Dimanche de Pentecôte – 28 mai 2023 – Évangile de Jean 20, 19-23

Évangile de Jean 20, 19-23

L’Esprit qui brûle en nous

Il y a des chrétiens pour qui l’Esprit-Saint n’est jamais comme une langue de feu, c’est-à-dire un langage que nous percevons, et qui nous enflamme.

Nous savons tous qu’en nous, il y a des mots et des idées qui se bousculent. Et nous savons tous aussi que parmi ces idées certaines nous attristent, d’autres nous réjouissent, d’autre encore nous emportent le cœur et l’âme. Il y a des mots, des phrases, des sons que nous percevons et qui nous portent vers la plénitude, l’élévation de tout notre être et parfois même l’extase ; des mots qui provoquent une jubilation esthétique intense – déjà les mots « Je t’aime » sont de ceux-là.

Et bien, il y a des chrétiens pour qui les mots qui émanent de l’Esprit même de Dieu ne sont jamais de telles langues de feu, ne suscitent en eux aucun embrasement, ni même de joie particulière.

Certainement, ils ont des désirs, des êtres et des passions qui les enflamment … mais pas Dieu. Ce sont des chrétiens purement rationnels, pour qui Dieu est finalement toujours une idée, un concept et jamais une rencontre, une personne qui les aime, quelqu’un dans leur vie. Ils ont la foi, ils croient en un être suprême, mais ce Dieu n’est jamais un « tu » auquel ils s’adressent. Il est trop loin.

Il y a aussi des chrétiens pour qui le seul esprit qui leur parle c’est le leur ; des chrétiens qui n’écoutent qu’eux-mêmes, des chrétiens qui croient que Dieu parle comme eux – et qui ont même tendance à l’affirmer – des chrétiens qui pensent détenir la vérité – bien sûr, la leur.

Et puis il y a les chrétiens pour qui la religion est spiritualité : c’est-à-dire un embrasement de l’esprit, par un Esprit avec lequel on dialogue. Un « tu » qui nous parle dans le cœur et auquel on répond ; un « tu » que l’on retrouve quand on lit la Bible, un « tu » que l’on sait voir présent dans ceux qu’on aime, un « tu » qui, lui-même, s’exprime parfois à travers nous.

Il y a des chrétiens que le « Je t’aime » entendu de Dieu embrase et comble de joie ; qui jubilent de l’Amour de Dieu qui s’exprime ; qui non seulement ont conscience de cet Amour mais bien plus le ressentent et l’éprouvent ; un peu comme l’amour s’éprouve entre ceux qui s’aiment : des langues de feu brûlantes comme le sont les mots des amoureux entre eux ; ceux que se chuchotent parents et enfants quand ils s’embrassent.

L’Esprit de Dieu cherche à tous nous parler. Pas à nous tenir un discours ; pas à nous donner des leçons ; pas simplement à exprimer une pensée que nous pourrions trouver intéressante ou belle ou adéquate. Non ! à nous parler de la manière la plus complète qui soit ; avec des mots qui changent et emportent celles et ceux à qui ils s’adressent ; avec des mots brûlants qui nous attirent. Dieu veut nous attirer à lui avec une Parole qui touche à l’essentiel de nous-mêmes. A notre profond désir d’aimer et d’être aimés.

On ne comprend bien l’image des langues de feu qui tombent sur les disciples que si l’on sait soi-même à quel point on peut brûler du désir d’amour et à quel point Dieu désire rencontrer ce désir. On ne comprend bien l’image des apôtres qui parlent désormais toutes les langues que si l’on se rend compte de l’universalité de ce désir d’amour et aussi de l’universalité des réponses qui y sont apportées. Quelle que soit notre langue maternelle, partout dans le monde, l’amour et la tendresse s’expriment de la même manière, avec les mêmes gestes, les mêmes élans du cœur, les mêmes marques d’affections.

Alors certains me diront, c’est très bien tout ce discours sur l’Esprit Saint qui nous parle d’Amour mais moi je ne l’entends pas comme ça. Pire, repensons au cas de Mère Teresa pour qui Dieu était bel et bien un « tu » auquel elle s’adressait mais qui, toute sa vie, est restée dans la nuit, sans percevoir de réponse de la part de Dieu … Et qui est pourtant devenue sainte !

Je crois en effet qu’une extrême confrontation à la souffrance, une vie qui s’affronte au malheur au point de concevoir – à juste titre – un profond sentiment personnel d’impuissance, peuvent nous empêcher de voir l’amour de Dieu à l’œuvre parmi les hommes. C’est difficile, dans la souffrance ultime, de ressentir encore l’Amour de Dieu.

Mais c’est alors peut-être, comme Sainte Teresa – et comme le Christ sur la croix qui a aussi vécu ce sentiment d’abandon – c’est peut-être qu’on devient un être non plus qui entend Dieu mais un être qui ne fait plus que dire Dieu par sa vie. Finalement Teresa, comme le Christ, ne sont plus que le cri d’Amour de Dieu face à la souffrance ultime.

La Pentecôte c’est le don fait à l’Humanité de pouvoir véritablement entendre Dieu comme le Christ a entendu son Père. Et le fruit de la Pentecôte c’est de pouvoir exprimer à notre entourage cet amour infini de Dieu pour l’Humanité. S’il le faut, en n’étant seulement plus qu’un cri.

La Pentecôte c’est recevoir l’Esprit d’Amour qui permet de se relever en toutes circonstances.

— Fr. Laurent Mathelot, dominicain.

Fête de la Pentecôte – Année C – 5 juin 2022 – Évangile de Jean 14, 15-26

Évangile de Jean 14, 15-26

Esprit, Souffle sur l’Église en Synode

Comment imaginer l’état de bouleversement, de sidération dans lequel se trouvent les apôtres après la disparition définitive de Jésus ? Tout s’est passé tellement vite. Ils étaient des hommes du peuple, de la campagne, sans titres ni fortune, exerçant de petits métiers, pêcheurs, douanier …Un homme les a appelés à le suivre. Il annonçait la venue du Royaume de Dieu dans un langage tout simple, opérait des guérisons sur des malades, marquait sa préférence pour les petits et les pauvres. Avec audace il dénonçait la vanité et le goût du lucre des grands prélats, l’arrogance des scribes, l’hypocrisie d’un culte fastueux mais stérile pour la conversion des comportements. L’idée se répandait que ce prophète était peut-être le messie attendu.

Alors tout s’accéléra. Il fallait supprimer cet agitateur qui, à l’approche de la Pâque, risquait de susciter la révolution. On l’arrêta, on le condamna, on l’exécuta de la façon la plus horrible sur une croix. Les jours suivants, les pèlerins quittaient la ville qui reprenait son cours normal. L’affaire semblait close. Non, elle commençait ! Car Jésus, vivant de la gloire de Dieu revint vers ses disciples, leur expliqua que le dessein de Dieu s’était réalisé et qu’avec la force de l’Esprit de Dieu qu’ils allaient recevoir, ils l’accompliraient parmi tous les peuples.

Selon Luc, les apôtres se rassemblèrent et s’unirent en prière dans l’attente de l’Esprit. N’imaginons pas ces hommes et ces femmes figés comme des statues dans une oraison immobile. Un tourbillon de souvenirs et d’interrogations les submerge. Qu’est-ce que Jésus nous a enseigné ? Comment exprimer son identité ? Pourquoi la croix ? Qu’est-ce donc que la résurrection qui n’est pas une réanimation ? Comment Jésus est-il fils du Père ? Comment expliquer qu’il était bien le Messie qui opère le changement du monde, non par une déflagration et la destruction des pervers mais en donnant l’Esprit de miséricorde ?… Comment comprendre que le anciennes Écritures s’étaient réalisées ?

Le Synode sur la « Synodalité »

Nous sommes aujourd’hui à peu près dans une situation similaire. Dans notre société qui file à grande vitesse, des chocs inattendus se succèdent : le réchauffement climatique, la planète en danger, l’épuisement des ressources, les crises sanitaires, la guerre de retour en Europe, la pauvreté qui s’étend alors que le commerce de luxe bat ses records…Et l’Église en outre est dans la tempête : effondrement de la pratique rituelle, des vocations sacerdotales, fermeture des séminaires et des couvents et, pire encore, révélation des scandales sexuels.

Nous sommes déconcertés sinon inquiets. Certains médias diagnostiquent même l’effritement sinon même la disparition de l’Église. En réaction, des catholiques s’accrochent aux anciennes traditions qu’ils canonisent à tort. La majorité, elle, se laisse emporter par l’évolution, attend que l’orage se calme, se plaint que les jeunes se soient détournés de la foi, accusent les dérives de la société.

Refusant l’inertie et le défaitisme, notre pape François a ouvert un nouveau Synode. Ce mot, qui était jadis d’usage traditionnel, est la traduction d’un mot grec qui signifie « chemin ensemble » : il s’agit de prendre le temps de se rencontrer, de débattre des problèmes, d’analyser la situation mondiale pour envisager les changements nécessaires. Tout est lié. Nous vivons dans une maison commune. L’Église doit mettre en pratique son attribut de « catholique » qui signifie « universelle ». D’où la décision de lancer un Synode sur la « Synodalité », sur les modes d’organisation à mettre en place afin qu’il y ait davantage de communication entre tous les membres pour une mission plus entreprenante.

Les Synodes précédents consistaient en une assemblée de cardinaux et d’évêques qui à Rome débattaient d’un problème et publiaient un document final. A juste titre, cette fois-ci, François a décidé d’étaler le Synode sur 2 ans afin de mettre tous les catholiques dans le coup. Un questionnaire sur tous les sujets a été envoyé partout et, après des multitudes de réunions en petits groupes, les réponses viennent d’être renvoyées. Elles vont être analysées dans chaque pays, puis envoyées à Rome. Et en octobre 2023, le Pape et l’assemblée élue des prélats publieront le document final.

François l’a maintes fois déclaré depuis des années : il faut mettre fin à l’inertie de beaucoup, au cléricalisme directif, sortir des ornières sacralisées. Donc déjà nous voilà tous en situation de recherche et de dialogue.

Une Église en question

Pour nous éclairer dans cette recherche, il est important de scruter à nouveau le Nouveau Testament pour noter quelques pratiques fondamentales des premières générations.

En réponse à l’appel à la conversion lancé par des disciples, des petites communautés se forment. On y entre par la libre décision du baptême. Hommes et femmes, de toutes conditions : un armateur et un docker, un professeur et un jeune cancre, un Juif et une païenne de Corinthe. Le propriétaire d’une grande maison accueille tous les membres pour l’assemblée du 8ème jour, lendemain du sabbat. Rien de guindé ni de hiérarchique. On échange des nouvelles, on chante des cantiques, on dialogue sur les enseignements de Jésus, on partage le repas puis on mange le Pain rompu offert par le Seigneur. On s’engage à visiter les membres empêchés par l’âge et la maladie.

  • « Aller à l’église » a d’abord signifié : se rendre à l’assemblée chrétienne. Puis l’Église a désigné l’ensemble des communautés, « le Corps du Christ » ; ensuite seulement l’édifice où l’on se réunit. Accroître ses dimensions, embellir son faste a paru plus important que de cultiver les relations entre personnes. Comment faire pour retrouver l’essentiel ?

Tout se passe dans une grande ambiance de joie fraternelle, dans la certitude de la Présence du Seigneur, le bonheur d’être pardonnés, l’espérance de la Vie éternelle. Toutefois n’idéalisons pas le tableau. Si Paul insiste inlassablement sur le devoir de la concorde et de la paix, c’est bien le signe que la charité n’allait pas de soi, qu’elle exigeait une réconciliation toujours recommencée. La foi ne changeait pas les caractères. Le messianisme n’était pas la venue subite du paradis mais le retour perpétuel à la croix, source de la paix universelle à répandre à travers le monde.

  • « Se mettre au pas ensemble » (synode) nécessite de gros efforts de dialogues, de confrontations d’avis divers, de pardon. Mais ainsi s’affine la recherche de la vérité. C’est le travail de base pour établir la paix, but même de l’Évangile.

Tout de suite le choc éclata : la majorité des Israélites achoppait sur le scandale intolérable de l’incarnation et se crispait sur la pratique des prescriptions de la Torah. Or le Seigneur avait ordonné d’annoncer la Bonne Nouvelle dans le monde entier. Luc raconte que des débats éclatèrent dans l’Église : fallait-il obliger les païens convertis à la circoncision et à l’alimentation casher (interdit du porc…), pratiques qu’ils refusaient ? Après des discussions – dont Luc cache la violence -, il fut décidé de ne plus imposer ces pratiques. Scandale pour les Juifs convertis qui exigeaient la fidélité intégrale à la Loi. Dans sa lettre aux Galates, Paul raconte que lors de ses tournées missionnaires où il annonçait aux païens la libération de la Loi, certains le suivaient pour démentir sa prédication et exiger une pratique intégrale de la Torah.

  • Voici sans doute le point névralgique. Faut-il vouloir intégrer les convertis dans un cadre fixe ? La mission dans un monde totalement changé n’exige-t-elle pas de rogner un peu de ce qui nous paraissait certitudes et pratiques inamovibles ? Comment la tradition peut-elle changer en restant fidèle ?

Les premières communautés sont petites, fragiles, dénoncées comme hérétiques par Israël, surveillées par le pouvoir romain. Mais elles restent en communion très forte les unes avec les autres grâce aux évangélistes qui circulent et par les lettres. Remarquons que Paul adresse les siennes à « la communauté, à l’église qui est à … » et non aux seuls responsables. Chacun peut se sentir responsable et savoir qu’il fait partie d’un réseau en expansion. Tous les membres se tiennent à égalité. De temps à autre, la nouvelle circule qu’un apôtre de Jésus a été mis à mort, que d’autres disciples sont persécutés, jugés au tribunal, condamnés. La tristesse est grande, la peur menace, certains abandonnent la communauté mais la confiance l’emporte chez beaucoup, l’élan ne se tarit pas, on continue à se sentir unis aux martyrs dont le courage renforce la persévérance de la majorité.

  • La tentation est grande de vouloir demeurer un groupe fermé sur lui-même, pieux et tranquille. Or nous participons par grâce et nécessité à une œuvre mondiale, combattue par les puissances gigantesques de l’égoïsme, de la cupidité, de la haine. Les victimes seront toujours nombreuses : pas de jour sans martyrs. Comment soutenir nos frères persécutés ? …

Conclusion

L’Eau vive de l’Esprit descend sur des esprits qui ont compris que la mission du Christ dépasse infiniment les forces humaines. « Père, que tous soient un comme toi et moi ; qu’ils soient un en nous » : les disputes, les féminicides, les conflits, les guerres prouvent l’absolue nécessité de l’amour divin pour élaborer la paix et la justice.

On n’attend pas la venue de l’Esprit comme on attend un train. L’eau vive de l’Esprit coule sur des cœurs labourés de questions : alors germera le grain de la Bonne Nouvelle.

Fr Raphael Devillers, dominicain.

Dimanche de Pentecôte – Année A – 31 mai 2020 – Évangile de Jean 7, 37-39

Évangile de Jean 7, 37-39

NOUVELLE ALLIANCE :
LA LOI DE LIBERTÉ

Dans la Bible qui raconte son histoire, le petit peuple d’Israël assure avoir reçu une révélation tout à fait exceptionnelle. Le Dieu unique a scellé avec lui une Alliance basée sur l’observance de sa Loi. Ce privilège ne le place pas sur un piédestal mais lui confère la mission de répandre cette Loi dans toutes les nations afin de conduire le monde à la paix universelle. Cette Loi, appelée la Torah, est en permanence lue, proclamée, étudiée, commentée. Les Psaumes chantent sa beauté, sa grandeur, sa vérité. La Torah est la gloire d’Israël, le don le plus précieux de son Dieu.

Mais Israël avoue qu’en réalité il a toujours été loin de mettre la Loi en pratique. Des rois tolèrent le culte des idoles, des juges sont corrompus, des riches élaborent des fortunes en exploitant les pauvres. On construit un temple somptueux, on y célèbre des liturgies magnifiques, on offre des sacrifices, mais le culte qu’on y rend est hypocrite car il ne dénonce pas les abus, la vénalité, la cupidité, les injustices.

Pourtant Dieu ne cesse d’envoyer des prophètes qui vitupèrent contre ces désordres, rappellent les exigences de la Loi de Dieu, hurlent contre les profiteurs. Ils dénoncent l’horreur d’un culte mensonger où l’on veut acheter la grâce de Dieu sans vouloir se convertir. La piété doit avoir un impact social, l’amour vrai pour Dieu doit se traduire par l’amour du prochain, la solidarité, le secours aux déshérités. Ainsi le prophète Amos transmet la colère de Dieu: “Je déteste vos pèlerinages ! Eloigne de moi le chant de tes cantiques ! Mais que le droit jaillisse comme les eaux, et la justice comme un torrent intarissable !” (5, 21).

Survient alors le désastre. Le roi ayant refusé de payer son tribut de vassal, Nabuchodonosor envoie son armée: en – 586, Jérusalem est mise à sac, le temple détruit, le roi, les nobles, les prêtres sont exilés à Babylone. Israël, comme d’autres petits peuples, va-t-il disparaître ? Tout semble le prédire.

La Nouvelle Alliance

Or, du fond du gouffre, deux voix vont retentir qui promettent un avenir. Jérémie et Ezéchiel qui avaient pourtant durement critiqué leur peuple révèlent une toute nouvelle promesse de Dieu.

“ Des jours viennent où je conclurai avec la communauté d’Israël une nouvelle Alliance. Elle sera différente de l’Alliance que j’ai conclue avec leurs pères qui ont rompu mon Alliance …Je déposerai mes directives au fond d’eux-mêmes, je les inscrirai dans leur être. Je deviendrai Dieu pour eux. Ils me connaîtront tous, petits et grands. Je pardonne leur crime; leur faute, je n’en parle plus” (Jér 31, 31)

“ Je ferai sur vous une aspersion d’eau pure et vous serez purs; je vous purifierai de toutes vos impuretés. Je vous donnerai un coeur neuf et je mettrai en vous un esprit neuf; j’enlèverai votre coeur de pierre et vous donnerai un coeur de chair. Je mettrai en vous mon propre Esprit; je vous ferai marcher selon mes lois …” (Ez 36, 25)

Ainsi Dieu ne rejette pas son peuple et il n’adoucira pas les exigences de la Loi mais il donnera la force de son Esprit qui permettra de l’appliquer et offrira le pardon du péché. Formidable promesse ! Quand se réalisera-t-elle ? Israël va encore subir pendant des siècles le joug des puissances…jusqu’à ce que vienne Jésus. On connaît son histoire, sa prédication prophétique, son rejet par les autorités, sa mise à mort ignominieuse.

Mais peu de temps après sa disparition, ses disciples qui l’avaient lâchement abandonné, réapparaissent et, annoncent l’incroyable nouvelle: “ Nous avons reçu l’Esprit. Qui que vous soyez, croyez-le, acceptez le baptême au nom de Jésus et vous recevrez l’Esprit. Dans le partage de sa coupe, nous participons “au sang de la Nouvelle Alliance”. Juifs ou païens, nous pouvons être en communion universelle”.
Ce vendredi, nos frères juifs ont célébré la fête de Shavouôt (Pentecôte) qui commémore le don de la Loi reçue au mont Sinaï. Aujourd’hui, pour nous chrétiens, la Pentecôte célèbre et actualise le don de l’Esprit de Dieu.

La Pentecôte, fête de la libération

Baptisés enfants, pratiquants d’une Eglise importante, citoyens d’un monde très marqué par la culture chrétienne, nous risquons d’être des habitués de la situation et de ne plus saisir le caractère révolutionnaire de l’Evangile et du don de l’Esprit.

Si grande, si belle, si sainte soit-elle, une loi écrite présente des limites. En précisant des normes, elle peut susciter la vanité de ceux qui les ont bien observées et qui du coup s’estiment en règle, donc supérieurs aux autres dont ils pointent les manquements. D’un autre côté, elle condamne ceux qui l’ont enfreinte, qui s’en veulent de leurs échecs répétés, tombent dans la maladie des scrupules ou, pire, dans le découragement et même le désespoir. Jésus a compris le malheur du peuple écrasé par la multiplicité des préceptes et il lançait: “Venez à moi vous tous qui ployez sous le poids du fardeau et je vous donnerai le repos”. Il n’a rien écrit mais il a donné l’Esprit. Par sa Pâque, la Nouvelle Alliance promise jadis par les prophètes était ouverte, le dessein de Dieu s’accomplissait enfin dans sa forme ultime sur la terre.

Dans notre monde en désarroi et en perte de sens, on voit se développer toutes sortes de méthodes de relaxation, de développement personnel comme si l’homme était à la recherche de son âme perdue dans la course effrénée à la consommation. Sans dénigrer ce qu’il peut y avoir de bénéfique dans ces recherches, il importe de rappeler d’abord que l’Esprit-Saint ne se confond pas avec toute spiritualité, qu’il n’est en tout cas pas le fruit de nos efforts, un état supérieur que certains pourraient atteindre par eux-mêmes.

L’Esprit est don et il vient de la Pâque de Jésus. Les premiers apôtres ne l’ont pas reçu pendant qu’ils écoutaient Jésus mais après la croix, lorsqu’ils se sont laissés retrouver par Jésus vivant, qu’ils ont compris que sa crucifixion était un don qu’il avait fait de lui-même et que son Père l’avait ressuscité. Alors ils se sont mis en prière afin d’attendre cet Esprit qu’il leur avait promis.

Le délai n’était pas précisé, aucun exercice, aucun jeûne, aucune formule de prière n’étaient fixés. Nul progrès moral n’était exigé. Au contraire, les apôtres devaient être comme jamais conscients de leur péché. Pendant leur vie avec Jésus, ils n’avaient pas compris son enseignement; à la fin, en dépit de leurs prétentions de matamores, ils avaient abandonné leur maître à son sort; quand, ressuscité, il les avait rejoints, ils avaient douté de le reconnaître. Vraiment l’Esprit ne viendra pas sur des saints, des parfaits, des hommes maîtres d’eux-mêmes, des héros de la méditation mais sur de pauvres types. “Heureux les pauvres en esprit”: alors, et pour la première fois, ils vivaient la béatitude.

L’Esprit est libération

L’Esprit est donc reçu, sans mérites, grâce au Christ ressuscité, donc par la foi-confiance. Le croyant n’est plus sous une loi extérieure qui est écrite et qui lui a été apprise. Il est sous un nouveau régime: la Loi nouvelle est gravée au fond de son être et l’incite spontanément à répondre. Il est libéré d’un programme de préceptes à observer. La croix et la résurrection de Jésus lui prouvent qu’il n’est plus un esclave surveillé dans son obéissance mais un enfant de Dieu.

La foi est d’abord la découverte que l’on est aimé. Non au prorata des vertus et des mérites mais parce que l’Esprit nous donne une identité nouvelle et inaliénable: celle d’enfant de Dieu. Le fils prodigue qui reconnaît sa faute peut toujours revenir à la maison. Pierre qui a juré ne pas connaître Jésus peut, dans les pleurs, recevoir le pardon en hoquetant: “Seigneur, tu sais bien que je t’aime”. L’Esprit crée une relation filiale et, par là-même, une prière nouvelle. “Nous ne savons pas prier mais l’Esprit vient à l’aide notre faiblesse et crie en nous: “Abba, Père” (Romains 8,26).

L’Esprit soude la communion fraternelle. La Loi nouvelle ne comporte qu’un seul commandement: “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés” (Jean 13, 34). Paul qui avait été un jeune pharisien ultra observant suppliait sa communauté de ne pas revenir au régime de la Loi ancienne: “ C’est à la liberté que vous avez été appelés…Par l’amour mettez-vous au service les uns des autres” (Gal 5, 13)

L’Esprit et l’Eucharistie

Sous l’Evangile, on ne répète plus sans arrêt des sacrifices pour implorer le pardon des péchés. Une fois pour toutes, le don amoureux du Christ sur la croix a obtenu la miséricorde définitive et a accompli le dessein de Dieu: l’unité des croyants: “Père, que tous soient un comme toi et moi, Père, nous sommes un”.

Avec le baptême, porte d’entrée dans le nouveau Royaume, l’Eucharistie du dimanche est l’unique rite à pratiquer. Mémoriial de la Passion, proclamation du Seigneur vivant, elle réalise, en acte, de façon visible, l’assemblée de frères et de soeurs. Chaque dimanche, jour de la Résurrection du Christ, en nous réunissant, nous venons ensemble à la source de l’amour. Nous nous disons les uns autres que, quelles que soient notre nationalité, notre condition sociale, nos faiblesses, nous sommes décidés à nous servir mutuellement, à nous apprécier, à nous pardonner. Ainsi l’assemblée du dimanche n’est pas une réunion de prière, une obligation fastidieuse, un moment pour “faire sa communion” (??) mais l’événement qui manifeste aux yeux du monde que seuls le Christ et le Souffle de l’Esprit “font la communion” des croyants dans l’amour.

Le partage du Pain de Jésus réveille le souffle de l’Esprit qui nous disperse en plein monde pour y répandre le Royaume du Père. Recréée par l’Esprit, l’Eglise naît et témoigne de sa joie devant le monde. Elle ne se propose pas de bâtir des édifices somptueux mais d’édifier des hommes libres dans la Paix de Dieu.
 

Frère Raphaël Devillers, dominicain

Fête de la Pentecôte – Année C – Dimanche 9 juin 2019 – Évangile de Jean 14, 15-26

ÉVANGILE DE JEAN 14, 15-26

LE VENT SOUFFLE OU IL VEUT

En l’année 30 de notre ère, à Jérusalem, un homme a été condamné à la crucifixion, il est mort devant de nombreux témoins et son cadavre a été déposé dans un tombeau. Or quelque temps plus tard, ses disciples qui s’étaient enfui sans rien faire pour le défendre, réapparaissent sur la scène publique et annoncent l’incroyable : ce Jésus mort n’est pas un admirable prophète à regretter, il n’est pas réanimé, il ne jouit pas d’une prolongation de vie mais il est, disent-ils, « relevé, réveillé, ressuscité » ( ? …) Il nous est apparu, assurent-ils, et il est effectivement le Messie dont les Ecritures d’Israël promettaient la venue, il est même le Seigneur qui apporte le salut de l’humanité.

Evidemment cette annonce époustouflante, inouïe, sidérante a buté tout de suite sur un mur de sarcasmes, de rires et d’incrédulité massive. Comment croire pareille nouvelle ? Ces hommes étaient tombés sur la tête, la mort de leur maître les avait tellement abattus qu’ils avaient eu une hallucination et inventé cette baliverne pour se consoler. Pour beaucoup il s’agissait d’un feu de paille promis à l’extinction rapide.

Se consoler ? Ils vont tout de suite apprendre ce qu’il en coûte de lancer pareille proclamation.

Le peuple va se détourner d’eux et même leurs familles vont se déchirer. Les autorités juives ne supporteront pas d’être accusées d’avoir monté un procès inique et condamné le Messie qui était innocent ; les autorités romaines se méfieront de ces agitateurs dont le chef avait été justement condamné par Pilate, et qui préparaient peut-être une sédition. Un jeune homme appelé Saül bouillonnait de rage et projetait de supprimer cette secte au plus vite.

Raconter le message des béatitudes ou la mort d’un prophète était admissible mais annoncer la croix et la résurrection, appeler à croire en Jésus Seigneur des vivants et des morts ne pouvait qu’entraîner avanies, ricanements, injures et conduire à la prison et même à la mort.

A part les disciples, personne n’a vu le Ressuscité. On a vu des hommes et des femmes qui étaient complètement changés et c’est ce fait qu’il importe d’expliquer. Leur ancienne lâcheté faisait place au courage, leur silence à la parole, leur éparpillement à la réunion, leur tristesse à la joie. Jamais on n’avait vu les collaborateurs d’un prophète manifester l’allégresse après la disparition de leur maître.

Ces disciples ont fourni l’unique explication plausible : s’ils osaient témoigner de Jésus Vivant jusqu’à accepter de donner leur vie, c’est parce qu’ils avaient reçu l’Esprit de Dieu.

Si, en français, le mot « esprit » évoque quelque chose d’immatériel, d’intellectuel, en hébreu il se dit « ROUAH » et signifie le souffle, le vent, donc une force dynamique qui chasse les brouillards, permet de discerner et pousse à agir. C’est la dynamique de Dieu qu’il communique à l’homme.

1ère PROMESSE DE L’ESPRIT

Dans son grand discours d’adieu, Jésus annonce, à 5 reprises, l’envoi de l’Esprit : l’évangile de ce jour nous fait écouter les deux premières promesses.

Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous.  Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure.

Donc condition préliminaire: aimer Jésus. Ne pas se contenter d’une religion héritée, pratiquée par habitude et réduite aux bonnes mœurs mais lire et relire les évangiles pour y découvrir une personne. Qui est Jésus ? On peut rester sceptique et indifférent ou être frappé, intrigué par ce personnage qui continue à interpeler le lecteur. Une admiration puis un attrait puis un certain amour se développe librement et pousse à obéir, à désirer vivre comme ce Jésus le propose.

Cette bonne volonté – avec ses erreurs, ses peurs, ses lâchetés – rapproche du Christ et provoque ainsi le don du Père. L’Esprit n’est pas une récompense aux mérites mais demeure un don gratuit. L’Esprit s’appelle le Paraclet, mot grec qui signifie l’avocat. Jésus a été le premier défenseur mais il ne l’a été que pour un temps : l’Esprit sera le Défenseur ultime, indépassable qui assurera la défense des disciples jusqu’à la fin des temps.

Ce n’est pas tout : l’engagement à aimer Jésus, donc à mettre son Evangile en pratique, entraînera en outre la venue du Père et du Fils au cœur du croyant. Le vrai disciple n’est pas qu’un bon élève qui suit un programme, ni un pratiquant qui observe des rites, ni un membre d’une organisation religieuse (l’Eglise) : il est habité par le Dieu unique qui est Père, Fils et Esprit.

Il ne s’agit en rien d’une performance rationnelle ni d’une expérience de sensations mystérieuses ni d’une vie moralement parfaite. L’Esprit ne donne pas d’auréole ni ne détache de la terre. Jésus, habité par la plénitude, ressemblait à un artisan juif de la campagne.

Le disciple évangélique cesse de chercher Dieu au ciel : dans son miroir, il en devine les traces d’un des visages possibles. Et il commence à respecter et à aimer tous ses prochains qui lui présentent d’autres visages.

Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé.

Attention aux fausses spiritualités, aux vagues frémissements, aux envolées mystiques, aux déclarations poético-spirituelles. Tout part, tout tient, tout se vérifie dans une mise en pratique des enseignements de Jésus. Car l’Evangile est bien la Parole de Dieu même. Et il ne nous transporte pas dans un monde éthéré mais au cœur des contraintes quotidiennes. A une Sœur qui voulait échapper à la vaisselle sous prétexte, disait-elle, que c’était l’heure de son adoration à la chapelle, Mère Thérèse d’Avila lançait : « Ma Sœur, Dieu est dans les casseroles ».

2ème PROMESSE

Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.

Jésus n’ayant rien écrit, les disciples ne vont-ils pas oublier ses enseignements ? Pouvons-nous nous fier aux Evangiles ? Il les rassure : l’Esprit vous éclairera, il vous remettra en mémoire mes actes et paroles et même il les actualisera, il vous montrera ce qu’ils signifient et engagent pour votre époque. C’est pourquoi il n’y a pas qu’un évangile, qu’une seule vie de Jésus. En effet les évangélistes ne se veulent pas, au sens moderne, des historiens qui tiennent à reconstituer avec précision discours et circonstances du passé. Chacun a sa vision et présente le même Jésus selon son point de vue et pour répondre aux problèmes concrets de ses communautés. Ce qui écarte la théorie du complot, de l’unanimité qui voudrait imposer l’authenticité.

Chaque enseignant d’Eglise a pour mission de montrer à ses auditeurs comment l’Evangile doit se vivre dans leur aujourd’hui. Et chaque baptisé doit sans cesse croiser événement et Evangile sous l’éclairage de l’Esprit afin de prendre la décision adéquate à la foi.

CONCLUSION

L’Esprit de Dieu enflamme les cœurs, nous chasse dehors, nous fait sortir, délie les langues, rassemble dans une joie nouvelle, permet l’ouverture aux autres, pousse au franchissement de toute frontière. Jésus est vivant à la Gloire du Père.

Frère Raphaël Devillers, dominicain

Fête de la Pentecôte – Année B – 20 mai 2018

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COMMENT LA VIE EST CHANGÉE PAR L’ESPRIT

En cette année 30 où Jésus a été exécuté à Jérusalem, il y a 93 ans déjà que les troupes romaines occupent Israël et exploitent durement la population. Que des païens idolâtres souillent la terre donnée par Dieu à son peuple est insupportable. Des tentatives de révolte éclatent mais elles sont réprimées impitoyablement et les leaders sont arrêtés et crucifiés. Epouvantés, leurs partisans s’égaillent dans la terreur d’être pris, se lamentant sur leur chef disparu et leur espérance anéantie.

Or après l’exécution de Jésus, il va se produire quelque chose de totalement différent. Ses disciples, qui s’étaient évanouis dans la nature, réapparaissent en pleine ville, complètement transfigurés. Au lieu de se cacher, ils se manifestent sur la place publique ; au lieu de pleurer la mort de leur maître, ils semblent tout heureux ; au lieu de se taire, ils parlent ; au lieu de préparer la révolution par la violence, ils sont eux-mêmes révolutionnés par la douceur et la paix.

On ne reverra plus Jésus dont normalement le souvenir devait s’éteindre très vite. On n’aura d’autre apparition que celle de ce petit groupe d’hommes et de femmes, sans titres, sans fortune, sans moyens. Était-ce des affabulateurs, des mythomanes, des fous ?…Or à partir d’eux, l’histoire d’Israël et même celle du monde va changer.

Qu’ont-ils dit, qu’ont-ils vécu, qu’ont-ils fait ? Quelles sont les conséquences pratiques de la foi qu’ils confessaient ? Que signifie recevoir l’Esprit ? Ne cherchons pas des idées théologiques chez Paul ou Jean mais relisons les « Actes des Apôtres » où Luc nous raconte les événements. Cela nous apprendra à tirer les conséquences pratiques pour nous qui, aujourd’hui, célébrons la Pentecôte. Pas plus que le Ressuscité, le Saint-Esprit ne se voit. Comment nos engagements visibles traduisent-ils sa présence ?

AFFIRMATION FONDATRICE : « DIEU A RESSUSCITE JESUS » (Ac 2, 24)

Tout tourne autour de leur affirmation qui semble aberrante : « Jésus est ressuscité : nous l’avons vu ». Ce cri suscite sourires narquois, rires incrédules, sarcasmes ; on objecte : « Vous avez eu une hallucination ! » ; on explique raisonnablement : « Vous avez subtilisé le cadavre pendant la nuit ». Toutefois rien n’ébranle leur certitude et ils s’expriment avec « assurance » : c’est ainsi que Luc qualifie sans cesse la qualité essentielle de leur proclamation. Pas de porte à porte, pas de prosélytisme agressif : calme certitude. Et évidemment gratuité totale.

L’ESPRIT CREE LA FRATERNITE

Point aussi fondamental : la foi en Jésus ressuscité n’est pas une opinion privée, une croyance que l’on cache en son for intérieur. L’Esprit-Saint qui ente sur Jésus vivant unit du même coup tous ceux qui partagent cette foi. Dire à Jésus « Je crois en toi », c’est dire du même élan aux autres : « Je vous aime comme frères et sœurs dans un même corps ». Il faut connaître par cœur cette courte et magnifique phrase où Luc, en quelques mots, dit l’essentiel de ce qu’est une communauté chrétienne :

« Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2, 42).

Ces 4 activités forment la base indispensable de tout groupe qui se dit chrétien

ETRE ENSEIGNES. La conversion à Jésus vivant éveille le désir de le connaître toujours davantage, d’apprendre son enseignement afin de le mettre en pratique. La lecture, la méditation des Evangiles est l’action première, essentielle du croyant.

LA COMMUNION FRATERNELLE. Le commandement central de la Bonne Nouvelle – « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés »- et la révélation que Dieu est « Notre Père » provoquent de soi la communauté. « Tous ceux qui étaient devenus croyants étaient unis » (Ac 2, 44). Sans qu’il y ait obligation, les plus riches venaient en aide aux plus pauvres. Ce n’était pas encore le paradis : les lettres de Paul et de Jean laissent entendre que des tensions survenaient, des personnalités s’affrontaient. Les exhortations sans cesse répétées sur le devoir de charité montrent à quel point la vie ensemble était difficile : seule la réconciliation du Seigneur pouvait recoudre les déchirures.

L’EUCHARISTIE DU DIMANCHE. Le lendemain de chaque shabbat, le premier jour de la semaine, tous les croyants, dispersés dans leurs professions, se rassemblaient dans la maison de l’un d’entre eux pour célébrer le repas du Seigneur. « Unanimes, ils rompaient le pain à domicile, prenant leur nourriture dans l’allégresse et la simplicité du cœur » (Ac 2, 46). Nul besoin d’édicter que « la messe dominicale est obligatoire ». Jésus l’avait précisé : « Faites cela en mémoire de moi ». On n’organisait pas de pèlerinages au Golgotha (quelle horreur !) : où que l’on soit, autour de la table, on était le Corps du Christ, son Eglise vivante. Les sarments irrigués par son amour prouvaient que sur la croix de mort, Jésus était la Vigne vivante. Le Pain rompu et partagé rassemblait en « UN » les humains fragmentés par leurs différences. Le Vin nouveau remplissait d’allégresse et de joie nouvelle.

LA PRIERE. Et on apprenait aux croyants à prier beaucoup. A demander l’Esprit- « Demandez et vous recevrez » -, à reprendre le « notre Père… », à intercéder les uns pour les autres, à supplier pour les frères partis en mission lointaine, pour ceux qui souffraient de la persécution.

OPPPOSITION ET PERSECUTION

Très vite l’affaire tourna mal car leur proclamation accusait les juges du grand tribunal du Sanhédrin d’erreur judiciaire gravissime : ils auraient condamné comme blasphémateur celui qui est le Messie !!?? Qui avait raison : Caïphe ou Pierre ? Les autorités s’inquiètent, font arrêter les meneurs, les menacent, leur interdisent de même prononcer le nom de Jésus (Ac 4, 18).

Les Apôtres rétorquent : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes…Dieu a ressuscité Jésus…Il l’a exalté comme Sauveur pour donner le pardon. Nous sommes témoins de ces événements, nous et l’Esprit-Saint » (Ac 5, 29).

Punis par flagellation, ils sortent du tribunal « tout heureux d’avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le Nom de Jésus. Et chaque jour, au temple, ils annoncent la Bonne Nouvelle de Jésus Messie » (5, 41). La souffrance du témoin était prévue par Jésus, elle est participation à sa croix, elle est le signe qui confirme sa certitude, qui renforce son assurance ; elle est presque une promotion.

L’ESPRIT EST MISERICORDE

Et pourtant les disciples n’accablent pas Israël ni les auteurs de la mort de Jésus, ils ne les menacent pas des peines de l’enfer : au contraire, s’ils se convertissent, eux aussi recevront la grâce du pardon. D’ailleurs, eux-mêmes, les premiers apôtres, qui s’étaient enfuis lors de l’arrestation de leur maître, n’avaient-ils pas été rejoints par ce Jésus qui, sans leur faire de reproches, leur avait montré ses plaies ? Sa Passion n’était pas la condamnation des hommes mais au contraire leur pardon, leur salut. Et il les avait envoyés avec la mission d’offrir la miséricorde à la multitude des pécheurs du monde entier. Dans le feu des haines et des conflits, l’Esprit allume le contre-feu du pardon.

L’ESPRIT REMPLIT DE JOIE

A la Pentecôte, lorsque l’Esprit avait fait sortir les premiers disciples du cénacle pour les lancer dans la rue, tout de suite ils ne s’étaient pas répandus en sermons mais ils formaient, en public, une communauté qui chantait les merveilles de Dieu » (Ac 2, 11)

Ainsi la première fois que l’Eglise de Jésus s’est manifestée en public, ce n’était pas par une procession, par un cortège de prélats, par une prédication apocalyptique mais par des gens simples, sans décorum, assumant leur condition de pécheurs pardonnés. Ils ne prouvaient pas la résurrection : ils étaient des êtres re-suscités par la joie fraternelle qui les faisait danser, rire, s’embrasser.

L’ESPRIT RENVERSE LES MURS

Jésus était juif, l’Esprit est venu d’abord sur des Juifs mais en disant que les premiers auditeurs comprenaient l’appel des apôtres « dans leurs langues », Luc fait entendre la visée universelle de l’œuvre du Christ. La première vague de persécution contre l’Eglise de Jérusalem chasse les convertis en Samarie (Ac 8, 1), on apprend qu’il y a une Eglise à Damas (9, 2), une à Jaffa (9, 36) ; Pierre fonde une communauté avec des païens à Césarée (Ac 10). La Bonne Nouvelle se répand avec une vitesse stupéfiante : au début des années 50, Paul fonde en Macédoine (Philippes), en Grèce (Corinthe)…Une autre existe aussi à Rome, au cœur de l’Empire…

Une révolution s’opère : Juifs et païens se rencontrent. La circoncision n’est plus imposée aux païens, ni la cacherout (interdits alimentaires) ; ensemble on partage à la même table le Pain du Seigneur. L’Esprit abat le mur de séparation…Le Christ crée un seul homme nouveau, en établissant la paix pour les réconcilier avec Dieu en un seul corps…Il a tué la haine (Ephésiens 2, 14…)

On devine que cette « révolution » ne s’est pas déroulée sans heurts, sans résistances farouches, sans débats houleux. Aujourd’hui au cœur du Vatican, le pape François suscite émoi, incompréhension, refus. S’il nous appelle sans cesse à « sortir », il s’agit de quoi ?…Quelle habitude est maintenant un mur pour d’autres ? Quelles lignes sont à déplacer ? Enfermé, l’Esprit n’est plus Vent mais air confiné, inerte. Dans l’Eglise, ça ne peut jamais « sentir le renfermé ».

CONCLUSION

Assurance dans la foi, amour vrai dans la communauté paroissiale, bonheur et joie, annonce aux autres, élan vers tous les horizons, patience dans l’épreuve, construction de ponts et non de murs, prière, Eucharisties festives. Ne nous plaignons pas du mal du monde : laissons-nous souffler par l’Esprit.[/fusion_text][/one_full][one_full last= »yes » spacing= »yes » center_content= »no » hide_on_mobile= »no » background_color= » » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » background_position= »left top » hover_type= »none » link= » » border_position= »all » border_size= »0px » border_color= » » border_style= » » padding= » » margin_top= » » margin_bottom= » » animation_type= » » animation_direction= » » animation_speed= »0.1″ animation_offset= » » class= » » id= » »][fusion_text]

Raphaël Devillers,  dominicain
Tél. : 04 / 220 56 93   –   Courriel :   r.devillers@resurgences.be

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