22ème dimanche ordinaire – Année C – 1er septembre 2019 – Évangile de Luc 14, 1-14

ÉVANGILE DE LUC 14, 1-14

LES REPAS AVEC JÉSUS

C’est déjà la 3ème fois que Luc nous raconte que Jésus a été invité à partager un repas chez des Pharisiens. Signe intéressant. Jésus ne rejette aucune catégorie de personnes et il est prêt à débattre sur tous les sujets. Mais aussi preuve que la valeur des plats et la politesse requise d’un invité ne l’empêchent pas de s’exprimer comme il l’entend et de sortir parfois à ses hôtes « des vertes et des pas mûres »(7, 36 ; 11, 37).

Cela nous apprend à ne pas nous calfeutrer dans notre milieu bien pensant, à ne pas nous enfermer dans notre pruderie, à accepter des invitations chez des personnes qui ne partagent pas notre foi. Mais aussi à ne jamais nous faire acheter par des faveurs et à avoir le front d’exprimer notre désaccord avec certains avis et attitudes à la mode.

Accepter les invitations, apprécier les repas, dialoguer avec toutes les personnes, critiquer certaines attitudes, ne rien céder sur la foi : tout un programme.

L’HUMILITÉ NÉCESSAIRE

C’était shabbat. Les Pharisiens avaient coutume de célébrer l’entrée dans ce grand jour de fête par un joyeux repas où venait l’un ou l’autre grand maître de la Torah, réputé pour sa science et son éloquence. Evidemment les invités jouaient des coudes pour se glisser aux premières places. Jésus, amusé, remarque la manœuvre et ose un enseignement :

Quand tu es invité à des noces, ne va pas te mettre à la première place car on peut avoir invité quelqu’un de plus important que toi. Alors celui qui vous a invités tous les deux viendrait te dire : « Cède-lui ta place » – et tu irais, plein de confusion, prendre la dernière place. Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place. Alors celui qui t’a invité te dira : « Mon ami, avance plus haut » et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui sont à table avec toi.

Faire le faux modeste pour être valorisé : la leçon semble mesquine, indigne de l’Évangile. Mais Jésus conclut par une sentence qui lui donne sa véritable portée :

Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé.

Dans la Bible, l’absence de mention du sujet laisse entendre qu’il s’agit de Dieu. Il n’est plus seulement question de procédé subtil, de tactique de prévenances à table mais de l’agir de Dieu. Toute la Bible le répète : Dieu a horreur de l’orgueil et il procédera au retournement total des situations.
Dans son Magnificat, Marie le chantait :

Il disperse les hommes à la pensée orgueilleuse, Il jette les puissants à bas de leurs trônes ;
Il élève les humbles … (1, 51)

Dans une parabole sur la prière, Jésus répétera : « Tout homme qui s’élève sera abaissé, mais celui qui s’abaisse sera élevé » (18, 14)

Et on ne répétera jamais assez la supplication de Paul : « Ayez un même amour, un même cœur, recherchez l’unité, ne faites rien par gloriole. Avec humilité, considérez les autres comme supérieurs à vous… ».

Sur quoi il propose l’exemple du Christ « qui de condition divine…s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur ; devenu homme, il s’est abaissé, obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix… » (Phil 2, 3)

INVITER LES PAUVRES

Et remarquant sans doute que tous les invités font partie du même monde, appartiennent à la même classe sociale, Jésus enchaîne avec un autre conseil :

« Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis ni tes frères ni tes parents ni de riches voisins. Sinon eux aussi t’inviteront en retour et la politesse te sera rendue. Au contraire, quand tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles. Et tu seras heureux parce qu’ils n’ont rien à te rendre. Cela te sera rendu à la résurrection des justes ».

En ce cas, il faudra sans doute garder l’œil car quelques malins s’arrangeront pour se remplir non seulement le ventre mais en outre les poches.
Mais par ailleurs, on comprend que Jésus nous demande de ne pas nous cantonner dans notre milieu social, de ne pas nous contenter de jeter une pièce jaune dans le gobelet d’un mendiant, de ne pas faire des cadeaux à ceux-là seuls qui ont la possibilité de nous rendre la pareille.

Donner, et donner largement, aux pauvres, à ceux qui n’ont pas les moyens de nous rendre la pareille, c’est un geste qui doit rendre heureux le disciple. Il sort du réseau des échanges commerciaux, du donnant-donnant pour entrer dans le monde de la gratuité du Royaume.

La charité le dépouille d’une part de ses biens, diminue son avoir mais elle l’enrichit de l’espérance de la résurrection. Sur terre, il aura permis à un pauvre de vivre ; au ciel Dieu lui donnera la vraie Vie. C’est pour cette raison que notre société d’avidité, d’accumulation et de rivalités implacables est une société de mort.

APPLICATIONS A L’EUCHARISTIE

Il ne faut jamais oublier qu’un évangéliste n’est pas un historien moderne qui s’applique à reconstituer le passé de la façon la plus minutieuse possible. Dans le sens contraire, il cherche à projeter la scène ancienne dans le présent du lecteur pour lui montrer qu’il reste concerné. Actes et paroles de Jésus demeurent actuels. Quand est-ce que nous partageons aujourd’hui un repas avec Jésus ? A la messe du dimanche. C’est là qu’il débusque notre pharisaïsme et nous apprend comment il veut, lui, que nous célébrions ce repas.

A l’église, on ne manœuvre pas pour occuper des sièges d’honneur.
Au 19ème siècle, lors de la grande révolution industrielle, des maîtres de forge trônaient au premier rang, bien dignes à l’intérieur des bancs d’œuvre marqués de leur blason, tandis qu’au fond, leurs ouvriers, mal vêtus, restaient debout, gauches, la casquette en main, sans rien comprendre du galimatias en usage. Jusqu’au jour où, excédés par ce mépris, ils sont sortis d’une Eglise qui ne l’était plus pour ouvrir des « maisons du peuple » et ont processionné derrière des drapeaux rouges en quête des lendemains qui chantent.

A l’église, les pauvres doivent être honorés.
A Lourdes, à Fatima, à Banneux, les pèlerins sont toujours très impressionnés par l’honneur rendu aux pauvres. Toujours les premiers rangs sont réservés aux handicapés et aux malades alités. Toutes ces personnes si souvent reléguées dans des maisons sans âme, passant des journées dans la solitude, sont replacées devant, comblées par la sollicitude des bénévoles, présentées comme les amies préférées de Jésus. Et les jeunes de passage se demandent pourquoi on ne fait pas de même dans les paroisses.

Dans l’Eglise, riches et pauvres se rencontrent.
Se détournant de Dieu, notre société ne peut que multiplier les fractures sociales et rejeter comme des rebuts ceux qui ont eu le malheur d’échouer. Ose-t-on s’estimer généreux en jetant une piécette dans le panier ? Comment dépasser le don anonyme d’argent par une relation humaine, par l’échange de paroles ?…Comment renouer des liens ? …Dans une société de finances et de classes, l’Eglise se doit d’être une communauté fraternelle.

Frère Raphaël Devillers, dominicain

LA FABLE DES HÉRISSONS

Par une froide journée d’hiver,
des porcs-épics se serraient les uns contre les autres afin de se tenir chaud.
Mais très vite, à force de se serrer,
ils ressentirent la brûlure de leurs piquants et durent s’écarter.

Quand ils eurent trop froid,
leur instinct les poussa à se rapprocher encore.
Mais de nouveau ils ressentirent la brûlure de leurs piquants.

Ils renouvelèrent ce manège plusieurs fois
jusqu’à ce qu’ils trouvent enfin leur juste distance.

FABLE RACONTEE PAR LE PHILOSOPHE SCHOPENHAUER (1788-1860)

COMMENTAIRE

L’homme est un animal social. Il a besoin des autres. Mais cette nécessaire proximité a son revers.
Elle peut devenir pesante. Même en famille, même dans un couple …
A nous donc de trouver la juste distance.
A nous d’accepter que l’autre ait aussi ses propres amis et ses jardins secrets.

Michel PIQUEMAL : Les philo-fables. (Livre de poche)

21ème dimanche ordinaire – Année C – 25 août 2019 – Évangile de Luc 13, 22-30

ÉVANGILE DE LUC 13, 22-30

IRONS-NOUS TOUS AU PARADIS ?

Aujourd’hui nos assemblées vont tout de suite tressaillir en entendant la célèbre question qu’un homme a lancée un jour à Jésus et qui nous taraude encore aujourd’hui :

« Seigneur, n’y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ? »

Dans nos souvenirs d’école rôde encore la terrible expression de saint Augustin (fête ce 28 août) qui dénonçait la « massa damnata » : des multitudes innombrables d’êtres humains sont condamnées par Dieu et vouées au châtiment éternel. Et nous avons tous frémi devant les terrifiantes représentations du Jugement dernier chez les peintres de la fin du Moyen-Age.

Heureusement les variétés modernes nous rassérènent et nous fredonnons, tranquilles, le refrain bien connu d’un chanteur qui ne manquait pas de lunettes :

« Nous irons tous au paradis,
tout’s les bonnes sœurs et tous les voleurs,
tout’s les brebis et tous les bandits,
on ira tous au paradis , même moi… »

Alors qui a raison, le théologien ou le chanteur, Tintin ou Michel ? En tout cas, à cette question, Jésus, lui, refuse de répondre. Et à la place, il nous interpelle :

Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas.

Donc plutôt que de spéculer sur les statistiques des damnés, le Seigneur nous exhorte à lutter, à faire des efforts. Car devant nous il y a une entrée et elle n’est pas automatique. De même que l’embryon a dû souffrir pour passer le goulot étroit et venir en ce monde, ainsi, devenu adulte, doit-il mener un combat incessant contre son égoïsme, son orgueil, sa rage d’assouvir tous ses besoins à son profit. Il doit cesser d’être un bébé qui se croit le roi de la maison, le centre du monde et comprendre que la vie humaine consiste à aimer, donc à servir, à partager, à pardonner, à faire la justice et la paix. Ce passage étroit dans le Royaume du Père où tous sont fils dans une union fraternelle n’est pas ascèse gratuite ni torture mais naissance à l’humanité véritable.

Tous les hommes désirent entrer dans cet état de bonheur et de plénitude mais ils n’y parviennent pas tous parce qu’ils refusent de fixer des limites à leur égocentrisme

CONVERSION URGENTE

Renoncer à des plaisirs même légitimes, mettre un frein à ses envies, convertir l’amour de soi en amour pour Dieu et les autres : nous en admettons peut-être la grandeur et nous entendons la voix du Seigneur qui nous y invite. Mais notre tentation permanente est de remettre à plus tard notre décision. Nos ornières sont tellement profondes que nous y sommes englués et nos bonnes résolutions sont toujours retranscrites dans l’agenda de l’année suivante.
Le Seigneur nous avertit :

Quand le maître aura fermé la porte, si vous, dehors, vous frappez à la porte en disant : « Seigneur, ouvre-nous ! », il vous répondra : « Je ne vous connais pas ». Alors vous direz : « Nous avons mangé et bu avec toi, tu as enseigné chez nous ». Il vous répondra : « Eloignez-vous de moi car vous faites le mal ».

Donc non seulement la porte du Royaume est étroite mais en outre, à un moment, elle sera fermée par le Maître.

Et ne restera que l’effrayant et mystérieux « dehors ». Qu’est-ce à dire ? Un vide. Pas de diables fourchus ni de fournaise de soufre. Mais, pire sans doute, la fixation dans un échec irrémédiable. « J’aurais dû, j’aurais pu…Si c’était à refaire… ». L’image terrifiante du dehors indique le pire : la mort de l’espérance.

Le drame, c’est que ces exclus –Juifs d’alors ou chrétiens d’aujourd’hui – ont eu l’occasion de connaître Jésus, ils ont entretenu avec lui des relations familières, ils ont écouté et apprécié ses enseignements. Mais hélas, cette croyance est demeurée stérile, même les repas eucharistiques et les prédications n’ont pas changé la vie. Et ils ont continué à « faire le mal ».

La porte fermée n’est pas une décision arbitraire du Seigneur ni la somme dérisoire de nos peccadilles mais la décision de faire le mal tout en refusant le pardon.

Tous les prophètes et les évangiles le martèlent : la foi n’est pas connaissance théorique, croyance vague, pratique rituelle mais obéissance, engagement concret. Son test est l’acte. Entrer dans l’Evangile, c’est entrer dans « l’âge du faire ».

EVANGILE DU BANQUET UNIVERSEL

« Il y aura pleurs et grincements de dents quand vous verrez les Patriarches et les Prophètes dans le Royaume de Dieu et que vous serez dehors.
Et on viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le Royaume de Dieu. Oui il y aura des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers ».

S’adressant à des Juifs, Jésus les met en garde contre une assurance religieuse trop facile. Avoir eu le privilège d’être parmi les premiers appelés, membres du peuple élu, ne garantit pas le salut : si les grands Saints de jadis en Israël sont entrés dans le Royaume, leurs descendants ne les suivent pas d’office. Eux aussi doivent faire effort et mettre en pratique les enseignements de Jésus comme Seigneur.

Et par ailleurs, des païens de toutes les nations du monde vont, au cours de l’histoire, entendre la proclamation de la Bonne Nouvelle, ils se convertiront à Jésus et agiront comme il l’a enseigné. L’appel de la mission retentit de plus en plus loin, la réponse est toujours libre et personnelle, et le Royaume devient universel.

Et pour évoquer ce qu’est ce mystérieux Royaume, Jésus reprend une image employée par les Prophètes : le festin.

Que sera l’accomplissement du projet de Dieu, la réalisation de l’Alliance ? Ce sera comme un grand banquet où, sans distinction de classes, tous vêtus de blanc, on se délecte de goûter des mets délicieux, où les grands crus remplissent de joie, où l’on veille à partager entre convives, où l’on dialogue, où l’on rit ensemble. Il n’y a plus des repus et des affamés, des renfrognés et des jaloux. Ensemble on rend grâce à Dieu et on chante ses merveilles au son de la musique.

Le festin : ce grand acte d’humanité où communient Dieu, les hommes et la nature constitue un reflet lointain mais réel de ce que Jésus appelle le Royaume du Père. Et l’Eucharistie du dimanche devrait en être une représentation où l’allégresse partagée nous unit dans un amour sans frontières.

JESUS CIRCULE ET ENSEIGNE

Pour finir, il importe de revenir à la première phrase du texte lu ce jour :

Dans sa marche vers Jérusalem, Jésus passait par les villes et les villages en enseignant.

Luc nous l’a dit : en montant à Jérusalem pour appeler les autorités du temple à la conversion, Jésus sait ce qui l’attend. On va lui fermer le chemin de la vie mais, par la clef de la croix, il ouvrira la porte étroite et renaîtra à la Vie éternelle avec son Père.

Le bon larron pourra entrer au paradis, le fils prodigue pourra se jeter dans les bras de son Père fou de joie de le retrouver, Marie-Madeleine sera purifiée de toutes ses fautes, les apôtres renégats verront les plaies et seront remplis de la paix messianique, Paul le persécuteur voudra dire au monde entier qu’il a été pardonné.

Si la croix du Golgotha est le don suprême de l’amour, ne peut-on espérer que la porte du Royaume ne soit demeurée quand même, un peu, entrouverte et que tous puissent entrer – même moi ?
Mais n’est-ce pas là contredire ce que Jésus nous enseigne aujourd’hui ?
Il n’y a qu’une réponse : « Efforcez-vous d’entrer ». Et dans ce vous, il y a d’abord moi.

Frère Raphaël Devillers, dominicain

IL N’Y A QUE LES PAROISSES MISSIONNAIRES QUI SURVIVRONT, LES AUTRES VONT S’EFFONDRER

propos recueillis par Domitille Farret d’Astiès, le 6 avril 2019

Aleteia : Pensez-vous que nos paroisses soient vraiment en danger ?

Père James Mallon : Absolument. Nos paroisses existent encore sur un modèle chrétien ancien. Aujourd’hui, elles ne vivent pas du tout leur identité missionnaire. Elles attendent que les gens viennent à elles. Or, un missionnaire va dehors, il dépasse les obstacles culturels. La plupart des paroisses ne font pas cela et s’attendent à ce que l’on vienne à elles. C’est exactement le contraire.

En raison de changements profonds dans notre culture, dans une génération, il n’y aura plus que les paroisses missionnaires qui survivront. Les autres s’effondreront. Si nous n’allons pas vers les gens, l’Église mourra. Seules les paroisses missionnaires ne tomberont pas.

Une communauté qui prie, c’est d’une importance fondamentale mais ce n’est pas suffisant en tant que tel. La prière doit conduire à l’action. L’action sans la prière ne fonctionnera pas mieux. Les deux sont nécessaires.

Quelles sont les clefs du changement ?


J’en vois trois. La première, c’est de donner la priorité à l’évangélisation car c’est elle qui change les cœurs. L’Église publie des recommandations sur ce sujet, elle en parle volontiers, elle fait de la théologie. Mais il ne se passe finalement rien de bien concret. Nous prions, nous célébrons les sacrements, mais nous ne savons pas vraiment comment mobiliser.

La deuxième clef, c’est la question du leadership. Il est nécessaire de passer de la maintenance à la mission. La « maintenance », c’est lorsque l’on ne s’occupe que des paroissiens. Déplaçons le focus vers ceux qui ne sont pas paroissiens, vers l’extérieur. Ce mouvement doit être conduit par des leaders, que ce soient des prêtres ou des laïcs engagés dans des équipes pastorales…Ces leaders, il faut qu’ils soient serviteurs. Aujourd’hui, il faut complètement renouveler nos modèles et développer la co-responsabilité.

Le cœur d’un leader, ce n’est pas d’être une figure forte qui a des suiveurs, mais d’être quelqu’un qui fait se lever d’autres leaders. C’est ce que dit Paul à Timothée dans sa deuxième lettre : « Ce que tu m’as entendu dire en présence de nombreux témoins, confie-le à des hommes dignes de foi qui seront capables de l’enseigner aux autres, à leur tour » (2 Tm, 2, 2).

Il est important de mobiliser toute la paroisse et de permettre aux paroissiens d’entrer dans une vision qui les inspire.

Enfin, la troisième clef, c’est la puissance de l’Esprit saint. C’est un point qui énerve souvent les catholiques. Pourtant, il est absolument indispensable. Avant la Pentecôte, les disciples avaient peur, ils restaient au Cénacle, repliés vers l’intérieur. Quand le Saint-Esprit est venu, ils ont ouvert les portes et ils ont proclamé. C’est une loi spirituelle. L’Église est conduite par le Saint-Esprit à sortir. Actuellement, on ne va pas dehors, on reste trop au cénacle.

Pourtant, il existe bien des mouvements missionnaires comme le Congrès Mission, Anuncio et d’autres ?


Bien sûr, mais ce que l’on voit dans ces mouvements d’Église est trop peu présent dans nos paroisses. Ce n’est pas suffisant.

Il faut du leadership pour déplacer la parole vers la mission, pour demander aux paroissiens d’aller dans des territoires nouveaux. Quand on est confortablement installé dans ses activités paroissiales, on ne sent pas que l’on a besoin de l’aide de l’Esprit saint. Mais quand on est dans une zone que l’on ne connaît pas, on le ressent bien plus.

Beaucoup de personnes recherchent une expérience de Dieu. Or, souvent, dans l’Église, on est suspicieux par rapport à cette recherche d’expérience spirituelle. On se réclame plutôt de la vérité. Pourtant, les gens qui font une expérience spirituelle seront conduits à la vérité. C’est l’expérience de l’amour de Dieu, de l’œuvre de l’Esprit saint, qui les mettra en route.

Réveillez votre paroisse : formez des responsables et évangélisez avec le parcours Alpha,
par le père James Mallon.
Éditions Artège, avril 2019.

20ème dimanche ordinaire – Année C – 11 août 2019 – Évangile de Luc 12, 49-53

ÉVANGILE DE LUC 12, 49-53

ALLUMER LE FEU

Evidemment le titre vous a tout de suite fait penser à Johnny et vous vous êtes mis à fredonner ce tube repris par des dizaines de milliers de fans dans les salles en délire :

« Tourner le temps à l’orage, Revenir à l’état sauvage,
Forcer les portes, les barrages, Sortir le loup de sa cage.
Il suffira d’une étincelle, oui, d’un rien, oui d’un geste,
Il suffira d’une étincelle…Et d’une nuit d’amour, oui, pour
ALLUMER LE FEU…ALLUMER LE FEU….
Et faire danser les diables et les dieux … »

Retomber dans l’animalité, lâcher les torrents d’agressivité, être les pyromanes d’un monde en flammes ? Quel paradoxe, cher Johnny : sur ta gorge qui lançait ces appels, sautillait un crucifix d’argent portant l’image d’un pendu : celui-là justement qui était venu allumer le feu de l’amour de Dieu.

POURQUOI JESUS EST VENU

En terminant son enseignement aux disciples, entendu dimanche passé, Jésus manifeste la conscience qu’il a de sa mission par trois déclarations brèves mais capitales :

– Je suis venu apporter le feu sur la terre.
– Je dois recevoir un baptême
– Je viens mettre la division entre les hommes.

1. Je suis venu jeter un feu sur la terre et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé.

Sur la rive du Jourdain, Jésus avait entendu Jean-Baptiste proclamer : « Moi je vous baptise d’eau mais un plus fort vient après moi : il vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu » (3, 16).

Voulait-il annoncer que son successeur jetterait le feu du châtiment divin sur les infidèles, comme certains prophètes l’avaient jadis annoncé ? Non puisque plus tard Jésus réprimandera sévèrement ses apôtres Jacques et Jean qui, à l’imitation d’Elie, voulaient faire tomber le feu du ciel pour anéantir un village qui refusait d’accueillir Jésus (Luc 9, 55).

La scène de la Pentecôte montrera que ce feu est précisément celui de l’Esprit Saint qui descendra sur les apôtres « sous forme de langues de feu…et ils furent tous remplis d’Esprit Saint et ils se mirent à parler en d’autres langues » (Ac 2, 3).

Ce feu  n’est donc pas celui de la conquête guerrière, celui du fanatisme qui se déchaîne contre les impies. Ce feu est celui de l’amour qui purifie les apôtres coupables d’avoir lâché et renié leur Maître, celui de la joie d’être sauvés, celui de la mission pacifique qui va les lancer à la rencontre des hommes de toutes nations afin de partager ce don avec tous.

Ce feu allumera leurs paroles, ils deviendront des hommes « chaleureux » parce que l’Esprit les aura « remplis ». Ils seront comblés de bonheur, unis par l’Esprit dans une communion fraternelle.

Jésus frémit dans l’espérance de la réussite prochaine du projet de Dieu : « Combien je veux que ce feu soit déjà allumé ». Mais pour cela il faut d’abord que lui-même passe par la plus terrifiante des épreuves.

2. « Je dois être baptisé d’un baptême et comme il m’en coûte d’attendre qu’il soit accompli »

Jésus a reçu sa mission en se laissant baptiser par Jean dans les eaux du Jourdain. Peu à peu, se heurtant aux critiques, aux menaces, à l’hostilité, il a compris qu’il allait être la victime de ses ennemis. Mais ces flots de haine qui vont le submerger d’angoisse et l’engloutir dans les eaux de la mort, il veut les assumer comme un nouveau baptême.

Cette perspective l’épouvante mais il a hâte qu’elle s’accomplisse car en se laissant plonger dans l’horreur par ses ennemis, il ira jusqu’au bout de sa mission : dans le pardon des ennemis et le don total de sa vie. Aussi son Père le fera resurgir, vivant, beau, lumineux, transfiguré. Et il pourra dispenser le feu de l’Esprit par l’entremise de ses disciples.

Il faut le répéter car la spiritualité chrétienne a souvent été empoisonnée par le masochisme : la croix n’est pas voulue pour elle-même comme si elle était obéissance à l’exigence d’un Dieu pervers exigeant le sang d’une victime. Jésus, tout comme son Père, ne veut qu’aimer : mais si les hommes s’opposent, il accomplira ce projet dans la souffrance et par la mort.

3. « Pensez-vous que je sois venu apporter la paix dans le monde ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division. Désormais cinq personnes de la même famille seront divisées…Ils se diviseront, le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère … »

Jésus use de paradoxe. Il est effectivement le Messie, c.à.d. l’envoyé spécial de Dieu pour établir la justice et la paix sur terre. Mais il n’impose pas cette paix par miracle divin ni par usage de la force. Cette paix a été obtenue par le mystère pascal : désormais le Royaume de Dieu est ouvert mais chacun n’y entre que par décision libre.

Décision coûteuse car il s’agit de se laisser réconcilier par le sang de la croix, de s’engager à vivre selon les Béatitudes, de placer sa vie sous le signe du service, bref de suivre Jésus sur la voie étroite du renoncement et du pardon.

Mode de vie que la majorité des hommes a toujours refusé et refusera toujours au point qu’ils le combattront sans cesse de toutes leurs forces. Même des grands prêtres en sont venus à vouloir supprimer Jésus. Et tout de suite la persécution éclatera contre les premières communautés. Et depuis 20 siècles, elle ne s’est jamais calmée.

Donc il ne peut y avoir une nation chrétienne et –sauf rares exceptions- une famille chrétienne. L’Evangile ne se transmet pas automatiquement par héritage, par imitation, par conformisme. Sinon il ne reste qu’un vernis, un placage religieux, une vague habitude.

On comprend donc la déclaration de Jésus : tout son désir est d’apporter la paix à chacun et à tous mais, comme il l’a constaté lui-même chez les siens qui le traitaient de fou et de possédé (Marc 3, 21), même à l’intérieur des familles, la zizanie va s’introduire. Un membre se convertira et l’autre non. Michée 7, 6 l’avait prophétisé.

Cet affrontement au cœur des foyers sera souffrance mais l’Evangile, sujet d’affrontement, sera aussi recherche de dialogue. Il pourra éveiller le feu de la colère mais aussi susciter le zèle de la vérité et éveiller au respect de la liberté de conscience.

Plus profondément encore, en aimant Jésus, en défendant l’Evangile quoi qu’il en coûte, le disciple réalisera le commandement de l’amour des ennemis. Sa mission ne sera plus seulement d’énoncer de belles paroles mais elle sera « pâque », passage, elle fera advenir le Royaume.

CONCLUSION

Donc pas de fanatisme ni de croisade. Mais pas non plus acceptation d’une société morte. Est-ce que le feu de la mission nous brûle encore ? Ne sommes-nous pas engourdis dans une société qui nous endort par son confort ? L’originalité chrétienne n’est pas visible.
Allumer le feu : brûler du désir de révéler Jésus, d’apporter la Bonne Nouvelle. Des multitudes meurent de froid parce qu’elles ignorent tout du Christ.

Et du coup, plonger dans le baptême de la contradiction, des moqueries, des injures. Même avec nos proches. Mais « Il suffira d’une étincelle…d’un geste ».

Frère Raphaël Devillers, dominicain

RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

ENTRETIEN avec José Bové, EURODEPUTE ECOLOGISTE
(PARU DANS MARIANNE 9.8. 2019)

Le groupe d’experts internationaux (GIEC) a publié ce jeudi 8 août un nouveau rapport sur l’état des sols et la façon dont leur surexploitation menace la sécurité alimentaire, appauvrit la biodiversité et amplifie les émissions de CO2. Les principales conclusions du GIEC pointent notamment la surexploitation des sols qui contribue grandement au réchauffement climatique.

Marianne : Cela fait des années que vous alertez sur la gestion durable des terres. Quelle a été votre première réaction au rapport du GIEC ?

Le modèle agricole agro-industriel continue son œuvre destructrice et clairement c’est un appauvrissement des terres. Tout ce qu’on voit à l’œuvre aujourd’hui, que ce soit en Indonésie avec l’huile de palme dévastatrice, ou encore au Brésil avec le défrichement des forêts, est catastrophique. On peut aussi parler des engrais qui stérilisent des millions d’hectares de sols. D’ici à quelques années, on pourrait arriver à 25% de rendements agricoles en moins si l’on continue comme cela, car notre sol est considérablement affaibli par toutes ces pratiques. Les sols deviennent morts. Le fait que le GIEC le dise me paraît très important, le problème c’est que dans le même temps on voit les accords de libre échange s’établir. Nos gouvernants n’assument absolument pas leurs responsabilités.

La co-présidente du GIEC parle d’une certaine « prise de conscience, partout dans le monde, des enjeux d’une transformation profonde de l’usage des terres ».

Tout ça est catastrophique ! Il y a un paradoxe entre ce que dit le GIEC et les accords de libre échange signés par nos Etats. Ces accords vont totalement à l’encontre de ce que préconise le GIEC. On nous fait de très beaux discours toutes les semaines sur le réchauffement climatique, mais les ministres de l’agriculture qui se sont succédé depuis deux ans, et bien avant, n’ont pas bougé d’une ligne. Les lobbys continuent à pousser pour toujours plus d’agro-industries, pour toujours plus de pesticides. Regardez le glyphosate, l’interdiction est reportée à la Saint-Glinglin.

Par ailleurs, ce comportement très paradoxal de nos Etats, qui signent toujours plus d’accords de libre échange qui accélèrent le réchauffement climatique, éloigne les citoyens de la politique. Les gens se demandent comment ils peuvent croire aux discours de leurs dirigeants si dans le même temps ils signent de tels accords.

C’est la même hypocrisie lorsque les députés reçoivent Greta Thunberg à l’Assemblée nationale et que dans le même temps on signe le Ceta. Les députés qui ont signé et qui disent que c’est parce que dans l’accord, il y a des clauses environnementales, c’est faux ! Le but du Ceta ce n’est pas de protéger l’environnement, c’est de faire du business. …Le problème c’est qu’une fois que c’est bétonné et transformé ça ne reviendra jamais à l’agriculture. Par ailleurs, plus on artificialise, moins l’eau pénètre dans le sol et donc elle ne ruisselle plus vers les nappes phréatiques et là, ça va créer des dégâts considérables. Chaque fois qu’on touche aux terres agricoles, on multiplie les risques de catastrophes naturelles.

Les conclusions du rapport impliquent un changement de modèle agricole. A-t-on les moyens de changer ?

Bien sûr que l’on a les moyens de changer notre modèle et en plus on sait ce qu’il faut changer. On peut retravailler nos sols, à condition d’arrêter d’utiliser les engrais de synthèse, d’arrêter les herbicides et pesticides. En fin de compte, d’arrêter de tuer tout ce qui contribue à faire vivre la diversité de nos sols. Ce qui manque encore une fois, c’est une volonté politique. ( …………….)

PARU DANS MARIANNE – le 09/08/2019

Assomption de Marie – Année C – 15 août 2019 – Évangile de Luc 1, 39-56

ÉVANGILE DE LUC 1, 39-56

MARIE ASSUMÉE

– Bonjour, ami, où t’a conduit cette année ?
– Oh c’était magnifique ! A Noël, on est allé faire du ski à Tignes ; à Pâques on a fait un minitrip à Barcelone ; et cet été un magnifique séjour sous le soleil à Ténériffe.
– Oui mais tout cela ne sont que des vacances, des déplacements dans l’espace. Où est-ce que le temps t’a conduit ?
– Euh !?…Je ne comprends pas.
– Nous pouvons bouger, aller de lieu en lieu, retourner là où nous nous sommes divertis. Mais l’essentiel, n’est-ce pas notre déplacement dans le temps ? Tu parcours l’espace à ton gré mais le temps te fait faire un parcours. Il te change, te modifie. D’année en année où vas-tu ?
– Euh ?! Je ne réfléchis jamais à cette question.
– Il est bien dommage que tu prépares avec soin tes lieux de vacances sans réfléchir à l’endroit où le temps te conduit.
– Tu sais : on est tellement occupé, tellement stressé par la vie moderne !
– Précisément. D’où l’urgence de répondre. A ton avis, notre existence est-elle un vide à remplir pour tenter d’être heureux, un destin guidé par les astres ? Ou a-t-elle une destination que l’on choisit ? Acceptes-tu d’être né par hasard pour mourir par nécessité ?
– ……. ???????
– Tu sais : je ne veux pas abîmer tes vacances. Au contraire. Ta vie prendrait sens par l’avenir que tu choisis.

ECLATEMENT DE NOS ESPERANCES

La fête de l’Assomption donne lieu à de grandes manifestations populaires mais elle n’est pas que joie pieuse ; elle nous rappelle ce qui manque le plus aujourd’hui : le sens divin de notre existence terrestre. Marie nous appelle à espérer plus et davantage. Car nos aspirations sont trop mesquines, donc dangereuses.

Il est insuffisant de nous envoler en navette spatiale pour aller marcher sur la lune et sauter de planète en planète. Car nous n’y transporterons que notre esprit de conquête, nos cupidités insatiables, nos passions guerrières. Dieu nous appelle à nous jeter dans son Infini où il n’y a plus qu’amour, joie de l’enfant émerveillé d’être tant aimé de son Père, allégresse de la découverte amicale des richesses de tout homme.

Il est futile de vouloir possessions, jouissance consumériste, connexion permanente. Notre vocation est la plénitude infinie d’être.

Il est vain de faire partie d’une grande famille, d’un grand peuple, d’un grande civilisation. Notre grandeur est d’être membre de l’humanité appelée par grâce à partager la Vie divine.

La béatitude n’est pas de se perdre dans le Grand Tout mais d’être une personne unique dans une communion plurielle. Alors se dissoudront notre imbécillité de chercher un bonheur égoïste hors de Dieu, notre tristesse d’avoir fait mal à l’autre, notre angoissse de rater notre vie.

L’Assomption de Marie fait éclater nos mesquineries, rend illimitée notre espérance. Transcendance, Infini, Eternité : tous ces mots essaient d’exprimer notre désir de dépasser toute limite, d’aller au bout de nous-mêmes, d’être un MOI sans égoïsme dans un NOUS sans jalousie.

Ce ne sont pas des utopies, des rêveries pour nous consoler d’être mortels. Déjà l’écho s’en perçoit chez François d’Assise et Pascal, chez Rembrandt et Van Gogh, chez Bach et Mozart.

ETRE ASSUME

N’est-ce pas un idéal inatteignable ? Non car il ne s’agit pas de gagner une course, de gravir un sommet, de tirer le bon numéro, de présenter un diplôme de perfection. Nous ne montons pas au ciel : Marie nous rappelle que, commme elle, nous sommes « assumés ».
La visée suprême de notre existence nous est inaccessible par nos propres forces. Car l’autre monde n’est pas le simple prolongement de celui-ci. Jésus l’a promis à ses disciples :

« Que votre cœur ne soit pas bouleversé : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la Maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures sinon vous aurais-je dit que j’allais vous préparer le lieu où vous serez ? Lorsque je serai allé vous le préparer, je reviendrai et je vous ASSUMERAI – si bien que là où je suis, vous serez vous aussi » (Jean 14, 1)

Seule donc la puissance du Messie crucifié et vivant peut « faire la Pâque », opérer le passage des humains hors de la maison de la terre pour entrer dans la Maison du Père. La foi, ce n’est pas faire son salut mais se laisser faire.

Pourquoi Marie a-t-elle été « assumée » au ciel par son Fils ? Parce qu’elle-même l’a d’abord assumé sur sa terre. « Réjouis-toi, Marie, tu vas avoir un fils ». Elle a été bouleversée par cette révélation inattendue, elle ne comprenait pas le sens de ces paroles, elle se demandait comment elles pouvaient se réaliser. Mais sans tergiverser, sans prétexter de son insignifiance, elle a « assumé » en elle cet enfant, elle l’a porté tout en se laissant porter par lui. Elle lui a appris à mener sa vie d’homme : il lui a appris à marcher vers son Père.

MARIE ET L’EGLISE

Le Nouveau Testament ne dit rien sur la fin de Marie. Son ultime mention dans les Ecritures note sa présence au cénacle, avec la première communauté, hommes et femmes, qui persévère dans la prière. Ces hommes qui, il y a quelques jours, ont abandonné son fils aux mains de ses ennemis, vont recevoir l’Esprit et ils s’en iront proclamer la Bonne Nouvelle dans le monde entier.

De cette histoire millénaire de la mission, Marie n’est pas spectatrice car l’Assomption en Dieu n’éloigne pas des hommes, dit le Concile Vatican II :

Après son Assomption au ciel, le rôle de Marie dans le salut ne s’interrompt pas.
Par son intercession répétée, elle continue à nous obtenir les dons qui assurent notre salut éternel. Son amour maternel la rend attentive aux frères de son Fils dont le pèlerinage n’est pas achevé, ou qui se trouvent engagés dans les périls et les épreuves, jusqu’à ce qu’ils parviennent à la Patrie bienheureuse.

Comme elle a visité sa cousine Elisabeth, elle continue de venir dans l’Eglise et celle-ci ne cesse de reprendre son cantique d’action d’action de grâce :

« Mon âme exalte le Seigneur : exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur.
Il s’est penché sur son humble servante ;
tous les âges me diront bienheureuse…
Son amour s’étend d’âge en âge… »

Le concile Vatican II a conclu la grande Constitution sur l’Eglise par un beau chapitre sur Marie. Il met en garde contre toute fausse exagération de la piété mariale car le culte chrétien doit toujours être orienté vers le Christ. Et il précise bien ce que doit être notre attitude envers Marie :

« Une véritable dévotion ne consiste nullement dans un mouvement stérile et éphémère de la sensibilité, ni dans une vaine crédulité.
La vraie dévotion mariale procède de la vraie foi
– qui nous conduit à reconnaître la dignité éminente de la Mère de Dieu,
– et nous pousse à aimer cette Mère d’un amour filial,
– et à poursuivre l’imitation de ses vertus » (§ 67)

« Vaste programme ! »

Frère Raphaël Devillers, dominicain

19ème dimanche ordinaire – Année C – 11 août 2019 – Évangile de Luc 12, 32-48

ÉVANGILE DE LUC 12, 32-48

JESUS ESQUISSE
LES COMMUNAUTES DE L’AVENIR

L’enseignement de Jésus s’adresse à ses disciples, c.à.d. à nous : il est malheureusement amputé de son début et de sa fin et en outre, la liturgie permet de couper encore certains passages. Attitude typique de l’Eglise qui aime faire des célébrations mais ne pas trop écouter une Parole qui l’appelle à une conversion de vie. Pourtant, sans la Parole, la célébration est un rite creux.

ENFANTS DE DIEU SANS INQUIETUDE

Jésus a commencé par inviter ses disciples à ne pas se noyer dans les soucis et à ne pas mourir d’inquiétude même en ce qui concerne les besoins élémentaires de nourriture et de vêtement.

« Votre Père sait que vous en avez besoin. Cherchez plutôt son Royaume et cela vous sera donné par surcroît …Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume ».

Le disciple ne croit plus en un Dieu lointain qui le laisse se débrouiller : il a confiance comme un enfant qui s’abandonne à l’amour de son Père et qui le prie en disant : « Donne-nous le pain dont nous avons besoin chaque jour » (11, 3). Evidemment cette confiance n’empêche ni le travail ni la gestion des affaires.

Le disciple se comprend comme une brebis qui a l’immense bonheur de faire partie du troupeau de Dieu, ce qui le préserve justement d’être de ces moutons de Panurge entraînés par les mêmes slogans publicitaires pour danser sur les mêmes cadences endiablées sans savoir qu’ils marchent à l’abîme. Il n’en tire pas orgueil : il sait trop bien qu’il n’a pas mérité un privilège et qu’il n’est pas récompensé par ses qualités car le Royaume est « un don ».

Alors que faire si l’on ne gaspille plus son argent dans des futilités, si l’on n’est plus obsédé par la pression de la mode, si l’on résiste à la contagion de l’entourage ?

« Donnez des aumônes, faites-vous un trésor inépuisable dans les cieux…Car là où est votre trésor, là sera votre cœur ».

Rappelons encore que, dans la bible, le mot « aumône » se dit « tsedaka » qui signifie « justice » : le croyant est tenu en permanence de lutter pour le droit. Il est anormal que certains hommes vivent dans l’abondance tandis que d’autres se débattent dans la misère. La possession entraîne un devoir permanent qui n’est pas encore de la générosité. Donner un euro et appeler cela « la charité » serait une ignominie.

Lorsqu’ils donnent, les disciples deviennent riches, ils accumulent un trésor qu’on ne pourra jamais leur voler, des actions qui ne seront jamais victimes d’un effondrement boursier. Donc leur cœur sera en paix puisque, par la « tsedaka – justice », il sera fixé en Dieu.

N’est-ce pas parce que les Eglises occidentales ont été entraînées par la course à l’avoir, aux possessions superflues et aux rendements juteux, tout en se contentant de donner quelques miettes aux populations affamées, qu’elles connaissent depuis lors une dégringolade spectaculaire ? Puisque vous n’entendez pas nos plaintes, disent les migrants, nous venons chez vous : allez-vous enfin partager ?

VEILLER DANS L’ATTENTE DU FILS DE L’HOMME

Ensuite Jésus nous met en garde contre la routine, l’engourdissement. Les sollicitations permanentes, les inventions de toutes sortes, les facilités de confort, de divertissement et de voyages risquent fort de nous fixer sur la jouissance du présent. On gère au mieux son quotidien, la paroisse va son petit train-train, la foi ronronne comme un vieux chat (le matou Salem) dans un fauteuil.

Jésus nous réveille :

« Restez en tenue de service, gardez vos lampes allumées. Soyez comme des gens qui attendent le retour de leur maître ».

Mystère de ce personnage unique. Jésus de Nazareth s’éloigne de plus en plus dans le passé. Aujourd’hui nous vivons de son Evangile. Mais à partir d’un futur qui s’approche de plus en plus, Jésus vient.

Il est le maître dont nous avons accepté le programme, la mission d’aimer donc de servir. Tâche difficile, lourde, qui exige des renoncements toujours recommencés, qui démarque de la foule, qui se heurte à l’inertie de l’Eglise. A quoi bon ? se dit le disciple découragé par les échecs.

Dans le contrat de la foi, il n’y a pas une clause de « retraite », « repos bien mérité ». L’amour ne dit jamais « j’ai fait assez ». Il reprend chaque jour son tablier.

Et dans le monde qui n’a jamais baigné dans autant de lumières sans parvenir à percer la nuit où il s’enfonce, les disciples ne doivent pas oublier qu’ils sont la lumière du monde. Non des stars qui fascinent et aveuglent. Non des spots qui éblouissent. Mais des pauvres qui ont reçu la flamme de l’espérance et qui luttent pour la préserver vivante au milieu des tempêtes qui se déchaînent pour l’éteindre.

Et si, comme tout le monde, ils s’affolent devant les perspectives d’effondrement qui se profilent, ils n’attendent pas une catastrophe mais Quelqu’un.

Non un juge implacable qui nous fige dans la terreur mais un Messie qui nous a tant aimés qu’il a donné sa vie pour nous. Et qui, à notre grande stupeur, nous promet d’être ce qu’il a toujours été : notre serviteur.

« Heureux les serviteurs que le Maître trouvera en train de veiller. Amen, il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira »

Mais alors cela ne signifierait-il pas que déjà, à la messe du dimanche, nous avons la grâce de revivre la Dernière Cène où le Dieu à genoux accueille ses amis ?

Quel bonheur ce sera d’enfin rencontrer celui dont d’autres nous parlaient, de voir le visage de celui dont nous ne connaissions que les paroles.

La petite parabole du voleur nous alerte. Ne nous croyons jamais propriétaires des merveilles de la foi. De mystérieux voleurs rôdent pour nous ravir les trésors dont nous avons la garde.

On nous assène que les Ecritures sont un tissu de mensonges, que la foi est un stade dépassé de la pensée, que l’amour est une faiblesse, l’espérance une chimère. Et devant l’énorme pression, hélas, beaucoup ont cédé. La religion routinière, la croyance non entretenue, l’abandon de la prière, la messe non fraternelle : tout cela ne peut résister au tsunami.

On n’ouvre pas impunément son cœur à toutes les ondes qui tentent de nous dépouiller de ce qui nous fait vivre. A quoi, à qui sommes-nous connectés ?…

Tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y pensez pas que le Fils de l’homme viendra.

RESPONSABILITE DES INTENDANTS

Jésus n’a pas voulu des disciples laissés à des croyances et des parcours individuels. Le point de départ a été un groupe et les suivants se sont agrégés pour devenir une communauté structurée d’abord par les apôtres puis par d’autres responsables.

Tous les disciples sont appelés à servir et certains sont comme des « intendants » chargés de la bonne marche et de la protection de l’ensemble.

Que doit faire le bon intendant ? Jésus note trois points.
Etre fidèle et avisé : donc veiller à la fidélité envers le Seigneur et son Evangile et gérer avec prudence les rapports entre tous les membres.
Rester bien conscient qu’il n’est pas un chef qui manœuvre des subordonnés mais le guide à qui le Seigneur a confié quelques-uns de ses frères et sœurs.

Enfin veiller à les alimenter par le Pain de la Parole et de l’Eucharistie.
Lourde charge, on le voit. Car la foi commune n’aplanit pas les caractères, n’unifie pas les raisonnements, ne calme pas les susceptibilités. Les lettres de Paul, par leurs rappels permanents à la charité, manifestent que la concorde n’allait pas de soi et l’apôtre a connu des jours difficiles.

Si l’intendant oublie qui il est et qu’il exerce une tâche qui lui a été confiée, il peut tomber dans deux travers lamentables : devenir autoritaire, user de violence afin d’imposer ses décisions. Ou, par découragement, chercher compensation dans les excès de table et l’alcool.

Or son Seigneur un jour viendra lui demander des comptes. Qu’il ne se plaigne pas d’être jugé injustement car chacun sera jugé en proportion des connaissances qui lui avaient été données :

« A qui on a beaucoup donné, on demandera beaucoup »

CONCLUSION

Nous sommes déjà par grâce dans le Royaume du Père. Notre justice nous enrichit d’un trésor au ciel. Notre tablier de service est signe de notre amour. La flamme de l’espérance nous guide sur le chemin de la vérité. Dans les craquements du monde, nous percevons les pas du Seigneur qui vient. Guidés par nos frères bergers, nous formons les cellules vivantes du monde qui vient.

Vous avez dit : « Ringards …Eglise en décomposition » ? Allons donc. Nous vous précédons.

Frère Raphaël Devillers, dominicain

CHRIST EN VOUS, L’ESPERANCE DE LA GLOIRE (Col 1, 27)

CACHÉ DANS SES BLESSURES

Quand du regard des hommes je voudrais me soustraire,
quand l’image du miroir me viendra en dégoût.
Quand chaque voix dehors me paraîtra odieuse,
quand le bruit de la ville aura tout déchiré.

Quand la lumière du ciel sera insoutenable,
tant les ténèbres en moi se seront épaissies,
quand la moindre caresse m’arrachera la peau,
quand toutes les paroles seront des mots de trop,
et qu’en vain vers mon Dieu mes yeux seront usés
d’attendre quelque signe ou quelque réconfort.

Alors il sera temps.
De chercher un refuge, au creux de tout silence.
De me terrer profond là où nul ne peut suivre.
Une sûre forteresse, mon ultime cachette.

Je voudrais y rester, immobile, comme la pierre,
silencieux comme la mer lorsque le vent s’arrête.
Sans parler, sans penser, me blottir en ce lieu,
porté dans les entrailles d’un autre, plus vivant.
N’ayant plus d’autre cœur que son cœur tout brûlant.

Nicher là, en secret, comme dans une blessure,
dans le creux du rocher et sa faille entrouverte.
Sans savoir par avance, sans chercher à comprendre.
Attendre, seulement, que tout me soit remis.

Tu as connu Jésus, la descente aux enfers, la nuit et son silence.
Tu as vu de ton Père la gloire étincelante,
illuminant d’un trait les ombres redoutables,
transfigurant les plaies, refermant les blessures.

Me voici. Reçois-moi.
Berce-moi dans tes mains, transpercées par la grâce,
Prends-moi dans ton côté, d’où jaillit l’abondance,
cache-moi dans ton corps.
Enseveli en toi, je ressusciterai,
vivant, plus que jamais.

Frère Franck DUBOIS,
du couvent dominicain de Lille

SITE : LE DIMANCHE DANS LA VILLE – 19ème dimanche 2019 – https://dimanche.retraitedanslaville.org/