18ème dimanche – Année B – 1er août 2021 – Évangile de Jean 6, 24-35

Évangile de Jean 6, 24-35

Quelle faim nous habite ?

Dans l’évangile de Jean, ce que l’on a coutume d’appeler « la multiplication des pains », loin de rester le récit d’un événement surprenant qui enchaîne sur d’autres, conduit aux révélations les plus hautes sur la personnalité de Jésus et le mystère de l’Eucharistie. Quatre dimanches montreront comment l’enthousiasme de la foule pour un bienfaiteur qui lui a donné à manger gratuitement se transforme en scandale et en son rejet quand il propose son Pain de Vie. Il est évident d’admirer l’abbé Pierre, le bienfaiteur qui donne du pain : il l’est beaucoup moins de croire en Jésus qui se donne comme Pain.

Quel Jésus cherchez-vous ?

Nous avons vu que, fuyant la foule prête à le couronner roi, Jésus s’est enfui dans la nuit. Le lendemain, on constate que ses disciples sont partis : leur barque n’est plus là. D’autre part des barques viennent de Capharnaüm et ramènent les gens en ville. Et là tout à coup surprise :

En ce temps-là, quand la foule vit que Jésus n’était pas là, ni ses disciples, les gens montèrent dans les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus. L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » 
Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés. Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la Vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. » 

Jésus n’est pas dupe : cette ruée des gens pour le retrouver est motivée par le don gratuit du pain la veille. Nourrir des affamés est en effet une nécessité : Jésus l’a fait lui-même alors même que les gens ne lui demandaient rien. L’homme a besoin d’une nourriture pour son corps : elle est normale, nécessaire pour sa santé, elle offre les plaisirs du goût mais elle est par nature périssable. Elle ne nous donne qu’un sursis temporaire d’existence et ne nous empêchera jamais de mourir.

Jésus invite à découvrir qu’il existe une autre nourriture : elle n’empêche pas la mort du corps mais elle offre la Vie divine. Et Jésus se présente comme le Fils de l’homme qui, dans la célèbre vision de Daniel, vient sur les nuées, s’approche de Dieu « et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté …et sa royauté ne sera jamais détruite »(Dan 7, 13 …). C’est lui, lui seul, qui donnera « la nourriture qui demeure en Vie éternelle ».

Que faire pour avoir la Vie divine ?

Puisque Jésus a prescrit aux gens de « travailler » pour obtenir cette nourriture, ils lui demandent de préciser en quoi consiste ce « travail ».

Ils lui dirent alors : « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » . Jésus leur répondit : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » 

En fidèles de la Torah, ils connaissaient la réponse évidente que Moïse avait solennellement déclarée à la fin de ses discours : « C’est la vie et la mort que j’ai mises devant vous, c’est la bénédiction et la malédiction. Tu choisiras la Vie pour que tu vives, toi et ta descendance, en habitant sur la terre que le Seigneur a juré de donner à tes pères Abraham, Isaac et Jacob » (Deutér.30, 19). L’œuvre que Dieu demande est de vivre en pratiquant ses commandements.

Étonnamment, et sans contredire cette déclaration fondamentale d’Israël, Jésus ose prétendre que le service de Dieu se récapitule et se centralise maintenant dans la foi en sa propre personne car il est vraiment l’Envoyé de Dieu.

De la manne au vrai Pain de Dieu

Ils lui dirent alors : « Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Quelle œuvre vas-tu faire ?…Au désert, nos pères ont mangé la manne ; comme dit l’Écriture : « Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. » 
Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel : c’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. »

Pour être convaincus que toi, Jésus, tu n’es pas seulement un prophète parmi d’autres mais l’Envoyé spécial auquel Dieu appelle à croire, il nous faudrait, disent les gens, des preuves manifestes et répétées. Ainsi nos ancêtres nous ont transmis la foi en Moïse parce que, au cours de la longue marche à travers le désert, il leur a donné, de jour en jour, « un pain venu du ciel ». On devine la demande implicite qui s’ensuit : « Tu nous as donné du pain hier : recommence aujourd’hui et continue pour que nous vivions toujours ».

« Amen, amen » : la réponse de Jésus est à nouveau catégorique et solennelle. Dans la Torah, ce n’est pas Moïse mais Dieu lui-même qui a fourni la manne. Cette manne ne venait pas du ciel. Dieu, le Père de Jésus, donne l’authentique pain qui vient du ciel c.à.d. de Lui-même. Ce pain divin donne la vie non seulement aux Hébreux dans le désert mais au monde – c.à.d. à l’humanité tout entière.

Promesse à l’allure prodigieuse ! Existerait-il vraiment une telle « potion magique » ? Peut-être narquoise, en tout cas avide, la foule lance tout de go sa demande d’être comblée.

Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là. ». Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. »

A plusieurs reprises dans l’évangile de Jean, Jésus exprime son mystère en se confondant avec ses dons et fonctions : il est ce qu’il donne, il est ce qu’il effectue : « Je suis le bon berger…la porte…la vérité et la vie…la résurrection … ».

Il avait partagé les pains à la foule enthousiaste qui ne demandait qu’une chose : la répétition du miracle. A présent il révèle que le don authentique de Dieu n’est pas un cadeau, une grâce mais que ce don est lui-même : le donateur. Il faut le chercher pour lui-même, venir à lui et croire en lui. Il ne satisfait pas toujours nos besoins terrestres : il comble notre désir d’infini et d’amour.

La prière n’est pas que demande de grâces, supplication pour obtenir (même si elle est aussi cela) mais essentiellement elle est recherche de Quelqu’un. La foi n’est pas une vague croyance, un instinct religieux bercé par des rites : elle est amour, tendresse, relation avec quelqu’un.

Jésus est la faim de l’homme parce qu’il est sa « fin ». On lui demande la santé alors qu’il est le salut.

Mais n’oublions pas que, au point de départ, Jésus a été bouleversé à la vue de ces gens démunis et il a, d’abord, « travaillé » à calmer leur faim corporelle et à partager les pains quotidiens.

Conclusion

D’abord une note sur la manne.

Libérés d’Égypte, les Hébreux ont dû traverser la péninsule du Sinaï afin de gagner la terre que Dieu leur avait promise. Ils y découvrirent de petites secrétions de tamaris piqués par des insectes, des grumeaux à l’apparence blanchâtre et au goût sucré que les Bédouins appelaient « man ».

Cette modeste découverte naturelle allait prendre des proportions énormes dans l’imaginaire d’Israël. Dans l’histoire de l’Exode, les rédacteurs racontèrent que Dieu avait fait pleuvoir du ciel, chaque jour, une sorte de pain en quantité si abondante qu’il avait tenu le peuple en vie jusqu’à son arrivée à destination. L’étonnement de la découverte lui donna son nom hébreu : « man hou ? », qui signifie « Qu’est-ce que c’est ? ».

A la suite des sages qui avaient déjà démythologisé cette légende (Sagesse 16, 23), Jésus avait bien compris le sens profond de la manne, symbole de l’enseignement de Dieu, lorsqu’il citait le Deutéronome : « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra mais de toute Parole sortant de la bouche de Dieu » (Matth 4, 4)

*

L’évangile de ce dimanche semble difficile à expliquer mais il ne faut pas oublier qu’il n’est que le début du grand enseignement qui se poursuivra pendant 3 dimanches – en fait 2 à cause de la fête du 15 août.

Que la grande question « Qu’est-ce que c’est ? » continue à nous travailler. Trop souvent nous attendons des définitions précises qui calment notre inquiétude et nous bardent de certitudes. Et si la foi était plus question que solution, recherche plus qu’installation ?

C’est en posant l’interrogation quotidienne « man hu ? – qu’est-ce que ? » que le peuple a réussi son exode. La recherche incessante du Seigneur Jésus et de son Pain de Vie nous provoque toujours à avancer.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.

La Fraternité est une Révolution

C’est quoi la fraternité ?
Un symbole, une devise gravée dans la pierre, une belle idée de l’humanité qui nous rend fiers… ?
Mais ça ne doit plus rester une promesse en l’air.

La fraternité maintenant, il faut la faire et ce n’est pas facile.
La fin de la pauvreté n’est pas pour demain, on ne va pas se mentir.
Mais laisser faire, laisser tomber, ce serait encore pire.
Alors il faut pouvoir regarder en face ceux qui ne trouvent plus leur place,
leur dire qu’on est tous solidaires, que ça pourrait être nous dans la galère.

Alors c’est quoi la fraternité ?
Un enfant qu’on accompagne dans sa scolarité ?
Une grand-mère qui se sent utile et aimée ?
Un coin de terre, un bout de jardin où l’on peut encore se sentir bien ?
Une main que l’on tend dans les crises et les tempêtes ?
Un large sourire qui dit « C’est bon, ça y est, vous y êtes » ?
Ou la chaleur d’un bon café pour se poser, pour tout raconter ?
C’est tout ça la fraternité,
C’est refuser les inégalités ou la précarité.

Peu importe ce qu’on fait ou ce qui nous pousse à le faire.
L’important est d’agir, de montrer qu’on est tous frères.
Même si c’est peu, même si ce n’est pas tout le temps.
Le jour où vous commencerez sera toujours le bon moment.

Vous pensez que la fraternité ne va rien régler ?
Nous, on propose juste un truc : et si on essayait ?
Parce qu’il suffirait qu’on le décide. Vous, nous, maintenant
Et ça changerait la vie de millions de gens.

La fraternité n’est pas une promesse en l’air, c’est une révolution
Et ensemble on peut la faire.

Rejoignez la #REVOLUTIONFRATERNELLE
Revolutionfraternelle.org.
Secours catholique – Caritas France

17ème dimanche – Année B – 25 juillet 2021 – Évangile de Jean 6, 1-15

Évangile de Jean 6, 1-15

Qui est ce Gamin aux 5 Pains ?

Aujourd’hui la liturgie « change de disque ». Marc nous avait raconté que Jésus voulait offrir un temps de repos à ses apôtres dans un lieu écarté mais que, rejoint par la foule, il s’était mis à enseigner longuement. Et Marc allait nous raconter la suite : le soir approchant, les apôtres suggèrent au Maître de renvoyer les gens chez eux mais, avec quelques pains, Jésus parvient à nourrir la foule. Or la liturgie interrompt ce récit de Marc et nous fait écouter la version de l’événement tel qu’il est écrit dans l’évangile de Jean. Et nous sommes bien étonnés de voir comment celui-ci a approfondi et allongé le récit : tout un chapitre et pas moins de 69 versets. Nous allons l’entendre in extenso sur 6 dimanches : c’est dire son importance.

Marc a dû rédiger son livre vers les années 70 ; dans les années 80, Matthieu et Luc le reprennent et ajoutent, chacun, bien des passages. Sans doute vers la fin de ce qui sera notre premier siècle, Jean écrit à son tour son texte : le même et bien différent des précédents. On constate donc que les premières communautés chrétiennes, se répandant dans les nations païennes mais se heurtant au refus du peuple d’Israël, se sont acharnées à pénétrer le mystère de Jésus. Sa mort en croix et sa résurrection ont projeté la lumière de l’Esprit sur la réalité authentique de son identité et donc sur la signification profonde de ce qu’il avait dit et fait.

C’est ainsi que ce que l’on pouvait appeler au début « la multiplication des pains » n’était plus du tout un miracle qui provoquait la stupéfaction mais, pour Jean, un « SIGNE » c.à.d. un événement qui signifie quelque chose d’autre pour la foi. Ce qui au point de départ apparaissait comme un pique-nique à la campagne se révélait comme la « manne » nouvelle et en même temps comme la prophétie du repas eucharistique que Jésus allait instituer à la fin de sa vie.

Comment nourrir la foule ?

Jésus était passé de l’autre côté du lac ; une grande foule le suivait parce qu’elle l’avait vu guérir les malades. Jésus gagna la montagne, il s’assit avec ses disciples : c’était peu avant la Pâque, grande fête des Juifs. Jésus vit la grande foule et dit à Philippe : « Où acheter du pain pour qu’ils mangent ? ». Philippe répond : « Le salaire de 200 jours de travail ne suffirait pas pour que chacun ait un morceau ». André dit : « Il y a là un petit garçon qui a 5 pains d’orge et 2 poissons mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ? ».

Jean précise lieu et moment. Il n’y a pas de montagne près du lac, tout au plus une légère colline mais c’est sur une montagne que Dieu s’est révélé à Moïse : « Je suis le Seigneur qui vous a libérés de l’esclavage d’Égypte ». Et il les a envoyés pour une longue marche à travers le désert afin de prendre possession du pays qu’il leur a promis. Comment tenir et survivre dans cette solitude aride ? Israël fait la découverte émerveillée d’un curieux aliment, une sorte de pain comme ils n’en connaissaient pas. Ils se posent la question : « Mân hou ? »(Qu’est-ce que c’est ?) et ils lui donnent ce nom. Grâce à ce cadeau du ciel, ils parviendront à destination.

Le pain que Jésus va offrir a donc un rapport avec cette « manne » qui a permis d’accomplir la Pâque, c.à.d. le passage de la prison à la liberté.

Mais dans l’autre sens, du côté de l’avenir, le pain du lac est prophétique. De même qu’au début, à Cana, Jésus avait offert le vin des noces quelques jours avant Pâque, ici Jésus, l’année suivante, donne le pain nouveau. A sa 3ème et dernière Pâque, il offrira le pain et le vin de l’Eucharistie. Alors le Pain du soir permettra d’affronter les ténèbres et le Vin nouveau comblera de la joie de l’Alliance nouvelle entre Dieu et les hommes.

La demande de pain ne vient pas de la foule : le soir tombe vite et on est à l’écart, loin de toute habitation. C’est Jésus qui « voit » la multitude, qui la perçoit dans sa solitude et son incapacité à trouver la nourriture nécessaire. Il ne propose pas de renvoyer les gens chez eux. Par sa question, il aide même son apôtre à prendre conscience de l’impasse où l’on se trouve.

Il est possible que certaines personnes aient emporté quelques provisions. Mais, comme il en va toujours avec notre égoïsme viscéral, personne ne songe à partager. Celui-ci calmera sa faim : que l’autre se débrouille et retourne chez lui. Sauf un petit garçon, seul et naïf, qui montre à André sa besace : 5 petits pains et 2 petits poissons. Du pain d’orge : donc c‘est un pauvre ! L’apôtre, en homme raisonnable, ne voit pas le rapport entre « ce peu » et la foule des gens. Mais Jésus, lui, a perçu immédiatement l’ouverture que la sincérité enfantine lui ouvrait. Grâce à l’enfant, il peut entrer en action.

Le Pique-Nique prophétique de l’Eucharistie

Jésus dit : Faites-les asseoir ». Il y avait là beaucoup d’herbe. Ils s’assirent : ils étaient environ 5000 hommes. Alors Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, les donna à ceux qui étaient assis. Il leur donna aussi du poisson, autant qu’ils en voulaient. Quand ils furent rassasiés, il dit à ses disciples : « Rassemblez les morceaux qui restent pour que rien ne soit perdu ». Ils les rassemblèrent et remplirent 12 couffins avec les morceaux qui restaient.

Jésus a-t-il grand souci du séant de ses invités ? L’abondance de l’herbe rappelle surtout le célèbre psaume 23 : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien. Sur de frais herbages, il me fait reposer…Devant moi tu dresses une table ». L’assemblée du Seigneur doit s’installer à l’aise, prenant bien son temps pour goûter longuement ses bienfaits.

Car tout à coup le style devient solennel et on reconnaît tout de suite les 4 verbes que nous entendons à chaque messe : « il prit…le bénit (traduction de « eucharistie »)…le rompit…le donna ». Le pique-nique prend un ton liturgique : le miracle de Marc devient chez Jean « signe » de l’Eucharistie.

Au contraire des banquets gastronomiques qui satisfont nos envies de plaisirs, le vrai Pain de Jésus rassasie vraiment, il comble notre désir d’infini, notre appel d’amour « autant que nous en voulons ».

Et au lieu du verbe normal qui conviendrait (« Ramassez les morceaux »), Jean écrit 2 fois « Rassemblez » car le Pain de Jésus a pour but de nous unir, de faire de nous un seul peuple. Et il faut conserver les morceaux restants afin qu’ils puissent être donnés aux malades, aux handicapés, aux personnes trop âgées qui n’ont pu venir à l’assemblée. Comme les 12 tribus et les 12 apôtres, le nombre de couffins signifie que l’Église reste ouverte aux personnes de tous horizons. Cela montre que dès le temps de Jean, l’Église avait inventé « la réserve eucharistique » : le pain n’est pas perdu car il est là pour sauver les hommes perdus.

Le Grand Malentendu

A la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : « C’est vraiment lui le Grand Prophète, celui qui vient dans le monde ! ». Mais Jésus savait qu’ils étaient sur le point de venir le prendre de force et faire de lui leur roi. Alors de nouveau il s’enfuit, tout seul, dans la montagne.

De groupe en groupe, la nouvelle stupéfiante commence à courir à travers la foule : « D’où vient ce pain ?…Miracle ! ». Ce Jésus serait-il le Prophète annoncé ? ».C’est exact. Mais un Prophète est celui que l’on écoute, dont on mange la parole pour se convertir. Au contraire la foule voudrait un roi puissant, un Messie majestueux qui montre sa force en guérissant et en nourrissant son peuple gratuitement. C’est la 3ème tentation que Matthieu et Luc présentaient au désert et qui resurgira encore à l’entrée triomphale des Rameaux. Jésus sent le danger et immédiatement, la nuit venue, il disparaît en fuyant là-haut dans la montagne. Maintenant à chacun de chercher à comprendre le « signe ».

Conclusions

Plusieurs années après l’événement que nul texte ne dénomme « multiplication des pains », dont tous les témoins sont morts et que les trois premiers évangélistes présentent comme un miracle, Jean ne s’acharne pas à prouver l’historicité du fait. S’il essayait, certains seraient convaincus et d’autres jamais. D’ailleurs la foi consiste-t-elle à affirmer : « Je crois que Jésus a multiplié les pains ? ». Mais l’Église de Jean, informée par la Torah et les évangiles, connaît bien l’histoire d’Israël et la vie de Jésus qu’elle médite sans arrêt. Et surtout elle vit en se rassemblant pour manger le Pain que son Seigneur lui offre chaque dimanche – jour de sa résurrection. Du coup, à la lumière de l’Esprit-Saint, elle comprend que ce fameux souper dans l’herbe était infiniment plus qu’un prodige mais « un signe ».

Signe que l’Eucharistie est la véritable « manne », le pain qui demeure question (« man hou ?) mais qui remplit de force pour accomplir la longue marche de la vie en exode.

Signe que, avant le rite eucharistique, il faut, comme Jésus, voir la foule affamée et misérable et, comme le petit garçon présenter le peu que l’on a pour partager avec les autres.

Signe que, plus qu’à la philanthropie sociale, le croyant est invité au repas de son Seigneur. L’Eucharistie lui donnera en retour la force de subvenir à la faim de ses frères.

Et je t’admire, petit garçon pauvre aux 5 tartines. Sans tomber dans nos évaluations budgétaires et nos calculs, tu as donné tes provisions. Saint anonyme, guéris-nous de nos calculs d’adultes qui cherchent à sauver leur égoïsme. L’esprit d’enfance ouvre aux futures merveilles de Dieu.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.

Première journée mondiale des grands-parents et des personnes âgées

Message du pape François

25 juillet 2021

Chers grands-pères, Chères grands-mères !

“Je suis avec toi tous les jours” (cf. Mt 28, 20) ! Telle est la promesse que le Seigneur a faite à ses disciples avant de monter au ciel ; et c’est la même promesse qu’il te répète aussi aujourd’hui, cher grand-père et chère grand-mère. À toi.

“Je suis avec toi tous les jours” sont aussi les paroles qu’en tant qu’Évêque de Rome, et en tant que personne âgée comme toi, je voudrais t’adresser à l’occasion de cette première Journée Mondiale des Grands-parents et des Personnes âgées. Toute l’Église est proche de toi –disons-le mieux, elle nous est proche – : elle a souci de toi, elle t’aime et ne veut pas te laisser seul !

Je sais bien que ce message te parvient à un moment difficile : la pandémie a été une tempête inattendue et furieuse, une dure épreuve qui s’est abattue sur la vie de tout le monde, mais qui a réservé un traitement spécial, un traitement encore plus rude à nous, les personnes âgées. Beaucoup d’entre nous sont tombés malades ; nombreux ont perdu la vie ou ont vu mourir leur conjoint ou leurs proches ; d’autres encore ont été contraints à la solitude pendant une très longue période, isolés.

Le Seigneur connaît chacune de nos souffrances actuelles. Il est aux côtés de ceux qui font l’expérience douloureuse d’être mis à l’écart ; notre solitude – aggravée par la pandémie – ne lui est pas indifférente.

Mais aussi lorsque tout semble obscur, comme pendant ces mois de pandémie, le Seigneur continue à envoyer des anges pour consoler notre solitude et nous répéter : “Je suis avec toi tous les jours”. Il te le dit, il me le dit, il le dit à nous tous ! Tel est le sens de cette Journée que j’ai voulu que l’on célèbre pour la première fois cette année, après une longue période d’isolement et une reprise encore lente de la vie sociale : que chaque grand-père, chaque grand-mère, chaque personne âgée – en particulier les plus isolés d’entre nous – reçoive la visite d’un ange !

Parfois, ils auront les traits de nos petits-enfants, d’autres fois, ceux des membres de notre famille, des amis de toujours ou que nous avons rencontrés pendant ces moments difficiles. Pendant cette période, nous avons appris l’importance des câlins et des visites pour chacun d’entre nous, et comme je suis attristé par le faitque dans certains lieux, ces gestes ne soient pas encore possibles !

Mais le Seigneur nous envoie aussi ses messagers à travers la Parole de Dieu, qu’il ne fait jamais manquer à notre vie. Lisons chaque jour une page de l’Évangile, prions les Psaumes, lisons les Prophètes ! Nous serons surpris par la fidélité du Seigneur. Les Écritures nous aideront également à comprendre ce que le Seigneur attend de notre vie aujourd’hui.

Je peux moi-même témoigner d’avoir reçu l’appel à devenir Évêque de Rome au moment où j’avais atteint, pour ainsi dire, l’âge de la retraite et je ne pensais plus pouvoir faire grand-chose de nouveau. Le Seigneur est toujours proche de nous, toujours, avec de nouvelles invitations, avec de nouvelles paroles, avec sa consolation. Il est toujours proche de nous.

Vous savez que le Seigneur est éternel et ne prend jamais sa retraite, jamais….. ».

16ème dimanche – Année B – 18 juillet 2021 – Évangile de Marc 6, 30-34

Évangile de Marc 6, 30-34

Les Verbes du Bon Pasteur

Si un collègue incroyant vous pose la question : « Que fait-on dans ta paroisse ? », je crains que vous soyez bien embarrassé : « Euh ? …On célèbre la messe du dimanche…le catéchisme des enfants…des baptêmes, des mariages, des funérailles…Il y avait des mouvements de jeunes mais je ne sais pas s’ils existent encore… ». Et si l’autre continue : « Et ton Église ? Tu as vu le journal tv ? Un fameux ramassis de scandales ! », vous resterez muet et gêné. Si des multitudes de baptisés se sont éloignés de l’Église, c’est d’abord parce que la société de consommation et de divertissement en a englués beaucoup dans les rets de son idolâtrie mais c’est également parce que d’autres n’en connaissent que les cérémonies et ce que les médias en disent. Pas attirant ! L’un d’eux me disait : « Alors que nous vivons dans un monde déboussolé où les questions essentielles abondent, comment se fait-il que vos liturgies soient de fades ritournelles ? On n’ y apprend pas à vivre dans l’actualité ».

Or Jésus n’a pas cherché à consoler par une routine religieuse : il proclamait l’événement-clef, le tournant de l’histoire : Dieu accomplit son projet de sauver l’humanité non par la puissance mais par la réponse libre de chaque homme s’ouvrant à ce projet en pratiquant la parole de Jésus. Et Marc nous a raconté qu’il a confié cette mission à des hommes ordinaires. Voici la suite du récit.

Réunion autour de Jésus

« De retour de leur mission, les Apôtres se réunissent auprès de Jésus et lui rapportent ce qu’ils ont fait et enseigné ».

C’est l’unique fois où Marc les appelle par ce nom qui signifie envoyé : un ambassadeur doit accomplir la tâche telle qu’elle lui a été confiée et évidemment il doit venir rendre compte de son travail. Il est plaisant d’imaginer cette scène des retrouvailles. Ces hommes étaient partis pleins d’appréhension : démunis à ce point, comment allaient-ils faire ?…De retour, les uns après les autres, ils se jettent devant le maître, s’embrassent et n’en finissent pas de conter leurs péripéties : en tel village, accueil amical et joie des guérisons, en tel autre, sarcasmes, injures, échec. « Pêcher les hommes » : quelle aventure, dure et enthousiasmante !

Comment vivre cela dans nos paroisses ? Comment cesser de vouloir une messe brève, un moment soi-disant sacré pour comprendre que l’on constitue une cellule d’un organisme universel chargé de l’entreprise la plus capitale de l’histoire ? Comment partager les nouvelles, écourter les bavardages, éteindre les rivalités ? Comment déployer les mille devoirs missionnaires : révéler l’Evangile, visite des personnes âgées, secours des malades, éducation des enfants, soutien au familles en difficulté, communications avec toutes les autres cellules d’Église ? Voyez la fierté de Paul éveillant la responsabilité et l’honneur de sa petite communauté de Corinthe perdue dans une ville de luxure et de violence. Leur prise de conscience était telle qu’ils étaient prêts à donner leur vie pour cet Évangile qui les comblait d’une joie inconnue. Ils seraient scandalisés de nous voir aller à la messe en dernière minute et de nous enfuir sans avoir rien appris et en n’ayant salué personne.

Le Repos Nécessaire

Jésus leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert et reposez-vous un peu ». De fait les arrivants et les partants étaient si nombreux qu’on n’avait même pas le temps de manger. Ils partirent donc dans la barque pour un endroit désert, à l’écart.

Se jeter éperdument dans un travail échevelé est une grande tentation du monde moderne. Et dans une Église où les effectifs baissent en chute libre, on remarque que les prêtres et les militants âgés, surchargés de travail, tombent parfois dans le burnout. Solution de la société : s’enfuir le plus loin possible, avaler les km, s’engouffrer dans le carrousel des divertissements, se jeter dans la gastronomie. Passer de l’insignifiant à l’insensé ne repose pas l’âme mais l’abrutit.

Les apôtres de Jésus n’ont pas toujours mangé à leur faim, n’ont pas reçu un logis confortable, ont subi les intempéries ; ils ont parcouru de longues distances, ont été harcelés de questions, pressés dans des débats contradictoires, détestés et battus. La mission ne les a pas regrossis et beaucoup ont les traits tirés. Jésus remarque leur état et leur propose un repos. Non dans un parc d’attractions mais « à l’écart avec lui ». Fuir un peu les relations pour ne pas s’y noyer. Et se re-poser dans le centre, autour du Maître de Vérité.

Vacances ratées ?

Les gens les virent s’éloigner et beaucoup les reconnurent. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux. En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi aux entrailles envers eux parce qu’il étaient comme des brebis sans berger.

En quelque temps, avec son annonce du Règne de Dieu et surtout la multiplication de ses guérisons, la réputation de Jésus s’est partout répandue. En le voyant s’éloigner en barque, beaucoup tentent de le rejoindre et débarquent même avant lui. Au grand agacement des apôtres qui espéraient jouir d’un temps de vacances avec le Maître et qui se mettent peut-être à crier : « Rentrez chez vous : laissez-nous donc un peu tranquilles ».

Mais la réaction de Jésus est absolument différente. Il « voit » les gens dans leur vérité : non comme des casse-pieds à chasser avec colère parce qu’ils entravent son projet mais comme des hommes malheureux. Il est important de mieux traduire le verbe. Non « Jésus est saisi de pitié » – ce qui reste un peu mièvre. Mais « il est pris aux entrailles ». En hébreu le verbe a comme racine « rehem » qui signifie matrice : donc il exprime une réaction extrêmement profonde : loin d’une vague émotion comme celle que nous ressentons devant un triste spectacle mais une contraction de l’être d’une mère devant son enfant brisé. Dans les évangiles, ce verbe n’est utilisé que pour Dieu et Jésus.

Et quelle est la cause de cet ébranlement ? Non d’abord les maladies, les handicaps, la misère matérielle. Mais « ils sont comme des brebis sans berger ». Dieu est le véritable berger de son peuple, comme dit le psaume de ce jour, mais il appelle les rois, les grands prêtres, les responsables à remplir ce rôle en aidant le peuple à observer la Loi et à suivre le chemin de Dieu. Hélas ces hommes ne remplissent pas leur mission : il faut lire la diatribe du prophète Jérémie (1ère lecture) « Misérables bergers qui laissent périr et se disperser les brebis de mon pâturage !…Mes brebis se sont égarées et vous ne vous êtes pas occupés d’elles ! ». Donc les cérémonies du temple, les pèlerinages, les minutieuses observances ne parviennent pas à constituer un peuple uni et solidaire.

Et toujours selon Jérémie, Dieu ne voit qu’une solution : « Voici venir des jours où je donnerai à David un Germe juste. Il règnera en vrai roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice » (Jér 23). De la dynastie royale de David viendra donc un roi authentique qui parviendra à accomplir le projet de Dieu : créer un peuple fraternel, uni par les liens du droit et de la justice. La promesse reste indécise mais elle s’affirme dans la certitude.

Jésus en est conscient : il est ce Germe qui inaugure le Règne de Dieu. Comment ? Par sa Parole.

Enseigner la Parole

« Alors Jésus commença à les instruire longuement ».

Il ne faut évidemment pas comprendre le verbe avec son relent scolaire de donneur de leçons, d’apprentissage par cœur, de punitions mais comme révélation du chemin de la Vie. Donc comme réponse à notre soif de vérité, comme découverte de la lumière dans un monde plein de ténèbres que toutes les sciences ne dissiperont jamais. D’emblée, après avoir « proclamé » la sonnerie de l’Heure, Jésus s’est mis à « enseigner ». Dans les synagogues, au bord du lac, dans les villages, c’est son activité principale. Ce sera sa dernière : sur l’esplanade du temple – et elle lui vaudra la mort.

Jésus parle c.à.d. il se propose dans la faiblesse, en respectant la liberté de chaque conscience. « Que celui qui a des oreilles écoute ». A quiconque de se décider. D’attiser son attention en pressentant la valeur capitale du message, en vibrant d’une joie profonde allumée par la « Bonne Nouvelle ». Ou bien de hausser les épaules devant ce paysan et de se détourner de lui en ricanant.

Ce message semble simple, enfantin pour certains, énigmatique pour d’autres. Mais les paraboles incitent l’auditeur à questionner, à demander des éclaircissements si bien qu’elles font passer du messager à son porteur. Marc dit toujours « Jésus enseigne » sans jamais préciser le contenu : c’est précisément pour que le lecteur se remette sans cesse à lire son livre et ainsi apprenne à connaître et à aimer de mieux en mieux la personne de Jésus.

Jérémie accusait les prêtres de ne pas bien instruire le peuple mais celui-ci a-t-il envie d’écouter ? Peut-on imaginer des messes dominicales plus longues et mieux structurées afin qu’il y ait approfondissement de la vie évangélique, meilleure connaissance mutuelle des membres, prise en charge commune des responsabilités, partage des expériences missionnaires ?

Une meilleure écoute de l’Évangile est la condition indispensable du renouveau attendu de l’Église. Il tarde.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.

Le christianisme est la religion la plus persécutée du monde

Dominique Reynié

Laurent Ottavi — Publié le 07/07/21 dans Aleteia

Dans « Le XXIe siècle du christianisme », le politologue Dominique Reynié explique pourquoi le christianisme joue une place unique dans l’équilibre du monde : en soutenant que la politique a des comptes à rendre, il demeure une force menaçante et menacée car il dérange.

Professeur des universités à Science Po, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique, Dominique Reynié a dirigé l’ouvrage collectif Le XXIe siècle du christianisme paru au Cerf en mai dernier. Plusieurs auteurs, parmi lesquels le théologien Jean-François Colosimo, le juriste Thierry Rambaud ou encore le professeur de management Aurélien Acquier, y abordent un nombre impressionnant de questions sur la place et le rôle du christianisme dans le monde d’aujourd’hui.

Pour Aleteia, Dominique Reynié explique en quoi le monothéisme chrétien est à la fois très dynamique au niveau mondial et en déclin dans une certaine partie de l’Europe ainsi qu’en Orient. Il est menacé selon lui avec la démocratie par l’islamisme, le modèle politique chinois et la numérisation du monde. 

Aleteia : Le christianisme semble directement menacé là où il est né, en Orient, et il n’est pas des plus vaillants dans une certaine partie de l’Europe. Il est néanmoins la première religion à l’échelle du monde si l’on prend le nombre de croyants pour critère. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

D. Reynié : Le christianisme est en voie d’extinction là où il est né, en Orient, à cause des persécutions dont il est l’objet. Peut-être exagère-t-on, en revanche, le déclin du christianisme en Europe. La situation de la France, où il est en mauvaise posture, n’est pas celle de tout le continent. Dans l’ensemble, le christianisme conserve une vigueur importante dans les pays européens. Celle-ci peut être retrouvée là où elle a été perdue, y compris en France, à travers le protestantisme évangélique notamment.

J’explique le paradoxe entre le dynamisme du christianisme à l’échelle mondiale et sa faible vitalité en Europe par le lien entre l’engagement religieux et ce que les sociologues appellent le « risque sociotropique », c’est-à-dire les dangers auxquels les individus sont exposés dans certaines sociétés (misère, malnutrition ou faim, pandémies mortelles). Autrement dit, dans une société qui ne permet qu’une existence difficile, on observe une plus grande intensité religieuse. L’Europe est la partie du monde qui depuis maintenant soixante-dix ans a réussi à organiser des sociétés à la fois modérées, où la violence politique a largement reculé par rapport au passé récent, où la régulation des conflits est pacifique et où ont été mis en place des États-providence. Historiquement exceptionnelle, cette réussite européenne a logiquement contribué au déclin du religieux. 

Les familles les plus exposées au risque et à la pauvreté sont les plus engagées dans la religion

La dynamique mondiale du christianisme s’inscrit dans une poussée plus vaste de la religion en général. À quoi l’attribuez-vous ? 

Par la seule démographie, le monde devient plus religieux que jamais. Le taux de fécondité varie fortement chez les femmes en âge de féconder selon qu’elles déclarent ou non une croyance. Il varie aussi, moins fortement, en fonction de la religion déclarée. Les femmes en âge de féconder sans religion ont un taux de fécondité moyen de 1,6 enfants sur la période 2010-2015. Le taux monte à 2,3 chez les hindous et chez les juifs, à 2,6 chez les chrétiens et à 2,9 chez les musulmans. Les femmes religieuses ont plus d’enfants car la religion donne à la famille et à la procréation une place éminente.

Par ailleurs, comme je l’ai dit, les familles les plus exposées au risque et à la pauvreté sont les plus engagées dans la religion. Or, indépendamment du facteur religieux, il y a un lien entre pauvreté et fécondité, non pas seulement à cause du manque d’informations concernant le contrôle des naissances, mais surtout par nécessité économique : avoir des enfants garantit un secours mutuel futur minimum lorsque n’existe pas de protection sociale.  Mais l’Europe ne bénéficiera pas de ce boom démographique puisque depuis 2015, on y compte plus de décès que de naissances. Il est cependant possible que les Européens issus de l’immigration, dans un premier temps au moins, reproduisent les taux de reproduction des pays pauvres. Mais ce ne sera pas la religion chrétienne qui en profitera.

La démocratie et le christianisme ont leurs destins liés, estimez-vous. Pourquoi ? 

Les valeurs chrétiennes fondamentales, qui sont possiblement un héritage de l’Antiquité, alimentent la tradition démocratique. Parmi ces valeurs chrétiennes, on trouve : l’universalité de la condition humaine ; l’égalité entre les individus, notamment entre les hommes et les femmes ; l’idée que le politique a des comptes à rendre et doit donc être juste, modéré, contenu par sa puissance et dans ce qu’il est capable de faire par le respect de la dignité des individus.

D’autre part, le christianisme pose l’autonomie du religieux par rapport à la politique. Le christianisme n’est pas un projet de gouvernement car il se situe dans l’au-delà (« Mon royaume n’est pas de ce monde » ; « Rendre à César ce qui est à César »). Il permet par conséquent d’envisager une sécularisation, voire une laïcité comme nous disons en France. Dans le christianisme, la religion est l’affaire des individus, de leur existence et de leur devenir dans l’au-delà. Outre qu’il n’y a pas de cette façon de confusion entre le théologique et le politique, la religion contribue ainsi à alimenter les contre-pouvoirs dans la société. Au XIIIe siècle, Jean de Salisbury théorisait le tyrannicide au nom du christianisme : le devoir chrétien d’assassiner un prince lorsqu’il se comporte en tyran. 

Le christianisme est effectivement aujourd’hui la religion la plus persécutée : en Afrique subsaharienne, en Orient, en Chine, en Inde…

Est-ce pour cette seconde raison que le christianisme est si persécuté aujourd’hui dans le monde ? 

Le christianisme est effectivement aujourd’hui la religion la plus persécutée : en Afrique subsaharienne, en Orient, en Chine, en Inde… Il est particulièrement ciblé car il est porteur en effet de la séparation du politique et du religieux. Elle donnerait aux sociétés civiles une plus grande capacité de contrôle sur leurs États, ce dont beaucoup de pouvoirs en place ne veulent évidemment pas.

Doit-on en conclure à l’accroissement, à terme, du nombre de démocraties dans le monde et moins de démocratie en France où le christianisme décline ?

La réponse à votre question dépendra d’une grande bataille, qui a déjà commencé. Au moins deux modèles s’opposent à la fois au christianisme et à l’ordre démocratique. L’un, l’islamisme, s’oppose à la séparation du politique du religieux, ou, pour le dire autrement, du pouvoir et de la société civile. La religion y est obligatoire, il est interdit d’en changer ou d’y renoncer. C’est le cadre d’une théocratie.

L’autre modèle, le communisme chinois, n’admet pas l’autonomie des religions et cherche en conséquence à les contrôler au plus près, jusqu’à programmer la destruction des musulmans Ouïghours. Le chef d’État de la République populaire de Chine, Xi Jinping, ne reconnait pas non plus de notion de « société civile », c’est-à-dire une instance autonome critique du pouvoir en place.

Il existe un troisième modèle. Il menace plus spécifiquement la démocratie que le christianisme, mais il est moins élaboré dans mon esprit : le web, le monde numérisé laisse craindre une sorte de théologie politique numérique. Les « réseaux sociaux », Amazon ou Netflix sont des entreprises privées qui sont très sensibles aux mouvements planétaires, notamment quand la religion des uns ou des autres est jugée blasphémée par quelques-uns.

Par exemple, le risque existe qu’Amazon, Facebook ou Google soit un jour sensible à une pétition regroupant des millions de personnes amenant ces entreprises à prendre position en faveur d’une religion. Le pouvoir des entreprises pourrait alors donner le jour à une théocratie privée et mettre en péril nos libertés tout en menaçant la nature des religions, et singulièrement celle du christianisme.

Le XXIe siècle du christianisme,
par Dominique Reynié (dir.), Cerf, 2021
20 euros.

15ème dimanche – Année B – 11 juillet 2021 – Évangile de Marc 6, 7-13

Évangile de Marc 6, 7-13

La Mission des Apôtres

Dès le début de sa mission, Jésus avait appelé quatre jeunes pêcheurs du lac à tout laisser et à le suivre ; par la suite d’autres s’étaient joints au groupe. Un jour, sur une montagne (lieu de prière donc signe de décision essentielle) et, comme Israël était constitué de 12 tribus, Jésus institua « les Douze ». Son but, d’après Marc, est d’abord qu’ils « soient avec lui » c.à.d. qu’ils bénéficient d’une plus grande proximité avec Jésus, qu’ils le suivent de plus près, voient mieux et comprennent mieux ses paroles et ses comportements (3, 13). La foi est relation personnelle. Quelque temps plus tard, nouvelle décision importante : c’est l’évangile de ce jour.

Envoi des Douze

Jésus fait venir les Douze. Il commença à les envoyer deux par deux, leur donna autorité sur les esprits impurs.

Ainsi la mission ne débute pas par une initiative personnelle. Avant de se disperser, il faut se rassembler autour du Seigneur ; avant de prêcher, il faut l’écouter. Comme la circulation sanguine, la mission de l’Église part des impulsions du cœur de son Seigneur. Ainsi tout responsable ne se prendra pas pour le directeur qui organise son plan mais comme celui qui veille à l’observance des directives du Seigneur. Pour avoir oublié ce « christocentrisme », des missionnaires se sont élancés pour accomplir leurs idées personnelles, parfois même pour obéir aux délires de certains prélats, imposer une Église triomphante et une caricature de Dieu.

« Deux par deux » : car la Loi de Moïse exigeait deux témoins pour authentifier une déposition mais plus encore, puisque l’évangile est centré sur le commandement de l’amour, il est élémentaire qu’il soit annoncé par des missionnaires qui, les premiers, montrent l’exemple. La mésentente entre eux constitue un lourd obstacle à la foi : « Vous ne vivez pas ce que vous prêchez ». D’ailleurs le travail en équipe est nécessaire pour que, en périodes d’échecs ou de persécutions, les missionnaires puissent se réconforter l’un l’autre. La première Église a observé cette pratique : Pierre va avec Jean (Ac 3, 1), Paul avec Barnabé (13,2), Jude et Silas (15, 22).

L’annonce de l’Évangile ne se réduit pas à une connaissance religieuse ou à un message moral : elle effectue la lutte contre les esprits du mal qui rongent et abîment les hommes. C’est pourquoi le Seigneur communique à ses apôtres la force qu’il est seul à posséder. Faire passer les hommes dans le Royaume n’est pas une question d’argent ni de management.

Directives de Mission

Il leur prescrivit de ne rien emporter pour la route, si ce n’est un bâton ; de n’avoir ni pain, ni sac, ni pièces de monnaie dans leur ceinture, mais pour chaussures des sandales et «  ne prenez pas de tunique de rechange ».

On peut imaginer la tête – sinon les grimaces – de ces hommes recevant des ordres d’une telle exigence. Accompagner le Maître vénéré par les foules et être admirés comme ses proches collaborateurs, c’était un honneur. Mais maintenant le quitter, s’en aller à l’aventure, dépouillés de tout !???…Ces hommes n’étaient pas des savants, des scribes, mais des gens du peuple : pêcheurs, employés de douane, …

Pourquoi cette dureté ? Jésus, le premier, avait opté pour cette vie itinérante et dépouillée. Celui qui proclame que Dieu s’est approché, que son Règne sur terre commence, que ce Dieu est vraiment « Notre Père », se doit non seulement de le dire mais de le manifester par sa conduite. Il ne s’agit pas d’ascèse, de mépris des réalités du monde, de haine de la propriété. D’ailleurs Jésus n’imposera jamais de telles conditions drastiques aux personnes qui commencent à croire en lui. Certes il mettra en garde contre l’idolâtrie de l’argent et la passion des possessions mais il sait que les hommes doivent assumer des responsabilités familiales, professionnelles, citoyennes : il faut entretenir la maison, élever les enfants, gagner sa vie.

Mais le Messie et ses envoyés directs, en se présentant démunis du strict nécessaire, constituent par là-même un appel à leurs auditeurs : si vous nous faites confiance, si vous croyez en la Bonne Nouvelle, cette ouverture de foi doit se traduire par l’ouverture de cœur et même l’ouverture de votre maison. La pauvreté des envoyés sollicite l’hospitalité, provoque la charité. La foi ne reste pas un vague « oui » mais l’accueil d’une personne : elle oblige au passage à l’acte.

Dernière remarque. A la différence de Matthieu et Luc, Marc autorise la prise d’un bâton et le port de sandales. C’est sans doute une référence au rituel de la Pâque antique qui précisait que les esclaves hébreux devaient manger le repas pascal « la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main. Vous mangerez à la hâte » (Ex 12, 11). La mission est la Bonne Nouvelle qui accomplit le nouvel et définitif exode : il faut se hâter de croire, se dépouiller du superflu car le Seigneur est en train de nous libérer de l’esclavage du mal et de l’égoïsme. Les apôtres deviennent les meneurs d’un nouveau peuple en marche qui tourne le dos à la dictature et prend le chemin de la liberté.

Accueil et Refus

Quand vous trouvez l’accueil dans une maison, restez-y jusqu’à votre départ. Si dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez en secouant la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage.

Accueilli dans une maison, voilà que l’apôtre est sollicité par une autre famille : il goûtera meilleure chair, dormira sur une couche plus douillette. Attention, prévient le maître : demeurez là où vous êtes d’abord entrés, ne cherchez pas des gâteries. Et ne soyez pas surpris d’être parfois rejetés, couverts de sarcasmes. La foi ne s’impose pas : elle se propose. Ne pas s’incruster, ne pas chercher à convertir à tout prix, ne pas se lamenter. Mais par le geste habituel de l’époque (on s’en va en secouant la poussière des pieds), on prévient les gens : vous refusez le don de la vie que nous vous apportions ? Vous resterez donc dans le domaine de la poussière et de la mort. Réfléchissez donc avant qu’il ne soit trop tard !

Conversion et guérisons

Ils partirent et proclamaient qu’on se convertisse. Ils chassaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades et les guérissaient.

On devine les inquiétudes de ce moment, les peurs, les larmes, la tristesse de quitter le Seigneur. Jésus désintègre son groupe mais c’est pour commencer à accomplir l’intégration de l’humanité entière dans l’amour de Dieu.

Leur mission première et toujours fondamentale est celle-là même que Jésus avait tout de suite accomplie au point de départ (1, 14) : proclamer, comme des hérauts, annonciateurs officiels, la « metanoia » c.à.d. le changement, le retournement des conceptions et des actes. Tirer conséquence de l’événement radical : en Jésus, Dieu propose aux hommes d’accepter son règne qui approche, donc de croire à la Parole de Jésus, donc de lui faire confiance.

La prédication en paroles s’accompagne de signes qui manifestent la présence du Règne : les apôtres réalisent des exorcismes, ils libèrent les croyants des forces du mal qui les aliénaient.

En outre, à la manière des guérisseurs qui utilisaient de l’huile pour soigner plaies et souffrances (cf le Bon Samaritain), ils opèrent des onctions qui guérissent les malades. Ainsi la Mission est Bonne Nouvelle totale : elle comble le cœur de vérité et de joie, elle chasse le mal de l’âme, elle guérit le corps. St Jacques encouragera les communautés à poursuivre ces onctions – germe du « sacrement des malades » ( Jac 5, 14)

Conclusion

Notre texte raconte un événement ancien et concerne les Apôtres et ceux qui leur succèdent. Mais il continue d’éclairer notre vie croyante et notre devoir missionnaire. Voici quelques pistes.

L’Église n’est pas une sélection d’élus mis de côté pour pratiquer certains rites et une morale de gentillesse et d’honnêteté. Ceux qui font confiance au Christ deviennent du coup des envoyés vers les autres. Chacun selon son âge et son état. Point de départ qui ne doit jamais être oublié : « être avec Jésus ». Écouter ses paroles, s’entretenir avec lui, approfondir la relation. Une lampe qui cesse d’être branchée n’éclaire plus.

Travailler en équipe, avec d’autres que l’on n’a pas choisis, se laisser aider, réconforter ceux qui tombent.

La mendicité n’est plus praticable aujourd’hui, il faut gagner sa vie et assumer ses responsabilités citoyennes. Mais devant la pression de la consommation effrénée et la sollicitation de divertissements et de voyages, le chrétien doit s’imposer des limites. Non par ascèse d’ermite mais parce que le style de vie moderne écrase des multitudes de pauvres et conduit le monde au désastre.

Si Jésus oblige les apôtres à dépendre, c’est pour que les croyants tissent entre eux des relations de voisinage, des liens d’hospitalité, une paix qui ne se réduit pas à la poignée de mains à la messe. Mais sans illusion : il y aura aussi refus, moquerie, échec. Même près des siens.

La mission est une lutte terrible contre les forces du mal ; elle propose un changement de vie, une nouvelle orientation du cœur mais aussi elle est humble service, soin des corps souffrants.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.

Pape François : La Joie de l’Évangile

1ère exhortation apostolique – 24 nov. 2013

— Toujours à lire, relire, méditer. —

§ 49 – ….. « Sortons, sortons pour offrir à tous la vie de Jésus-Christ. Je répète ici pour toute l’Église ce que j’ai dit de nombreuses fois aux prêtres et laïcs de Buenos Aires : je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités.

Je ne veux pas une Église préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures. Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie.

Plus que la peur de se tromper, j’espère que nous anime la peur de nous renfermer dans les structures qui nous donnent une fausse protection, dans les normes qui nous transforment en juges implacables, dans les habitudes où nous nous sentons tranquilles, alors que, dehors, il y a une multitude affamée, et Jésus qui nous répète sans arrêt : « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Mc 6, 37).

Prière finale à Marie

Marie, obtiens-nous maintenant
une nouvelle ardeur de ressuscités
pour porter à tous l’Évangile de la vie
qui triomphe de la mort.
Donne-nous la sainte audace de chercher de nouvelles voies
pour que parvienne à tous
le don de la beauté qui ne se ternit pas.

Pape François : La Joie de l’Evangile – éd. Fidélité – 10 €

Lettre ouverte à la presse religieuse en France

Extraits – 24 juin 2021

Il est admis qu’aujourd’hui la pratique dominicale, comme marqueur d’appartenance active à l’Église catholique romaine, est tombée à environ 2 % de la population en France, contre 25 à 30 % il y a soixante ans. C’est dire qu’un nombre considérable de personnes, et pas uniquement parmi les plus jeunes, s’est détaché, souvent sur la pointe des pieds, de l’Église Il catholique.

Parmi cette masse, certains sont devenus des athées du Dieu de leur enfance, des agnostiques sévères ou des indifférents tranquilles. Chacun s’y reconnaîtra. À côté, il y a pourtant une population non négligeable qui cherche, elle, une autre manière de croire, une autre façon de se comporter comme chrétiens.

Ceux qui le font visiblement se rattachent, à des degrés variés et sous des stratégies propres, à la Conférence catholique des baptisés francophones (ccbf), au Réseau des Parvis, à l’association Nous sommes aussi l’Église (nsae), au courant historique Témoignage chrétien, à la communauté des lecteurs de Golias.

La question en vient alors à se poser : à l’intérieur du christianisme catholique, qui aujourd’hui représente qui ? Qui parle pour qui ?

Dans notre pays, la situation est dans une situation médiatique qui n’est pas des meilleures….À tous les niveaux des médias, on n’y lit, on n’y voit ou on n’y entend quasiment jamais ceux qui essayent de vivre et de penser un christianisme alternatif…L’Église catholique romaine institutionnelle ne représente pourtant qu’une face du christianisme et de sa tradition. ( …) C’est ce qu’on appelle dans la Bible la tradition sacerdotale, celle du Temple et de la Loi, menacée sans cesse par le ritualisme et le légalisme, et dont Jésus combattit les profondes déviations.

L’autre tradition, c’est celle du mouvement, d’un rapport jamais fermé à la vie et à l’évolution des sociétés, d’une adhésion aux changements culturels et aux mouvements de libération des opprimés de la vie. C’est la tradition représentée par les prophètes de la Bible juive (Esaïe, Élie, Jérémie, Malachie…) et par le maître de Nazareth. Un homme qui n’était pas un prêtre mais un laïc, pour qui la guérison de l’humain était plus importante que les préceptes juridiques hérités d’époques révolues et qui portait l’idée d’un Dieu « dont la gloire est l’homme vivant » (saint Irénée). Cette mouvance promeut une autre théologie, une autre manière de parler de l’existence chrétienne. …

La question est de savoir comment susciter une prise de conscience parmi ceux qui ne sont pas totalement endormis dans leurs certitudes et comment soutenir ceux qui s’interrogent encore sur un christianisme d’avenir, et qui frôlent parfois la désespérance ; comment établir une meilleure liaison entre ceux qui pensent qu’il est encore possible de transmettre un message d’une grande richesse ; comment inventer une nouvelle théologie comme vient de le suggérer Christoph Theobald, professeur au Centre Sèvres à Paris, ou comment produire un nouveau récit de la foi dans notre culture du XXIe siècle. (cf note ci-dessous)

Le changement est pour partie entre les mains de ceux qui, à la télévision, à la radio, dans la presse, dans l’édition, pressentent ou comprennent l’urgence de sortir de la répétition et de l’enfermement actuel, et envisagent la possibilité de donner à d’autres que ceux que l’on voit, que l’on entend ou que l’on lit habituellement, la possibilité de s’exprimer et de débattre. Notre appel sera-t-il entendu ?

Robert Ageneau, Robert Dumont et Jacques Musset,
de l’équipe « Pour un christianisme d’avenir »

En note : « Une recherche monolithique ne peut pas nous conduire très loin. Nous avons besoin d’avoir une approche théologique plurielle. Nous sortons d’une époque durant laquelle nous avons eu peur de tout ce qui était différent… Nous sommes à un moment charnière, tout particulièrement en Europe. Développer une prospective est essentiel, alors que l’Église est anesthésiée par le nombre moindre des vocations, par les questions éthiques de la société, par la pandémie. Il n’y a pas de vision face à l’incertitude, alors même que nous devrions vivre de cette vertu centrale qu’est l’espérance et développer, comme dans la Bible, des rêves d’avenir ». Interview de Christoph Théobald par Christophe Henning, recueillie le10 mai 2021 et publiée dans la version numérique de La Croix, le jour suivant.