Nativité du Seigneur – 25 décembre 2022 – Évangile de Luc 2, 1-14

Évangile de Luc 2, 1-14

S’enfanter

Noël pour beaucoup, ce sont des souvenirs d’enfance, des noëls en famille, des veillées joyeuses, des repas de fêtes où on se rassemble entre proches. Le drame cependant serait de faire de Noël une célébration nostalgique, la commémoration d’une joie passée. C’est aujourd’hui que nous fêtons Noël.

Depuis le début de l’Avent nous nous préparons à la joie d’une nouvelle naissance et c’est maintenant la joie. Et peut-être cette année-ci devrait-elle être plus éclatante, justement parce ce qu’aujourd’hui, dans notre monde, ce n’est pas la joie. Les crises et les guerres n’en finissent plus ; la pauvreté frappera durement cet hivers. A bien des égards, les temps actuels ressemblent à cette nuit de Noël où l’espérance a terriblement besoin d’un sauveur et le monde d’une vie nouvelle.

C’est en effet dans le plus grand dénuement que l’enfant de la crèche vient au monde. Ses parents sont sur les routes, ils n’ont trouvé aucune maison pour les accueillir. C’est dans l’indifférence générale et la totale solitude que l’enfant-dieu vient au monde. C’est aussi dans un grand désarroi familial : Joseph sait qu’il n’est pas le père. C’est sans doute difficile d’accueillir d’emblée comme le sien un enfant qui ne l’est pas, de le reconnaître comme son propre sang. Ce petit enfant en quête d’une demeure, qu’il est difficile d’accueillir quand tout va mal, c’est le Christ en nous. Et l’effort qui nous est demandé, c’est de le reconnaître comme notre propre chair. Noël c’est le jour où le divin surgit dans notre vie et c’est ce que nous célébrons aujourd’hui.

Nous aussi, il nous arrive d’être dans un grand dénuement, de nous sentir rejetés, ignorés de tous. Qui ici n’a pas vécu des élans de générosité qui ont été mal reçus, des gestes d’amour qui ont été méprisés ? Qui parmi nous n’a jamais connu le désarroi, ressenti de la solitude, éprouvé de l’abandon ? au point peut-être de ne pas se sentir mieux traités que des animaux dans une étable ? Ce petit enfant dans la crèche, c’est nous.

Nous avons tous gardé ce désir qu’ont les enfants d’aimer spontanément. Peut-être en avons nous juste enfoui l’innocence, à forces de souffrances et de blessures. Mais au départ, tous ici, nous ne désirions qu’aimer. Et si les aléas de la vie ont tempéré cet élan naturel d’amour pour les autres que nous avions étant enfants, nous ne désirons toujours qu’aimer. Si nous sommes rassemblés ici, particulièrement en ce temps de Noël, c’est bien parce que nous voulons proclamer notre désir authentique d’amour. Il est toujours vivant le petit enfant de la crèche qui habite en nous. Il nous réjouit toujours l’amour innocent qui veut s’incarner au milieu du désarroi du monde et des familles. C’est aujourd’hui que nous célébrons sa venue au monde. Voilà Noël.

Comme Marie, tout au long de notre vie, nous enfantons le Christ humain – par nos relations, par notre générosité quotidienne, par les élans de notre cœur – mais c’est Dieu qui enfante en nous le divin. A l’instar de Joseph, tous, tout au long de notre vie, nous peinerons à reconnaître cette parcelle de divin qui nous habite comme notre propre chair. Au point de parfois douter de nos propres capacités d’aimer. Il y a des circonstances où l’enfant innocent que nous étions – et qui ne désirait qu’aimer – nous semble lointain, peut-être même étranger, comme autre. Mais que dire alors de la présence de Dieu en nous que cet enfant incarnait plus spontanément que nous, désormais adultes ? Nous restons humains et nous peinons à reconnaître notre caractère divin. Noël, c’est aussi le temps de retrouver notre propre préciosité – la valeur que nous avons aux yeux de Dieu et que l’innocence de notre enfance incarnait si bien. Il n’y aura pas d’authentique désir d’aimer si nous ne nous aimons pas nous-même. Noël, c’est aussi accepter de reconnaître la merveille que nous sommes aux yeux de Dieu. C’est se rendre compte que le regard de tendresse que Dieu pose sur l’enfant de la crèche est le même que celui qu’il pose sur nous.

Si, finalement, les temps actuels correspondent assez bien à l’esprit de Noël – tout est sombre ; c’est la solitude de la nuit ; seule brille une petite crèche – alors il faut que cette crèche aujourd’hui ce soit nous. La vie de Dieu brille au fond de notre intimité et c’est à travers nous désormais qu’elle vient au monde ; c’est en nous que s’incarne aujourd’hui l’amour divin. Voilà Noël. Tous, chrétiens, nous sommes appelés à être de réelles crèches vivantes pour le monde qui nous entoure.

C’est Noël, le temps où nous célébrons l’amour fou de Dieu pour l’humanité. C’est en nous que cet amour s’incarne désormais. D’abord par le regard de tendresse que Dieu pose sur nous, comme un père, une mère comblés d’amour regarde leur enfant nouveau-né ; ensuite, à travers les élans de notre cœur qui nous poussent à avoir cette tendresse d’amour pour le monde alentours.

On pourrait résumer cette homélie en trois questions : « Savez-vous à quel point Dieu vous aime ? » et « Mesurez-vous à quel point vous désirez aimer le monde ? » et « Voyez-vous comme il en a besoin ? »

C’est Noël. C’est le temps où, au milieu des vicissitudes, nous retrouvons vivant l’enfant qui toujours, comme le Christ, dit en nous : « Depuis que je suis venu au monde, je ne désire qu’aimer. »

Joyeux Noël à tous. Joyeux Noël en vous.

— Fr. Laurent Mathelot, dominicain.

Angelus Silesius : Un chemin vers la joie

Christ serait-il né mille fois à Bethléem,
S’il s’est pas né en toi , c’est ta perte à jamais

Johannès Scheffler est né à Breslau (Silésie) le 25 12 1624. Médecin de profession, protestant, il se convertit au catholicisme et entre dans l’ordre franciscain où il devient prêtre. Dans le courant des mystiques Maître Eckart, J. Tauler, Suso, J. Boehme, il publie un livre d’aphorismes « Le pèlerin chérubinique » qui va devenir une œuvre célèbre. L’écho de son œuvre sur la pensée moderne n’a fait que s’amplifier, jusque Schopenhauer et Heidegger.

Quelques citations :

Mystère impénétrable ! Dieu s’est perdu lui-même,
Et, pour ce, veut en moi être un enfant nouveau-né.

Puisque Dieu lui-même, le plus grand, s’est fait petit,
tout mon désir sera d’être comme un enfant.

Homme, si tu t’y prêtes, Dieu engendrera en toi
Son Fils tout-puissant, aussi bien qu’en son trône.

Jésus est le plus haut délice. Pour y goûter,
pénètre dans la naissance du Fils de Dieu.

Ah mon frère, deviens ! Qu’as-tu à rester pensées, apparences ?
Nous avons essentiellement à devenir un être nouveau.

Fou l’homme qui embrasse un nuage.
Fou, toi qui te fais joie de vaine gloire.

On n’apprécie rien de ce monde si on ne le contemple pas ;
Ce qui manque au monde, c’est la contemplation.

Partager donne la paix. C’est de la propriété seule
que naissent tous les maux, toutes les persécutions, les guerres et les luttes.

L’homme riche qui parle sans cesse de sa misère :
N’hésite pas à le croire.
La vérité, c’est qu’il ne ment pas.

Meurs avant de mourir pour ne pas mourir quand tu devras mourir
sinon tu périras.

Et la plus célèbre :

La rose est sans pourquoi,
Elle fleurit parce qu’elle fleurit,
n’a pour elle aucun souci,
ne demande pas : suis-je regardée ?


Poète et mystique du XVIIe siècle, Angelus Silesius (1624-1677) a composé Le Pélerin chérubinique comme un écrin à mille facettes, ciselant plus de 1600 distiques, quatrains ou courts poèmes.

Il faut qu’en toi Dieu naisse

Christ serait-il né mille fois à Bethléem,
S’il n’est pas né en toi, c’est ta perte à jamais. (I, 61) …

Tu dois l’être en retour

Dieu s’est fait homme en toi ; si tu ne te fais Dieu,
Tu moques sa naissance et te ris de sa mort. (I, 124) …

La Sagesse

La Sagesse a plaisir d’être avec ses enfants.
Pourquoi donc ? O merveille ! Elle-même est un enfant. (I, 165) …

Pourquoi Dieu est-il né ?

Mystère impénétrable ! Dieu s’est perdu Lui-même,
Et, pour ce, veut en moi être enfant nouveau-né. (I, 201) …

Le Royaume des Cieux est aux enfants

Chrétien, si tu peux être enfant du fond du cœur,
Dès cette terre est tien le Royaume des cieux. (I, 253) …

Enfant et Dieu

Enfant et Dieu, c’est un : si tu m’appelles enfant,
Tu as reconnu Dieu en moi et moi en Dieu. (I, 255) …

La Déité et l’humanité

L’éternelle Déité doit tant aux hommes
Que, sans eux, Elle aussi perd cœur, courage et sens. (I, 259) …

Le meilleur est d’être un enfant

Puisque Dieu même, le plus grand, s’est fait petit,
Tout mon désir sera d’être comme un enfant. (III, 25) …

Le ciel se fait terre

Le ciel s’abaisse, il vient à nous et se fait terre ;
Quand, s’élevant, la terre sera-t-elle ciel ? (III, 111) …

En toi naît le Fils de Dieu

Homme, si tu t’y prêtes, Dieu engendre en toi
Son Fils à tout instant, aussi bien qu’en son trône. (V, 252) …

Le seul délice de Dieu

Donner naissance est bienheureux. Le seul délice
De Dieu est d’engendrer son Fils éternellement. (VI, 132) …

Comment avoir part au délice de Dieu

Dieu est le plus haut délice. Pour y goûter,
Pénètre dans la naissance du Fils de Dieu. (VI, 133)

Fête de la Nativité du Seigneur – Année C – 25 décembre 2021

Noël va-t-il disparaître ?

Un document interne de la Communauté européenne vient d’inviter – au nom de l’inclusivité –  à ne pas utiliser certains noms dont Noël. Il serait ainsi préférable d’utiliser « période de vacances » plutôt que « période de Noël ». Cette révélation a suscité une vive réaction du côté du Vatican. Mgr Parolin, secrétaire d’État, a signifié sa désapprobation : « Il y a l’annulation de nos racines chrétiennes, …la dimension chrétienne de notre Europe ». La commissaire européenne a promis de mettre à jour son document mais toujours est-il que l’événement est significatif.

En cette fin d’année, notre Occident semble-t-il célébrer une fête chrétienne ? Le mot Noël apparaît encore à l’entrée des « villages » ou sur certains tracts publicitaires mais sans aucune référence à son origine. Il n’est absolument pas question d’avènement, de nativité mais d’une explosion de lumières pour marquer la victoire sur les ténèbres et d’une gigantesque pression pour déclencher une frénésie d’achats et faire déguster plaisirs gastronomiques et alcooliques.

Seuls les chrétiens pratiquants prient encore devant leur crèche et chantent leurs vieux cantiques dans des assemblées qui s’étiolent et donc vieillissent d’année en année. Le malheur serait qu’ils se contentent de pester contre l’évolution du monde, qu’ils s’enferment dans le regret du passé et attendent le retour de l’Église telle qu’ils l’ont connue jadis. Or faire mémoire d’un enfant qui naît, c’est s’attendre à des changements perpétuels d’autant que, devenu adulte, il se heurtera durement à ceux qui refusent la nouveauté qu’il apportait.

Naturellement c’est la scène célèbre telle qu’elle est racontée par Luc qui attire toutes les attentions des croyants : le bébé endormi sur la paille de la crèche, les parents à genoux devant lui, les animaux paisibles dans l’ombre, les petits bergers accourus et ravis. Nul ne se lasse de chanter : « Les Anges dans nos campagnes » et de contempler Marie. Mais le pittoresque de la scène ne risque-t-il pas de nous arrêter dans son ambiance poétique ?

L’extraordinaire grandeur de Noël n’est pas due aux circonstances mais à la personnalité de celui qui vient de naître. C’est pourquoi je vous invite à méditer comment Paul puis Jean ont présenté « le sens » de l’événement.

Noël selon Paul (Galates 4, 4-7)

« Quand est venu l’accomplissement du temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et assujetti à la Loi,
pour payer la libération de ceux qui sont assujettis à la Loi,
pour qu’il nous soit donné d’être fils adoptifs.
« Fils » vous l’êtes bien : Dieu a envoyé en nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie « Abba – Père ».
Tu n’es plus esclave mais fils ; comme fils tu es héritier : ainsi c’est l’œuvre de Dieu ».

Peu importe la date du calendrier ( d’ailleurs l’Église ne fixera Noël au 25 décembre que pour manifester que Jésus est le véritable soleil, l’authentique Lumière des hommes) : l’essentiel est que l’événement survienne au moment de la plénitude de l’attente. Alors Dieu décide d’envoyer son Fils : il est bien né dans notre humanité, il est issu d’une femme mais il est infiniment plus qu’un prophète.

Et Noël annonce immédiatement son œuvre : ses croyants seront libérés du joug du péché par l’infinie miséricorde de Dieu et ils communieront à la vie même de Dieu. Si Jésus reste le Fils unique, inimitable, les croyants recevront aussi l’Esprit de Dieu et ils pourront en toute vérité prier Dieu comme leur Père : « Abba, père »et donc légitimement recevoir l’héritage de la Vie éternelle.

Pour Paul, Noël est bien plus que le souvenir émouvant de la naissance de Jésus : déjà Noël annonce la plénitude de l’accomplissement du Dessein de Dieu, la Pâque de la Miséricorde divine qui nous libère de tout esclavage afin de vivre l’amour. Paul continuera : « Frères, c’est à la liberté que vous avez été appelés…Par l’amour mettez-vous au service les uns des autres » (Gal 5, 13)

Noël n’est pas une fête nostalgique mais annonce et promet notre renouvellement, notre renaissance.

Noël selon Jean ( Jean 1)

Au commencement était le Logos et le Logos était Dieu…
En lui était la Vie et la Vie était la Lumière des hommes…
Le Logos était la vraie Lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme…
Et le Logos fut chair, et il a habité parmi nous
et nous avons vu sa Gloire, cette Gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père…
Si la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.
Personne n’a jamais vu Dieu : le Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l’a dévoilé » (Jean 1, 13)

Jean commence son évangile en reprenant l’expression inaugurale de la Bible qui ouvre le récit de la création : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. La terre était déserte et nue ; la ténèbre à la surface de l’abîme ; le souffle de Dieu planait à la surface des eaux. Et Dieu dit : « Que la Lumière soit ! » et la Lumière fut…Il y eut un soir, il y eut un matin : premier jour. »

Depuis toujours les maîtres se sont interrogés sur la nature de cette lumière mystérieuse puisque le soleil, la lune et les astres ne seront créés qu’au 4ème jour. Et beaucoup ont répondu qu’il s’agissait de la Lumière du Messie qui a jailli comme un éclair pour disparaître et devenir la lumière de l’espérance qui dynamise la vie d’Israël jusqu’à l’apparition glorieuse de ce Messie Sauveur.

Pour tenter de dire le mystère de Jésus, Jean remonte jusqu’à ce récit de la création. La première action attribuée à Dieu est de parler : « Dieu dit… ». Si nous-mêmes nous nous distinguons de ce que nous disons (car nous changeons d’expressions, nous nous trompons, nous mentons), il n’ en est pas ainsi de Dieu. Dieu est sa Parole, son Logos ; et ce Logos est créateur de toutes choses.

Événement extraordinaire, mais le seul qui rend raison de la personne de Jésus : le Logos de Dieu s’est fait homme, il a demeuré parmi nous. Méconnu et rejeté par beaucoup de son peuple, il a été reconnu par certains. Ils l’ont compris comme la Parole créatrice, comme la Lumière du Messie qui cherche à illuminer tous les hommes. En première étape, Moïse avait apporté la révélation de la Loi : en notre temps, dit Jean, nous avons reçu la révélation ultime en et par Jésus : il est le Fils dans le sein du Père, il nous a apporté « la grâce et la vérité ». « Personne n’a jamais vu Dieu : le Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l’a fait connaître » (1, 18).

La foi en Jésus « Verbe fait chair » recrée l’homme. « Tu dois renaître de l’Esprit » disait Jésus au pharisien Nicodème qui voulait se perfectionner par la pratique des lois.

Conclusion : Réflexion du pape François

Notre réponse à toute critique du monde n’est pas la colère mais l’effort de notre conversion pour vivre plus authentiquement ce que nous croyons et célébrons. Il est faux de croire que le monde a trouvé la vraie manière de fêter Noël alors même qu’il refuse catégoriquement le Messie sauveur et veut un Noël réduit à une réjouissance païenne. Écoutons encore notre Pape :

« Noël nous invite à réfléchir, d’une part, sur le caractère dramatique de l’histoire, dans laquelle les hommes, blessés par le péché, sont sans cesse à la recherche de vérité, à la recherche de miséricorde, à la recherche de rédemption; et, de l’autre, sur la bonté de Dieu, qui est venu à notre rencontre pour nous communiquer la Vérité qui sauve et nous rendre participants de son amitié et de sa vie.

Et ce don de grâce, nous le recevons à travers la simplicité et l’humanité de Noël, et il peut faire disparaître de nos cœurs et de nos esprits le pessimisme qui s’est aujourd’hui diffusé encore davantage à cause de la pandémie. Nous pouvons surmonter ce sens d’égarement inquiétant, ne pas nous laisser submerger par les défaites et par les échecs, dans la conscience retrouvée que cet Enfant humble et pauvre, caché et sans défense, est Dieu lui-même, qui s’est fait homme pour nous.

Mais Jésus est né il y a deux mille ans et cela me concerne ? — Oui, cela concerne toi et moi, chacun de nous. Jésus est l’un de nous: Dieu, en Jésus, est l’un de nous.

Cette réalité nous donne beaucoup de joie et beaucoup de courage. Dieu ne nous a pas regardés d’en-haut, de loin, il n’est pas passé à côté de nous, il n’a pas eu horreur de notre misère, il ne s’est pas revêtu d’un corps apparent, mais il a assumé pleinement notre nature et notre condition humaine. Il n’a rien laissé de côté, à l’exception du péché. Toute l’humanité est en Lui. Il a pris tout ce que nous sommes, tels que nous sommes. Cela est essentiel pour comprendre la foi chrétienne. Saint Augustin écrit : «Je n’avais pas encore assez d’humilité pour posséder mon Dieu, l’humble Jésus, et je ne connaissais pas encore les enseignements de sa faiblesse» (Confessions VII,8).

Et quelle est la faiblesse de Jésus? La “faiblesse” de Jésus est un “enseignement”! Parce qu’elle nous révèle l’amour de Dieu. Noël est la fête de l’Amour incarné, de l’amour né pour nous en Jésus Christ. Jésus Christ est la lumière des hommes qui resplendit dans les ténèbres, qui donne son sens à l’existence humaine et à l’histoire tout entière… » ( Audience du 13 Décembre 2020)

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.

Fête de Noël – 25 décembre 2020 – Évangile de Luc 2, 1-20

Évangile de Luc 2, 1-20

Voici ton Sauveur qui vient

(Isaïe 62)

La sinistre pandémie n’a pu être endiguée à temps pour nous permettre de déployer tous les fastes de ce que l’on appelle maintenant « la magie de Noël ». Lourdes peines pour les aînés privés de visites, tristesse pour les familles empêchées de se réjouir à la même table, gros soucis financiers pour les commerçants obligés à la fermeture, désarroi des artistes dans des salles vides. Toute crise bouscule, cause des dégâts mais donne aussi l’occasion de réfléchir. Il ne faut pas se tromper de fête.

Puisque « Noël » dérive du mot latin « natalis – dies », jour de la naissance, de qui donc nos villes en pleine effervescence fêtaient-elles l’arrivée dans le monde ? La réponse est flagrante : au fil des dernières années, on a vu peu à peu se vider les églises et disparaître les crèches représentant la scène de Bethléem pour voir surgir l’omniprésent, le rubicond, le jovial, le cocacolagène « père Noël ». C’est lui le bien-venu.

Le gros malin a réussi à s’attribuer le nom de la fête. L’Évangile nous racontait la naissance d’un fils : le monde préfère un père, et même un brave vieux grand-père. Que Dieu vienne dans l’être le plus fragile, le plus vulnérable, le monde repousse ce qu’il appelle un « mythe » et il accueille un vieux richard, au nez rouge, qui surgit et distribue les cadeaux les plus mirifiques. A condition d’avoir des fonds !

L’Évangile nous faisait le plus merveilleux cadeau : un Dieu qui se fait la faiblesse incarnée pour que nous devenions adultes et empoignions nos responsabilités pour le laisser grandir et le sauver de l’oubli. Les hommes ont préféré rester des enfants aux yeux écarquillés par les étalages, éblouis devant un sapin illuminé, manipulés par la pub’, enchantés de recevoir de nouveaux jouets.

L’Évangile nous montrait un jeune couple fraîchement marié, un artisan de village et une jeune femme enceinte. Au lieu d’attendre l’heureux événement au milieu de leurs parents, un édit impérial les avait obligés à prendre la route, à descendre en Judée, à plus de 100 km. Et le moment venu, par manque d’argent, Marie avait dû accoucher dans une étable, comme d’ailleurs beaucoup de misérables.

Des migrants, des pauvres sans ressources qu’il va falloir accueillir et aider : la scène est poétique quand elle se joue avec des santons peinturlurés mais dans le réel ? Le monde ne supporte pas que des émigrés, des affamés lui gâchent sa fête de Noël : les braiments du bourricot pourraient gâcher la mélodie sirupeuse de « White Christmas ».

Garder et méditer les événements

Marie, épuisée, contemple son enfant enveloppé d’un linge, endormi sur la paille d’une mangeoire. Et elle a la surprise d’avoir la visite de quelques gamins pouilleux, des gardiens de moutons. L’étable devient le lieu des veilleurs, des vigilants, de ceux qui sont au centre de l’histoire tandis que tout autour, aveuglés par la cupidité, l’ambition, la violence, la folie des divertissements et des voyages, les hommes continuent à jouer la comédie humaine. Il n’y a rien de magique dans le véritable Noêl.

Tout s’est passé tellement vite. Marie se rappelle : le mariage, l’annonce de l’ange, la visite chez Élisabeth, le dur voyage. « Tu auras un fils, il aura le trône de David, il sera roi pour toujours, on l’appellera fils de Dieu ». Cette promesse semble tellement démentie par la situation : le déracinement, une étable, la paille…Mais mon enfant est né dans le village de David ; à Bethléem, qui signifie « la maison du pain » ; et il dort dans une « mangeoire ». Que signifie tout cela ? « Je suis la servante du Seigneur. Que tout m’arrive selon ta parole ».

L’évangéliste Luc spécifie l’activité capitale de Marie : « Elle retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur ». Celui qui s’engage à servir Dieu n’exige pas de programme : au jour le jour il sert, il se donne tout entier à la réalisation de la volonté de Dieu. Il peut être surpris, anxieux, désarçonné : qu’il cherche à interpréter les événements qui se succèdent. Qu’il sache que Jésus est né dans. son cœur, qu’il ne doit pas l’abandonner, que sa mission est d’apporter le Sauveur à un monde terrifié par les guerres, le réchauffement climatique, l’expansion du covid.

La foi chrétienne n’est pas une impression volatile, une piété avide de merveilleux, un souci du ciel qui entraîne à la résignation en ce monde. Elle est marche inlassable sur un sentier ardu, barque dans la tempête. Mais elle comble de la joie d’être un homme libre, un enfant né du vrai Père.

Frère Raphaël Devillers, dominicain

FETE DE NOËL – ANNEE A – 25 DECEMBRE 2019 – EVANGILE DE LUC 2

ÉVANGILE DE MATTHIEU 1, 18-24

NOËL : FÉERIE OU RÉALITÉ ?

Le dictionnaire définit le mot NOËL: “du latin nativitas = naissance. Fête que les chrétiens célèbrent le 25 décembre, en commémoration de la naissance du Christ”.

Or ce n’est absolument plus cela que voyons aujourd’hui. Intituler un “village de Noël”, placarder sur les vitrines d’énormes affiches clamant “Joyeux Noël”, c’est un mensonge. On ne célèbre plus la naissance d’un enfant pauvre mais l’arrivée triomphale d’un vieux bon papa jovial disposé à nous combler de cadeaux (si nous avons de l’argent). On n’accueille plus celui qui est la Lumière du monde: on tisse des guirlandes sur des sapins. Nul besoin d’un Sauveur puisque l’on possède tous les moyens de faire la fête, de s’offrir un banquet avant de ruisseler de bonheur dans une croisière ou sur les pentes enneigées.

Donc cette chaîne internationale d’ameublement est logique lorsqu’elle supprime le mot Noël et proclame “Fête de l’Hiver” (comme Pâques sera remplacé par “Fête du Printemps”). Et tout autant ceux qui vous écrivent: “Joyeuses fêtes de fin d’année”.

Mais au fait n’est-ce pas dans l’ignorance de tous que l’événement de Noël s’est passé?

Ne nous plaignons pas et ne regrettons pas un temps où peu à peu la foi chrétienne se dissolvait dans le folklore. La crise actuelle offre une magnifique occasion d’une purification pour que l’on voie bien la différence entre la fête païenne du soleil et la célébration chrétienne du Sauveur du monde.

Comme toujours, c’est l’Évangile qui nous conduira dans la vérité.

COUPS DE PROJECTEUR SUR LES ACTEURS DE L’EVÉNEMENT

“César Auguste lança un décret pour recenser le monde”.

Les Puissants jouissent de comptabiliser leurs sujets lesquels au fond ne sont pour eux que des objets à manipuler, à mobiliser pour la guerre et à pressurer d‘impôts. Joseph et Marie n’ont aucun droit de refuser: qu’ils partent comme tant d’autres. Ainsi Jésus sera un enfant du voyage. Mais ainsi il naîtra dans le village de son prestigieux ancêtre, le roi David. L’empereur impose mais Dieu dispose. Il y a une logique de Dieu dans le fatras des circonstances.

“Marie accoucha, elle emmaillota et déposa le nouveau-né dans une mangeoire”.

La crèche n’est pas une maison ni une grotte mais une mangeoire fixée au mur pour les bêtes. Le fait devait être assez courant pour les pauvres et le restera encore des siècles pour les misérables qui profitaient de la chaleur des animaux. Que nous voilà loin du barnum de nos sociétés. Et quelle stupeur ! Le fils de Dieu naît comme l’un de nous, celui qui va changer le monde est endormi sur la paille. Les médias qui se croient au courant de tout ratent souvent l’essentiel.

“ L’Ange dit aux bergers: “Je vous annonce une Bonne Nouvelle, qui sera grande joie pour le peuple. Aujourd’hui vous est né le Sauveur, le Christ Seigneur.
Voici le signe: vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une crèche”

Il est amusant d’imaginer les hérauts de César, montés sur des chevaux fringants, fonçant à travers Rome et les campagnes pour claironner “la bonne nouvelle”: un petit prince est né au palais, on va procéder à une immense distribution gratuite de pains et de vins.

Occasion pour nous de nous interroger: que recevons-nous comme “bonne nouvelle” ? Une augmentation de salaire ? Un voyage ? Un n°gagnant au loto ? le mariage du prince ? un grand concert ?

Noël nous remplit-il d’une grande joie ? Avons-nous le désir d’annoncer la libération par le seul et authentique Sauveur ?

Les Anges chantaient les louanges de Dieu:
“Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur terre pour les hommes qu’il aime”.

Je veux la paix, clame le dictateur. Nous allons signer un traité de paix, disent les diplomates. Ah si on pouvait avoir la paix, soupirons-nous. Et ça ne marche jamais ou la paix ne tient qu’un temps. Pourquoi ? Parce qu’on rêve de paix entre hommes sans d’abord chanter la Gloire de Dieu. On veut l’effet sans la cause. La concorde sans la foi.

Des bergers veillaient la nuit pour garder leurs troupeaux. “Allons voir” disent-ils.
Et à Bethléem ils découvrent Marie, Joseph et le nouveau-né sur la paille.

Ils ne ressemblent certainement à de mignons angelots, ces pouilleux de basse classe. Mais ils nous apprennent les conditions pour découvrir Jésus.

D’abord demeurer vigilants, ne pas s’assoupir au milieu des ténèbres du monde. Rester attentifs aux menaces de la mort qui rôde. Prêter une oreille bienveillante quand certains annoncent la Bonne Nouvelle de Jésus sans d’emblée ricaner et tourner en dérision ces vieilleries religieuses. Enfin se déplacer, se mettre en recherche, être curieux de cette Eglise qui semble proclamer une chose impossible.

Hélas, prisonniers de l’opinion courante, chloroformés par la publicité, fascinés par le torrent des images, des multitudes resteront prisonnières de leurs chaînes. Partisans enthousiastes du siècle des Lumières où Dieu est mort, ils fêteront la fin de la religion avant de s’effondrer devant Auschwitz où l’homme est mort. Chantres des droits de l’homme, ils s’écorcheront les ongles sur les murailles des injustices invaincues.

“Marie retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur”.

Phrase essentielle qui pointe une attitude essentielle de notre foi (d’ailleurs Luc la répétera une seconde fois lors de l’épisode de la fugue du garçon à 12 ans).

Ce que nous vivons avec Dieu n’est pas toujours compréhensible sur le champ. Il nous arrive tel incident et il nous tombe des tuiles, nous faisons des efforts de prière et nous tombons malades ou un deuil nous frappe. Nous butons sur des paroles de Jésus ou, surtout, de Paul, et nous ne comprenons pas. Que nous souffle donc le Seigneur ? Où veut-il nous guider ?

Beaucoup, énervés par ces problèmes insolubles, bousculés dans leurs certitudes, renoncent à comprendre: “C’est un mystère”. Or un mystère n’est pas une énigme à résoudre avec la raison mais un gouffre de lumière où il faut accepter d’entrer avec la volonté de comprendre quand Dieu le voudra.

Marie est emportée par un flux d’événements extraordinaires et Dieu ne les lui explique pas au fur et à mesure. Mais elle garde le souvenir, elle médite le rapport entre ce qu’elle vit et ce que lui ont appris les Écritures et ce que son Fils lui dira plus tard. Le petit emmailloté sera le cadavre de son fils enserré dans le suaire. Jésus, endormi dans une mangeoire, sera en effet la nourriture des croyants. D’ailleurs Bethlehem en hébreu ne signifie-t-il pas “maison du pain” ? Les bergers dépenaillés n’annoncent-ils pas les foules des pauvres rejetés par la société de consommation et qui se presseront pour écouter Jésus ?

Et Joseph ?

A nouveau il s’était endormi dans son coin et il faisait un rêve. Qu’il chuchota à son épouse: “ J’ai vu l’avenir et des enfants chrétiens qui chantaient: “Petit papa Noël, quand tu descendras du ciel, avec des jouets par milliers, n’oublie pas mes petits souliers…”. Et il écrasa une larme au coin de l’oeil: “Ils sont incurables ! Il nous faut un Sauveur du ciel !”.

Et les jeunes bergers repartirent en chantant la gloire de Dieu.

Non Noël n’est pas une féerie, un moment magique de gastronomie, une guirlande que l’on range jusqu’à l’année suivante, la “fête de fin d’année” qui nous prépare à entrer dans la période des soldes – car le paradis moderne n’est-il pas d’acheter et consommer?

Noël ne nous a pas donné des choses mais quelqu’un. Le seul et incomparable cadeau de Dieu: son Fils. Tandis que les spots et les guirlandes s’éteignent, et que nous rapportons au magasin les cadeaux dont nous n’avons que faire, un nom brille dans nos cœurs: JESUS. EMMANUEL. Dieu pour toujours avec nous.

Nul besoin de voler vers Bethléem pour voir si c’est bien l’endroit où …

Jésus naît dans le fond de ton cœur quand les plaies de tes souffrances s’ouvrent à sa présence.

Quand pécheur invétéré, tu reviens vers lui qui t’ouvre les bras pour te pardonner.

Quand, avec Marie, Joseph et la multitude, tu te rends le dimanche à l’église: alors tu tends la main telle une crèche et enfin tu comprends ce qu’est l’authentique communauté de consommation, pour la Vie éternelle.

Frère Raphaël Devillers, dominicain

Fête de Noël – 25 décembre 2018

PAS LE VIEUX PÈRE MAIS LE NOUVEAU FILS

Quels nœuds de paradoxes ! Dans quelle crise nous débattons-nous ?

Les extraordinaires progrès des sciences et des techniques allaient nous expliquer tous les mystères, nous permettre la conquête du monde, d’infinis voyages à travers la planète et bientôt sur la lune.
Les stupéfiantes merveilles des moyens de communication nous mettraient en communication les uns avec les autres, nous serions éternellement branchés dans un réseau de partage mondial pour nous enrichir de nos différences.
La devise magique – Liberté, Egalité, Fraternité – serait le programme de la nouvelle société juste et sécularisée, enfin débarrassée des légendes religieuses et du carcan de l’Eglise.
Structurée de nouveaux programmes, l’école serait une belle machine formant des élèves équipés, des citoyens modèles.

Or patatras, rien ne va plus. Les sciences s’acharnent à fabriquer des armements de mort; les téléphones enferment dans le selfie narcissique ; les gilets jaunes dénoncent les inégalités scandaleuses et la violence cachée des riches ; les Bourses tremblent au bord d’une crise fatale ; les élèves défilent dans les rues et clament leur colère; les émigrés coulent dans la Méditerranée ou sont renvoyés d’une frontière à l’autre. Et au sommet, pire que tout, notre comportement imbécile saccage la nature, réchauffe le climat et nous fait entrevoir une fin plus rapide que prévue.

La cause ? On croyait au Père Noël, ce vieux menteur qui, la mine hilare, idolâtre la jouissance, presse à la consommation, promet la joie dans l’alcool. « Restez des enfants, je vous comblerai de cadeaux ». Le Père Noël n’est que la caricature de Dieu : il promeut l’avidité intarissable, le tout est possible tout de suite, la jalousie, l’idolâtrie de l’Argent.

Or à Noël, c’est le fils qui vient, c’est l’enfant, que Dieu envoie. Pas un vieux qui fait des cadeaux mais un bébé qui donne un vrai « présent », donc un avenir, donc un sens à la vie. Par sa vulnérabilité absolue, le nouveau-né rend les parents adultes : il exige que l’on prenne ses responsabilités, qu’on le fasse vivre, qu’on l’aide à grandir, qu’on le protège des dangers qui le menacent.

NOEL N’EST PAS UNE VIEILLE HISTOIRE

Bref l’évangile de Noël n’est pas un conte de fée, un retour à l’enfance, un jeu avec des santons. Il est la Bonne Nouvelle, jamais périmée, qui nous donne la Vie si nous le mettons en pratique.

« Parut un Edit de César qui ordonnait le recensement de la population ». Jouissance des Puissants : « Combien ai-je de sujets ? ». Jouissance des nantis : « Comment ont marché mes opérations boursières ? De combien ai-je détourné de l’impôt ? » . Orgueil de l’avoir.

« Joseph et Marie partirent pour Bethléem ». Les pauvres sont bien obligés d’obéir aux lois : au sommet de l’Etat qui s’occupe d’eux ? Mais c’est ainsi que Jésus naîtra dans le village de son ancêtre, et qu’il sera le messie royal de David. Dieu réalise son dessein.

« Il n’y avait pas de place pour eux dans le caravansérail ». Le propriétaire n’allait quand même pas offrir une chambre à ces jeunes désargentés : il avait de gros travaux d’entretien à réaliser dans sa bâtisse. Qu’ils aillent dans l’étable : la présence des bêtes leur donnera un peu de chaleur. Toutes les pauvres femmes de l’époque en étaient là d’ailleurs. Mais c’est ainsi que le berceau du petit sera une mangeoire. Signe très parlant.

« La nuit, de petits bergers gardaient les troupeaux. Ils furent les premiers à entendre la Bonne Nouvelle : allez voir à Bethléem, il vous est né le Messie, Seigneur ». Dans les ténèbres du monde, qu’aucun spot jamais n’éclairera, des jeunes restent éveillés, ne trouvent pas la nouvelle farfelue, osent se mettre en route, s’amusent de découvrir ce bébé sur la paille. Evidemment les gens sérieux ne gobent pas de pareilles fadaises, ils ne se déplacent que pour une réception fastueuse, un grand spectacle.

MARIE PENSE, MEMORISE, GARDE.

Mais la grande phrase à retenir du texte est celle qui note l’attitude Marie :

« Quant à Marie, elle retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur ».

Elle avait reçu l’annonce inattendue : « Tu enfanteras un fils ». Bouleversée, interrogative, elle s’était donnée : « Je suis là pour servir le Seigneur : que tout se déroule comme il l’a dit ». Puis la visite chez Elisabeth : « Heureuse parce que tu as cru que la Parole de Dieu s’accomplira ». Puis le Magnificat qui avait jailli de ses lèvres comme un trop plein de bonheur : « Dieu est magnifique : il m’a choisie…Son amour s’étend partout… ».

Le retour à la maison, la vie avec Joseph puis tout à coup cet édit impérial, ce voyage, cette appréhension, l’accouchement sur la paille, la venue des gosses rieurs….

Marie ne perd aucun détail. Tout a un sens, il ne faut perdre aucun détail. La cohérence, « la logique »de ces événements sont comme la signature de Dieu. Lui obéir, se laisser conduire par lui ouvre l’intelligence du cœur.

Il faut tout « garder », ne rien laisser perdre. Elle racontera tout cela plus tard aux disciples. Et ensemble ils verront la lumière que ne voient pas les grands esprits enfermés dans leur ego. Et ils nous transmettront la Bonne Nouvelle qui nous fait vivre.

« Aujourd’hui » c.à.d. le dimanche qui est le Jour consacré au Seigneur, il n’est pas besoin d’aller à Bethléem : dans la nuit d’un monde qui ignore Dieu, comme des pauvres un peu ridicules, rendons-nous à l’église de la communauté, écoutons l’annonce de la Bonne Nouvelle, nourrissons-nous de la parole qui dit la Vérité et avançons-nous, la main ouverte comme une crèche, pour qu’y soit déposé celui qui se dit le Pain de Vie du Monde.

Et avec Marie et Joseph, avec les bergers rieurs, éclatons de joie devant un Dieu qui désire habiter dans l’homme et chantons le Magnificat. Que notre allégresse soit communicative.

N’oublions pas : cette grande joie est « pour le peuple ». C’est dans l’actualité de nos vies que nous devons écrire l’Evangile de Noël.

Frère Raphaël Devillers, dominicain, Liège.

CETTE BOUGIE VOUS PARLE

Vous m’avez allumée et vous me regardez. Vous êtes peut-être heureux de m’avoir. Moi, en tout cas, je me réjouis d’être allumée. Si je ne brûle pas, je serai comme les autres, dans une boîte, où je n’ai pas de signification.

Ma raison d’être, je l’ai seulement, lorsque je suis allumée, car alors j’existe.

Bien sûr, depuis que je suis allumée, j’ai rapetissé et bientôt je ne serai plus qu’une pâle lueur. Mais il en est ainsi : ou bien je reste entière, rangée dans une boîte et dans ce cas, je ne sais pas vraiment ce que je fais sur terre… ou bien je répands la lumière et alors je sais pourquoi je suis là, pourquoi j’existe. Pour cela, je dois donner quelque chose de moi, me donner moi-même. C’est mieux que d’être dans une boîte en carton.

Il en est de même pour vous. Ou bien vous vivez pour vous, vous ne perdez rien, ou bien vous donnez lumière et chaleur, alors les gens se réjouissent de votre présence. Vous n’êtes pas pour rien sur terre mais vous devez aussi donner quelque chose de vous. N’ayez pas peur si vous devenez plus petit, c’est seulement de l’extérieur…

Je suis une bougie unique. Lorsque je suis allumée, la lumière et la chaleur qui se dégagent de moi ne sont pas fortes, mais avec d’autres bougies, toutes ensemble, grande est notre clarté et forte est notre chaleur.

Il en est de même pour vous. La lumière que vous donnez n’est pas grand-chose, mais avec celle des autres, c’est énorme.

Il y a parfois des pannes de courant à la maison, il fait noir d’un seul coup. Alors tout le monde pense : « Vite, une bougie ! » et l’obscurité est ainsi vaincue grâce à une seule flamme.

Il en est de même pour vous. Tout n’est pas idéal dans ce monde. Beaucoup se plaignent, certains n’arrêtent pas de se lamenter. N’oubliez pas qu’une seule flamme est encore plus que l’obscurité.
Prenez courage et n’attendez pas les autres. Soyez allumés et brûlez.
Et si vous avez des doutes, alors prenez une bougie et allumez-la.
Regardez cette flamme et comprenez.