Homélies et commentaires par fr. Laurent Mathelot OP

Résurgences

RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

ENTRETIEN avec José Bové, EURODEPUTE ECOLOGISTE
(PARU DANS MARIANNE 9.8. 2019)

Le groupe d’experts internationaux (GIEC) a publié ce jeudi 8 août un nouveau rapport sur l’état des sols et la façon dont leur surexploitation menace la sécurité alimentaire, appauvrit la biodiversité et amplifie les émissions de CO2. Les principales conclusions du GIEC pointent notamment la surexploitation des sols qui contribue grandement au réchauffement climatique.

Marianne : Cela fait des années que vous alertez sur la gestion durable des terres. Quelle a été votre première réaction au rapport du GIEC ?

Le modèle agricole agro-industriel continue son œuvre destructrice et clairement c’est un appauvrissement des terres. Tout ce qu’on voit à l’œuvre aujourd’hui, que ce soit en Indonésie avec l’huile de palme dévastatrice, ou encore au Brésil avec le défrichement des forêts, est catastrophique. On peut aussi parler des engrais qui stérilisent des millions d’hectares de sols. D’ici à quelques années, on pourrait arriver à 25% de rendements agricoles en moins si l’on continue comme cela, car notre sol est considérablement affaibli par toutes ces pratiques. Les sols deviennent morts. Le fait que le GIEC le dise me paraît très important, le problème c’est que dans le même temps on voit les accords de libre échange s’établir. Nos gouvernants n’assument absolument pas leurs responsabilités.

La co-présidente du GIEC parle d’une certaine « prise de conscience, partout dans le monde, des enjeux d’une transformation profonde de l’usage des terres ».

Tout ça est catastrophique ! Il y a un paradoxe entre ce que dit le GIEC et les accords de libre échange signés par nos Etats. Ces accords vont totalement à l’encontre de ce que préconise le GIEC. On nous fait de très beaux discours toutes les semaines sur le réchauffement climatique, mais les ministres de l’agriculture qui se sont succédé depuis deux ans, et bien avant, n’ont pas bougé d’une ligne. Les lobbys continuent à pousser pour toujours plus d’agro-industries, pour toujours plus de pesticides. Regardez le glyphosate, l’interdiction est reportée à la Saint-Glinglin.

Par ailleurs, ce comportement très paradoxal de nos Etats, qui signent toujours plus d’accords de libre échange qui accélèrent le réchauffement climatique, éloigne les citoyens de la politique. Les gens se demandent comment ils peuvent croire aux discours de leurs dirigeants si dans le même temps ils signent de tels accords.

C’est la même hypocrisie lorsque les députés reçoivent Greta Thunberg à l’Assemblée nationale et que dans le même temps on signe le Ceta. Les députés qui ont signé et qui disent que c’est parce que dans l’accord, il y a des clauses environnementales, c’est faux ! Le but du Ceta ce n’est pas de protéger l’environnement, c’est de faire du business. …Le problème c’est qu’une fois que c’est bétonné et transformé ça ne reviendra jamais à l’agriculture. Par ailleurs, plus on artificialise, moins l’eau pénètre dans le sol et donc elle ne ruisselle plus vers les nappes phréatiques et là, ça va créer des dégâts considérables. Chaque fois qu’on touche aux terres agricoles, on multiplie les risques de catastrophes naturelles.

Les conclusions du rapport impliquent un changement de modèle agricole. A-t-on les moyens de changer ?

Bien sûr que l’on a les moyens de changer notre modèle et en plus on sait ce qu’il faut changer. On peut retravailler nos sols, à condition d’arrêter d’utiliser les engrais de synthèse, d’arrêter les herbicides et pesticides. En fin de compte, d’arrêter de tuer tout ce qui contribue à faire vivre la diversité de nos sols. Ce qui manque encore une fois, c’est une volonté politique. ( …………….)

PARU DANS MARIANNE – le 09/08/2019


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