4e dimanche ordinaire – Année C – 3 février 2019 – Évangile de Luc 4, 21-30

ÉVANGILE DE LUC 4, 21-30

AUJOURD’HUI JE COMMENCE

Imaginez qu’à la messe un dimanche, un monsieur se lève et monte au lutrin. Vous le reconnaissez : « Tiens ! Georges, mon garagiste». Vous n’êtes pas surpris puisqu’un laïc assure toujours une lecture. Georges lit un passage d’Isaïe : « L’Esprit de Dieu est sur moi ; il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, libérer les captifs, annoncer une année de grâce de Dieu ». Vous trouvez qu’il a bien lu ; basta, passons à autre chose. Mais à la fin de sa lecture, au lieu de regagner sa place, Georges regarde l’assemblée et lance d’un ton assuré: « Mes amis, ce « MOI », c’est moi : voilà ma mission, aujourd’hui cette Parole de Dieu va s’accomplir ».

Eh bien, c’est une scène similaire qui s’est déroulée un matin de shabbat, dans la modeste synagogue de Nazareth, un coin perdu de Galilée. Un petit big bang éclate : la re-création de l’humanité commence.

JESUS RENCONTRE LE REFUS

Tout d’abord ce fut la stupeur générale ! Mais comment ose-t-il ? De quel droit ? C’est notre voisin : on a bien connu son père Joseph, le charpentier, et voilà qu’il se prend pour un prophète maintenant ? Il faudrait au moins qu’il fasse un miracle pour nous prouver que Dieu lui a bien conféré cette mission. On raconte qu’il aurait fait une guérison à Capharnaüm: qu’il en fasse donc une devant nous. Nous voulons une preuve tangible.

Mais Jésus refuse d’obtempérer à cette exigence. Il n’opérera jamais des guérisons sur des malades ou handicapés que par compassion, pour soulager leurs souffrances et jamais pour prouver sa puissance ni faire de l’esbroufe. Chaque fois qu’on le sommera de faire un acte merveilleux pour ébahir et amener à le croire, il refusera avec colère. On ne force pas la foi : la liberté doit se décider elle-même.

Alors Jésus surmonte les remous qui agitent l’assemblée et il lance d’une voix forte : « Amen, je vous le dis, aucun prophète n’est bien reçu dans son pays ». Et il appuie son affirmation par deux exemples racontés dans les Ecritures.

LES PROPHETES ET LES ETRANGERS

1er LIVRE DES ROIS 17, 1-16 – Le roi d’Israël, Akhab (875-853), avait épousé Jézabel, la fille du roi de Sidon, il avait adopté le culte de son dieu Baal auquel il avait bâti un temple. Le prophète Elie, furieux devant cette idolâtrie, annonça une longue sécheresse et s’enfuit au-delà du Jourdain, au torrent du Kérit.

Après un temps, celui-ci fut à sec et YHWH envoya Elie au village de Sarepta, dans le pays même de Sidon. Il y trouva une pauvre veuve avec son fils : à bout de ressource, elle consentit néanmoins à lui donner un peu d’eau et du pain « après quoi, dit-elle, il ne nous restera qu’à mourir ». Elie lui promit qu’en récompense de sa générosité, son Dieu YHWH continuerait à lui offrir huile et farine jusqu’au retour de la pluie.

Grande leçon pour Elie : dans le pays de la reine idolâtre, il y avait donc une pauvre femme capable d’accueillir un prophète juif et de partager avec lui son ultime bout de pain. Les citoyens ne sont donc pas à cataloguer selon la religion de leur souverain. Et ce sont les actes d’amour concret qui témoignent du cœur. L’hospitalité à l’égard du pauvre a valeur infinie.

2ème LIVRE DES ROIS 5, 1-15 – Naaman était le général en chef de l’armée syrienne et il venait d’écraser les troupes d’Israël. Or il était lépreux. Sa jeune esclave israélite lui suggéra d’aller consulter Elisée, le prophète d’Israël. Celui-ci promit la guérison au général s’il allait se plonger à 7 reprises dans les eaux du Jourdain. D’abord réticent, il finit par accepter et en effet, il fut purifié de sa lèpre.

Donc un païen peut accepter de croire un prophète juif, de lui demander la purification plutôt qu’à ses propres dieux. Et ce prophète peut accéder à l’appel d’un païen, même si ce militaire vient d’infliger à son peuple une cuisante défaite.

« Il y avait beaucoup de veuves en Israël : cependant Elie a été envoyé par Dieu à une veuve étrangère du pays de Jézabel la détestée…………Il y avait beaucoup de lépreux en Israël mais seul Naaman, le Syrien, a été purifié ».

Au fait ces deux épisodes ne montrent pas les prophètes persécutés chez eux mais ils font l’expérience qu’en dehors d’Israël, la grâce de Dieu travaille des païens : la veuve libanaise fait montre d’une générosité héroïque et l’officier syrien d’une confiance totale. Ces deux païens ont convaincu Jésus qu’il ne doit pas rester confiné dans le territoire d’Israël mais passer les frontières et accomplir une mission universelle. On sent qu’il se réjouit devant cette ouverture aux autres.

Mais il n’en va pas de même de l’assemblée qui l’écoute dans la synagogue et qui a bien compris l’allusion : le charpentier du village ne peut pas être un prophète rempli de l’Esprit-Saint, ce n’est pas à lui de nous annoncer la Bonne Nouvelle.
Ce Jésus transformé ne suscite pas seulement sourires et sarcasmes : sa prédication, son actualisation des Ecritures, sa façon d’insinuer qu’il faut nous ouvrir aux païens, c’est insupportable. C’est un blasphème. Il faut le supprimer. Et la violence éclate.

Dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où la ville est construite, pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin.

LA SCENE DE NAZARETH ANNONCE LA SUITE

Dans cette scène introductrice de tout son évangile, Luc trace les traits de ce qui va se produire.

En effet Jésus ne va pas être admis par son peuple ; le petit artisan pauvre ne peut pas être le messie sinon sa gloire éclaterait. Le salut adviendra plus tard, de manière glorieuse et dans un avenir indéterminé ; il ne peut pas déranger notre présent.

Jésus, lui, va rencontrer, sinon un général, du moins un officier de cette armée romaine qui écrase son peuple et il bénira sa foi, telle qu’il n’en a jamais vue parmi son peuple d’Israël (Luc 7, 1)
Il sera plein d’admiration pour la pauvre veuve qui, en offrant ses derniers sous, donnait bien plus que les hypocrites enrichis et imbus d’eux-mêmes : « Elle a mis tout ce qu’elle avait pour vivre » (Luc 21, 1)

Par contre il excitera l’hostilité implacable des responsables de son peuple, ils se saisiront de lui, le condamneront, le mèneront au Golgotha, « hors de la ville », pour le mettre en croix. Mais il se lèvera du fossé de la mort et, par ses témoins, il s’élancera dans tous les pays païens où il rencontrera accueil, foi, confiance. « Passant son chemin, il ira au milieu d’eux »
Comme Naaman, des officiers, des philosophes, des prêtres croiront en lui et obtiendront la purification qu’ils ne trouvaient pas dans leurs rites et dans leurs temples. Comme la veuve de Sarepta, des misérables auront assez de cœur et de charité pour partager tout ce qu’ils ont avec un étranger.

L’EPISODE PASSÉ EST AVERTISSEMENT POUR AUJOURD’HUI

Cette scène « programmatique » est riche d’enseignements.

Jésus commence sa mission parmi les siens, dans son environnement. Rien de merveilleux, de mystique, pas de miracles, d’auréole. Dans l’ordinaire d’un office religieux banal. N’attendons pas les manifestations grandioses, les multitudes en liesse.

Lassés par l’habitude, gênés par nos échecs, peureux devant l’engagement, nous souhaitons un avenir meilleur. Mais tout à coup la bonne Nouvelle retentit : « Aujourd’hui s’accomplit la Parole ». Il ne faut plus remettre à plus tard.

La situation sociale est loin d’être parfaite, les injustices sont flagrantes, les misérables trop nombreux. Mais que faire ? On a tout tenté, on manque de moyens, on se résigne. Le Seigneur bouscule notre apathie : Aujourd’hui je lance la bonne Nouvelle aux pauvres, la libération aux enfermés, la lumière aux aveugles. L’année de grâce inaugurée à Nazareth reste ouverte jusqu’au dernier jour.

Chaque semaine, nous allons participer à la liturgie hebdomadaire, nous chantons, nous prions, nous écoutons des lectures qui datent du vieux temps, qui évoquent un avenir incertain. Et nous rentrons à la maison, devoir accompli.
« Aujourd’hui la Parole s’accomplit » dit Jésus. Projetons-nous dans le projet de Dieu.

Frère Raphaël Devillers, dominicain

DOCUMENT D’INFORMATION D’OXFAM – JANVIER 2019

présenté au Forum de Davos

SCANDALE MEURTRIER

En 2018, la fortune totale des milliardaires dans le monde a augmenté de 900 milliards de dollars

  • soit 2, 5 milliards de dollars par jour.

L’extrême pauvreté handicape 3, 4 milliards de personnes qui vivent avec moins de 5, 5 dollars par jour.

Une augmentation de ½ % de l’impôt sur la fortune des 1 % les plus riches permettrait

  • de scolariser les 262 millions d’enfants non-scolarisés
  • et d’organiser les soins de santé pour sauver la vie de 3, 3 millions de personnes

Nous devons transformer nos économies pour garantir l’universalité de l’accès à la santé, à l’éducation et à d’autres services publics. Pour cela, les entreprises et les plus riches doivent payer leur juste part d’impôts.

 

Mukesh Ambani est classé 19e dans la liste Forbes des milliardaires 2018. Il est à la tête de la plus grande fortune en Inde. Sa résidence à Mumbai est évaluée à 1 milliard de dollars, ce qui en fait la résidence privée la plus chère du monde.

Pratima, qui vit dans un bidonville à Patna dans l’Est de l’Inde, a perdu ses jumeaux à cause du manque de ressources et d’une trop longue attente dans la clinique la plus proche de chez elle. Les femmes pauvres comme Pratima doivent accoucher sans soins de santé maternels appropriés, ce qui les expose à des complications et à des soins insuffisants et augmente le risque de mortinatalité.

Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, est l’homme le plus riche au monde, avec une fortune qui s’élève à 112 milliards de dollars sur la liste Forbes de 2018. 1 % seulement de sa fortune totale avoisine le budget total de la santé de l’Éthiopie, un pays de 105 millions d’habitants. Il a récemment fait part de son intention d’investir sa fortune dans un voyage spatial, car il ne sait plus vraiment où dépenser son argent.

Texte complet du rapport Oxfam 2019 : Cliquez ici.

DEUX SŒURS IRANIENNES CONVERTIES, ARRÊTÉES ET TORTURÉES

Deux sœurs iraniennes converties au christianisme, Shima et Shokoufeh Zanganeh, ont été arrêtées le 2 décembre dernier à leur domicile par des policiers en civil qui l’ont perquisitionné et saisi des Bibles et de la littérature chrétienne. Les deux jeunes femmes ont été transférées dans les locaux des services de renseignements d’Ahvaz dans le sud-ouest de l’Iran. Elles ont été torturées au cours de leurs interrogatoires. Elles ont comparu devant le tribunal révolutionnaire de cette ville de 12 décembre suivant et le juge à autorisé leur libération conditionnelle moyennant une caution de 50 000 US$ pour chacune d’entre elles.

3e dimanche ordinaire – Année C – 20 janvier 2019 – Évangile de Luc 1, 1-4 et 4, 14-21

ÉVANGILE DE LUC 1, 1-4 et 4, 14-21

DIEU M’A ENVOYÉ PORTER LA BONNE NOUVELLE AUX PAUVRES

« Les gilets jaunes ». Evénement surprenant à plus d’un titre, même s’il tombe parfois dans des excès répréhensibles. Sans directives ni politiques ni syndicales, affrontant pluies, froid, neige pendant des jours et des semaines, acceptant de longs voyages pour défiler ensemble pendant des heures dans la capitale et les grandes villes, le petit peuple qui n’en finissait pas d’étouffer enfin se lève et clame sa souffrance. Le gilet jaune signale qu’une partie de la population est en panne. Sur la bande d’urgence.

Les questions se pressent. Pourquoi, dans un pays si riche, des millions de citoyens incapables de nouer les deux bouts ? Pourquoi des multinationales aux profits colossaux ne paient pas d’impôt ? Pourquoi des grands patrons perçoivent-ils des salaires obscènes ? Pourquoi certains parviennent-ils à faire échapper des fortunes dans les paradis fiscaux ? Pourquoi des politiciens aux revenus plantureux recourent-ils à la corruption ? Pourquoi les marques de prestige (Cartier, Vuitton, Rolls-Royce…) annoncent-elles des records de vente ? Pourquoi le pays compte-t-il de plus en plus de milliardaires… ?

Et pire que cette injustice qui affame, il y a la morgue qui blesse et déchire: jugements narquois, remarques dédaigneuses. De quel droit l’argent, le pouvoir, la culture autorisent-t-ils certains à se croire supérieurs ?

Le scandale d’une nation déchirée où certains baignent dans le luxe et ignorent leurs compatriotes tombés dans les ornières de la pauvreté est hélas de toujours. Echec terrible du pouvoir politique.

Voyez l’histoire d’Israël racontée dans la Bible. Moïse avait bien transmis les lois de Dieu pour qu’Israël se différencie de tous ses voisins et soit une société régie par le droit et la justice, où il n’y aurait pas d’affamés ni de sans logis. Peuple élu ne voulait pas dire peuple supérieur, privilégié mais peuple autre, réalisant sur terre la société telle que Dieu la voulait, où chaque homme était respecté comme image de Dieu.

Las ! Dès Salomon, sauf 2 ou 3 exceptions, tous les rois se laissèrent griser par le pouvoir et le luxe, bafouant les lois, laissant se creuser des failles énormes entre riches et misérables.

Pourtant Dieu sans arrêt envoyait des Prophètes, des hommes courageux qui, au péril de leur vie, osaient dénoncer les mensonges, la corruption, les pots-de-vin, l’orgueil des nantis. Peine perdue : Amos, Osée, Isaïe, Jérémie étaient renvoyés comme des gêneurs et des utopistes dangereux.

JESUS ET L’INJUSTICE SOCIALE

C’est peut-être sur cette histoire de son peuple que Jésus médite dans la longue solitude où il s’est enfoncé après que Jean l’ait baptisé. Il vient de faire une expérience qui l’a mis en état de choc : Dieu l’a consacré et l’a comblé de la force de son Esprit. « Tu es mon Fils : aujourd’hui je t’ai engendré ». Il a donc mission d’instaurer la royauté de Dieu immédiatement, aujourd’hui.

Or il n’est qu’un pauvre artisan, il n’est ni prêtre, ni noble, ni scribe, il ne dispose d’aucun moyen, n’a pas de titres, pas de diplômes, pas de relations dans le milieu du pouvoir. Un homme du peuple. Sans gilet. Comment faire ? Car la mission est formelle mais elle laisse Jésus libre de sa réponse.

Dans le désert, Jésus écarte toute suggestion diabolique : pas de recours au confort, à la violence, au spectaculaire – pièges dans lesquels tombent toujours les puissants et qui conduisent au malheur du peuple.

Jésus, avec la force de l’Esprit de Dieu, revint en Galilée : il enseignait dans les synagogues et tous faisaient son éloge.

Jésus renonce aux coups d’éclat et aux coups d’Etat, il ne va ni au Palais, centre du Pouvoir, ni au Temple, cœur de la religion. Il commence à circuler à travers les villages, là où vit le petit peuple, dans cette Galilée où se mêlent Juifs et païens. Il n’a qu’une arme, celle des prophètes, celle qui ne force pas la liberté : la parole.

« Il enseigne » : sans préciser le contenu, Luc le répétera souvent. Parole non dogmatique, non pieuse, non moralisante, non terroriste. Pas d’allusion au culte, à la prière, aux rites, à l’au-delà, à la pureté.

LE DISCOURS PROGRAMME DE NAZARETH

En exemple, Luc présente la scène clef de cet enseignement : à Nazareth  voici le discours programme de Jésus et il ouvre sur tout l’avenir.

Shabbat matin : grand office à la petite synagogue. Des gamins aux vieux, tous les hommes sont là comme chaque semaine. Les chants des psaumes élèvent les cœurs dans la joie de la louange. Le rabbin procède ensuite au rite central : à la tribune, il lit en chantonnant la parasha, la section de la Torah prévue pour cette semaine et il en fait l’homélie. Après un chant, il invite un fidèle à venir lire la 2ème lecture, la haftara, tirée d’un Prophète.

Ce jour-là, c’est Jésus qui, après une longue absence, vient de rentrer au village. Sa réputation l’a précédé : il serait, dit-on, devenu prophète ? Intrigués, tous fixent ce jeune charpentier qui reçoit le rouleau du prophète Isaïe, le déroule et trouve ce passage :

« L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres et aux aveugles qu’ils retrouvent la lumière, apporter aux opprimés la libération, proclamer une année d’accueil par le Seigneur ».
Jésus referme le livre, le rend au servant et s’assied. Tous ont les yeux fixés sur lui.
Alors il dit : « Cette parole de l’Ecriture que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit ».

Qui donc parle dans ce chapitre 61 d’Isaïe ? Dans la bible, ce sont les prêtres et les rois qui étaient oints de l’huile sainte : ici il s’agit d’un prophète qui va lancer la Bonne Nouvelle de la libération et l’accomplir, qui, au lieu de proclamer « un jour de vengeance de Dieu » (verset que Luc omet) va proclamer une année d’accueil du Seigneur, c.à.d. un Grand Jubilé, comme il y en avait tous les 50 ans, où les esclaves sont libérés de leurs chaînes et où les dettes sont remises (Lév 25, 10).

L’inouï, c’est l’appropriation de ce texte par le lecteur. A tous ses voisins qui entendaient ce texte comme une promesse réconfortante de la venue future d’un envoyé de Dieu, Jésus assure qu’il s’agit bien de lui.
Le lecteur devient acteur, l’avenir devient présent, le crépuscule de l’oppression et la nuit du malheur font place à l’aurore. L’appréhension devant le châtiment de Dieu fait place à la joie du pardon.

Jésus (sans gilet rouge ni jaune ni sans auréole) s’identifie à cet inconnu. Il assure qu’au baptême, Dieu l’a consacré et comblé non d’une inspiration passagère mais de la force même de l’Esprit qui, dit-il, demeure en lui. Et cet Esprit lui a été donné afin qu’il remplisse la mission essentielle de libération. Et cela se passe tout de suite.

AUJOURD’HUI : un des mots préférés de Luc (12 usages dans son évangile ; 8 fois dans les Actes des Apôtres).
« Aujourd’hui il vous est né un Sauveur » disaient les Anges aux petits bergers de Bethléem (2, 11).
Au baptême, le Père disait : « Aujourd’hui je t’engendre » (3, 22).
Zachée entendait : « Aujourd’hui il faut que je demeure dans ta maison » (19, 5).
Et le larron crucifié entendait : « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis » (23, 43).

Dans l’opacité du présent, sous la charge des lourds péchés de notre passé, dans le mirage d’un hypothétique avenir, l’éternité crée une faille pour l’AUJOURD’HUI de la grâce.

Mais alors l’écriture du passé sur parchemin incite à écrire – aujourd’hui – sa vie sur un nouveau chemin.
« La Parole de l’Ecriture s’accomplit » proclame Jésus. Non « s’accomplira ». Au présent. L’heure est venue.
Jésus ne demande pas un délai de réflexion. Il ne va pas proposer son programme aux puissants et aux intellectuels. Dans son village perdu, il commence.

Que va-t-il se produire dans la petite synagogue ? Comment vont réagir les gens devant l’aplomb de leur voisin ? Nous le verrons dimanche prochain.
Ce suspense ouvre un espace de prière. Comment moi-même aurais-je réagi ?

Aujourd’hui, jour du Seigneur, nous jouissons encore de nous assembler pour écouter la même Parole du Messie. Il nous ouvre les yeux, nous enlève le poids de nos fautes, nous libère de nos prisons.
Dimanche est toujours l’aujourd’hui de la Bonne Nouvelle prête à se déployer.


Frère Raphaël Devillers, dominicain

APPEL POUR UN NOUVEAU CATHOLICISME SOCIAL

La fracture sociogéographique qui s’est progressivement creusée en France est en train de disloquer notre pays. Aujourd’hui, la « France périphérique » présente un potentiel insurrectionnel parce qu’elle n’en peut plus.

Ce peuple de France veut vivre dignement du fruit de son travail et il le fait savoir ; il veut vivre uni dans une communauté de destin, non comme une catégorie reléguée économiquement et culturellement, exclue du récit global du « nouveau monde » financiarisé, où l’idole-argent absorbe le politique.

Cette France périphérique marginalisée par la mondialisation concerne 60 % de la population, selon la classification du géographe Christophe Guilluy et davantage selon d’autres. Elle n’en peut plus de devenir un désert sans bureau de poste, sans maternité, sans médecin, sans usine, sans ferme et sans train ; elle n’en peut plus de payer toujours plus de taxes alors même que les services publics sont démantelés ; elle refuse la marche forcée vers la mondialisation économique ultralibérale et la globalisation culturelle sur lesquelles elle n’a aucune prise et qui se décident sans elle.

Il y a le feu. Notre maison commune France brûle. Cette atmosphère possiblement insurrectionnelle est inquiétante.

Pour le gouvernement, l’équation semble insoluble : on ne peut emmener à marche forcée un peuple vers un « nouveau monde » qui le rejette. Devant un tel contexte, la situation pourrait devenir hors de contrôle. Or, dans la révolution, c’est toujours le plus fort qui impose sa loi, pas le plus juste.

Comment instaurer un dialogue social quand il n’y a plus de langage commun entre la sphère financière des mégalopoles et la France des périphéries, entre “les individus de n’importe où“, initiés et mobiles, et “le peuple de quelque part” ?

Sur quelle réalité institutionnelle peut s’appuyer un tel dialogue quand les corps intermédiaires ont été sapés et que la représentation politique est décrédibilisée ? Comment trouver un chemin commun quand s’opposent « culture urbaine » mondialisée et culture populaire ?

LA COHESION DU PEUPLE EST EN CAUSE

Tels sont les contours de la question sociale contemporaine. Cette nouvelle question sociale est, sous certains aspects, plus grave encore que celle du 19e siècle, qui recouvrait principalement la condition ouvrière. Un ensemble de lois avaient alors pu la résoudre, au moins en partie.

Aujourd’hui, la question sociale dépasse largement les conditions particulières d’une classe sociale, elle atteint la nature même du lien collectif, dans toutes ses dimensions : familiale, culturelle, économique, écologique, géographique ; dimensions que nie l’idéologie de l’économie financiarisée. C’est la cohésion d’un peuple et d’une nation qui est en cause.

Cette nouvelle question sociale dépasse les frontières, comme le montre l’extension du symbole des gilets jaunes au-delà de la France. Dans de nombreux pays, en Europe et dans le monde, la valeur travail, la dignité des travailleurs, leur droit à un juste salaire et à un environnement sain, sont quotidiennement bafoués.

Cela concerne les structures économiques mais aussi la responsabilité de chacun, alors que la culture du « toujours moins cher » fait oublier que derrière chaque produit et chaque service, il y a des travailleurs et leur famille.

MISSION URGENTE DES CATHOLIQUES

Dans le passé, des catholiques sociaux se sont levés pour défendre la classe ouvrière. Aujourd’hui, les catholiques doivent se lever pour soutenir le peuple de France et lutter pour un système économique mondial et une Europe au service du développement humain intégral. Nous devons avoir conscience que les fractures françaises ne seront pas résolues seulement par des lois mais par l’engagement de chacun.

Les catholiques doivent se mobiliser pour édifier des communautés solidaires, fondées sur un lien de responsabilité commune, qui puissent redonner à notre pays une perspective, un destin partagé, du travail, un lien par la culture populaire, une histoire continuée, un nouveau souffle familial, éducatif, écologique, spirituel et de vraies solidarités.

Nous sommes membres d’un peuple. La dignité de chacun est de participer à une grande œuvre commune et au bien de notre pays. Le devoir des catholiques, en ce temps crucial de l’histoire, n’est pas de défendre les intérêts d’une communauté, mais de penser et mettre en œuvre un nouveau catholicisme social au service de l’universel et de notre pays.

Signataires : Joseph Thouvenel, syndicaliste chrétien ; Mathieu Detchessahar, docteur en gestion, professeur des Universités ; Guillaume de Prémare, délégué général d’Ichtus ; Patrice de Plunkett, essayiste ; Patrice Obert, Président des Poissons Roses ; Denis Moreau, philosophe, Professeur des Universités ; Emmanuel Gabellieri, philosophe, Professeur à l’UCLY ; Gaultier Bès, directeur-adjoint de la Revue Limite ; Pierre-Yves Gomez ; Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA ; Henri Hude, philosophe ; Bernard Bourdin, professeur des universités en philosophie politique ; Antoine Renard, président des Associations familiales catholiques en Europe ; Ghislain Lafont, Président de l’Académie d’éducation et d’études sociales ;Gérard Leclerc, journaliste ; Joël Hautebert, professeur des universités ; Diane de Bourguesdon, consultante en stratégie ; Marie-Joëlle Guillaume, écrivain ; Jean-Marie Andrès, président des Associations familiales catholiques

Contact : nouveau.catholicisme.social@gmail.com

INDEX MONDIAL DE PERSÉCUTION DES CHRÉTIENS 2019

En Corée, les chrétiens vivent donc leur foi dans le plus grand secret.  L’Eglise y est totalement souterraine. S’ils sont découverts, c’est la mort certaine, soit instantanément soit dans les camps de travaux forcés. On incite les enfants à dénoncer leurs parents. Les chrétiens n’ont aucune place dans la société et le christianisme est condamné publiquement. Il est quasi impossible pour les chrétiens de se réunir pour une célébration cultuel. On estime qu’entre 50 000 et 70 000 chrétiens sont emprisonnés en raison de leur foi chrétienne.

Un bien triste podium

Le trio de tête est complété par l’Afghanistan et la Somalie. Selon Portes Ouvertes, les chrétiens afghans, qui sont considérés comme des traîtres par leur famille et leur tribu, subissent une énorme pression pour renoncer à leur foi. Rappelons que l’Afghanistan est une République islamique depuis 2004. Le pays connait une insécurité croissante et un risque très fort d’attentats. Des élections parlementaires ont néanmoins eu lieu le 20 octobre 2018 sur fond de violence. Les chrétiens afghans – qui sont tous d’anciens musulmans – sont persécutés par les islamistes et par leur famille qui, dans certains cas, les fera même interner dans un hôpital psychiatrique afin de « sauver leur honneur ».

En Somalie, en plus d’être persécutés par leur famille pour apostasie, les chrétiens sont menacés par les terroristes shebabs qui veulent les éradiquer du pays. Dans ce pays, il n’y a quasiment aucune liberté de religion et quitter l’islam est interdit. Se convertir au christianisme, c’est trahir la famille et le clan. Par conséquent, les chrétiens sont intimidés, harcelés ou tués. Depuis 5 ans, la persécution se maintient à un niveau supérieur à 95% selon le classement car les chrétiens ne reçoivent aucune protection ni répit, à l’échelle locale comme de la part du gouvernement. C’est pourquoi, pour des raisons de sécurité évidentes, aucun exemple de persécution ne peut être publié par Portes Ouvertes.

QUELQUES CHIFFRES ÉLOQUENTS

La principale leçon de l’index mondial de persécution des chrétiens 2019, c’est que 70 ans après la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, 1 chrétien sur 9 ne jouit pas de ce droit. Le nombre de chrétiens tués en raison de leur foi a augmenté de 40% et le nombre d’églises ciblées (vandalisées, fermées…) a plus que doublé entre l’index 2018 et l’index 2019. En chiffres, cela donne :

  • 245 millions de CHRÉTIENS PERSÉCUTÉS
  • 4 305 CHRÉTIENS TUÉS
  • 3 150 CHRÉTIENS DÉTENUS
  • 1 847 ÉGLISES CIBLÉES
Seigneur, nous te prions sans relâche pour nos frères persécutés :
Nous les admirons pour leur courage et leur foi.
Que leur exemple nous révèle le combat de la foi que nous devons mener ici
Et nous communique le même Esprit de force.

JEUNES POUR LE CLIMAT

Les jeunes élèves ont décidé de manifester à Bruxelles tous les jeudis en faveur du climat. 3000 la 1ère fois, ils étaient 12.500 participants le jeudi suivant – en dépit des interdits de manquer les cours donnés par les établissements.

« C’est hyper-important d’être là ! C’est notre futur qui est en jeu…A quoi sert d’aller à l’école si l’on n’a pas de futur ».

(in La Libre 18.1.19)

2e dimanche ordinaire – Année C – 20 janvier 2019 – Évangile de Jean 2, 1-11

ÉVANGILE DE JEAN 2, 1-11

LE SIGNE DE CANA :
L’EUCHARISTIE

Est-il vrai que Jésus ait changé l’eau en vin ? Pourquoi a-t-il fait cela ?… Il n’y a qu’une façon de comprendre : c’est de rétablir la notation qui introduit la scène et que la liturgie a omise. Jean a écrit : « Le 3ème jour il y eut des noces à Cana… », ce qui désigne donc le surlendemain d’autre chose. Vous remontez dans le texte et vous remarquez que tout le récit est scandé par la répétition de : « le lendemain… ». Jusqu’au célèbre point de départ de l’évangile : « Au commencement était le Verbe… ».

Ainsi donc Jean commence son récit de la vie de Jésus par une semaine qu’il accroche à la semaine inaugurale de la création du monde. Découverte essentielle : Jésus n’accomplit rien moins que la recréation du monde, la nouvelle genèse de l’humanité.

Le livre de la Genèse qui ouvre la Bible disait : Le Dieu unique a créé l’univers par sa Parole. Avec un commencement c.à.d. un déroulement, un projet : matière, vie végétale, vie animale puis enfin l’humanité qu’il a faite homme et femme, « à son image et ressemblance » avec mission d’achever son œuvre.

Mais l’humanité a trahi sa vocation. Le couple s’est lézardé et a perdu le paradis, la haine a fait couler le sang entre frères, entre nations. Des lois, comme le Décalogue, ont bien essayé d’endiguer la tragédie en dictant des comportements ; des religions ont institué des sacrifices et des ablutions pour recouvrer l’innocence, soigner la culpabilité. Peine perdue.

Enfin Jésus vint, donna des règles puis tué, ressuscité, il disparut. Et après les premiers Evangiles, après des dizaines d’années de réflexion sous le souffle de l’Esprit, voici, dit Jean, comment enfin nous avons pénétré la révélation stupéfiante, merveilleuse. Et il fait comme un parallèle entre le commencement du monde et le commencement de l’œuvre de Jésus.

CREATION ET NOUVELLE CREATION

1er JOUR – JEAN 1, 1-18 : Au commencement était le Verbe, le Logos, il était tourné vers Dieu, il était Dieu. Tout fut par lui. En lui était la vie. Il était la Lumière. Et le Logos fut chair, il a demeuré parmi nous. A ceux qui croient en lui, il est donné de devenir enfants de Dieu … La Loi fut donnée par Moïse : la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. Personne n’a jamais vu Dieu : son Fils l’a fait connaître.

Dieu n’est pas une Force: il parle, il est désir de communication, de communion. Cette Parole n’est pas son acte (comme nous) mais est lui, sa raison, son sens. Jésus a été cette Parole faite homme. Celui qui le croit n’est plus sous un régime légal mais dans la communion de l’amour.

2ème JOUR – JEAN 1, 19 : D’abord il y eut la Loi. Le dernier prophète, Jean-Baptiste, la répète mais il témoigne : « Je ne suis pas le Messie… il vient après moi ».

La tentation est toujours de confiner Jésus au rang de prophète. Le Baptiste creuse nettement l’abîme : de Moïse et tous les prophètes jusqu’à lui, la loi éclaire, exhorte, interdit mais ne peut sauver l’homme.

3ème JOUR – JEAN 1, 29 : Le lendemain, Jean dit : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde … J’ai vu l’Esprit descendre et demeurer sur lui. Il est le Fils de Dieu ».

Jésus a une identité unique. Sa révélation va être jugée inacceptable, blasphématoire et il sera mis à mort. Mais de sa mort subie, il fera un acte de don. Comme le sacrifice de l’agneau a permis la sortie de l’esclavage d’Egypte, la croix sera désormais, pour l’humanité entière, libération du péché.

4ème JOUR – JEAN 1, 35 : Le lendemain. Deux disciples de Jean le quittent et suivent Jésus qui s’en va. Ils demeurent avec lui. C’était la 10ème heure (donc fin du jour)

L’obéissance à la Loi est première étape mais elle appelle à son dépassement. Non vers l’anarchie mais dans la suite, l’attachement, la demeure, la communion avec Jésus.

5ème JOUR – JEAN 1, 40 : (donc le lendemain car la journée juive commence au crépuscule) André transmet la nouvelle à son frère Simon et l’emmène à Jésus qui le surnomme Pierre.

La joie de la découverte de Jésus entraîne au partage avec le frère dans l’exultation : « Nous avons trouvé le Messie ». Jésus fera de ses disciples une demeure spirituelle, un temple dont Simon est nommé « première pierre ».

6ème JOUR – JEAN 1, 43 : Le lendemain, Jésus appelle Philippe, qui va appeler Nathanaël. Au petit groupe des premiers disciples, Jésus fait une annonce mystérieuse: « Vous verrez le ciel ouvert et les anges monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme »

C’est une allusion au patriarche Jacob qui, dans un rêve, a vu une échelle qui reliait terre et ciel : il a dressé une stèle et a appelé ce lieu Bethel, Maison de Dieu (Gen 27, 12). Ainsi, un même 6ème jour, on dressera une croix au Golgotha et le sacrifice de l’Agneau en fera comme l’échelle, le lieu où la communion entre le ciel et la terre, la paix entre Dieu et les hommes, sera rétablie.

7ème JOUR – SABBAT : jour vide. Silence.

Le lendemain de la crucifixion sera le grand repos du sabbat où le corps de Jésus gît dans le tombeau. Jour de vide, d’absence.

Le 3ème JOUR – JEAN 2, 1 : « Le 3ème jour, Il y eut des noces à Cana … ».

Le prophète Osée et le Cantique des cantiques avaient présenté l’Alliance d’Israël avec Dieu non comme un contrat basé sur des commandements mais comme une alliance conjugale entre un Dieu qui aime une épouse toujours pécheresse, incapable de demeurer fidèle à son époux.
La grande fête des noces se heurtait toujours à l’infidélité du peuple. Un peu comme un mariage où le vin nécessaire à la fête venait à manquer. C’est pourquoi Jean fait dire à Marie : « Ils n’ont plus de vin ».
L’humanité doit-elle se résoudre à ne jamais pouvoir être en lien avec Dieu ? Sa faiblesse congénitale la condamne-t-elle à la culpabilité permanente, au désespoir sans remède ?

Mais qui, à cette époque, doit offrir le vin des noces ? L’époux. Donc à Cana, Jésus entend le constat de sa mère comme une demande : il est bien le Messie qui a mission d’offrir le vin pour célébrer les Noces de Dieu. Mais « l’heure » n’est pas venue. Elle sonnera plus tard quand Jésus saura « que son heure est venue, l’heure de passer de ce monde au Père » (13, 1). Ce sera l’heure de la croix, l’heure où l’Agneau de Dieu donnera son sang pour le pardon des péchés du monde.

En ce début, à Cana, Jésus ne peut faire qu’un « signe » c.à.d. une action porteuse de sens, qui suscite réflexion et réponse active. Car Jean ne dit jamais que Jésus fait « un miracle », ce qui fige les hommes dans « l’admiration » (même mot), la stupeur, l’immobilité.
Et ce signe de Cana a lieu le lendemain du sabbat, « le 3ème jour » après la promesse de voir le ciel ouvert, comme la résurrection sera au « 3ème jour », surlendemain de la croix (1 Cor 15, 4).

CANA, DIMANCHE, EUCHARISTIE

Les premiers chrétiens (Juifs et païens ensemble convertis) se réuniront le lendemain du sabbat, le jour de la Résurrection qu’ils appelleront Jour du Seigneur – en latin « domenica dies » qui donnera notre mot dimanche. Ils auront conscience d’être l’Eglise, la communauté croyante qui, au jour de son Seigneur, est transfigurée par son amour et, telle une épouse, s’unit à son Seigneur bien-aimé en partageant son Pain de Vie et la coupe de son sang.

L’Eucharistie est « le premier des signes » où Jésus manifeste sa gloire. Signe d’un amour jusqu’à la mort. Signe d’un amour surabondant qui répond à notre désir d’infini, car 6 vases contenant 2-3 mesures, cela donne environ 600 litres. Jésus a pour son épouse un amour d’une surabondance inépuisable.

L’Evangile se répandit très vite et c’est ainsi que la semaine, d’abord juive puis devenue chrétienne, se répandit dans le monde et que le dimanche devint, en germe, la manifestation de l’accomplissement de la création.

Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu.
Au recommencement est l’Eucharistie, jour des noces, jour de communion de Dieu et des hommes, jour de l’Agneau immolé et vivant, jour de joie et d’ivresse de l’Esprit, jour de l’assemblée, de la recréation de l’humanité défigurée par ses péchés.

Le 1er jour de la semaine Dieu nous reconstruit dans son amour pour que, pendant les 6 jours de semaine, nous construisions un monde selon sa volonté.


Frère Raphaël Devillers, dominicain

CONCILE VATICAN II – LA LITURGIE

CHAPITRE II :
LE MYSTERE DE L’EUCHARISTIE

Notre Sauveur, à la dernière Cène, la nuit où il était livré, institua le sacrifice eucharistique de son Corps et de son Sang pour perpétuer le sacrifice de la croix au long des siècles, jusqu’à ce qu’il vienne, et pour confier ainsi à l’Église, son Épouse bien-aimée, le mémorial de sa mort et de sa résurrection : sacrement de l’amour, signe de l’unité, lien de la charité, banquet pascal dans lequel le Christ est mangé, l’âme est comblée de grâce, et le gage de la gloire future nous est donné.

48. Participation active des fidèles

L’Église se soucie d’obtenir que les fidèles n’assistent pas à ce mystère de la foi comme des spectateurs étrangers et muets, mais que, le comprenant bien dans ses rites et ses prières, ils participent de façon consciente, pieuse et active à l’action sacrée, ils soient formés par la Parole de Dieu, ils se restaurent à la table du Corps du Seigneur, rendent grâces à Dieu.

En offrant la victime sans tache en union avec le prêtre, ils apprennent à s’offrir eux-mêmes et, de jour en jour, ils sont parachevés, par la médiation du Christ, dans l’unité avec Dieu et entre eux pour que, finalement, Dieu soit tout en tous.

56. Unité de la messe

Les deux parties qui constituent la messe, c’est-à-dire la liturgie de la parole et la liturgie eucharistique, sont si étroitement unies entre elles qu’elles constituent un seul acte de culte. Aussi, le Concile exhorte vivement les pasteurs à enseigner soigneusement aux fidèles, qu’il faut participer à la messe entière, surtout les dimanches et jours de fête de précepte.

(Avis pour les habitués des retards)

LE DIMANCHE : JOUR DE FÊTE PRIMORDIAL

L’Église célèbre le mystère pascal chaque huitième jour, qui est nommé à bon droit le jour du Seigneur, ou dimanche. Ce jour-là les fidèles doivent se rassembler pour que, entendant la Parole de Dieu et participant à l’Eucharistie, ils fassent mémoire de la passion, de la résurrection et de la gloire du Seigneur Jésus, et rendent grâces à Dieu qui les « a régénérés pour une vivante espérance par la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts » (1 P 1, 3).

Aussi, le jour dominical est-il le jour de fête primordial qu’il faut proposer et inculquer à la piété des fidèles, de sorte qu’il devienne aussi jour de joie et de cessation du travail.

Les autres célébrations, à moins qu’elles ne soient véritablement de la plus haute importance, ne doivent pas l’emporter sur lui, car il est le fondement et le noyau de toute l’année liturgique.

Fête du Baptême de Jésus – Année C – 13 janvier 2019 – Évangile de Luc 3, 15-22

ÉVANGILE DE LUC 3, 15-22

NAITRE DE LA MERE POUR DECOUVRIR LE PERE

Un jour la nouvelle traverse le pays et parvient à Nazareth : après des siècles de silence de Dieu, enfin un prophète vient de se lever. Il s’appelle Jean et il baptise les gens dans le fleuve Jourdain.
C’est le signal. Jésus décide d’aller voir. Il fait ses adieux à sa mère. Sait-il ce qui l’attend ?

MISSION DE JEAN DIT LE BAPTISTE

Il descend dans la vallée et suit la petite route qui longe le Jourdain jusqu’à ce qu’il tombe sur une foule en train d’écouter un prédicateur. Les autorités israéliennes et jordaniennes se sont longtemps disputées pour s’attribuer le lieu où Jean-Baptiste s’était installé (le tourisme religieux rapporte gros !). Aujourd’hui les archéologues ont tranché : les plus anciens vestiges d’un culte au Baptiste sont situés sur la rive jordanienne, donc orientale du Jourdain. Cela n’est pas anodin. C’est de ce côté-là, dit la bible, que jadis les Hébreux, libérés de l’esclavage en Egypte, sont arrivés. Moïse y est mort après avoir nommé son successeur pour entrer dans la terre promise par Dieu. Or ce nouveau chef s’appelait Josué, équivalent en hébreu de Jésus = « Dieu sauve ».

Que fait ce prophète ? Il lance de véhéments appels à une conversion des mœurs, il exige des changements de vie, et il conduit les hommes dans les eaux du gué en annonçant le pardon des péchés. Curieuse prétention car depuis toujours le pardon s’obtient en allant offrir des sacrifices au Temple.
Ainsi donc ce Jean qui, selon Luc, est fils de prêtre donc prêtre lui-même, a tourné le dos au sacerdoce de Jérusalem pour devenir Prophète et instaurer un nouveau rite. Et ce rite est évidemment copié sur l’antique passage des Hébreux. Donc le baptême, qui signifie « plongée », n’est pas une ablution pour être purifié d’une tache mais un passage.

Il s’agit donc du 3e passage, de la 3ème « pâque ». La 1ère fut la sortie d’un pays tyrannique pour posséder son propre pays. La 2ème fut le retour de la déportation en Babylonie, provoqué par le roi Cyrus, nommé « Messie » mais qui maintint la domination perse en Israël. Maintenant voici la 3ème pâque. Mais Jean avoue son impuissance à la mener lui-même à bien. Comme Moïse et tous les anciens prophètes, il constate qu’il ne peut que tonitruer contre le péché, exhorter au changement et même conduire dans le passage de l’eau mais pas davantage. La parole est forte, vraie, véhémente : elle peut émouvoir mais pas mouvoir. Etre admirée mais pas obéie. C’est pourquoi Jean reconnaît :

Moi je vous baptise avec de l’eau mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit-Saint et dans le feu.

Jean-Baptiste est donc formel : il est faux de ramener Jésus dans la lignée des prophètes, des philosophes, des défenseurs des droits de l’homme, et de ne voir dans son baptême qu’une ablution, un rite symbolique de purification morale, comme on pourrait le faire dans le Gange par exemple.

Entre lui et moi, proclame Jean, il y a infiniment plus qu’une différence entre un maître et son esclave, il y a un abîme. Car lui, et lui seul, va accomplir l’irréalisable : plonger l’homme dans l’Esprit, le Souffle, l’Energie, le Feu d’amour infini de Dieu.
Perplexes les gens s’interrogent : qui donc est celui-là qui va venir ? quand viendra-t-il ? que signifie « plonger dans l’Esprit » ? L’un après l’autre, les baptisés retournent chez eux, satisfaits d’avoir accompli le rite. Jésus attend. L’événement essentiel va survenir.

LA THEOPHANIE

Comme tout le peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait, le ciel s’ouvrit. L’Esprit Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus, et il y eut une voix venant du ciel: « Tu es mon Fils : aujourd’hui je t’ai engendré »

JESUS PRIE. A 15 reprises, Luc notera cette prière de Jésus dans son évangile. Après l’écoute de la parole prophétique et la pratique d’un rite, il importe de se rendre disponible à Dieu. Sinon on se croit capable de pratiquer ce que l’on a entendu et on considère le rite comme un acte magique. Tentations de toujours dans toutes les religions y compris le catholicisme.
Jésus prie : comme sa mère à l’Annonciation, il peut dire : « Je suis le serviteur du Seigneur : que sa Parole s’accomplisse ». Car le rite est vocation à réaliser.
Grâce à la Bible, Luc tente de montrer l’immensité de l’événement.

Il s’agit d’une nouvelle création car à la genèse du monde : « Dieu créa le ciel et la terre et l’Esprit de Dieu planait à la surface des eaux » (Gen 1, 1) et il va pouvoir vivifier et féconder le chaos primitif.

Il rappelle la fin du déluge : Noé lâche une colombe et elle revient le soir avec, au bec, un frais rameau d’olivier » (Gen 8, 11). Jésus va réconcilier l’homme avec Dieu et réconcilier les hommes entre eux.

La colombe est aussi le nom de la chérie du Cantique des Cantiques : elle évoquerait la communauté longtemps éloignée par son péché mais que son Dieu revirginise par son amour. Ce qui voudrait dire que Jésus assume sa communauté, il la porte, il l’aime, il lui permet de se retrouver dans les bras de son Dieu amoureux (Cant 2, 14 ; 6, 9…).

Certains en ont conclu que le baptême est un acte d’adoption de Jésus qui deviendrait un homme divinisé par Dieu. Or, Luc a raconté dans la scène de l’annonciation que Jésus était bien, de naissance, Fils de Dieu. Ici la formule est celle de l’investiture royale : « YHWH m’a dit : Tu es mon fils ; moi aujourd’hui je t’ai engendré ; je te donne toutes les nations en patrimoine » (Psaume 2, 7). Jésus Fils, après avoir vécu dans l’ombre pendant des années, doit maintenant, sans plus attendre, ouvrir son Royaume messianique.

De quelle façon, par quels moyens ? L’Esprit de Dieu ne fait pas de l’homme un robot : tout de suite après Jésus va s’enfoncer tout seul dans le désert afin de réfléchir. Et on sait qu’après la Parole du Père, c’est celle du satan qui va s’insinuer : « Si tu es le Fils de Dieu….. ». Le baptême ouvre un combat contre le mal.

RICHESSES DU BAPTEME

Les documents du Nouveau Testament puis la littérature des Pères des premiers siècles montrent l’importance fondatrice du baptême.

Il est toujours précédé par la proclamation de la Bonne Nouvelle de Pâques : par sa croix et sa résurrection, Jésus est le Seigneur qui donne l’Esprit.

Ensuite il est proposé à l’adhésion libre des auditeurs. Pas de contrainte, pas de coutume religieuse. Il est un acte d’adulte qui se décide en toute conscience : « Le baptême vous sauve : il n’est pas la purification des souillures du corps, mais l’engagement envers Dieu d’une bonne conscience. Il vous sauve par la résurrection de Jésus Christ… » (1 Pierre 3, 21).

Il va remplacer la circoncision, rite qui renforçait l’identité juive mais restait un obstacle pour les païens. Il va permettre l’extension fulgurante de l’Evangile qui devient une foi universelle, œcuménique.

Il est passage dans l’eau mais il est donné « au nom du Seigneur Jésus » (Actes 2, 38), « au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » (Matthieu 28, 19). Il offre une nouvelle identité : devenir fils adoptif de Dieu. « Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ. Il n’y a plus ni juif ni Grec ; ni esclave ni homme libre ; ni l’homme et la femme. Tous vous n’êtes qu’un en Jésus Christ » (Gal 3, 27)
.
Il n’est pas un rite privé et familial, une sacralisation de la naissance mais un rite public, festif, solennel qui scelle l’entrée dans une cellule d’Eglise bien concrète. Donc il présuppose une communauté qui déjà vit les conséquences de la foi et du baptême, qui fête l’entrée de nouveaux membres, les soutient dans leur cheminement, les enseigne, accepte leurs différences, est patiente envers leurs fautes.

Le baptême n’est pas moralisateur mais créatif : « S’il ne naît d’eau et d’Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu » dit Jésus à Nicodème, le brave pharisien qui voulait se rendre parfait à coup de pratiques (Jean 3, 5). Le baptême est la sortie du sein maternel pour découvrir le Père et devenir frère ou sœur de Jésus, fils premier-né.

Il confère une mission : qui a compris que le baptême le sauve ne peut se confiner dans un privilège ; il ne peut que désirer de toutes ses forces partager cette communion de Dieu avec d’autres.

Le baptême inaugure un combat féroce, intérieur et extérieur, dont la vie de Jésus témoigne. D’où l’importance de se nourrir de sa Parole. La communauté baptisée ressoude sa communion et sa joie dans le repas hebdomadaire de l’Eucharistie et elle chante : « Notre Père… ».

La méditation de ces brèves notices ne nous amène-t-elle pas à la conviction : « Il y a beaucoup à faire dans nos paroisses » ?


Frère Raphaël Devillers, dominicain

Fête de l’Epiphanie – Année C – 6 janvier 2019 – Évangile de Matthieu 2, 1-12

ÉVANGILE DE MATTHIEU 2, 1-12

LA MANIF’ DU BEBE PAUVRE

Nous faisons tout pour que l’Evangile ne nous dérange pas. Ainsi qu’en est-il de l’Epiphanie que nous fêtons en ce jour ?

Si vous êtes un homme cultivé, moderne et sécularisé, toutes ces légendes religieuses de crèche, de mages et d’étoile GPS sont évidemment à mettre au rancart puisque de toute évidence, elles ne sont pas historiques.

Si, choqué par ces attaques, vous voulez à tout prix défendre l’historicité du récit, vous vous tournez vers les savants pour préciser l’année où effectivement une nouvelle étoile est apparue ou s’il n’y a pas eu une comète qui expliquerait le déplacement des mages. Le grand Kepler et bien d’autres après lui se sont lancés dans ces recherches mais nul n’a abouti à une certitude.

Si, déçu, vous aimez le tourisme déguisé en pèlerinage, vous vous rendez alors à Cologne, où dans la magnifique cathédrale, on vous assure que la magnifique châsse contient les reliques de ces fameux rois mages.

Si vous demeurez quand même un peu sceptique et si vous êtes gourmet, vous vous dites qu’au moins l’Epiphanie est une belle occasion pour déguster une délicieuse « galette des rois » et, qui sait, peut-être tomber sur la fève qui vous consacrera comme roi. Et les convives vous décoreront d’une superbe couronne de carton doré.

Et alors, si vous êtes collectionneur et en particulier « fabophile », vous alignerez dans votre belle armoire vitrée toutes ces petites figurines de porcelaine qui ont maintenant remplacé la fève. Certains, dit-on, en ont récolté des milliers.

En voyant toutes ces dérives, l’évangéliste Matthieu s’arracherait son dernier cheveu (puisqu’ « il n’y a qu’un ch’veu sur la tête à Matcheu ») et il s’écrierait : Mais ce n’est pas pour cela que j’ai écrit cette histoire ! C’est pour vous ouvrir le chemin de la foi. Vous montrer comment le dessein mystérieux de Dieu s’est réalisé. Que la foi est intelligente. Qu’elle fait comprendre l’histoire et la vie.

Car dans quel environnement vivez-vous ? Quelles sont, comme on dit, vos coordonnées ? L’espace et le temps.

LE LIVRE DE L’ESPACE

Nous avons la chance de vivre à une époque où les techniques d’observation ont connu un développement prodigieux. Les hommes ont inventé des machines qui s’enfoncent de l’indéfiniment grand à l’indéfiniment petit, du cœur des galaxies au cœur des particules. Un monde dont les sciences de pointe font reculer sans cesse les limites. Un monde qui est régi par les lois. A Cap Canaveral, les savants peuvent vous dire avec la plus haute précision ce qui va se produire lorsque l’engin spatial arrivera, dans plusieurs années, à destination.

L’univers fonctionne. Il n’est pas un amas informe et absurde. Il est un mystère qui pose question. Est-il « lisible » ? Nous dit-il quelque chose ?

Les mages de Matthieu n’étaient pas des rois ni des farfelus mais des savants de l’époque, intelligents, héritiers d’une tradition déjà séculaire. De l’Egypte à la Mésopotamie et à la Perse, du haut des ziggurats (comme la tour de Babel), l’étude du ciel ne s’arrêtait jamais. Pourquoi les éclipses, les signes du zodiaque ? Il devait y avoir un lien entre le monde d’en haut et le monde d’en bas. Ne percevait-on pas des signes ? L’univers est mathématique pour nous : est-il aussi significatif ? Si oui, de quoi ? De qui ?

Quoi qu’on dise, les sciences n’éliminent pas Dieu. Les trois grands, Galilée, Newton, Einstein, croyaient en son existence. S. Hawkins non. Car rien ne peut contraindre la conscience : la foi est une option. Mais elle est intelligente.

Où trouver la réponse ? Le livre du cosmos clignote de signes mais ne donne pas de réponse définitive.

Intrigués par le langage du ciel, quelques mages décident de redescendre sur terre et se mettent en quête d’un autre livre : La Bible.

LE LIVRE DE L’HISTOIRE : LA BIBLE

Les mages restaient intrigués par le lien entre le haut et le bas, le ciel et la terre. Maintenant les voici à Jérusalem devant un autre livre, écrit par les sages d’Israël qui s’interrogent sur l’histoire, sur le lien entre le passé et l’avenir. Ce livre s’ouvre par « Au commencement… » et rapporte le développement, l’histoire ordinaire et tragique d’un peuple avec ses amours et ses trahisons, ses luttes pour le pouvoir et ses guerres. Mais cette histoire est traversée par une flèche qui lui donne une direction : un jour Dieu, le créateur du cosmos, oindra, consacrera un roi qui unira les hommes dans la paix, qui les extraira des nuits du crime. Ce roi sera le « Messie, le Christ ».

Et les sages juifs montrent aux mages païens une constellation de promesses :
La mystérieuse annonce d’un prophète païen, Balaam : « Oracle de celui qui entend les paroles de Dieu. Je le vois mais ce n’est pas pour maintenant : de Jacob monte une étoile… » (Nombres 24, 17)

Un prophète précise où ce roi naîtra : « Et toi, Bethléem Ephrata, de toi sortira celui qui doit gouverner Israël…Dieu les abandonnera jusqu’au temps où enfantera celle qui doit enfanter…Il fera paître son troupeau, il sera grand jusqu’aux extrémités de la terre. Lui-même il sera la paix » (Michée 5, 1).

Un psaume prévoit que les autres rois viendront lui faire des présents : «  Les rois enverront des présents ; tous les rois se prosterneront devant lui, toutes les nations le serviront. Il prendra souci du pauvre et du faible, il les défendra contre la violence… » (Psaume 72).

Frappés par cette convergence d’annonces, les mages païens décident donc de se rendre dans ce village. Mais les sages juifs refusent des accompagner. Ils connaissent par cœur les annonces du Messie mais ne peuvent croire que son avènement ait eu lieu maintenant. Les mages païens s’y rendent seuls et découvrent, dans une humble maison, un couple et un nouveau-né.

Tout pour eux concorde : oui c’est lui, le petit pauvre inconnu, le Messie, et à genoux, ils lui offrent leurs cadeaux : l’or de l’Afrique, l’encens de l’Arabie, la myrrhe d’Europe. Symboliquement déjà l’univers connu commence à reconnaître celui-là seul que Dieu envoie pour les sauver de l’orgueil, de la guerre, du désespoir.

QUELLE EST LA VERITE QUE MATTHIEU A VOULU NOUS TRANSMETTRE ?

Lorsque, dans les années 80-85, Matthieu écrit son évangile, le tragique fossé s’élargit. Les maîtres pharisiens et les scribes refusent encore de reconnaître Jésus comme Messie et ils interdisent même l’entrée dans les synagogues à leurs compatriotes convertis.

Par contre, des communautés se répandent dans tous les pays païens alentours : à Antioche de Syrie, à Alexandrie en Egypte, à Athènes et Corinthe en Grèce et même à Rome, capitale de l’Empire. Partout des païens, au passé parfois très lourd, s’émerveillent d’entendre le message de l’Evangile et, changeant de vie, ils adoptent et propagent la Bonne Nouvelle. Jésus est leur « star » qui conduit leur vie.

L’épisode des mages illustre ce paradoxe : l’observation de l’univers les a orientés à la découverte et à l’adoration de Jésus Messie. L’avenir du monde n’est pas inscrit dans les étoiles mais il est pris en main par ce Jésus, le roi pauvre sans palais ni couronne ni armée. Plutôt que d’étudier les signes du zodiaque pour deviner les caprices du destin et s’enrichir, il est vital de scruter les constellations des prophéties de la Bible qui brillent de la lumière de la vérité et de suivre le Bon Berger, le Pasteur de la Paix pour toutes les nations.

Quel paradoxe encore une fois. Les spécialistes des Ecritures, ces hommes qui connaissaient leur Bible par cœur et qui entretenaient l’espérance messianique, sont restés aveugles devant celui que des païens idolâtres reconnaissaient.

L’Epiphanie est le Jour de la Mission universelle : nous n’avons pas seulement à connaître les Ecritures, à les étudier, à les commenter mais à former des communautés ouvertes, toujours prêtes à accueillir des chercheurs. Qu’ils soient des savants insatisfaits des découvertes scientifiques, ou des astrologues égarés dans leurs prévisions, ou des jeunes déçus par l’idole, la star, l’étoile qu’ils voulaient imiter, toujours il y a des cœurs où un jour s’allume l’étoile du Christ.

Alors plus nombreux serons-nous à partager la galette de notre Roi, le Pain de Vie de notre Pasteur. Sauvés par notre Messie, unis par son amour, nous serons tous « rois », libérés de l’esclavage du mal. Et nous repartirons par d’autres chemins pour être le peuple qui manifeste son Dieu.


Frère Raphaël Devillers, dominicain