants de quelque 200 pays se réunissent à partir de ce dimanche 31 octobre pendant deux semaines, à Glasgow, afin de participer à la COP26. L’objectif : s’accorder sur la façon de réduire davantage leurs émissions de CO2 avec l’esprit de maintenir le réchauffement en-dessous +1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle.

Le pape François a lancé un appel afin de relever le « défi de civilisation » que représente pour l’humanité la crise environnementale. Il a demandé aux participants de donner « des réponses efficaces à la crise écologique […] et, ainsi, un espoir concret pour les générations futures ». La situation critique que l’humanité connaît appelle « à des choix radicaux qui ne sont pas faciles ». Cependant « l’humanité n’a jamais eu autant de moyens pour y parvenir qu’aujourd’hui », et demande à chacun de « jouer un rôle » pour répondre à cette « menace sans précédent ». 

Une délégation vaticane, conduite par le cardinal Pietro Parolin, « numéro 2 » du Saint-Siège, sera bien présente. En septembre, le Pape avait accueilli au Vatican un groupe de jeunes investis dans la sauvegarde de la planète, leur demandant de « faire du bruit » et de se « faire entendre » sur les questions écologiques.

Avec son encyclique « Laudato Si’ «  le pape François a donné un éclairage catholique mais aussi universel à la question de l’écologie. Petit coup de tonnerre pour la société toute entière, son plaidoyer pour une défense de la « maison commune » reste toujours aussi marquant aujourd’hui encore. Pour lui, les solutions à la crise environnementale ne sont pas « purement environnementales » ou uniquement technologiques mais résident aussi dans un « sincère repentir » et une véritable « prise de conscience » du style de vie de chacun »