Sainte Marie, Mère de Dieu – 1er janvier 2023 – Évangile de Luc 2, 16-21

Évangile de Luc 2, 16-21

Journée de prière pour la Paix

« Bonne Année ! » : la formule s’échange sans arrêt. Conventionnelle, elle demeure un vœu, un souhait sincère mais inefficace. Au fait pourquoi l’année commence-t-elle le 1er janvier ? Pourquoi pas à l’éclosion du printemps ou le 1er septembre qui marque la reprise des écoles et des entreprises ? C’est Jules César, nous dit-on, qui fixa le départ de l’année à cette date dédiée au dieu Janus à deux faces opposées, comme le passé et l’avenir.

Ce repère, quoi qu’il en soit, exprime notre impression du temps qui s’écoule mais ne nous dit rien sur sa signification. Car si les végétaux et les animaux subissent la succession des saisons et acceptent la loi de la jungle où règne la violence et où le prédateur écrase le plus faible, il n’en est pas de même pour nous, les humains. Il n’existe pas de peuple qui n’élabore un système de justice pour endiguer, au moins, les tentatives de violence et pour punir les auteurs d’injustice. Personne ne supporterait un laisser-faire général. Toute victime revendique, à juste titre, punition du coupable et réparation des préjudices : cela ne relève pas d’une vengeance ou d’une rancune mais d’un sentiment très fort de justice. Déjà à la découpe du gâteau, les tout petits le manifestent.

Pire encore, on dirait que la guerre est un virus incurable. Tueries, destructions massives, tortures et viols, les victimes innocentes se comptent pas millions. Que de souffrances, de mutilations, de haine ! Ai-je vécu un jour de ma vie sans qu’il y ait au moins un conflit armé sur terre ? Aujourd’hui il y en a des dizaines. Alors suffit-il de se taire, de se résigner, de tirer son épingle du jeu mortel ? Suffit-il de critiquer un Dieu silencieux qui semble impuissant ou insensible ? La mort d’un seul enfant n’est-elle pas la preuve de son inexistence ?

Non, Dieu a répondu depuis longtemps mais sa réponse est déconcertante.

La coûteuse et Bonne Nouvelle

Dans l’antiquité où déjà s’affrontaient les dieux et les empires, un petit peuple insignifiant a certifié qu’il avait reçu une réponse. Le Dieu unique est amour et tendresse, il ne manipule pas ses créatures humaines et libres. A Israël d’abord, il a révélé sa Loi : voici, mes enfants, mon code de vie, voici comment je vous propose de vous conduire pour éviter le plus de mal possible et pour vivre dans le droit, la justice et la paix. Mes Dix Paroles ne sont pas votre privilège : elles sont le programme à appliquer et à faire connaître à tous les peuples. La Loi commençait à donner sens à l’existence humaine.

Hélas, le peuple d’Israël, faible comme tous les autres, n’est jamais parvenu à vivre selon cet idéal de Dieu que sans cesse des Prophètes lui rappelaient. Alors Dieu révéla une nouvelle promesse : un jour inconnu, je vous enverrai un « Messie »c.à.d. quelqu’un ( ?) qui sera « oint » donc comblé de ma Puissance. Il sera plus qu’un prophète qui tonitrue – en vain – contre les méfaits. Le Christ Messie vous sauvera : il ne vous empêchera pas de fauter mais il vous offrira mon pardon et, plus merveilleusement encore, il vous communiquera ma Vie, la Vie éternelle.

Qui sera ce Messie ? Quand viendra-t-il ? Comment agira-t-il ? Y aura-t-il une déflagration ? Sera-ce la fin du mal ?…Pas de réponses.

Noël : le Messie est venu

Et le Messie est venu. De façon tellement surprenante et inimaginable que bien peu commencèrent à percer son identité sous les apparences de ce Jésus, homme né d’une femme » (Galates 4 = 2e lecture)artisan simple et démuni. Pire, les plus hautes autorités religieuses se dressèrent contre lui, le traitèrent de blasphémateur, le firent exécuter de façon ignominieuse sur la croix. Cet échec semblait démontrer qu’il s’agissait d’un menteur, d’un mythe.

Or immédiatement après ce désastre, les disciples de Jésus, qui n’avaient rien fait pour le défendre et qui auraient dû s’enfuir au loin par peur des poursuites, réapparaissent sur la scène publique. Au coeur même de Jérusalem, ils ne se lamentent pas sur la disparition honteuse de leur maître : ils se rassemblent et chantent la merveille que Dieu vient de réaliser. Oui Jésus a été exécuté mais il est Vivant. Il est bien le Messie, le Fils unique de Dieu et son Père l’a ressuscité. Sa mort, le don de sa vie-pour-nous offre le pardon des péchés du monde et sa Vie nouvelle nous est donnée en partage pour que, par grâce, nous devenions, nous aussi, des « enfants de Dieu ».

De façon déconcertante mais bien réelle, le « Royaume de Dieu » est inauguré. Non dans un espace ni un pays ni une institution. Mais dans le temps : chaque fois que les hommes aiment leur prochain comme eux-mêmes, pardonnent au lieu de s’en vouloir, partagent au lieu d’accumuler, consolent au lieu de demeurer indifférents aux autres, font la paix au lieu de la guerre…Dieu n’a pas voulu nous sauver d’un coup de baguette magique. La grâce du Royaume est donnée : à chacun de la demander, de l’accueillir, de la mettre en pratique. Et un jour, le Messie glorieux reviendra pour rendre la justice définitive.

Ainsi l’histoire a un sens : elle a eu un commencement (reconnu par la science aujourd’hui), les lois dictent notre devoir mais butent sur notre impuissance, elle est attente puis accueil (possible) du Messie de sorte que le Royaume s’étend partout grâce aux disciples et tous ceux qui cherchent le bonheur dans les Béatitudes. Et un jour elle finira (ce que disent les savants) et il n’y aura plus que l’Amour. Éclairée par la foi, portée par la charité, l’histoire est messianique, christique.

Vraiment Noël est la Bonne Nouvelle : le Verbe de Dieu s’est fait chair et a demeuré parmi nous. Sous l’empereur Justinien, en 532, un moine calcula que Jésus devait être né 753 ans après la fondation de Rome : ce fut le départ de l’ère chrétienne (on estime qu’il y a eu erreur : nous entrons en l’année 2027 ?). Quant à la date de la naissance, elle fut fixée au solstice d’hiver, le 25 décembre, afin de supplanter la grande fête populaire de la victoire du soleil.

Sainte Marie, Mère de Dieu

En ce 1er janvier, octave de Noël, nous célébrons « Marie, Mère de Dieu », comme l’a proclamé le concile d’Éphèse. puisque Jésus homme est également le Fils éternel de Dieu.

Les bergers se hâtèrent d’aller à Bethléem, et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire. Après avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers.

Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur.

Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, selon ce qui leur avait été annoncé. Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l’enfant reçut le nom de Jésus, le nom que l’ange lui avait donné avant sa conception.

D’abord Luc nous rappelle la nativité et nous présente les petits bergers comme les prototypes des disciples futurs. Veilleurs dans la nuit, pauvres jeunes mal payés, chargés de garder le troupeau dans l’unité, de chercher et soigner la bête égarée, d’affronter les attaques des prédateurs. Mais ils sont venus voir l’événement, ils jubilent de joie et ils s’en vont pour le raconter ailleurs. Noël comble d’allégresse, il n’est pas « une magie » mais il suscite le désir de le raconter. Le plus merveilleux des cadeaux, c’est accueillir l’enfant qui sauve.

Quant à Marie, Luc note une attitude tellement importante qu’il la répétera lors des retrouvailles de l’adolescent dans le temple (2, 51) : « Elle retient les événements qui surviennent et les médite dans son cœur ». Quelle aventure ! Non la foi chrétienne n’est pas une vague dévotion pieuse, un appel aux miracles : elle s’insère en pleine vie, surprend, secoue, mène sur des chemins ardus. Elle s’enracine dans les événements. Il faut retenir, garder en mémoire, confronter évangile écouté et existence ordinaire. Travail inlassable de l’Esprit. Ainsi la foi est « incarnée », enracinée et elle résiste aux critiques.

Le 8ème jour après la naissance avait lieu la circoncision du nouveau-né. Jésus est bien fils d’Israël. Mais il fera bon accueil aux païens et les apôtres ouvriront l’accès à l’Église par le rite du baptême offert à toutes les nations.

— Fr. Raphaël Devillers, dominicain.

Sainte Marie, Mère de Dieu, prie pour nous, pauvres pécheurs

Dans la perspective du renouveau liturgique décidé par le concile Vatican II, le pape Paul VI a publié « Le culte marial aujourd’hui», exhortation apostolique du 22 mars 1974.

Il y explique la suite des fêtes mariales, en souligne le profond accent christique, met en garde contre des dévotions superficielles.

Extraits

« …Les formes diverses de la piété envers la Mère de Dieu, que l’Église a approuvées en les maintenant dans les limites d’une saine doctrine catholique, se développent dans une subordination harmonieuse au culte du Christ et gravitant autour de lui comme autour de leur point de référence naturel et nécessaire…

La réflexion de l’Église contemporaine sur le mystère du Christ et sur sa propre nature l’a amenée à trouver, à la racine du premier et comme couronnement de la seconde, la même figure de femme : la Vierge Marie, Mère précisément du Christ et Mère de l’Église.

La connaissance plus profonde de la mission de Marie s’est transformée en vénération joyeuse envers elle et en respect plein d’adoration pour le sage dessein de Dieu, qui a placé dans sa famille, l’Église, comme en tout foyer domestique, la figure d’une femme qui, discrètement et en esprit de service, veille sur elle et dirige sa marche vers la patrie, jusqu’à ce que vienne dans la Gloire le jour du Seigneur… » (Introd.)

1er Janvier : solennité de Marie, Mère de Dieu

Dans l’ordonnance réformée du temps de Noël, il nous semble que tous doivent tourner leur attention vers la réinstauration de la solennité de Sainte Marie, Mère de Dieu.

Placée au 1er janvier, selon l’ancienne coutume de la liturgie de Rome, elle est destiné à célébrer la part qu’a eu Marie au mystère du salut et à exalter la dignité particulière qui en découle pour la Mère très sainte qui nous a mérité d’accueillir l’auteur de la vie ».(§. 5 )

Elle constitue par ailleurs une excellente occasion pour renouveler notre adoration au nouveau-né, Prince de la Paix, pour écouter à nouveau le joyeux message des Anges, pour implorer de Dieu, par la médiation de la Reine de la Paix, le don suprême de la paix…(§ 5)

Pape Paul VI

Nativité du Seigneur – 25 décembre 2022 – Évangile de Luc 2, 1-14

Évangile de Luc 2, 1-14

S’enfanter

Noël pour beaucoup, ce sont des souvenirs d’enfance, des noëls en famille, des veillées joyeuses, des repas de fêtes où on se rassemble entre proches. Le drame cependant serait de faire de Noël une célébration nostalgique, la commémoration d’une joie passée. C’est aujourd’hui que nous fêtons Noël.

Depuis le début de l’Avent nous nous préparons à la joie d’une nouvelle naissance et c’est maintenant la joie. Et peut-être cette année-ci devrait-elle être plus éclatante, justement parce ce qu’aujourd’hui, dans notre monde, ce n’est pas la joie. Les crises et les guerres n’en finissent plus ; la pauvreté frappera durement cet hivers. A bien des égards, les temps actuels ressemblent à cette nuit de Noël où l’espérance a terriblement besoin d’un sauveur et le monde d’une vie nouvelle.

C’est en effet dans le plus grand dénuement que l’enfant de la crèche vient au monde. Ses parents sont sur les routes, ils n’ont trouvé aucune maison pour les accueillir. C’est dans l’indifférence générale et la totale solitude que l’enfant-dieu vient au monde. C’est aussi dans un grand désarroi familial : Joseph sait qu’il n’est pas le père. C’est sans doute difficile d’accueillir d’emblée comme le sien un enfant qui ne l’est pas, de le reconnaître comme son propre sang. Ce petit enfant en quête d’une demeure, qu’il est difficile d’accueillir quand tout va mal, c’est le Christ en nous. Et l’effort qui nous est demandé, c’est de le reconnaître comme notre propre chair. Noël c’est le jour où le divin surgit dans notre vie et c’est ce que nous célébrons aujourd’hui.

Nous aussi, il nous arrive d’être dans un grand dénuement, de nous sentir rejetés, ignorés de tous. Qui ici n’a pas vécu des élans de générosité qui ont été mal reçus, des gestes d’amour qui ont été méprisés ? Qui parmi nous n’a jamais connu le désarroi, ressenti de la solitude, éprouvé de l’abandon ? au point peut-être de ne pas se sentir mieux traités que des animaux dans une étable ? Ce petit enfant dans la crèche, c’est nous.

Nous avons tous gardé ce désir qu’ont les enfants d’aimer spontanément. Peut-être en avons nous juste enfoui l’innocence, à forces de souffrances et de blessures. Mais au départ, tous ici, nous ne désirions qu’aimer. Et si les aléas de la vie ont tempéré cet élan naturel d’amour pour les autres que nous avions étant enfants, nous ne désirons toujours qu’aimer. Si nous sommes rassemblés ici, particulièrement en ce temps de Noël, c’est bien parce que nous voulons proclamer notre désir authentique d’amour. Il est toujours vivant le petit enfant de la crèche qui habite en nous. Il nous réjouit toujours l’amour innocent qui veut s’incarner au milieu du désarroi du monde et des familles. C’est aujourd’hui que nous célébrons sa venue au monde. Voilà Noël.

Comme Marie, tout au long de notre vie, nous enfantons le Christ humain – par nos relations, par notre générosité quotidienne, par les élans de notre cœur – mais c’est Dieu qui enfante en nous le divin. A l’instar de Joseph, tous, tout au long de notre vie, nous peinerons à reconnaître cette parcelle de divin qui nous habite comme notre propre chair. Au point de parfois douter de nos propres capacités d’aimer. Il y a des circonstances où l’enfant innocent que nous étions – et qui ne désirait qu’aimer – nous semble lointain, peut-être même étranger, comme autre. Mais que dire alors de la présence de Dieu en nous que cet enfant incarnait plus spontanément que nous, désormais adultes ? Nous restons humains et nous peinons à reconnaître notre caractère divin. Noël, c’est aussi le temps de retrouver notre propre préciosité – la valeur que nous avons aux yeux de Dieu et que l’innocence de notre enfance incarnait si bien. Il n’y aura pas d’authentique désir d’aimer si nous ne nous aimons pas nous-même. Noël, c’est aussi accepter de reconnaître la merveille que nous sommes aux yeux de Dieu. C’est se rendre compte que le regard de tendresse que Dieu pose sur l’enfant de la crèche est le même que celui qu’il pose sur nous.

Si, finalement, les temps actuels correspondent assez bien à l’esprit de Noël – tout est sombre ; c’est la solitude de la nuit ; seule brille une petite crèche – alors il faut que cette crèche aujourd’hui ce soit nous. La vie de Dieu brille au fond de notre intimité et c’est à travers nous désormais qu’elle vient au monde ; c’est en nous que s’incarne aujourd’hui l’amour divin. Voilà Noël. Tous, chrétiens, nous sommes appelés à être de réelles crèches vivantes pour le monde qui nous entoure.

C’est Noël, le temps où nous célébrons l’amour fou de Dieu pour l’humanité. C’est en nous que cet amour s’incarne désormais. D’abord par le regard de tendresse que Dieu pose sur nous, comme un père, une mère comblés d’amour regarde leur enfant nouveau-né ; ensuite, à travers les élans de notre cœur qui nous poussent à avoir cette tendresse d’amour pour le monde alentours.

On pourrait résumer cette homélie en trois questions : « Savez-vous à quel point Dieu vous aime ? » et « Mesurez-vous à quel point vous désirez aimer le monde ? » et « Voyez-vous comme il en a besoin ? »

C’est Noël. C’est le temps où, au milieu des vicissitudes, nous retrouvons vivant l’enfant qui toujours, comme le Christ, dit en nous : « Depuis que je suis venu au monde, je ne désire qu’aimer. »

Joyeux Noël à tous. Joyeux Noël en vous.

— Fr. Laurent Mathelot, dominicain.

Angelus Silesius : Un chemin vers la joie

Christ serait-il né mille fois à Bethléem,
S’il s’est pas né en toi , c’est ta perte à jamais

Johannès Scheffler est né à Breslau (Silésie) le 25 12 1624. Médecin de profession, protestant, il se convertit au catholicisme et entre dans l’ordre franciscain où il devient prêtre. Dans le courant des mystiques Maître Eckart, J. Tauler, Suso, J. Boehme, il publie un livre d’aphorismes « Le pèlerin chérubinique » qui va devenir une œuvre célèbre. L’écho de son œuvre sur la pensée moderne n’a fait que s’amplifier, jusque Schopenhauer et Heidegger.

Quelques citations :

Mystère impénétrable ! Dieu s’est perdu lui-même,
Et, pour ce, veut en moi être un enfant nouveau-né.

Puisque Dieu lui-même, le plus grand, s’est fait petit,
tout mon désir sera d’être comme un enfant.

Homme, si tu t’y prêtes, Dieu engendrera en toi
Son Fils tout-puissant, aussi bien qu’en son trône.

Jésus est le plus haut délice. Pour y goûter,
pénètre dans la naissance du Fils de Dieu.

Ah mon frère, deviens ! Qu’as-tu à rester pensées, apparences ?
Nous avons essentiellement à devenir un être nouveau.

Fou l’homme qui embrasse un nuage.
Fou, toi qui te fais joie de vaine gloire.

On n’apprécie rien de ce monde si on ne le contemple pas ;
Ce qui manque au monde, c’est la contemplation.

Partager donne la paix. C’est de la propriété seule
que naissent tous les maux, toutes les persécutions, les guerres et les luttes.

L’homme riche qui parle sans cesse de sa misère :
N’hésite pas à le croire.
La vérité, c’est qu’il ne ment pas.

Meurs avant de mourir pour ne pas mourir quand tu devras mourir
sinon tu périras.

Et la plus célèbre :

La rose est sans pourquoi,
Elle fleurit parce qu’elle fleurit,
n’a pour elle aucun souci,
ne demande pas : suis-je regardée ?


Poète et mystique du XVIIe siècle, Angelus Silesius (1624-1677) a composé Le Pélerin chérubinique comme un écrin à mille facettes, ciselant plus de 1600 distiques, quatrains ou courts poèmes.

Il faut qu’en toi Dieu naisse

Christ serait-il né mille fois à Bethléem,
S’il n’est pas né en toi, c’est ta perte à jamais. (I, 61) …

Tu dois l’être en retour

Dieu s’est fait homme en toi ; si tu ne te fais Dieu,
Tu moques sa naissance et te ris de sa mort. (I, 124) …

La Sagesse

La Sagesse a plaisir d’être avec ses enfants.
Pourquoi donc ? O merveille ! Elle-même est un enfant. (I, 165) …

Pourquoi Dieu est-il né ?

Mystère impénétrable ! Dieu s’est perdu Lui-même,
Et, pour ce, veut en moi être enfant nouveau-né. (I, 201) …

Le Royaume des Cieux est aux enfants

Chrétien, si tu peux être enfant du fond du cœur,
Dès cette terre est tien le Royaume des cieux. (I, 253) …

Enfant et Dieu

Enfant et Dieu, c’est un : si tu m’appelles enfant,
Tu as reconnu Dieu en moi et moi en Dieu. (I, 255) …

La Déité et l’humanité

L’éternelle Déité doit tant aux hommes
Que, sans eux, Elle aussi perd cœur, courage et sens. (I, 259) …

Le meilleur est d’être un enfant

Puisque Dieu même, le plus grand, s’est fait petit,
Tout mon désir sera d’être comme un enfant. (III, 25) …

Le ciel se fait terre

Le ciel s’abaisse, il vient à nous et se fait terre ;
Quand, s’élevant, la terre sera-t-elle ciel ? (III, 111) …

En toi naît le Fils de Dieu

Homme, si tu t’y prêtes, Dieu engendre en toi
Son Fils à tout instant, aussi bien qu’en son trône. (V, 252) …

Le seul délice de Dieu

Donner naissance est bienheureux. Le seul délice
De Dieu est d’engendrer son Fils éternellement. (VI, 132) …

Comment avoir part au délice de Dieu

Dieu est le plus haut délice. Pour y goûter,
Pénètre dans la naissance du Fils de Dieu. (VI, 133)

4ème dimanche de l’Avent – Année A – 18 décembre 2022 – Évangile de Matthieu 1, 18-24

Évangile de Matthieu 1, 18-24

Un si grand mystère

Avant le Concile Vatican II, dans la liturgie, lorsqu’on arrivait à la confession de Foi du Credo : « Par l’Esprit Saint il a pris chair de la Vierge Marie, et s’est fait homme », on s’agenouillait des deux genoux. Même si ce rite n’est presque plus pratiqué de nos jours – tout au plus, certains inclinent-ils encore la tête lorsque le Credo évoque l’Incarnation – l’appel à l’humilité est toujours adressé à notre intelligence humaine nécessairement limitée quand il s’agit du dessein de Dieu. Nous ne sommes pas ici en présence d’un « miracle » livré à nos « explications » les plus fantaisistes, et les moins convaincantes pour notre « curiosité ». Nous sommes en présence d’un « Mystère », c’est-à-dire un acte de l’Esprit divin qu’il nous faut « accueillir » dans la Foi et la confiance.

La différence est essentielle : aucune explication ne pourra venir à bout du mystère divin ; jamais notre intelligence ne pourra l’épuiser : il restera mystère quelque soit la théologie que nous déployions. En ce sens, bien plus que contraindre la pensée, la limiter par un cadre rigide (et pour certains obsolète voire contraire à l’intelligence), les dogmes de l’Église servent à cerner le mystère. Jamais la notion du Dieu trinitaire ne trouvera d’explication rationnelle satisfaisante ; jamais nous ne pourrons pleinement comprendre l’Incarnation divine, puisque nous ne sommes pas le Christ. Et, en effet, face à de tels mystères, l’intelligence humaine doit savoir rester humble.

Loin d’être humiliante, cette soumission intellectuelle au mystère nous grandit. Seule l’humilité nous rend « capables de comprendre » la puissance d’amour du Dieu de Jésus Christ. Cette grandeur a été celle d’Abraham qui s’est réjoui de ce que Sara sa femme stérile tombe incompréhensiblement enceinte d’Isaac, le fils de la Promesse. Elle a aussi été celle d’Élisabeth qui, dans sa vieillesse, devint enceinte de Jean le Baptiste. Grandeur également de Joseph qui, à l’invitation d’une voix angélique reçue en songe, prit Marie pour épouse enceinte avant qu’il ait posé l’acte géniteur. Grandeur de profonde humilité de Marie enfin, qui, dans son Magnificat, exulte de joie de se trouver enceinte par la Puissance de Dieu qui pour elle fit la « merveille » de se pencher sur sa servante.

Au delà de l’humilité face à Dieu qui se révèle, il faut mesurer le tragique de ce qui se joue entre Marie et Joseph. Elle est une jeune fille – si on se reporte aux mœurs de l’époque, elle ne doit pas avoir plus de quatorze, quinze ans – une jeune vierge, promise en mariage à Joseph. Elle se retrouve enceinte et tous deux savent pertinemment que l’enfant n’est pas de lui. Parce que c’était à l’époque la loi, Joseph aurait pu la faire lapider. Il lui suffisait de la dénoncer, puisqu’elle-même reconnaissait ne pas être enceinte de lui. C’était alors les mœurs de lapider les vierges tombées enceintes hors mariage ; et on en trouve encore hélas des traces de nos jours … Il est coûteux de soumission, le « fiat » de Marie : en faisant confiance à Dieu, elle joue sa vie.

De même, de la part de Dieu, il n’y a pas plus radical abaissement, que d’arriver au monde par l’innocence d’une jeune fille que la résolution du cœur d’un seul homme pouvait condamner à mort ou laisser vivre.

C’est bien dans ces sentiments, dès lors, qu’il faut nous approcher de la crèche de Noël et, intellectuellement, en nous, nous agenouiller humblement, comme si avec Marie nous jouions notre vie dans la confiance. Contrairement à une démarche rationnelle qui viserait à tout comprendre et tout expliquer, il nous faut rester humbles face à l’incarnation de Dieu en l’humanité. Elle ne se fait qu’à ce prix. Ce ne sont pas nos certitudes, ni même nos efforts intellectuels qui nous rapprochent le plus intimement de Dieu, ce sont plutôt nos abandons dans la foi en son amour pour nous.

Le croyant est celui dont l’intelligence reste ouverte au mystère et, même, qui accepte une certaine ignorance. Nous ne savons pas tout des choses de l’amour, des choses de la vie, encore moins savons-nous tout de Dieu.

C’est peut-être une belle prière à faire pour se préparer à Noël : « Seigneur, donne-moi l’humilité d’accepter de ne pas tout comprendre – ni de l’amour, ni de la vie, ni de toi – et remplis mon ignorance du merveilleux de ton mystère … de ton incarnation. Viens au monde en moi ; habite de ton Esprit ce que ma raison ne voit pas. »

— Fr. Laurent Mathelot, dominicain.

Nigeria : il refuse de renier le Christ

Manga est chrétien. Et Dieu sait qu’il ne fait pas bon être chrétien au Nigeria. Considéré comme l’endroit le plus dangereux du monde pour cette communauté, un chrétien y est tué toutes les deux heures. Manga a failli être de ceux-là. Le 2 octobre 2012, le jeune homme, à peine âgé de 20 ans, rentre chez lui comme tous les soirs, après l’université. Sa mère prépare le dîner. Un tableau parfaitement normal : une famille, un repas partagé. Puis les rafales de tir. Il est 19h30. Les hommes de Boko Haram, groupe islamiste ayant prêté allégeance à Al-Qaïda, font irruption dans la pièce. C’est ici que la vie de Manga bascule. Les djihadistes procèdent selon la méthode habituelle : ils font sortir de la maison les hommes les plus âgés de la famille : Manga, son père et son frère cadet, pendant que sa mère et les enfants plus jeunes s’enferment dans une autre pièce.

Ils nous ont dit : “Nous allons vous tuer.” Je leur ai répondu: Si vous nous tuez, qu’est-ce que vous y gagnez ?

« Puis ils ont demandé à mon père et à nous deux si nous étions prêts à renier Jésus et à embrasser l’islam », témoigne Manga auprès de l’ONG Portes Ouvertes. Le père de Manga refuse. « Alors ils nous ont dit : “Nous allons vous tuer.” Je leur ai répondu: “Si vous nous tuez, qu’est-ce que vous y gagnez ?” »Cette réponse entraîne un déchaînement de violence qui fera payer aux trois hommes le prix du sang. Manga est frappé d’un coup de crosse de fusil, et son père est sauvagement assassiné. « Ils l’ont décapité et ont mis sa tête sur son ventre, devant mes yeux, raconte Manga. Puis ils ont essayé de décapiter mon frère, qu’ils ont laissé pour mort. Pendant ce temps, d’autres le frappaient et le piétinaient. » Manga assiste impuissant au massacre des siens. Vient ensuite son tour. « Ils ont pris un autre couteau, avec des dents de scie et ils ont essayé de me couper le cou. »

J’ai pensé à Jésus quand il a été cloué sur la croix et j’ai fait mienne sa prière : “Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font”

À cet instant pourtant indescriptible de terreur, Manga parvient à trouver la force de prier. « J’ai pensé à Jésus quand il a été cloué sur la croix et j’ai fait mienne sa prière: “Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font” ». Le jeune homme poursuit : « J’ai aussi prié avec le Psaume 118: “Je ne mourrai pas, mais je vivrai pour proclamer la gloire de l’Éternel.” Je ne savais pas si j’allais survivre, mais j’ai prié quand même. » Le jeune homme est laissé pour mort, baignant dans son sang, le corps de son père et de son frère martyrs sous ses yeux. Comme si cela ne suffisait pas, les hommes de Boko Haram accrochent une bombe au portail de la maison familiale, où hurlent de terreur la mère de Manga et ses plus jeunes enfants. Ils sont sauvés par la courageuse intervention des voisins qui parviennent à abattre une cloison pour faire sortir les survivants de la famille avant d’appeler la police. 

La situation nous dépasse mais nous savons que notre Dieu est un Dieu vivant

Il est 23 heures. Manga et son frère, presque vidés de leur sang, arrivent à l’hôpital. Les soignants réussissent à sauver le frère de Manga. Mais Manga a perdu trop de sang, si bien que les médecins renoncent. Pourtant, à ce moment précis, l’électrocardiogramme indique que le cœur de Manga bat de nouveau. « J’ai pris conscience que j’étais vivant parce que Dieu l’avait décidé », souligne Manga. 

À l’image de Manga, beaucoup de chrétiens au Nigeria parviennent à témoigner d’une Espérance qui inspire et force le respect : « La situation nous dépasse mais nous savons que notre Dieu est un Dieu vivant qui peut faire basculer la situation en un clin d’œil », affirme-t-il. « Et même s’il ne le faisait pas, nous lui resterions fidèles. Alors continuez à prier pour nous, c’est la meilleure chose que vous puissiez faire pour le Nigeria. » Et de conclure : « Faisons de notre mieux pour l’œuvre de Dieu, pour l’honorer avec notre vie. Que la faim et la soif de Dieu soient encore plus dans votre cœur. »

Site Aleteia 2/12/2022


Iles Maldives : « Un non-musulman ne peut pas devenir citoyen des Maldives » (Constitution § 9d) – « Peine de mort pour apostasie » (Charia Afghanistan) – Haïti : « La situation est assez horrible. L’ île est aux mains des gangs. Les hôpitaux ferment…Mais le plus douloureux est l’indifférence du monde ; personne ne s’intéresse à nous » (Sœur Marcella). – Nigéria : « Des chrétiens sont tués dans toute l’Afrique, des églises prises d’assaut. De jeunes chrétiennes sont enlevées, violées, forcées de se convertir à l’Islam et d’épouser des hommes d’âge…L’Église a besoin de gens qui parlent pour elle » (père A. Abamoyi)

L’Église dans le monde 12 2022

3ème dimanche de l’Avent – Année A – 11 décembre 2022 – Évangile de Matthieu 11, 2-11

Évangile de Matthieu 11, 2-11

Gaudete

Il y a un parfum de préliminaires amoureux dans la liturgie d’aujourd’hui. C’est le dimanche de Gaudete – « Gaudete » signifie « réjouissez-vous ». Réjouissez-vous car Il vient !

L’image des préliminaires amoureux est audacieuse mais elle est parlante. Aujourd’hui on se met en joie, en hâte même – avec une certaine exaltation – pour la venue de Dieu parmi les hommes, l’amour qu’il incarne. Le mot d’ordre du jour pourrait être : « Exultez de joie : le Seigneur vient tout sauver ».

Il y a un parfum de préliminaires amoureux dans la liturgie d’aujourd’hui. Réjouissez-vous, le Seigneur vient. Il vient ravir votre esprit et votre corps. Dégageons, pour un temps, la notion d’excitation de tout ce qu’elle a de négatif. Nous méditons aujourd’hui l’excitation de l’amour pour Dieu.

On joue avec le feu bien sûr, c’est le cas de dire : le feu spirituel, qui excite et qui, selon sa nature, mène au Ciel ou en Enfer. On pense évidemment au cas très actuel des pseudo-religieux exaltés par la haine, des terroristes agissant – soi-disant – au nom de Dieu. L’excitation spirituelle peut vite dévier en totalitarisme. C’est même un des ressorts des totalitarismes, quand massivement les gens s’excitent pour un phantasme spirituel, social ou politique. Il y a quelque chose d’une énergie que l’on libère dans l’excitation et qui peut échapper à tout contrôle. Ainsi, tout dépend de la direction que l’on prend a priori, de ce pour quoi on s’excite. Certes à s’exciter on joue avec le feu, mais c’est aussi le prix à consentir pour brûler du feu spirituel, s’embraser de l’amour divin. Si notre vie spirituelle n’est pas quelque part exaltante, excitante, il y fort à parier qu’elle manque de dynamisme, qu’elle manque de feu … qu’elle manque d’incarnation.

Le phantasme religieux, c’est précisément ce que dénonce, par sa vie, Jean le Baptiste, lui qui naît au sein de l’aristocratie religieuse, précisément ces élites qui choisissent de se soumettre à l’occupant romain, en échange de la liberté de culte. La caste sacerdotale, comme la famille royale, sont alors corrompues, vues comme collaboratrices avec l’occupant. L’image de Jean le baptiste, comme celle de saint François et de tant d’autres d’ailleurs, est ainsi celle d’un fils de bonne famille qui conteste radicalement les principes hypocrites de son milieu établi. Alors qu’une prestigieuse carrière de prêtre lui était toute tracée, il rejette les marches du Temple, les beaux vêtements sacerdotaux et les cultes magnifiques et il part au désert, nu couvert de peaux de bêtes, avec pour seul rituel, la purification dans la rivière qui marque l’entrée en Terre promise.

Il y a quelque chose du préliminaire à l’incarnation de l’amour divin, en Jean le Baptiste, d’animal, de naturel, d’humanité brute qui dénonce par sa vie l’hypocrisie qui ruine la relation authentique à Dieu. Le moins que l’on puise dire, c’est que c’est un homme entier, brut de décoffrage. Il le payera d’ailleurs, lui aussi, de sa vie.

A n’en pas douter, c’est un exalté religieux. De là, l’importance pour lui de ne pas se tromper, de ne pas tomber dans le phantasme :  « Es-tu celui qui doit venir ? ». Ce n’est pas une question de foi. Jean-le-Baptiste ne doute pas de la venue du Messie, que Dieu veuille s’incarner bientôt. Ce qu’il ne veut pas, c’est s’exciter pour un faux-messie, une fausse espérance, un faux amour, une fausse vie.  « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »

En posant à Jésus, la question radicale de la confiance – « Es-tu, oui ou non, la bonne personne, celle en qui donner toute mon espérance, ma confiance et toute ma vie ? Es-tu celui qui doit venir me sauver ? – en posant la question ultime de la confiance, Jean le Baptiste, parce qu’il se sait exalté par l’incarnation de Dieu – souvenez-vous de l’épisode de la Visitation [Lc 1:39-45] où il tressaille dans le ventre de sa mère quand Marie enceinte vient la visiter – en posant donc la question de la confiance ultime, Jean le Baptiste ne témoigne en fait que de la radicalité de son désir affectif, du coté presque pulsionnel de son amour pour Dieu. C’est parce qu’il est intimement excité pour l’incarnation de l’amour divin qu’il est si important pour le Baptiste de ne pas se tromper de personne. Il joue tout sur le Christ.

Et c’est la même chose dans toute situation amoureuse. Celle ou celui qui excite mon sentiment, est-ce la bonne personne ? A tout qui tombe amoureux, forcément à un moment donné, la question se pose : est-ce lui ? est-ce elle, la bonne personne, celle en qui mettre toute mon espérance, ma confiance et mon amour, celle à qui donner toute ma vie ? A un moment donné, pour tout qui se sent exalté par quelqu’un d’autre, se pose cette question : « Es-tu celle/celui qui doit venir, ou dois-je en attendre un/une autre ? »

Au fond, la question est celle de la légitimité. Mon désir amoureux peut-il légitimement s’emballer, s’exciter pour toi ? Et la réponse positive devrait faire de l’autre personne votre époux ou votre épouse. C’est en cela que l’on dit que le Christ épouse l’humanité, comme on s’épouse entre personnes, sans crainte du feu que l’on attise.

Jean le Baptise est plus qu’un prophète, il est – selon les paroles mêmes du Christ dans l’Évangile – le messager de l’incarnation [Mi 3,1]. Il dit la nature presque animale, brutalement humaine, nue, du désir légitime d’autrui.

Et donc, comment sait-on que les tressaillements que nous éprouvons, les excitations amoureuses qui sont les nôtres sont légitimes ? Comment une jeune fille ou un jeune homme savent-ils que les embrasements de leur cœur, de leur esprit, de leur corps et de leur âme sont justes ? En posant la question directement à Dieu : « Es-tu celui qui doit venir ? »

Es-tu, Dieu, celui qui doit venir à travers celle ou celui pour lequel mon cœur s’emballe ? Es-tu, Dieu, celui qui doit venir dans ce sentiment d’amour qui embrase mon cœur ? Es-tu, Dieu, celui qui doit venir à travers ma vie, les élans présents de mon âme et de mon corps ? Es-tu, Dieu, celui qui doit venir à travers mes désirs ? Voilà comment résoudre la question : avoir l’humilité, en toute circonstance sentimentale, et quel que soit notre degré d’exultation, de demander à Dieu s’il l’incarne.

On rejoint évidement le commandement de préférer Dieu à tout autre personne. Car, à mesure de ma radicalité et du désir d’amour qui brûle en moi, j’ai besoin de cette certitude, pour pouvoir en toute quiétude libérer les élans de mon cœur et de mon corps ; lâcher les sentiments qui me gagnent et qui, sinon, pourraient me tromper et m’enfermer dans une vie d’illusions et de phantasmes.

Plus qu’annoncer Dieu, Jean le Baptiste vibre de Dieu, de la certitude physique de l’incarnation divine. Il reste humain – plus petit que le plus petit dans le Royaume des Cieux, dira Jésus – un humain radical et exalté. Mais il est le plus grand de tous les hommes de ce monde parce que, jusque dans la plus grande excitation, dans le plus grand dénuement, jusque presque dans l’animalité de son sentiment amoureux, il persiste à vérifier qu’il vibre bien de l’amour de Dieu.

En tous mes sentiments, Dieu, « es-tu celui qui doit venir » ?

— Fr. Laurent Mathelot, dominicain.

Où va le monde ?

« Pour 2020, les géants mondiaux de l’armement affichent une forme insolente…Selon le rapport de l’Institut international de recherche sur la paix, le chiffre d’affaires des 100 plus grands groupes du secteur de la défense a atteint un sommet avec 531 milliards de dollars engrangés- dont plus de la moitié par les entreprises américaines Soit une hausse de 1, 3 % en un an alors que dans le même temps l’économie mondiale a chuté de plus de 3 % » – (La croix 7 12 21)

La faim est en augmentation constante depuis 6 ans et elle touche aujourd’hui 828 millions de personnes. Pourtant des solutions existent (Comité catholique contre la faim)

D’ici 2080, 600 millions de personnes supplémentaires souffriront de la faim ( « Terre solidaire »)

L’obésité, avec le surpoids, touche aujourd’hui 2 milliards de personnes sur terre (Documentaire sur Arte)

Un réseau d’économistes de Paris publie son rapport sur l’état des inégalités dans le monde. Les 0, 01 % les plus riches qui ont un patrimoine supérieur à 15 millions d’euros, détenaient 7 % du patrimoine mondial en 1995. Ce chiffre est de 11 % aujourd’hui. La distance entre la base et le sommet de la pyramide n’a fait que s’accroître depuis 30 ans. Les plus riches sont proportionnellement moins taxés que la classe moyenne ( La Croix 8 12 21)

« C’est l’année des records pour les salaires des patrons français . Leur rémunération moyenne s’est élevée à 4, 5 millions d’euros en 2021, niveau inégalé depuis 15 ans. Progression spectaculaire pour les entreprises du Cac 40 : leurs dirigeants ont perçu une rémunération de 7, 9 millions d’euros en moyenne, en hausse de 52 % par rapport à 2019. C’est 100 fois la rémunération moyenne d’un salarié du Cac 40. ( La Croix 23 11 2022)

« Le marché mondial des produits de luxe a fait un nouveau bond en avant en 2022, avec une progression de 13 % : il a généré 1400 milliards de revenus en 2022. Il devrait connaître une nouvelle expansion l’année prochaine ( La Libre 16 11 22)

« 13 % de la population belge connaissent un risque de pauvreté. 6, 3 % supportent des privations matérielles sévères. 15, 4 % indiquent avoir des grandes difficultés à s’en sortir » (Rapport sur la pauvreté)

Où va ce monde ?…

Dieu nous a donné la réponse :
Viens, Seigneur Jésus !

D’abord Jésus est celui est venu, il est Dieu venu vers nous, il est le geste de Dieu vers l’homme…

Mais il est aussi celui qui viendra, car c’est en lui que toutes choses trouveront leur accomplissement. Comme dit St Paul : «  La création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu…Nous gémissons nous aussi intérieurement dans l’attente de la rédemption de notre corps ». Le monde entier est dans l’attente, et notre prière même doit être tendue vers l’accomplissement eschatologique.

Il faudrait que dans ce cri « Viens, Seigneur Jésus », notre prière épouse toutes les attentes, toutes les souffrances physiques et morales de l’humanité qui nous entoure, en ayant conscience que nos vies et toutes celles qui nous entourent sont entraînées dans ce mouvement de la création entière vers le Christ.

Le Christ est aussi celui qui ne cesse de venir. Sa venue est pour chacune de nos âmes une réalité actuelle. «  Je me tiens à la porte et je frappe : si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de. lui et lui près de moi ».

Si nous laissons entrer le Christ, il nous fera partager ses dons et ses biens, il a une parole pour chacun d’entre nous. Perpétuellement par sa grâce il sollicite de l’intérieur nos cœurs. Pour cela il demande que nous soyons attentifs à sa venue, que nous ouvrions les portes de nos âmes….Il est le but vers lequel nous tendons ; en lui finalement tout se résume, car il est l’unique fin des choses.

Quelque chose a déjà commencé qui ne s’achèvera jamais : c’est notre transformation en Jésus Christ ; il faut nous laisser faire par lui.

Il nous est demandé d’avoir soif, de nous ouvrir à Dieu pour laisser sourdre au fond de notre âme cette soif de grâce que seul le Seigneur étanchera.

« Qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif ». Cette parole s’adresse à tous sans exception, ni condition préalable : quels que soient nos péchés passés, notre médiocrité, notre insensibilité spirituelle.

Il suffit de croire à l’Amour, de croire que tout est toujours possible, que rien n’est irrévocable, ni échec ni infidélité. La grâce de Dieu peut tout guérir, tout sauver ; retourner à Dieu est toujours un commencement absolu car la puissance de Dieu est sans limite.

« Que celui qui écoute dise : Viens ! Et que l’homme assoiffé s’approche, que l’homme de désir reçoive l’eau de la Vie gratuitement »

Avec celui qui rend témoignage, disons oui, Amen, en ouvrant nos cœurs à ce que le Christ veut ainsi accomplir en nous et par nous, pour que jaillisse au fond de nos cœurs cette source inépuisable de vie et d’amour.

Jean Daniélou, jésuite