18ème dimanche ordinaire – Année C – 4 août 2019 – Évangile de Luc 12, 13-21

ÉVANGILE DE LUC 12, 13-21

«LE VEAU D’OR EST TOUJOURS DEBOUT»

Se passe-t-il un seul jour où un scandale n’éclate ?
Des nantis se font domicilier dans un pays étranger afin d’échapper à l’impôt.
Des multinationales détournent leurs revenus pharaoniques dans des paradis fiscaux.
Des politiciens acceptent des pots-de-vin et abusent des biens sociaux.

Des dirigeants corrompus amassent des fortunes gigantesques et laissent une grande part de leur peuple croupir dans la misère. Les plus grandes marques de luxe parisiennes battent leurs records de vente alors que des multitudes manifestent pour obtenir des conditions de vie décentes.Le nombre de milliardaires ne cesse d’augmenter, les aéroports débordent de millions de touristes tandis que des bâtiments de la Justice tombent en ruines, des hôpitaux manquent de personnel, des services publics se déglinguent, les restos du cœur débordent de demandes.

Et encore ! Tout cela ne dévoile que la pointe de l’iceberg. L’argent poursuit son règne de puissance fascinante, immense, criminelle. Le veau d’or est toujours debout.

Quelle est donc cette société déchirée où les richesses sont surabondantes et si mal réparties ? Pourquoi des hommes à l’air si respectable ne voient-ils pas que des filets de sang coulent au-bas de leurs coffres-forts ?

A la suite de tous les prophètes, Jésus parle souvent d’argent, surtout dans l’évangile de Luc qui nous guide cette année. Que nous dit-il aujourd’hui ?

NE PAS REGLER LES CHICANERIES

Situation classique, lieu habituel d’affrontements et de disputes : l’héritage. Deux frères ne parvenaient pas à s’accorder pour le partage équitable du patrimoine. L’un d’eux demande à Jésus de régler le problème. Mais il refuse tout net. Il ne veut pas s’immiscer dans l’embrouillamini des chicaneries. « Je ne suis pas votre juge pour faire vos partages » dit-il. C’est aux hommes à régler eux-mêmes leurs différends.

Mais il proclame un principe général qui doit inspirer toutes les tractations :

Jésus dit à la foule : « Gardez-vous bien de toute âpreté au gain car la vie d’un homme ne dépend pas de ses richesses ».

Certes nous ne voulons pas subir de préjudices et nous exigeons un partage équitable. Mais il est possible que les appréciations soient très différentes, et même inconciliables : l’un croit exprimer une revendication juste, l’autre estime être floué. Donc que l’on recoure à un tiers pour régler le problème au mieux.

Mais il faudra souvent consentir à des concessions, renoncer éventuellement à l’armoire de grand-mère à laquelle on tenait tellement. Accepter d’être la poire vaut mieux que de frapper et mettre l’autre dans les pommes. Le vrai vainqueur sera celui qui aura tout fait pour sauver l’entente fraternelle. Et que les belles-sœurs, s.v.p., ne jettent pas de l’huile sur le feu !

Et là-dessus Jésus poursuit par une parabole.

PARABOLE DU RICHE INSENSE

Il y avait un riche dont les terres avaient beaucoup rapporté. « Je vais démolir mes greniers, en construire de plus grands, y entasser tout ce que je possède. Et je me dirai : Te voilà avec des réserves en abondance pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de la vie ».
Mais Dieu lui dit : « Tu es fou ! Cette nuit même, on va te redemander ta vie. Ce que tu auras mis de côté, qui l’aura ? »
Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même au lieu d’être riche en vue de Dieu »

Jésus n’a jamais exigé que l’on gagne tous la même chose. On peut être riche par héritage ou le devenir par une invention, application et ténacité dans le travail, chance ou réussite dans les affaires : ce n’est pas un crime.
Mais le problème se pose : que va-t-on faire ? Notre homme a bonne conscience : il n’a volé personne, il a payé ses ouvriers. Sa fortune est sienne, il peut en disposer à loisir. La force de l’argent, c’est qu’il chasse l’inquiétude de l’avenir, il assure, il promet tranquillité, jouissance, considération des voisins. Et il ne convainc jamais l’homme qu’il en a suffisamment..

Mais si l’homme a beaucoup, s’il a contracté une excellente assurance-vie, il n’est pas maître du temps. Subitement la mort peut survenir et tout s’écroulera comme château de cartes.
Que devient un être qui n’a plus d’avoir ?

Que devait faire le riche ? Non pas s’enfermer dans son luxe mais comprendre son devoir de partage. Car la richesse n’est pas une tare mais une responsabilité.

Dimanche prochain, nous entendrons le Seigneur revenir sur le sujet :

« Donnez des aumônes. Faites-vous un trésor inépuisable dans les cieux…Car là où est votre trésor, là sera votre cœur ».

Le mot aumône se réduit aujourd’hui à jeter une pièce à un mendiant mais, dans la bible, il se dit « tsedaka » qui signifie « justice ». Le possédant a le devoir moral de voir les malheureux et de leur venir en aide. Ce n’est pas charité mais justice. Le don certes diminue le compte en banque mais accroît le vrai trésor : la valeur authentique de l’homme devant Dieu. S’il est juste envers les pauvres, ceux-ci l’accueilleront près de Dieu qui est le Père de tous.

Une autre fois Jésus dira encore :

« Faites-vous des amis avec le Mamôn trompeur pour qu’une fois cet argent disparu, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles ».

Ici Jésus personnifie l’argent : il l‘appelle, avec un mot hébreu, « MAMON ». L’argent n’est plus un objet utile pour régler les échanges, mais il devient un sujet, une puissance que l’on sert, dont on devient serviteur, et même esclave que l’on vénère comme un dieu à qui on dit « AMEN » c.à.d. « j’ai confiance en toi ».

Idolâtrie extrêmement grave ! S’il se laisse subjuguer par l’argent – parce qu’il donne assurance et fierté, qu’il permet plaisirs et jouissances -, l’homme s’enferme dans l’égoïsme. C’est absolument le contraire du Royaume du Père que Jésus propose où chaque personne est unique et a le droit à des conditions de vie ; où la dictature de la loi de la jungle fait place à la Loi de Dieu qui libère et crée la communauté ; où la terre est notre maison commune que nous respectons et qui nourrit tous ses habitants.

LA RACINE DE TOUS LES MAUX, C’EST L’AMOUR DE L’ARGENT (1 Tim 6, 10)

Nous avons bien des raisons de nous justifier : la vie augmente, la déco semble vieillotte, le nouveau modèle (voiture, portable) est plus performant, nous avons charge des vieux parents, les jeunes exigent beaucoup, les emplois sont vulnérables, l’avenir inquiétant…Tant de bons motifs pour nous accrocher à notre bien-être. A quoi s’ajoutent nos objections: nos dons seront-ils bien employés ? N’y a-t-il pas du gaspillage ?…

Si une certaine prudence est requise pour la gestion de nos affaires et si la charité doit être intelligente, il ne faudrait pas que cela cache « l’âpreté au gain » pointée par le Seigneur.

Une plus grande sobriété du train de vie et surtout un amour effectif des plus pauvres nous permettront de « nous faire des amis là-haut » et « de nous enrichir en vue de Dieu ».

Rêve utopique ? Puisque Bill Gates annonce qu’il donne des millions de dollars à des organismes culturels, peut-être ( ?), un jour, un milliardaire chrétien annoncera (avec modestie) qu’il offre (pour commencer)10 millions d’euros à une clinique pour lépreux tenue par des sœurs missionnaires dans un des coins les plus reculés du globe.

Frère Raphaël Devillers, dominicain

PAPE FRANCOIS — NON A LA NOUVELLE IDOLATRIE DE L’ARGENT

55. … Nous acceptons paisiblement la prédominance de l’argent sur nous et sur nos sociétés.

Nous avons créé de nouvelles idoles. L’adoration de l’antique veau d’or (cf. Ex 32, 1-35) a trouvé une nouvelle et impitoyable version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de l’économie sans visage et sans un but véritablement humain… On réduit l’être humain à un seul de ses besoins : la consommation.

56. Alors que les gains d’un petit nombre s’accroissent exponentiellement, ceux de la majorité se situent d’une façon toujours plus éloignée du bien-être de cette heureuse minorité.

Ce déséquilibre procède d’idéologies qui défendent l’autonomie absolue des marchés et la spéculation financière. Par conséquent, ils nient le droit de contrôle des États …Une nouvelle tyrannie invisible s’instaure…

S’ajoutent à tout cela une corruption ramifiée et une évasion fiscale égoïste qui ont atteint des dimensions mondiales.

L’appétit du pouvoir et de l’avoir ne connaît pas de limites… Tout ce qui est fragile, comme l’environnement, reste sans défense par rapport aux intérêts du marché divinisé.

NON A L’ARGENT QUI GOUVERNE AU LIEU DE SERVIR

57. Derrière ce comportement se cachent le refus de l’éthique et le refus de Dieu.

En définitive, l’éthique renvoie à un Dieu qui attend une réponse exigeante …L’éthique permet de créer un équilibre et un ordre social plus humain.

J’exhorte les experts financiers et les gouvernants des différents pays à considérer les paroles d’un sage de l’antiquité : « Ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever la vie. Ce ne sont pas nos biens que nous détenons, mais les leurs » (St Jean Chrysostome).

58. … L’argent doit servir et non pas gouverner ! Le Pape aime tout le monde, riches et pauvres, mais il a le devoir, au nom du Christ, de rappeler que les riches doivent aider les pauvres, les respecter et les promouvoir …

Je vous exhorte à la solidarité désintéressée et à un retour de l’économie et de la finance à une éthique en faveur de l’être humain.

PAPE FRANCOIS — LA JOIE DE L’EVANGILE

LA FOI EXIGE UNE CONVERSION DES MODES DE VIE

Pour répondre à l’appel du pape dans son encyclique sur l’environnement, la Conférence des Évêques de France a publié un nouveau document sur les modes de vie que nous avons à adopter aujourd’hui. Ce livret offre une série de questions pour réfléchir, débattre en réunion et décider de conversions pratiques. En voici quelques-unes.

  • En tant qu’employeurs, avons-nous le souci de l’intégration professionnelle des jeunes et des personnes en difficulté ?
  • Avons-nous le souci de promouvoir à tous niveaux la coopération plutôt que la compétition ?
  • Comment considérons-nous le dimanche ?… Savons-nous consacrer du temps et de la disponibilité à la méditation et à la réflexion personnelle, mais aussi à la rencontre de nos proches ?
  • Faisons-nous attention à ne pas avoir à jeter des produits non consommés et à privilégier des produits avec moins d’emballages  ?
  • Sommes-nous prêts à utiliser moins la voiture de manière individuelle et à utiliser plus le covoiturage et les transports en commun ?
  • Quels critères utilisons-nous pour placer notre argent ? Privilégions-nous le placement dans des produits éthiques et solidaires ?
  • Payons-nous les impôts dont nous sommes redevables ?
  • Sommes-nous prêts à soutenir des politiques ou des actions contre l’évasion fiscale ?
  • Est-ce que je participe à des actions permettant de réduire l’inégalité et la pauvreté ?
  • Comment accueillons-nous les nouveaux arrivants d’origine étrangère dans notre paroisse ?
  • Etc………etc………

A lire : NOUVEAUX MODES DE VIE – Editions : Bayard et Cerf. – Prix : 9 euros.

17ème dimanche ordinaires – Année C – 28 juillet 2019 – Évangile de Luc 11, 1-13

ÉVANGILE DE LUC 11, 1-13

APPRENDS-NOUS A PRIER

Dimanche passé, la jeune Marie nous rappelait que pour connaître Dieu et son projet de Royaume, il faut écouter l’enseignement de Jésus, donc lire et relire son Evangile. Aujourd’hui un disciple anonyme nous apprend que, en retour, pour parler à Dieu, il nous faut également le demander à Jésus.

Ainsi, en même temps, l’Evangile nous communique la Parole de Dieu et nous donne les paroles pour nous adresser à lui.

« Seigneur, apprends-nous à prier comme Jean-Baptiste l’a fait à ses disciples ». La nouvelle prière sera donc spécifique aux disciples de Jésus, elle signifiera un nouveau rapport à Dieu. Habitués à la version de Matthieu, nous méditons la version de Luc.

L’INVOCATION

Pour s’adresser poliment à quelqu’un, on lui dit d’abord son nom : cela va imprégner toute l’ambiance de la prière. « Quand vous priez, dites : ABBA, Père… ».

La prière n’est pas un vide, une posture mais un dire, une diction. Le disciple exprime un mot qui dit d’un bloc l’identité de son Dieu et sa propre identité. En priant, le disciple révèle qui est Dieu et se révèle à lui-même. De grâce donc que le célébrant ne lance pas seul : « Comme nous l’avons…. nous osons dire : Notre Père… » en laissant l’assemblée embrayer : « … qui es aux cieux … ». C’est enlever au peuple le mot le plus essentiel de la prière.

Oser prler Dieu par ce mot : « Père, abba, papa », c’est extraordinaire. Voyez la stupeur et l’émerveillement de Paul et Jean : jamais on ne leur avait appris à prier de la sorte, c’était pour eux une nouveauté absolue (Gal 4, 6 ; Rom 8, 15 ; 1 Jean 3,1).

LES AFFAIRES DE DIEU

Un fils, avant d’implorer pour lui, se préoccupe évidemment d’abord des affaires de son Père. Elles se réduisent à deux : « Que ton Nom soit saint ; que ton Règne vienne ». L’expression hébraïque est une façon habituelle et respectueuse de ne pas paraître donner des ordres à Dieu mais il faut traduire : « Sanctifie ton Nom, fais venir ton Règne ». Fragile et impuissant, le disciple appelle Dieu à agir.

La souffrance du disciple est de vivre dans un monde qui rejette Dieu, qui l’oublie, qui le défigure, qui en fait une idole grimaçante, qui le profane. Que Dieu soit saint (contraire de profane) c.à.d. qu’il soit libéré de ses caricatures, qu’il ne se confonde pas avec les forces du monde, qu’il soit reconnu, respecté, que les hommes découvrent son identité. L’enfant pleure de voir son père trahi et bafoué.

Et, dans le même mouvement, le disciple supplie pour que le Père accomplisse son règne – car c’est lui seul qui en est capable. Qu’il renverse le règne odieux des idoles, qu’il arrête la contagion du mal, qu’il dompte l’empire de la haine.

Connaître le vrai Nom de Dieu et le laisser régner parmi nous : n’est-ce pas repousser la barbarie et permettre aux hommes d’être humains ? L’enjeu fait éclater les cadres de la piété guimauve.
Luc ne reprend pas la 3ème demande qui est chez Matthieu (« Que ta volonté … ») : la 2ème suffit.

LES AFFAIRES DES HOMMES

Les disciples de Jésus savent trop bien leur impuissance, ils se sont heurtés aux murs de leur lâcheté et de leur égoïsme, mais ils ont une telle confiance dans leur Père qu’ils lui présentent toute leur existence dans ses trois dimensions temporelles.

LE PRÉSENT

« Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour ». La première vocation de l’homme, a dit la Genèse, est de cultiver le sol, de gagner son pain à la sueur de son front. Mais en Israël, on ne mange pas sans rendre grâce : la nourriture, fruit du labeur, reste un don divin car c’est Dieu qui donne la vie (fertilité des sols, précipitations, températures…).

Le disciple de Jésus qui est appelé à renoncer à toute cupidité et à toute volonté de thésauriser ne fait pas de son existence le fruit de ses efforts acharnés mais il la voit comme un don. Abandonné comme un enfant, il demande son pain : ce qui veut dire l’aliment de base et non le superflu. Et il le demande de jour en jour sans exiger de provisions qui le mettraient à l’abri.

Comme ses ancêtres hébreux obligés de marcher 40 ans dans la solitude du désert en comptant sur le don de la manne quotidienne, le disciple est démuni des jouissances des païens mais il est riche du bonheur de partager avec ses frères et de l’espérance du joyeux banquet de la Vie éternelle.

Mais le pain a également un sens spirituel plus profond car « l’homme vit de toute Parole de Dieu ». Le disciple demande donc de recevoir chaque jour le message qui flèchera son parcours, qui lui évitera la chute dans les fossés et le guidera à destination.

LE PASSÉ

« Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes nous pardonnons à tous ceux qui ont des torts envers nous ». Le disciple est lucide : les années lui montrent sa vulnérabilité, son impuissance à juguler le mal, sa facilité à tomber dans des travers qu’il réprouve. Mais le Père pardonne toujours au prodigue qui revient et demande pitié.

Encore faut-il que lui-même soit miséricordieux envers tous ceux qui l’ont blessé. Les deux dimensions du pardon (vertical et horizontal) sont intrinsèquement liées. Et hélas, il nous faut parfois prier en disant : « Père pardonne-moi mieux que je ne le fais ». Mais il nous sera toujours répondu : « Oui, mais je ne t’offre mon pardon que pour que tu le donnes à autrui »

L’AVENIR

La nouvelle traduction permet une meilleure interprétation : « Et ne nous laisse pas entrer en tentation ». Il est inconcevable d’imaginer un Père conduisant ses fils au bord de l’abîme pour voir s’ils vont y tomber. Mais il reste que nous sommes des êtres libres, se trouvant toujours devant des alternatives. Le disciple qui se connaît et se méfie de la solidité de ses bonnes résolutions prie son Père de le retenir lorsqu’il risque de céder aux sollicitations mauvaises.

LA PARABOLE DES TROIS AMIS

Jésus poursuit par une parabole qui éclaire un problème universel : pourquoi tant de nos prières ne sont-elles pas exaucées ?

Il y avait 3 amis. Le premier arrive chez l’autre tard dans la nuit. Grande joie mais catastrophe : il n’y a rien à manger ! L’homme saute chez son voisin : « Je t’en prie : prête-moi 3 pains pour recevoir mon ami ». L’importuné agacé répond : « Chut ! Laisse-moi tranquille, on est couché et les enfants dorment ». Sans vergogne, l’homme insiste et continue à frapper sans arrêt. Eh bien, dit Jésus finalement l’autre va se lever et lui donner tout ce qu’il veut.

Jésus applique aux disciples :

« Demandez : vous obtiendrez ; cherchez : vous trouverez ; frappez : la porte vous sera ouverte ».

Le gros défaut de nos prières n’est donc pas les distractions (ce dont Jésus ne parle jamais) mais la brièveté : nous cessons trop vite de demander, nous voulons que Dieu décroche quand nous le sonnons.

Mais pourquoi le Père ne nous exauce-t-il pas tout de suite ? Parce que souvent nos demandes ne sont pas appropriées, nous ne demandons pas à bon escient. Jésus explique :

« Quel père donnerait un serpent à son fils qui lui demande un poisson ?  … Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent ».

Non, nous n’obtenons pas toujours ce que demandons : mais l’essentiel que le Père donnera toujours, c’est son Esprit. Il rectifiera nos envies, nous ouvrira les yeux sur les urgences nécessaires, nous consolera dans nos échecs. Surtout il nous assurera que, en toute vérité, nous pouvons murmurer : « Papa ! ». Écoutons-le nous répondre dans le silence : « Oui mon enfant».

Il n’y a là aucun enfantillage. Y a-t-il eu un homme plus adulte, plus responsable que Jésus ? Indifférent aux modes, aux cancans, aux injures, il se dressait devant les puissants et disait son fait à tous.

Frère Raphaël Devillers, dominicain

XIème FORUM INTERNATIONAL DES JEUNES TÉMOIGNAGE D’UN PARTICIPANT

« Et si des jeunes décidaient de changer le visage de l’Eglise ? Et si la curie romaine demandait à des jeunes de faire évoluer l’Église ?

Du 19 au 22 juin, à Rome, 300 jeunes du monde entier, âgés de 20 à 30 ans, ont répondu à cet appel audacieux du Dicastère pour les laïques, la famille et la vie, lors du Forum International des jeunes.

Dans la lignée du pré-synode et du Synode des Jeunes, ce forum avait pour mission de réfléchir à la manière dont les jeunes peuvent prendre leur juste place dans l’Église. J’ai eu la chance de représenter les jeunes de France lors de cette rencontre, parmi les cent neuf pays présents.

L’Eglise s’engage dans un monde qui bouge, la preuve par l’exemple !

« Tous les jeunes, sans aucune exception, sont dans le cœur de Dieu et donc dans le cœur de l’Église » (Christus Vivit, 235)

Grâce à des conférences, des temps d’échanges et des temps de travail, nous avons pu réfléchir à la place des jeunes, selon les réalités de l’Eglise de nos différents pays. Quelle beauté d’écouter la vie de l’Église aux quatre coins de la terre, d’écouter la souffrance des chrétiens minoritaires, d’écouter la charité inventive qui se déploie dans un élan missionnaire.

« Les jeunes sont le visage du Christ », avons-nous entendu.
Quel amour quand le Christ se rend présent pour chacun, et nous rejoint dans nos réalités quotidiennes. Il chemine avec nous comme avec les pèlerins d’Emmaüs (Lc 24, 13-35).

Cette écoute nous a aidés à nous rejoindre et à marcher ensemble. C’est cela la synodalité : « Marcher ensemble », quels que soient nos origines, notre âge ou nos expériences. Pendant ces quelques jours, nous avons marché ensemble pour faire avancer l’Eglise vers l’unité et la jeunesse.

« Vous êtes l’aujourd’hui de Dieu, l’aujourd’hui de l’Eglise ! L’Eglise a besoin de vous pour être pleinement elle-même. » (Pape François lors de l’audience de clôture du Forum International des jeunes)

Ce chemin entrepris depuis le pré-synode, poursuivi lors du Synode et enrichi par ce Forum des jeunes, commence déjà à porter de beaux fruits pour l’Eglise.

Le premier est l’exhortation du pape François Christus Vivit.
Ce texte dont devraient s’emparer tous les responsables de pastorale jeune très rapidement, s’adresse aussi aux jeunes. Particulièrement les chapitres quatre à six, qui donneront de la profondeur au temps de vacances estival. Une lecture qui fait du bien, où le Pape redit l’Amour du Christ pour les jeunes. Une lecture idéale pour la plage !

Deuxième fruit de ce cheminement : la création à venir d’un Conseil consultatif de jeunes auprès du Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie.

L’Eglise, institution millénaire, et pourtant si novatrice … Une véritable révolution !

Comme il est beau de voir que l’Eglise a l’audace de donner une telle place à des jeunes, en leur demandant conseil sur des grandes orientations. Quelle humilité aussi, car il n’est pas évident de soumettre des propositions aux jeunes, au risque qu’elles soient bousculées. Et si l’expérience est concluante, qui sait si elle ne sera pas élargie aux autres dicastères ?

« Le Seigneur nous appelle à allumer des étoiles dans la nuit d’autres jeunes » (Christus Vivit, 33)

Comme le rappelait le pape François lors de l’audience de clôture du Forum : « Il n’y a pas de joie authentique si on ne la partage pas avec les autres. »

A l’issue de cette semaine, le chemin ne s’arrête pas, au contraire, il se poursuit pour tous les jeunes. Ils sont appelés à prendre leur juste place dans l’Eglise, à être missionnaires et à témoigner de cette Eglise jeune, « en sortie », qui rejoint chacun dans ses réalités.

Animés par le feu du Christ, engageons-nous pour faire rayonner l’Eglise à travers notre visage.

En guise de conclusion, je vous partage quelques mots que le pape François nous a adressés : « N’ignorez pas la voix de Dieu qui vous pousse à vous lever et à suivre les chemins qu’il a préparés pour vous. Comme Marie, et avec elle, soyez tous les jours des porteurs de sa joie et de son amour. »

Jean H.

16ème dimanche ordinaires – Année C – 21 juillet 2019 – Évangile de Luc 10, 38-42

ÉVANGILE DE LUC 10, 38-42

ÉCOUTER LA PAROLE DE DIEU

Contrairement à son maître Jean-Baptiste qui menait une vie ascétique dans un lieu écarté où il attendait que les gens viennent à lui, Jésus d’emblée a décidé d’aller à la rencontre des gens à travers villes et villages de Galilée pour leur annoncer la Bonne Nouvelle. C’est au cœur du quotidien, au sein des rencontres et des tâches ordinaires, que vient le Royaume.

Prophète ambulant, Jésus acceptait les invitations, même de la part des pharisiens qui essayaient de le piéger par leurs questions insidieuses (7, 36 ; 11, 37 ; 14, 1).

Aujourd’hui l’évangile nous le montre recevant au contraire une hospitalité amicale et généreuse dans la célèbre scène avec les deux sœurs Marthe et Marie.

Son arrivée au village était inattendue, sa visite impromptue. Dare-dare, l’aînée, Marthe qui a tout l’air d’une maîtresse femme, prend les choses en main et décrète la mobilisation générale. Car il faut recevoir dignement cet hôte de marque avec la bande de ses apôtres qui ne devaient pas bien manger tous les jours. Branlebas général. Marthe improvise un menu et bientôt un arôme délicieux flotte dans la pièce. « Mmm’ » murmure Barthélemy en se léchant les babines.

Mais où est la petite Marie ? Marthe s’aperçoit que sa petite sœur ne collabore pas à la cuisine. Négligeant deux devoirs sacrés (nourrir les hôtes et rendre service), Marie est tranquillement assise par terre et elle écoute Jésus. Marthe surgit :

Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur me laisse toute seule à faire le service ? Dis-lui donc de m’aider.

La réponse de Jésus va la stupéfier :

Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. C’est bien Marie qui a choisi la meilleure part ; elle ne lui sera pas enlevée.

Chères Mesdames qui vous dévouez de tout cœur et tous les jours pour nourrir votre famille, ne soyez pas ulcérées par cette réplique. Jésus ne critique pas cet humble et magnifique labeur qui consiste à faire les courses, préparer des aliments, disposer la table (et souvent sans même recevoir de remerciements de la part des hommes – ces mufles !). Il est très important de préparer une nourriture saine et variée, d’aimer faire plaisir aux convives, de veiller à la réussite de ce moment où la famille se rassemble. Tant de choses se nouent à table !

Mais faut-il faire tant de tralala, s’échiner à tant de complications culinaires ? Jésus et ses amis sont des gens simples, ils ne cherchent pas un restaurant ***** : un seul plat leur suffirait.

Et plus profondément encore « une seule chose est nécessaire » : écouter l’enseignement de Jésus. Et c’est le génie de la petite Marie de l’avoir compris. Lorsqu’elle s’assied aux pieds de Jésus, ce n’est pas par fainéantise, pour laisser tout le labeur sur les épaules de sa grande sœur : c’est parce que c’est la position du « disciple » qui repose tout son corps pour n’être qu’oreilles toutes ouvertes à écouter le Maître.

Car si les prophètes et les rabbins n’acceptaient comme disciples que des hommes, Jésus a cette particularité d’accepter également des femmes. C’était une promotion révolutionnaire à l’époque.

ECOUTER LA PAROLE DE DIEU

L’activité essentielle de Jésus a toujours été, d’un bout à l’autre de sa mission, de parler, de proclamer son message, d’annoncer la Bonne Nouvelle, d’enseigner les richesses du Royaume.

Dès son baptême, il enseigne dans les synagogues (4, 15) ; par villes et villages il enseigne (13, 22) ; du début à la fin de ses derniers jours à Jérusalem, il enseigne dans le temple (19, 47 à 21, 37).

Dans sa première parabole, il compare son œuvre à celle d’un semeur qui sème, qui jette la Parole à tous vents : « La semence, c’est la Parole de Dieu » (8, 11). Cette parole doit être bien reçue par ceux qui l’écoutent mais elle peut être étouffée par des ronces c.à.d. « les soucis, les richesses et les plaisirs de la vie » (8, 14).

Les soucis: c’est précisément ce dont Jésus fait doucement reproche à la pauvre Marthe : « Tu t’inquiètes pour bien des choses ». Croyant bien faire, elle s’enlisait dans les soucis de multiplier les plats et de fignoler tous les détails de sa réception.

N’est-ce pas encore l’ornière dans laquelle tombent aujourd’hui des multitudes de chrétiens ? Bombardés par les slogans publicitaires, ciblés par les médias, entraînés par la contagion des païens, ils perdent un temps fou dans des achats superflus, des chipoteries pour être à la mode, suivre les séries débiles de la TV, varier leur décoration, se divertir, chercher des placements avantageux. « Je n’ai jamais été aussi occupé » me glissait un retraité.

Marie, elle, a compris que s’il fallait bien accueillir les invités, la chose primordiale, quand on recevait Jésus, était de l’écouter, de se nourrir de sa Parole. Car s’il faut manger pour vivre, il importe plus encore d’assimiler son enseignement afin d’apprendre à vivre selon Dieu.

Une autre Marie, celle qui allait devenir la mère de Jésus, l’avait compris. Comment a débuté son aventure ? Elle a écouté une Parole, elle en a été chamboulée mais elle l’a accueillie et cette Parole est devenue en elle la Personne du Fils de Dieu : « Je suis la servante du Seigneur : que sa Parole s’accomplisse » (1, 38).

Lorsqu’un jour, une femme a lancé à Jésus : « Oh qu’elle est heureuse ta maman ! », il lui a rétorqué : « Heureux surtout ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui l’observent » (11, 28). Car les liens spirituels l’emportent sur les liens charnels : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la mettent en pratique » (8, 21)

CONCLUSION

Cette scène n’est certes pas une dévalorisation des tâches ménagères et ne nous exhorte pas à entrer dans un ordre contemplatif. Elle nous rappelle l’exigence première, pour tout chrétien, d’être disciple c.à.d. d’écouter vraiment l’Evangile qui est la Parole de Dieu même.

En comblant tous nos besoins, en nous offrant des plaisirs toujours nouveaux, en nous emportant dans son rythme endiablé, en nous entraînant dans un torrent de nouvelles et de musiques, la société moderne nous « casse les oreilles ». Après nous avoir ébloui longtemps par ses réussites mondiales, voilà qu’elle avoue enfin que ses extravagances mènent la planète à la ruine totale.

L’urgence est indiscutable : revenir à l’essentiel : que nous dit Dieu ? N’avons-nous pas aménagé une vie religieuse à notre convenance : de vagues opinions héritées du catéchisme, des pratiques pas très dérangeantes, des bonnes manières, une morale des droits de l’homme ? Cette Eglise « soft » s’écroule. Il est besoin d’un tout autre engagement pour endiguer les forces de dissolution à l’œuvre.

Le Seigneur nous dit comme à Marthe : « Vous vous inquiétez pour trop de choses, vous vous perdez dans l’action. Une chose est nécessaire : créez des pauses de silence et longtemps, longtemps, écoutez l’Evangile dans sa crudité, sa nudité, son tranchant.

Ne croyez pas le connaître : accueillez-le comme une Parole neuve, vivante, un glaive tranchant. Ne vous reposez pas sur d’autres : creusez l’Evangile à votre façon, cherchez ce que vous n’y avez jamais perçu, inventez une réponse personnelle.

Ne décidez pas ce que vous devez faire pour Dieu : écoutez ce qu’il veut faire de vous.

Frère Raphaël Devillers, dominicain

SEIGNEUR, COMBIEN J’AIME TA LOI

Ce 30 juin à Jérusalem, l’équipe des rabbins hassidiques de TORAH-BOX a intronisé un nouveau rouleau de la TORAH. Son écriture par un scribe spécialisé, avec une plume d’oie, sur un parchemin choisi, a duré plus d’un an. Enroulée dans un beau manteau, apportée sous un dais nuptial – car la TORAH scelle les noces de Dieu avec son peuple Israël -, elle vient en joyeux cortège dans l’allégresse et les chants. Et tout se termine par un banquet, des danses et des cadeaux aux enfants.

 

 

 

Manifestation excessive ? Mais Dieu lui-même a pris l’initiative de parler aux hommes pour les libérer des idoles qu’ils se fabriquent, pour leur prouver sa miséricorde infinie, pour les combler de la lumière de la Vérité. Recevoir le Livre de la PAROLE DE DIEU n’est-ce pas la plus grande occasion d’exulter, d’exprimer sa reconnaissance, de le louer de tout son cœur ?

Comment traitons-nous notre livre d’EVANGILE ? En possédons-nous un au moins ? Reste-t-il fermé sur le rayon de la bibliothèque ? Aimons-nous le lire, le scruter avec émerveillement, en parler entre nous ?

 

PSAUME 119

Combien j’aime ta Loi,
tous les jours je la médite.
J’ai évité toutes les routes du mal
afin de garder ta Parole.
Que tes ordres sont doux à mon palais,
plus que le miel à ma bouche.

Ta Parole est une lampe pour mes pas,
Une lumière pour mon sentier.
Je suis bien trop humilié,
Seigneur, fais-moi revivre selon ta Parole
Agrée l’offrande de mes prières,
Enseigne-moi tes décisions

Que ma langue chante tes ordres,
Car tous tes commandements sont la justice.
De Toi, Seigneur, je désire le salut,
Et ta Loi fait mes délices.

 

15ème dimanche ordinaires – Année C – 14 juillet 2019 – Évangile de Luc 10, 25-37

ÉVANGILE DE LUC 10, 25-37

JÉSUS LE BON SAMARITAIN

Dans cette célèbre parabole du Bon Samaritain, Jésus opère un élargissement pour réorienter notre vie et nous apprendre à aimer vraiment. Ne nous demandons pas « qui est mon prochain ? », cessons de nous placer au centre et de juger jusqu’à qu’à quelle distance notre amour consent à s’étendre selon nos liens familiaux, nos sympathies, nos préjugés.

Pour l’Evangile, le centre, c’est l’autre, l’homme qui a mal, qui souffre, qui est menacé de mort. Quand on le rencontre, plus question de nationalité, de sentiment, de religion : il est impérieux de répondre, d’aller vers lui et de tout faire pour le soigner. L’amour est responsable, c.à.d. il doit répondre en actes, toutes affaires cessantes. C’est le témoin, le passant qui doit se faire proche. « Va et toi aussi, fais de même » termine Jésus en renvoyant le scribe qui le questionnait.

La leçon est claire, l’ordre est péremptoire. Toutefois comment ne pas ressentir un certain malaise ? Jésus serait-il un moraliste, un professeur qui donne des ordres et punit les infractions ? En ce cas, son livre serait-il une « Bonne Nouvelle » ?

Nous allons être surpris en remontant aux premiers siècles de l’Eglise. Saint Irénée, mort vers l’an 200, est un des premiers grands penseurs de l’Eglise. Devenu évêque de Lyon, il raconte que dans sa jeunesse à Smyrne en Asie mineure, il avait reçu par des anciens chrétiens une tout autre interprétation de cette parabole : elle n’était pas qu’une leçon de morale mais une allégorie, un résumé de l’histoire du salut de l’humanité. A sa suite, le grand Origène et les Pères de l’Eglise reprendront la même explication.

UNE PARABOLE DE L’HISTOIRE DU SALUT

« Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho ».

Il n’est pas question d’un monsieur mais, en grec, d’un « anthropos » c.à.d. d’un humain. La parabole donne donc une anthropologie, une histoire de l’humanité. Il s’agit de chacun de nous.

L’homme est une création de Dieu et il est appelé à vivre en communion avec Dieu et ses semblables car Jérusalem signifie « ville de la paix : shalom ».

Mais l’humain se détourne de son Dieu et de sa vocation : il ne peut s’empêcher de suivre sa pente. Au lieu de demeurer dans les hauteurs de la Paix-Dieu (Jérusalem se situe à 750 m. au-dessus du niveau de la mer), il cherche son bonheur selon ses passions et ses appétits. Quittant la grâce, il se laisse entraîner par la pesanteur, pour reprendre les mots de Simone Weil.

Il glisse vers Jéricho, l’antique cité du dieu-lune, dans la vallée du Jourdain, à 250 m. en-dessous du niveau de la mer, connue pour la douceur perpétuelle de son climat, ses palmiers et ses roses.

En effet, il nous est pénible de vivre à la hauteur des exigences de Dieu et nous préférons obéir à nos inclinations. Notre conception de la liberté consiste à rejeter toute contrainte et à vouloir satisfaire nos passions, nos envies, nos convoitises.

Mais alors que s’ensuit-il ? Loin de Dieu, fascinés par l’intérêt immédiat, les humains ne peuvent qu’allumer les rivalités, exciter les jalousies, rivaliser entre eux pour avoir, jouir, posséder, dominer. Ils se voulaient libres et ils deviennent les objets de forces qui les dépassent et les déchirent. Ce que la parabole exprime bien :

L’homme tomba sur des bandits : ils le dépouillent, le rouent de coups, le laissent à moitié mort.

La terre devient un champ de bataille où règne la loi de la jungle, où l’hostilité, la violence, la passion du pouvoir et de l’argent se déchaînent. Notre journal quotidien dégouline de sang. Albert Camus parlait de « La chute » et, comme dit un philosophe moderne, l’homme devient immanquablement « un être-pour-la-mort ».

Du coup, il devient un « être-à-sauver ». Mais par qui et comment ? Médecins, savants, politiciens, artistes, psychiatres : le texte n’évoque aucun de ceux-là. Parce que tous en sont et en seront toujours incapables.

LE SALUT

Une première tentative se présente : la religion.

Un prêtre descendait par ce chemin : il voit l’homme et passe outre. Un lévite arrive : il voit l’homme et passe outre.

Prêtre et lévite, Loi et Temple, commandements et rites : le sacré devrait nous relever mais presque toujours il demeure impuissant et échoue. Malgré le décalogue, les prophètes, les cérémonies, l’Ancien Testament se termine par la disparition du temple et l’exil du peuple. Mais sur les ruines retentit un appel déchirant : « Seigneur, envoie le Messie, le Sauveur ».

C’est alors qu’enfin sonne l’heure de notre salut : Jésus, envoyé de son Père, entre dans notre histoire. Evénement inouï, inattendu.

Un Samaritain en voyage arrive près de l’homme : il le voit et est bouleversé aux entrailles.

En effet Jésus vient demeurer parmi les hommes : méconnu, injurié, il lui est arrivé de se faire traiter de « samaritain », d’hérétique par ses adversaires (Jean 8, 48). Mais la vision de l’humanité déchirée par le péché et vouée à la mort l’émeut, le bouleverse.

Il faut souligner fortement l’importance de ce dernier verbe. Fondé sur le mot hébreu « réhem » qui signifie matrice, il dit le déchirement profond de tout l’être. Jésus est déchiré comme une mère devant son enfant à demi-mort. Dans les 4 évangiles, ce verbe n’est employé que pour Dieu (parabole du fils prodigue) et Jésus. Signe que c’est bien de lui qu’il s’agit ici.

Parce qu’il est plus qu’un prophète, Jésus, Fils de Dieu, pénètre au cœur de notre condition fragile et malheureuse, sa miséricorde infinie nous apporte le salut de Dieu. Une cascade d’actions explique son activité miséricordieuse.

Il se fait proche de nous. Pour lui nos péchés sont des plaies par où nous perdons la vie : il les soigne par l’onction d’huile du baptême puis par le vin de son Eucharistie. Il nous prend réellement en charge et, au milieu du monde de la cruauté, il nous conduit à son auberge, l’Eglise. Celle-ci n’est donc pas le palais des parfaits mais « l’hôpital de campagne » comme aime dire le pape François et qui doit rester ouverte afin d’accueillir tous les blessés de la vie. Elle est la demeure de la miséricorde divine : Jésus lui confie l’humanité ravagée pour qu’on y prolonge ses soins avec la même sollicitude, la même compassion.

Enfin le Bon Samaritain n’a fait qu’un passage rapide sur la terre mais il a promis son retour :

« Prends soin de l’homme : je te rembourserai quand je reviendrai».

Et voilà encore un signe qu’il s’agit de Jésus car ce dernier verbe ne sera employé que dans une autre parabole où il se mettra en scène sous l’image d’un prince qui part pour être couronné roi et qui « revient » (19, 15). Tout acte de bonté sera récompensé au centuple.

CONCLUSION

Le légiste venu questionner Jésus était sans doute un homme savant, appliqué à scruter tous les ordres et les préceptes afin de les apprendre au peuple puisque c’est dans l’observance minutieuse de la Loi de Moïse qu’Israël devait trouver le salut.

Mais son intention n’était pas droite puisqu’il venait « pour le mettre dans l’embarras ». Homme de lois, il voulait une précision légale : il l’a reçue : « Va et fais ». Il savait qu’il devait agir comme le bon Samaritain. Et les disciples de Jésus qui étaient là acceptaient eux aussi la leçon.

Mais après Pâques, la croix et la résurrection, ceux-ci vont être, à la lettre, retournés. Jésus s’approche d’eux et les comble de sa Paix. Donc avant de soigner les autres, il faut se laisser soigner. Avant de vouloir faire comme un bon samaritain, comprendre que l’on est soi-même le blessé, le faible, le matamore qui prétendait donner sa vie pour son maître et qui lâchement l’a abandonné.

La Loi donne des ordres valables mais elle ne guérit pas celui qui les enfreint. Donc il faut accepter de se laisser approcher par un Seigneur qui est bouleversé qui offre l’huile douce de son pardon et le vin vivifiant de son amour.

C’est pourquoi les disciples ne bâtiront plus un temple mais seront « le Corps du Christ », la communauté bienveillante qui s’ouvre pour offrir tous les soins aux blessés de la vie.

Lorsqu’elle oublie qu’elle est la première pardonnée, l’Eglise risque d’être dure et intolérable. Lorsqu’elle garde conscience qu’elle vit par son Seigneur, elle devient, comme lui, une bonne Samaritaine.

N’est bouleversé par les souffrances des hommes que l’homme relevé par la miséricorde du Seigneur. Ne soigne bien que celui qui est soigné.

Frère Raphaël Devillers, dominicain

SE FAIRE LE PROCHAIN — LUTTE CONTRE LA LÈPRE

Le nombre des lépreux dans le monde diminue mais il reste que, chaque année, plus de 200.000 personnes entendent le terrible verdict : « Vous avez la lèpre ! »

Or aujourd’hui nous sommes au seuil d’une percée extraordinaire : la mise au point d’un vaccin. Le conseiller médical d’ACTION DAMIEN communique : « Les premières recherches et les premiers tests sont très prometteurs. Il semble que LEPVAX puisse effectivement prévenir l’apparition de la maladie. C’est une avancée décisive »

Les essais du vaccin sur l’homme, à grande échelle, devraient débuter dès que possible mais le développement d’un vaccin est un processus long et cher. Or ce vaccin pourrait définitivement éliminer la lèpre en tant que problème de santé publique.

Voir le site ACTION DAMIEN

 Pour participer à l’action : en Belgique versements à :

ACTION DAMIEN – 1081 BRUXELLES – BE09 0011 1499 1657

14ème dimanche ordinaires – Année C – 7 juillet 2019 – Évangile de Luc 10, 1-20

ÉVANGILE DE LUC 10, 1-20

ALLEZ ! JE VOUS ENVOIE

Les premiers évangiles, Marc et Matthieu, ne rapportent qu’un seul envoi en mission : celui des 12 apôtres par Jésus. Luc, lui, ajoute un second envoi de 72 disciples : cela signifie que l’évangélisation est un devoir également confié à tous les fidèles qui suivent Jésus et pas seulement aux responsables. Quant au nombre 72 qui, dans la conception antique de la Bible, est celui des nations de la terre, il montre que l’Evangile a une portée universelle, qu’il est l’ultime et définitif appel au salut pour tout être humain, où qu’il vive, et jusqu’à la fin des temps. Chaque point du texte est à méditer : comment l’appliquerai-je ?

DIRECTIVES DE BASE DE LA MISSION 

« Jésus les envoie ».

La mission n’est pas l’initiative de certains exaltés pressés de déployer tous leurs talents d’organisateurs pour répandre leurs idées religieuses. Elle n’est pas la promotion des meilleurs, des mieux doués, des plus qualifiés. Des gens très simples, sans grande formation, peuvent mieux rayonner l’Evangile que des intellectuels. Il est essentiel de ne jamais oublier que le chrétien ne réalise pas son œuvre propre : il a reçu une tâche dont il devient responsable. Sa dignité est celle d’un ambassadeur qui représente une Personne qui le dépasse infiniment.

« Deux par deux ».

Un missionnaire ne fait pas son petit numéro individuel : il collabore, il accepte de travailler avec d’autres. Comme ceux-ci voient parfois les choses différemment ou ont d’autres projets, cela l’empêche de canoniser ses propres conceptions et ça l’oblige, lui le premier, à pratiquer le dialogue et l’amour fraternel qu’il demande aux autres. Ensemble on peut se soutenir, s’encourager aux jours de lassitude, choisir les meilleures décisions.

« La moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux : priez le Maître d’envoyer des ouvriers ».

A toux ceux qui se croient indispensables et voudraient foncer dans l’action immédiate, Jésus demande d’abord de s’arrêter et de réfléchir. Car le terrain a une dimension mondiale, la tâche est colossale, les obstacles innombrables et rares sont les candidats qui acceptent leur mission. Ecrasé par cette prise de conscience, le futur missionnaire doit d’abord prier, supplier Dieu de mobiliser beaucoup d’autres. Ainsi renforce-t-il sa conviction d’envoyé spécial.

« Allez ! Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups ».

D’emblée le témoin du Christ est prévenu : il part sans aucune protection, sans moyen de défense, cible facile pour la horde des ennemis qui ne supportent pas d’être dérangés dans leur volonté de lucre et de puissance. Jésus, qui en avait fait le premier l’expérience et qui avait payé cher sa volonté d’accomplir le projet de son Père, l’a répété à maintes reprises : « Vous serez haïs de tous ». Ne vous imaginez pas qu’en faisant montre de gentillesse, en multipliant les actes de bienfaisance, vous apaiserez la haine de certains. Au contraire ! C’est Dieu, c’est le Christ, c’est son Eglise qu’ils veulent à tout prix écarter, écraser.

« N’emportez pas d’argent».

L’argent est le veau d’or qui enlise les foules dans le matérialisme, la satisfaction des plaisirs immédiats, la course aux divertissements, donc dans le culte de l’avoir, les rivalités, les jalousies. Il est l’ennemi sournois de l’Evangile : jamais on ne l’a aussi bien vu qu’aujourd’hui.

C’est pourquoi le premier témoignage rendu à l’Evangile est un certain détachement vis-à-vis des biens matériels, un refus des obsessions mondaines, une surdité aux sirènes de la publicité. Se montrer heureux sans posséder le dernier modèle de téléphone ou de voiture, sans avoir nagé sous les tropiques : voilà qui doit surprendre tous les esclaves des slogans du jour.

« Ne pas s’attarder en salutations ».

En ce temps-là, la coutume voulait que toute rencontre se prolonge en conversations interminables, en « salamalecs ». Certes le missionnaire est poli, il s’intéresse à la santé des membres de la famille, à leurs problèmes éventuels. Mais il n’a plus le temps de papoter sur des futilités lorsqu’il est étreint par les malheurs du monde, les atrocités que les médias lui jettent tous les jours à la figure.

Ah si davantage de chrétiens consacraient plus de temps pour organiser l’évangélisation, redynamiser la paroisse, activer le secours des malades, inventer des relations avec les jeunes !…Quelle tragédie de constater que l’hypnose devant le petit écran et la passion des divertissements empêchent de sauver des hommes !

« Quand vous entrez dans une maison, donnez la paix : si on la refuse, restez vous-mêmes en paix ».

Il ne suffit plus d’attendre que les gens reviennent à l’église : l’évangile doit aller à eux, entrer chez eux. Arranger un accueil, dialoguer à l’école, sur le lieu de travail ou de loisirs : l’évangélisation peut commencer de façon très ordinaire par un chrétien qui transpire la paix. Il bute parfois contre un échec mais, sans dépit ni colère, il garde sa paix. Car la liberté ne peut se forcer.

« Restez dans cette maison, mangez ce qu’on vous offrira. Car le travailleur mérite son salaire ».

L’hospitalité est une action essentielle de la mission : s’ouvrir au Christ c’est accueillir l’autre comme frère. Avant le partage eucharistique, on partage la table commune.

L’effet de cette permission est considérable : du coup tous les interdits alimentaires qui séparent souvent les religions disparaissent. Le Royaume est joyeuse convivialité libérée des tabous. Saint Paul a dû lutter pour combattre les vieilles coutumes et répétait : « Le Royaume n’est pas affaire de nourriture » (Romains 14,17). Le disciple ne craint pas d’être contaminé : il se soucie de communiquer la purification.

Et voici l’essentiel de la mission évangélique :

« SOIGNEZ LES MALADES
ET DITES : LE REGNE DE DIEU S’EST APPROCHE JUSQU’À VOUS »

Pour l’Evangile, la maladie n’est ni une fatalité à laquelle on se résigne ni encore moins une punition de Dieu mais un mal que l’on combat autant que l’on peut. On le doit parce que, mystérieusement mais très réellement, la venue de Jésus sur terre a provoqué une approche toute nouvelle de Dieu qui veut que l’homme vive debout. Jésus n’a pas fait des miracles pour surprendre mais par amour des plus faibles. Le dévouement thérapeutique peut être un premier pas dans la découverte du vrai Dieu.

Vivant dans une certaine pauvreté, sans puissance ni quête de richesse, pleins de sollicitude active envers les souffrants, rayonnant de paix et de joie, les disciples de Jésus posent question. Pourquoi agissent-ils de la sorte ? Qu’est-ce qui les motive ? Lorsque ces interrogations jaillissent, alors ils peuvent révéler : Avec Jésus et son Esprit, nous essayons de vous ouvrir les yeux sur la présence active du Dieu Seigneur et nous vous invitons à entrer car « son Royaume est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rom 14,17)

POUR ECHAPPER A LA DESTRUCTION

Les versets 12 à 16 ne sont pas les malédictions d’un Dieu terrifiant qui s’acharne à détruire ceux qui lui résistent mais une plainte et un dernier appel de Jésus. Et l’histoire le confirme tous les jours. Quand les hommes refusent le message de l’Evangile, quand ils veulent à tout prix s’enfermer dans leur égoïsme, réaliser leurs désirs les plus bas, rivaliser dans la concurrence, jouir sans limites, écraser l’autre différent, ils se détruisent, s’enlisent dans les conflits, ils tuent et volent et ils conduisent le monde à l’abîme.

C’est pour sauver l’humanité, arrêter les guerres, préserver la planète que Dieu propose son Règne.

Et c’est pour cela que Jésus se lamente sur les villes où il a tant prêché et guéri les malades, et qui ont refusé de se convertir. Quels dégâts ! Quelle tristesse ! Et quel avertissement pour les peuples qui ont reçu l’Evangile depuis des siècles mais qui ne pratiquent pas ce qu’il commande..

RETOUR DE MISSION

« Les 72 reviennent dans la joie, tout heureux d’avoir réalisé des exorcismes. Jésus dit : « Je voyais Satan dégringoler du ciel. N’oubliez pas que c’est moi qui vous ai donné pouvoir sur le mal. Ne vous réjouissez pas de vos guérisons mais de ce que vos noms sont inscrits dans le ciel ».

Jésus nous met en garde contre notre orgueil d’avoir réussi des merveilles : n’oubliez jamais que tout vous a été donné. En outre il leur révèle la dimension cachée et abyssale de la mission : la Bonne Nouvelle de l’obéissance à Jésus signifie et réalise l’effondrement du royaume du mal.

CONCLUSION

Sans Dieu, la vie est un bonheur fragile à préserver, un temps reçu par hasard, à passer le moins mal possible et à perdre inéluctablement.

Avec Jésus et l’Evangile, la vie est un don, une réponse à un appel, une ouverture à l’autre, une mission à accomplir, un amour universel, une espérance d’éternité. L’Evangile est pro-vie.

Frère Raphaël Devillers, dominicain

LE PAPE DÉNONCE LE MANQUE DE VOLONTÉ FACE A LA FAIM DANS LE MONDE

François a rappelé que les premier et second objectifs de l’Agenda 2030 des Nations unies concernent l’élimination de la pauvreté et de la faim partout dans le monde. il a ajouté que même si des grandes avancées ont été réalisées dans ce domaine, il est nécessaire d’agir avec détermination pour mettre fin au plus tôt aux “graves et inacceptables fléaux” de la faim et de l’insécurité alimentaire.

En octobre 2018, à l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation, le pape avait adressé un message au directeur de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), dans lequel il précisait qu’un « regard superficiel et fugace ne suffit pas à éradiquer le fléau de la faim ». François y rappelait l’urgence d’agir concrètement, précisant qu’il était « légitime de rêver d’un avenir sans faim en 2030, seulement si l’on s’engage dans des processus tangibles ». Et d’ajouter: « Les pauvres ne peuvent pas attendre ».

Pour le pape, il convient de s’attaquer aux causes mêmes de ces drames, à savoir: le manque de “compassion”, le “désintérêt de beaucoup” et une “rare” volonté politique et sociale. Il n’est pas possible de considérer qu’il s’agit seulement d’un problème des pays pauvres, s’est-il exclamé : “Chacun de nous est concerné”.

“Nous sommes tous appelés à écouter le cri désespéré de nos frères” et à agir pour leurs droits les plus basiques, a insisté l’évêque de Rome.

Eviter le gaspillage

Un moyen accessible à tous est de réduire le gaspillage des aliments et de l’eau, propose le successeur de l’apôtre Pierre.

De même, la sensibilisation des jeunes générations à ces problématiques est un “investissement” utile et nécessaire.

A un niveau plus haut, François a demandé d’agir pour le développement de l’agriculture dans les régions les plus vulnérables, par exemple par des politiques “innovantes et solidaires” de développement. Cela nécessite l’engagement de tous des gouvernements jusqu’aux citoyens.

28 juin 2019 par Jean-Jacques Durré – CATHOBEL