Homélies et commentaires par fr. Laurent Mathelot OP

Résurgences

Comment Noël est devenu Noël

Noël est la fête chrétienne la plus populaire aujourd’hui. Pourtant, au début du christianisme, elle n’existait pas. Le cycle liturgique de la Nativité s’est élaboré peu à peu au fil des siècles, par de constants allers et retours entre les traditions orientales et occidentales.

Dans les tout premiers siècles du christianisme, on ne célébrait pas la naissance de Jésus. On ne faisait mémoire, une fois par an, que de sa résurrection. Ce n’est qu’à partir du IVe siècle, à un moment où les controverses s’intensifièrent sur la nature à la fois divine et humaine du Christ, que s’est fait sentir le besoin de fêter la naissance de Jésus, défini comme « vrai homme et vrai Dieu », ainsi que le mystère de l’incarnation.

Les Évangiles ne disent rien de la date de la naissance de Jésus. À Alexandrie et dans certaines Églises d’Orient, on commença dès le IIe siècle à célébrer l’Épiphanie, c’est-à-dire la manifestation de Dieu, le 6 janvier. Fallait-il fêter ce jour-là la naissance du Christ ? C’est ce que l’Église apostolique arménienne fait encore aujourd’hui. En Occident, plusieurs autres dates furent proposées, et l’on préféra le 25 décembre, jour du solstice d’hiver selon le calendrier julien en vigueur à l’époque.

Ce jour-là était en effet jour de fête pour de nombreux cultes répandus dans l’Empire romain : on célébrait par exemple à Rome la naissance du dieu Mithra, une divinité venue de Perse, ainsi que le Sol invictus (le Soleil victorieux). Dans les pays germaniques, c’était le jour de la fête de Yule, au cours de laquelle le dieu Heimdall récompensait par des cadeaux les enfants qui avaient bien agi.

Pour les chrétiens, qui professaient que Jésus est la « lumière du monde » (Jean 8, 12) et le « soleil de justice » (Malachie 4, 2), la date du solstice d’hiver s’imposa peu à peu. La première célébration attestée de la naissance de Jésus un 25 décembre eut lieu à Rome en l’an 336.

Noël, fête obligatoire en 506

Au IVe siècle, Constantin Ier (272-337) est aux commandes de l’Empire, et instaure avec l’édit de Milan en 313 une ère de paix pour le christianisme. Commencent les pèlerinages en Terre sainte, où l’on cherche à localiser les différents événements de la vie de Jésus. Des sanctuaires se construisent.

En 325, Constantin demande à sa mère, Hélène, d’y faire édifier trois basiliques : l’Anastasis et le Martyrium (l’actuel Saint-Sépulcre), sur le lieu supposé du tombeau de Jésus, l’Eleona, sur le lieu de l’Ascension (actuelle église du Pater Noster sur le mont des Oliviers). Enfin, à Bethléem, la basilique de la Nativité, sur le lieu de la naissance du Christ.

Sur chaque site de pèlerinage s’élabore une liturgie adaptée au lieu et à l’événement célébré, ainsi qu’un calendrier liturgique suivant la chronologie des Évangiles, qui influenceront la pratique des autres Églises. Au fil du temps, le cycle de Noël se met en place. L’Avent apparaît à la fin du IVe siècle, correspondant au temps de Carême qui précède la fête de Pâques. De six semaines d’abord, il se fixe à quatre semaines. Le cycle se clôt par le baptême du Christ, célébré le dimanche qui suit le 6 janvier, jour de l’Épiphanie.

En 506, le concile d’Agde fait de Noël une fête d’obligation. En 529, par décret de l’empereur Justinien, le 25 décembre devient un jour chômé. La fête de Noël se répand peu à peu dans toute l’Europe. Elle parvient en Gaule au VIe siècle, dans les pays slaves au Xe siècle.

Christel Juquois,
publié dans La Croix du 23/12/2022.


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