Homélies et commentaires par fr. Laurent Mathelot OP

Résurgences

33ème dimanche – Année B – 14 novembre 2021 – Évangile de Marc 13, 24-32

Évangile de Marc 13, 24-32

L’Ultime Enseignement de Jésus :
« Veillez, soyez attentifs »

Contrairement à ce que l’on attendait, Jésus n’a ni soulevé la révolte contre les occupants romains ni envoyé en enfer les gens immoraux : c’est la vérité du rapport à Dieu qui est central. Jésus est entré dans le temple et a essayé d’obtenir sa conversion. En vain. Les autorités religieuses ayant absolument refusé ses appels, Jésus sort du temple et, à ses disciples qui s’extasient sur la beauté de cet édifice, il fait une déclaration stupéfiante : « Il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit ». Là-dessus, il se rend sur la colline d’en face, le mont des Oliviers, où les 4 grands apôtres, Pierre, Jacques, Jean et André, l’interrogent : « Dis-nous quand cela arrivera et quel sera le signe que tout cela va finir ». En effet ils croient que la fin du temple marquera la fin des temps.

Jésus leur répond par un très long discours, étonnant chez Marc où il est toujours très bref. C’est son ultime enseignement : tout de suite après commencera le récit de la passion. La liturgie n’en donne qu’un extrait mais il est important d’en retenir les points essentiels car il s’agit de l’apocalypse qui éclaire notre histoire. Aujourd’hui dans les médias, un « spectacle apocalyptique » désigne une vision d’horreur et de catastrophes. Or au sens étymologique grec, une apocalypse signifie une « révélation » : c’est la chance de recevoir une lumière sur une histoire obscure. Dans la bible, l’’apocalypse est une bonne nouvelle qui « révèle » la victoire de Dieu au milieu de toutes les détresses.

L’Histoire continue

L’opinion commune croyait en général que la venue du Messie signalait la fin des temps avec la victoire définitive du bien sur le mal et une éternité de bonheur pour les élus de Dieu. Eh bien non, révèle Jésus. On va même me mettre à mort mais effectivement je suis bien le Messie, l’unique, mais l’histoire va se poursuivre avec ses cahots. Croyez et retenez bien mes enseignements.

13, 5 – « Prenez garde que personne ne vous égare. Beaucoup diront : « C’est moi le sauveur » et ils égareront bien des gens ».

Mise en garde primordiale, souvent oubliée. Des dictateurs, des idéologies prétendront apporter le salut que l’Évangile n’a pas donné. Ah si les évêques allemands avaient mis en garde leur peuple contre ce fanatique qui promettait le royaume ! Ah si les chrétiens avaient refusé de suivre ceux qui assuraient le bonheur général par l’exploitation effrénée pour une consommation à tout-va …et qui va à la destruction !

13, 7. « Il y aura des guerres, des tremblements de terre, des famines …».

Devant la succession des catastrophes, il ne faut pas croire que « la fin du monde est proche ». La création se tord dans les douleurs de l’enfantement du nouveau monde. (Rom 8, 22).

13, 9 « Les disciples de Jésus seront livrés aux tribunaux. Ainsi ils témoigneront : il faut que l’Évangile soit proclamé à toutes les nations. Ne vous inquiétez pas : dites ce que l’Esprit-Saint vous dira. Les membres d’une même famille se dénonceront. Vous serez haïs de. tous à cause de Moi. Celui qui tiendra jusqu’à la fin sera sauvé ».

Les premiers lecteurs de Marc à Rome en ont fait l’expérience. On a mis à mort les premiers apôtres, on vient de tuer Pierre, on pourchasse les chrétiens, les familles se déchirent. Jésus avait promis le bonheur des béatitudes mais la dernière annonçait déjà les persécutions. Le monde hait et haïra toujours le message de l’Évangile qui contredit son égoïsme, sa cupidité, sa violence.

13, 14 « Il y aura un terrifiant malheur en Judée : fuyez vite …Alors si quelqu’un vous dit que le Messie est là, ne le croyez pas. De faux messies se lèveront, feront des signes pour égarer, même les élus. Prenez garde, je vous ai prévenus de tout ».

Cee passage mystérieux est sans doute une allusion à la révolte qui a provoqué la terrible guerre entre Juifs et Romains et qui a abouti à la destruction de la ville et à l’incendie du temple en l’an 70. Tout ce passage se termine donc comme il a commencé : par une vigoureuse mise en garde contre le danger de se laisser prendre par les faux messies. Signe que cette tentation est virulente. Là-dessus on enchaîne sur le texte qui constitue l’évangile de ce dimanche.

La Venue du Fils de l’Homme

13, 24 « En ces temps-là, après une terrible détresse, le soleil s’obscurcira, la lune perdra son éclat ; les étoiles tomberont, les puissances célestes seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’Homme venir sur les nuées avec grande puissance et grande gloire : il enverra les anges pour rassembler les élus des 4 coins du monde ».

Les prophètes utilisaient déjà ces images de perturbations cosmiques pour raconter un événement « bouleversant » qui secoue l’équilibre du monde et montre que les plus puissantes forces cosmiques sont ébranlées par l’événement voulu par Dieu. Cet événement, c’est l‘accomplissement du célèbre songe de Daniel : « Des trônes furent installés, le Vieillard s’assit, les livres furent ouverts. Et voici qu’avec les nuées du ciel venait comme un Fils d’Homme : il arriva jusqu’au Vieillard et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté…Sa souveraineté ne passera pas et sa royauté ne sera jamais détruite » (Dn 7, 14).

Et le Fils d’homme – titre que Jésus s’est toujours approprié – envoie ses apôtres afin de rassembler dans la paix les élus, qui ne sont pas une élite privilégiée, mais ceux et celles qui sont demeurés fidèles à leur vocation.

La Parabole du figuier

13, 28. « Que la parabole du figuier vous instruise : des que ses branches sont tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. De même vous aussi, lorsque vous verrez cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte ».

Les apôtres demandaient à Jésus à quel signe ils reconnaîtraient que la fin approche. Contrairement à ce qu’ils pensaient et qui reste l’opinion répandue, Jésus les invite donc par cette parabole à guetter plutôt les signes de renaissance de la vie. Lorsque vous verrez ses envoyés proclamer sa Bonne Nouvelle dans le monde entier, opérer des conversions, guérir les cœurs de leurs péchés, les remplir de concorde, de joie, de paix, alors réjouissez-vous : la Vie nouvelle est en train d’éclore, les premiers fruits apparaissent. Plutôt que de vous laisser écraser à l’écoute des catastrophes, voyez cette multitude de petits gestes de réconciliation, de dévouement, de service qui jaillissent dans l’ombre et dont les médias ne disent rien. Là est l’avenir du Nouveau Monde qui vient, là se devine l’action du Fils de l’Homme.

Certitude et Vigilance

L’enseignement se poursuit par une remarque étonnante mais qui s’éclaire si on lit la fin du discours de Jésus

13, 30. « Amen je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront : mes paroles ne passeront pas. Quant au jour et à l’heure, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils mais seulement le Père. Prenez garde, restez éveillés car vous ne savez pas quand ce sera le moment. C’est comme un homme qui part en voyage, il a laissé sa maison, confié à ses serviteurs l’autorité, à chacun sa tâche. Il a donné l’ordre au portier de veiller. Veillez car vous ne savez pas quand le maître va venir, le soir, à minuit, à l’aurore, le matin. Craignez qu’il n’arrive à l’improviste et ne vous trouve en train de dormir. Ce que je vous dis, je le dis à tous : VEILLEZ ! »

En effet le Fils de l’Homme va, les jours suivants, recevoir le couronnement et la souveraineté. Mais de quelle façon inimaginable ! Hissé et couronné sur le gibet de la croix, il recevra la Vie de son Père et ouvrira son Royaume. Et si le temple de Jérusalem disparaît, 40 ans plus tard, les anges, les apôtres, les envoyés du Seigneur se disperseront aux quatre coins du monde.

L’histoire se poursuivra pour une durée indéterminée et elle verra se succéder des tsunamis épouvantables, des séismes, des guerres. Des faux prophètes assureront qu’ils apportent enfin le bonheur : ne les croyez jamais. Alors qu’ils ne prêchent que la paix, les envoyés de Jésus seront en butte à la méfiance, à l’hostilité, à la haine. On les jugera, on les condamnera, ils subiront les plus affreux supplices.. Même des familles s’entre-déchireront. Des multitudes de prisonniers rendront témoignage, inspirés par l’Esprit. Leur martyre sera la plus haute des proclamations.

Dans ce processus séculaire où se mêlent proclamations, conversions, rejets, il est impossible de fixer une date. C’est le secret du Père. Dans cet univers bouleversant, le Sauveur a créé sa maison, la communauté universelle des croyants, et chacun y a sa tâche à remplir. Et le Fils de l’Homme, Seigneur, reviendra.

Plutôt que de spéculer sur le calendrier, il ne nous donne qu’une consigne capitale, c’est le dernier mot de son enseignement : VEILLEZ. Non qu’il faille vivre dans la crainte et le tremblement, l’inquiétude et l’angoisse.

Au contraire, le croyant vit comme son Seigneur le lui a appris, confiant dans sa miséricorde. Éclairé par son enseignement, il remplit sa tâche en union avec ses frères et sœurs. Pour lui l’histoire n’est pas absurde : elle a un sens. Sa mission est de tenir allumée la Lumière de la Bonne Nouvelle.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.


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