1er dimanche de l’Avent – Année C – 2 décembre 2018 – Évangile de Luc 21, 25-36

ÉVANGILE DE LUC 21, 25-36

« J’accomplirai ma Promesse de Bonheur » (signé) Dieu

Souvent traitée de rétrograde, l’Eglise aujourd’hui prend de l’avance : un mois avant la société, elle entre déjà dans la nouvelle année. Elle ne fait pas cela par originalité mais afin d’accomplir la mission dont son Seigneur l’a chargée : éclairer l’avenir de l’humanité par la lumière de l’Evangile vécu par ses témoins. Pour cela, chaque dimanche les Ecritures balisent sa route : elle les médite, en montre l’actualité et doit être la première à en vivre.

L’Evangile que nous recevons en ce premier jour nous secoue : pourquoi d’emblée nous bousculer, nous prédire des catastrophes, attiser nos peurs ? En fait il nous dit les deux points essentiels à savoir au moment de commencer une nouvelle étape de la vie : nous fixer notre but ultime et donc nous exhorter à la conduite adéquate.

1. L’HISTOIRE EST UN AVENT

Tout de go, en commençant par un « avent » (abréviation de « avènement »), nous savons que l’histoire n’est pas un éternel retour, une chute inéluctable dans l’abîme, une aventure sans queue ni tête : tous les événements conduisent à un avènement, à la venue inattendue et surprenante du Seigneur.
Certes notre histoire est sans doute un champ de batailles, un affrontement de forces colossales, une succession de tsunamis, de séismes, d’éruptions volcaniques, d’inondations, de chutes d’astéroïdes. Et nous, pauvres hommes ignares et imbéciles, nous ajoutons à ces calamités nos haines et nos guerres. Tant de larmes, tant de souffrances, tant de paniques, tant d’horreurs !

« Les hommes mourront de peur » dit Jésus dans son testament. Mais il poursuit : « Alors on verra le Fils de l’Homme venir dans la nuée, avec grande puissance et gloire ».

Donc nous n’entrons pas dans l’Avent pour faire semblant d’attendre la venue de Jésus à Bethléem, nous vivons un autre avent à la durée totalement inconnue, et qui nous conduit à la même rencontre, mais sous un mode totalement différent. Le nouveau-né couché sur la paille sera le Seigneur debout dans la Lumière, le condamné du Golgotha sera le Juge de l’humanité.

Dans la conscience de nos fautes répétées, cette perspective du jugement pourrait nous terrifier mais Jésus nous réconforte :

« Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre libération approche ».

Car sur la croix, Jésus ne s’est pas mué en comptable implacable : il s’est offert à la mort, comme l’agneau de Pâques, pour nous en libérer et nous offrir la miséricorde.
Comme Thérèse de Lisieux nous pouvons dire : « Je paraîtrai devant Dieu les mains vides ».

Donc ne soyons pas dupes des voyantes diplômées qui nous détaillent les actualités de demain. Une seule chose compte : non pas savoir ce qui arrivera mais « qui » arrivera.

Cette révélation de la fin nous apprend la manière de vivre aujourd’hui.

2. COMMENT VIVRE AUJOURD’HUI ?

Non, la vie n’est pas un long fleuve tranquille, nous ne sommes jamais à l’abri d’un revers, d’un accident car la société est comme une jungle où il faut se défendre vaille que vaille. Nos échecs nous démoralisent, la pression au travail fait basculer dans le burnout, la santé se déglingue, les amis nous lâchent, un fou du volant surgit et votre existence est en ruines, la mort fauche nos amours.

Il y a la foi, oui. On nous a dit que….Mais d’autres pensent tout autrement : qui a raison ? Les sarcasmes nous désarçonnent : « Tu crois encore à tout ça ? ». Et la vieille Eglise ne nous requinque pas autant qu’il le faudrait, ses liturgies nous ennuient souvent, ses prêches nous lassent.
Et puis quoi ? La vie est si courte, les bonheurs se fanent si vite : l’Evangile ne nous oblige pas à l’ascèse, à la tristesse, au renoncement à tout. Nous pouvons bien goûter aux plaisirs, nous divertir, nous bâtir un cocon confortable. Faire comme tout le monde.

Certes Jésus n’est pas Jean-Baptiste, on l’invitait à des banquets, il offrait du bon vin, il parlait de bonheur.
Mais il connaît notre égoïsme et il nous met en garde contre trois tentations insidieuses.

Tenez-vous sur vos gardes de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans la débauche, l’ivrognerie et les soucis de la vie.

Aujourd’hui encore notre société ne nous montre-t-elle pas la puissance de ces dérives ?

Dans le récit symbolique (c.à.d. fondamental) de la Genèse, on nous dit que lorsque Dieu a crée l’humanité en deux sexes, appelant l’homme et la femme à être un seule chair, il semblait tout heureux : « Il vit que cela était très bon ». Mais aujourd’hui les médias entraînent des multitudes dans la turpitude. La pornographie devient un fléau mondial qui défigure l’amour et, au lieu d’embellir le désir, elle l’éteint.

Bon est le vin, ce sont même des moines qui ont élaboré de grands crus. A Cana, Jésus trouvait déplorable d’en manquer. Mais la douce euphorie s’exacerbe. Ici encore il est tentant d’outrepasser les limites et la dégustation bascule dans l’alcoolisme. Quand le ciel est vide de Dieu, on aspire à un autre paradis … et on chute dans l’enfer de l’addiction.

La 3ème tentation paraît plus honnête : sous prétexte de bien faire, on se jette à corps perdu dans les activités, on s’attribue des charges insupportables, on ne s’arrête plus une minute, et on soupire : « Je suis crevé » pour recevoir les félicitations apitoyées. On croule sous les soucis mais du coup on n’a plus le temps d’échanger des confidences avec son épouse, on ne dialogue plus avec ses enfants. On ne prie plus.

LE REMEDE

« Prenez garde » conseillait Jésus qui nous connaît bien et qui sait que ces dérives peuvent conduire à la destruction de l’homme et à l’oubli de l’essentiel. La pente est glissante, ces mœurs se répandent, paraissent normales. Et il poursuit en donnant le remède :

« Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous pourrez paraître debout devant le Fils de l’Homme ».

Il ne s’agit évidemment pas de ruminer « tout va mal », de faire des cauchemars, de cultiver l’inquiétude, de se méfier de tout jusqu’à en perdre le sommeil. Ni non plus de baragouiner des formules de prière, d’invoquer le ciel à tout propos ou de réciter le chapelet en mangeant ses frites.

La foi chrétienne épanouit, rend cool comme on dit maintenant. Savoir que je dois être debout devant le Fils de l’homme me libère des reproches de ma conscience inquiète et des critiques des autres qui me rabaissent. Me rappeler un brin d’Evangile et invoquer l’Esprit au milieu de mes occupations ne me rend pas bigot mais plus clairvoyant sur les enjeux de l’existence, plus fort pour les décisions à prendre et plus humble devant mes limites et mes chutes.

IL EST VENU … IL VIENT … IL VIENDRA

Ce dimanche où se réalise ce que l’histoire ancienne préparait : la venue du Sauveur sous forme de pain partagé, le prêtre peut reprendre le souhait que Paul adressait à sa 1ère communauté :

« Frères et sœurs : Que le Seigneur vous donne – entre vous et à l’égard de tous les hommes – un amour de plus en plus intense et débordant…Qu’il vous établisse dans une sainteté sans reproche pour le Jour où notre Seigneur Jésus viendra avec tous les Saints…Vous avez appris comment il faut vous conduire : faites donc de nouveaux progrès » (2ème Lecture)

Dieu accomplit sa promesse de bonheur (1ère lecture). AVEC LUI BONNE ET SAINTE ANNEE.

QUE FAIRE ? MA PART

Les tragédies mondiales revêtent de telles dimensions, les forces de division sont animées d’une telle rage que les actions chrétiennes nous paraissent dérisoires.
Si bien que nous en concluons à notre incapacité.
Et nous nous résignons à la situation, tout heureux déjà de préserver notre tranquillité.
La légende amérindienne du colibri, rendue célèbre par Pierre RABHI, nous aidera à réfléchir.

Un jour éclata un immense incendie de forêt.
Tous les animaux terrifiés observaient, impuissants, le désastre.
Seul le petit colibri s’activa,
allant chercher quelques gouttes d’eau dans son bec pour les jeter sur le feu.
Le tatou, agacé par ses agissements dérisoires, lui dit :
« Tu n’es pas fou ?
Tu crois que c’est avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ? »
« Je le sais, répond le colibri, mais je fais ma part »

L’ÉGLISE DU VIETNAM ANIMEE D’UNE VITALITE EXCEPTIONNELLE

À n’en pas douter, le sang de ses martyrs, les violences, les persécutions et l’hostilité du pouvoir communiste actuel portent leurs fruits : l’Église du Vietnam affiche aujourd’hui une incroyable vitalité, particulièrement dans le nord du pays. C’est ce que souligne Frédéric Mounier, commissaire de l’exposition « Vietnam : Une fille ainée de l’Église en Asie » dont l’inauguration aura lieu ce samedi 24 novembre aux Missions étrangères de Paris : « C’est une Église réellement ressuscitée ».

Autour de Hanoï, la capitale peuplée de près de dix millions d’habitants, les paroisses égrenées au fil des rizières de la vallée du Fleuve rouge tissent un réseau catholique exceptionnel. Les séminaires sont restés fermés de 1954 jusqu’au milieu des années 2000. Les élites intellectuelles ont été décimées. Des centaines de milliers de catholiques ont fui vers le sud. Pourtant, les églises sont pleines du matin au soir, ainsi que les salles de catéchismes et les séminaires. De nombreuses églises sont construites chaque année. Un jeune prêtre le constate : « Ce qui nous a sauvés, c’est le communisme. En nous persécutant, il a maintenu la foi des martyrs.»

Des milliers de pèlerins chaque jeudi

La visite de la basilique de So Kiet, à deux heures de route d’Hanoï, permet de comprendre la source de ce catholicisme fervent. Chaque jeudi, plusieurs milliers de pèlerins viennent avec tambours et trompettes, vénérer les reliques des martyrs.

Le recteur, le père Joseph Mai Xuan Lan, retrace l’histoire mouvementée du lieu : « En 1954, le gouvernement a confisqué tous nos terrains, soit une vingtaine d’hectares, sauf l’église. En 2002, ils ont voulu y construire une école, mais les paroissiens ont exigé que les terrains soient rendus à l’Église. Enfin, en novembre 2017, le vice-Premier ministre nous a rendu les dix derniers hectares. » Désormais, des dizaines de milliers de pèlerins viennent se recueillir chaque mois devant les nombreuses urnes reliquaires conservées au sein du musée de la basilique. Et l’église ne désemplit pas, du matin au soir.

Une ferveur palpable

L’héritage des martyrs est encore plus palpable dans le diocèse voisin de Bui Chu. L’évêque, Mgr Thomas Vu Dinh Hieu, ne se lasse pas de faire découvrir son diocèse avec enthousiasme. Il est à la fois le plus petit du Vietnam par la taille (1.350 km²) et « le plus grand du pays » : 720 églises, 175 paroisses, un tiers de catholiques (pratiquants à 90%), 209 prêtres, près de 1.000 religieuses. À tel point que Mgr Vu Dinh Hieu regrette que : « Malgré les 190 séminaristes et les six à vingt ordinations par an, nous manquons de prêtres ! ».

Exposition « Vietnam : Une fille aînée de l’Église en Asie », Jean Marie Dufour et Frédéric Mounier.
Du 24 novembre 2018 au 29 juin 2019 aux Missions étrangères de Paris, 128, rue du Bac, 75007 Paris

Paru dans ALETEIA 24 11 2018

BRUNO CADORÉ : LA PRÉDICATION

Vous évoquez dans votre ouvrage la place particulière des femmes dans la spiritualité dominicaine, en parlant notamment de la veille et de la contemplation des femmes. Quelle est leur vocation ?

Dans notre famille dominicaine il y a des hommes et des femmes, des religieux et des laïcs, des clercs et des non clercs… Je pense qu’il faut donner aux femmes leur juste place dans l’Église, et nous vivons une période formidable pour cela. Il ne s’agit pas uniquement d’une question de rééquilibrage des charges ecclésiastiques et des pouvoirs. Selon moi, la place des femmes est dans la réciprocité. Ce terme dit beaucoup plus que l’égalité. La réciprocité englobe l’égalité en incluant une mutuelle dépendance. Elle dit que la liberté de l’un est déposée sous la vigilance de la liberté de l’autre. Dans la prédication et l’annonce de la Parole de Dieu, les femmes ont une capacité de contempler et de veiller qui leur est propre. Elles sont celles qui sont plus à même d’écouter Celui qui approche. Tout être humain veille à la vie, mais la façon dont le font les femmes leur est propre. L’évangélisation, ce n’est pas seulement déposer la Parole en quelqu’un, c’est veiller à l’engendrement de cette Parole en lui. Ce n’est pas pour rien que l’apôtre des apôtres est une femme : il s’agit bien ici de veiller à l’engendrement de quelqu’un par la parole.

Vous dites que Marie-Madeleine, l’apôtre des apôtres, est la dépositaire émue de la totalité de l’Annonce…

Elle est celle qui est au terme d’une vie perdue… Elle vient rendre hommage au corps de Celui qu’on a tué. Elle ne le trouve pas. Elle est émue par ce qui pourrait encore être arrivé. Tout ce qui avait donné du sens à sa vie semble s’écrouler. Elle est émue de voir que le Christ n’est plus là. Puis, elle entend une voix. Elle voit un jardinier, cette rencontre l’émeut. Cette voix qui s’adresse à elle l’émeut au plus profond, elle renoue avec cette relation qui a donné du sens à sa vie. Elle est émue d’être rappelée par son nom, de ressentir à nouveau ce lien unique qu’elle a avec son Seigneur. Jésus lui révèle qu’Il est bien Lui, que c’est à elle qu’Il parle. Il faut alors qu’elle aille au delà de l’émotion, pour aller au devant de la Parole de Dieu et la faire naître auprès des autres. Nous avons besoin de cette émotion, celle de ressentir que Dieu se fait proche de chacun. Marie Madeleine a expérimenté de nouveau cette proximité avec Jésus. Elle comprend alors qu’elle est envoyée pour permettre à d’autres d’expérimenter à leur tour cette proximité.

Écouter avec Lui l’envers du monde est le titre de votre livre. Qu’est-ce l’envers du monde ?

C’est ce qu’on ne voit pas. Ce qui tient la tunique, le corps du Christ. Ce qu’on pourrait oublier.  Oublier de dire ou de considérer : ceux qui croient qu’ils n’ont pas de place en ce monde, les peuples trop fragiles ou perdus, ceux qui ne comptent pas et qui sont pourtant essentiels pour tenir l’ensemble de la tunique. Il y a un seul vêtement, une seule tunique, une seule pièce… Il n’y a pas d’endroit sans envers. Quand la tunique est abîmée, c’est par l’envers qu’on la recoud. On ne peut pas l’oublier. Nous sommes tous des hommes à part entière : nous partageons tous la même humanité. Il n’y a pas le droit à l’indifférence envers tels ou tels que nous jugerions moins importants.

Comment écouter cet envers du monde avec Dieu ?

Ne le savons-nous pas tous plus ou moins intuitivement ? Je n’ai pas le sentiment de le savoir mieux que les autres. Mais je crois que pour être vraiment en présence de quelqu’un, un de ses amis par exemple, il faut d’abord être en présence de soi-même. Il faut avoir envie d’être authentiquement avec soi-même. Cela va ensemble, sans être une condition préalable. En fait, Dieu nous aide à nous mettre en présence de nous-même. Aller à sa rencontre, c’est espérer une transformation de nous-même grâce à cette rencontre.

C’est à dire faire acte d’abandon ?

Il faut faire ce qu’on peut… Peu importe les objectifs trop détaillés. Ce qu’il faut, c’est tenir une ligne, celle de la rencontre avec Lui. Pas dans le but de savoir quelque chose de plus, mais de le laisser changer quelque chose dans notre vie. Il faut attendre que quelque chose change, sans savoir exactement quoi ou même si vous en êtes capables. Espérer et le laisser agir.

Comment garder la force de l’espérance ?

Vous en avez vous-même l’expérience. Il n’y a pas de recette ou de plan d’action universel. Ce dont nous avons tous besoin, c’est que quelqu’un nous dise qu’il est avec nous sans condition. Nous voulons pouvoir compter aux yeux d’un autre sans condition, peu importe ce qu’il fera. Quelqu’un qui va se tenir avec moi quoi qu’il arrive. C’est cette fidélité de la présence qui fait naître en moi ma propre capacité d’espérer.

Que dites vous à ceux en qui résonne un appel à s’engager en tant que religieux ou laïc mais qui doute de ne pas être à la hauteur ?

C’est l’Évangile, c’est Jésus qui s’approche de moi. Ai-je le désir de contribuer à cette approche des autres ? Je ne suis pas sûr d’en être capable, je sais que je n’y arriverai pas tous les jours, que je rencontrerai beaucoup d’obstacles. Peu importe, je ne doute pas de Jésus et de sa parole. Le comment est peu important, ce n’est pas ma volonté d’être à la hauteur qui compte, c’est la Parole qui se met à ma hauteur. La Parole de Dieu ne demande jamais plus que ce dont nous sommes capables. On perd parfois trop de temps à se demander si on est capable de ceci ou de cela. Il faut plutôt se demander : cette Parole de Dieu est capable de moi. Elle veut s’approcher du monde. Est-ce que j’y crois ?

J’aime raconter cette histoire. Un de mes frères aimés me disait que l’homme demande souvent à Dieu son adresse, et Dieu l’invite à… l’envers du monde. C’est son adresse, parce qu’Il se tient avec ceux qui, à leurs propres yeux, pensent qu’ils ne comptent pas. Or, pour Dieu, tous les hommes comptent.

Entretien paru dans ALETEIA 11. 2018

34ème dimanche – Année B – 25 novembre 2018 – Évangile de Jean 18, 33-37

ÉVANGILE DE JEAN 18, 33-37

LE CHRIST, ROI DE L’UNIVERS

Ce dimanche, tout ordinaire dans le calendrier civil, revêt une importance significative pour les chrétiens : dernier de l’année liturgique, il proclame et célèbre le « CHRIST ROI DE L’UNIVERS ». Dans l’histoire qui se déroule comme un affrontement de puissances tantôt écrasantes tantôt séductrices – toujours idolâtres et mortifères -, l’Eglise nous invite à reconnaître la Royauté universelle du Christ Jésus.

Mais où donc Jésus a-t-il été proclamé Roi ? Au Golgotha où, pauvre pantin ensanglanté sur la croix, il pendait sous un écriteau notifiant le motif de son exécution : « JESUS LE ROI DES JUIFS ».
Paul qui fut d’abord révulsé par cette horreur, écrira peu après, fièrement : « Nous prêchons un Jésus crucifié…Il est Christ, puissance de Dieu et Sagesse de Dieu » (1 Cor 1, 23).

Aujourd’hui Jean nous explique comment comprendre cette Royauté paradoxale et scandaleuse.

RESPONSABILITE DU SANHEDRIN

Qui est responsable de l’exécution de Jésus ? Une épouvantable méprise a fait attribuer la crucifixion aux Juifs désignés de manière absurde de « peuple déicide ». Déjà au concile de Trente mais surtout à celui de Vatican II, l’Eglise a condamné cette dénomination qui, hélas, avait conduit à des pogroms odieux et finalement à l’horreur innommable de la Shoah.
En effet, lorsque Jésus est entré à Jérusalem, les habitants ne connaissaient que par ouï-dire ce prophète qui circulait là-bas en Galilée ; quant aux dizaines
Paniquant devant une guerre imminente, Caïphe et d’autres décidèrent l’exécution rapide de Jésus. Ne disposant pas du droit de mort, il leur fallait recourir à Pilate et comme ce Romain ne comprenait pas le sens juif de « messie », on lui présenta le prisonnier comme « roi » : accusation gravissime, crime de lèse-majesté passible de la mort la plus ignominieuse, la croix.

JESUS DEVANT PONCE PILATE.

Jean raconte la Passion de Jésus comme une tragédie en trois actes dont le centre est la comparution de Jésus devant Pilate. Problème capital et de toujours : quel est le rapport entre le pouvoir et Jésus, entre l’Eglise et la politique ?…
Les délégués du Sanhédrin amènent Jésus à la forteresse de Pilate et refusent d’y entrer : la Pâque ayant lieu le soir même, ils se souilleraient en pénétrant dans une demeure païenne. Pilate se retrouve devant un inconnu et il va devoir sortir puis rentrer pour conduire son interrogatoire. Il est perplexe devant des autorités juives qui le pressent d’exécuter un compatriote, il ne comprend pas les raisons de leur acharnement. Car il a vite compris que Jésus n’avait rien d’un Che Guevara. Ses soldats lui ont appris que l’arrestation s’était déroulée sans résistance et que les disciples de ce Jésus s’étaient enfuis sans combattre. Il serait donc décidé à relâcher ce rêveur, ce poète, cet illuminé pour exécuter plutôt le dangereux Barabbas. Mais les accusateurs insistent, veulent la mort. « Roi » : qu’est-ce que cela signifie ?
Le petit dialogue en 7 répliques est à relire, à méditer, à prier. Car c’est notre foi en Jésus, notre comportement de citoyen chrétien, c’est l’attitude de l’Eglise devant tous les Pouvoirs qui se jouent.

Pilate rentra dans le Prétoire, appela Jésus et lui dit : « Es-tu le roi des Juifs ? »
– Dis-tu cela de toi-même, ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ?
– Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ?
– Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici.
– Alors, tu es roi ?
– C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix.
– Qu’est-ce que la vérité ?
Ayant dit cela, Pilate sortit de nouveau à la rencontre des Juifs, et il leur déclara : « Moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation ».

Donc Jésus ne cherche aucune échappatoire : il revendique clairement le titre de Roi. Le gouverneur, homme de pouvoir, n’entendant ce titre qu’au sens politique, Jésus tente de lui expliquer.
Ma royauté n’est pas DE ce monde. Attention ! cela ne la confine pas dans le domaine de l’âme, de la conscience et de la piété ni ne la renvoie dans l’au-delà, à la fin de l’histoire. La royauté de Jésus n’entend pas territoire, pouvoir central, armée, palais, armements, finances ; elle ne s’exerce absolument pas à la manière des puissances mondaines ; Jésus n’est pas concurrent de Pilate. Mais sa royauté s’exerce bien DANS le monde des hommes. Comment ?

Jésus fait allusion à sa mystérieuse identité : Je viens d’ailleurs, de Dieu mon Père qui m’a envoyé pour une unique mission : TEMOIGNER DE LA VERITE. Homme misérable devant la force, je manifeste le vrai Dieu. Je ne suis pas que son porte-parole : je suis sa Parole, son sens, sa signification, son amour qui s’incarne dans un homme par amour des hommes. Je suis révélation de Dieu et révélation de l’homme.

Comment participer à ce Royaume ? « Quiconque est DE la Vérité écoute ma voix ». D’où qu’il vienne, quel que soit son passé, tout humain est invité à condition qu’il accepte d’ « originer » son existence à partir de la recherche sincère de la vérité. En étant pauvre de cœur, en refusant de se blinder dans ses certitudes, de se vanter de ses qualités intellectuelles ou morales, en acceptant de se laisser remettre en question, en avouant son inachèvement, ses limites, en se dépouillant de tout orgueil. Ce n’est pas une question de nation, de famille, de culture, de science, de morale.

Alors le cœur humain devient capable d’écoute. « Celui-là écoute ma voix » : Jésus devient son Bon Berger et il se met à le suivre. Car la vérité n’est pas paquet de connaissance, évasion mystique, perfection inoxydable, échafaudage philosophique ou théologique. Elle n’est pas découverte de principes mais de Quelqu’un. Elle est dé-routante, cheminement, recherche jamais assouvie. Donc parfois égarement, chute, lassitude. Mais la brebis égarée est toujours cherchée et reconduite à la communion des autres. Car la Vérité du Royaume de Jésus se vit ensemble ; elle se purifie, elle s’affine par les confrontations, elle grandit dans l’amour mutuel et la réconciliation toujours partagée.

L’IMMENSE ERREUR DE PILATE.

Pilate était un homme cultivé : pour devenir gouverneur, représentant de l’Empereur, il avait fait des études, avait cherché à acquérir la sagesse en étudiant Homère, les plus grands philosophes, les diverses religions. Il était parvenu à la conclusion de l’homme intelligent, de l’esprit fort à qui on ne la fait pas. Aussi, excédé par ce minus juif qui lui semble proférer des énormités, il lance: « Qu’est-ce que la vérité ? »….et il sort en tournant le dos à celui-là qui, seul, pouvait lui répondre.

Il va retrouver les délégués, il proclame à nouveau qu’il ne voit aucune raison d’exécuter ce prisonnier, il fait même une tentative pour le libérer à la place de l’autre prisonnier, Barabbas, dangereux émeutier. Alors les soldats jouent une parodie du couronnement en affublant leur prisonnier d’une couronne de ronces et d’un vieux manteau rouge d’officier et en giflant celui qu’ils saluent en ricanant : « Salut roi des Juifs ». Puis on sort Jésus, Pilate l’installe sur le siège où il rendait la justice et s’amuse à lancer à la foule : « Voilà votre roi ». Mais quand on menace de le dénoncer à César et de ruiner sa carrière s’il relâche Jésus, alors il cède et signe l’arrêt de mort de Jésus. Après tout un Juif de plus ou de moins, quelle belle affaire ? Et, avec son petit sourire sceptique, pour montrer son mépris des Juifs, il fait rédiger l’écriteau que l’on fichera en haut de la croix : « Jésus roi des Juifs ».

Le sceptique raffiné, le juge intègre peut en venir à condamner à mort un homme qu’il dit innocent. Refuser d’être « de la vérité » pour être « de l’ambition », « de la richesse », « de la tranquillité » conduit au déni de l’homme et au crime.

Mais c’est alors, ô merveille, au milieu de cette tempête de cris, de haine, de mensonges que va se manifester la Vérité :

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils non pas pour condamner le monde mais pour que, par lui, le monde soit sauvé ». [Jean 3, 16]

Retrouvés bientôt par le Christ vivant qui leur pardonne leur lâcheté et leur trahison, les disciples vont se disperser dans le monde pour annoncer la Bonne Nouvelle dont nous vivons encore : Jésus est le Messie qui a opéré la libération authentique, celle de la miséricorde, il est la Vérité, Il est le Roi, le Seigneur.

Ainsi se termine notre année chrétienne. Conscients du mal dont nous, les hommes, sommes capables mais émerveillés de l’Amour que Dieu nous dispense par son Fils, nous repartons pour une année nouvelle, éclairés par la Vérité, à l’écoute de la Parole de Celui qui s’est laissé projeter au fond de notre gouffre afin de nous en extraire et nous conduire à la Vérité éternelle.
Il nous revient d’être une Eglise débarrassée de ses atours, purifiée de ses envies de grandeur : comme son Roi, moquée et condamnée, elle sera au service de son amour.

DOSTOÏEVSKI : LE SENS DE L’HOMME EST LIÉ AU SENS DU CHRIST

Chez Dostoïevski, le sens de l’homme est lié au sens du Christ.

Sur l’échafaud, quelques instants avant le simulacre de pendaison, il s’approche de son ami Spechniov et lui souffle à l’oreille en français : « Bientôt nous serons avec le Christ ».

À 33 ans, il choisit encore le Christ. Au bagne, écrit-il, « je me suis compris… J’ai compris le Christ… J’ai compris l’homme russe… Ne me dites pas que je ne connais pas le peuple… Je le connais, c’est de lui que j’ai reçu de nouveau dans mon âme le Christ, que j’avais connu dans la maison paternelle lorsque j’étais enfant, mais que j’avais perdu. »

Dostoïevski est fasciné par l’humanité du Christ, par sa nature humaine parfaite. « J’ai composé mon Credo, dans lequel tout est clair et saint. Il est très simple, le voici : croire qu’il n’y a rien de plus beau, de plus profond, de plus attrayant, de plus raisonnable, de plus fort et de plus parfait que le Christ… Mieux encore, si quelqu’un me démontrait que le Christ n’est pas dans la vérité, et qu’effectivement la vérité n’est pas en lui, j’aimerais mieux rester avec le Christ plutôt qu’avec la vérité. »

Archéologie : la pierre qui prouve que Ponce Pilate a bien existé

Nous connaissons tous évidemment Ponce Pilate et son rôle dans la Passion du Christ. Toutefois, nous en savons bien peu sur la personne, hormis son arbitrage dans le jugement du Christ. Nous savons qu’il était le préfet romain qui a régné sur la Judée pendant le règne de l’empereur Tibère (14-37 après JC). Mais à part sa présence dans les Évangiles, de brèves références d’historiens romains et quelques pièces de monnaie prétendument frappées par le préfet, il y a très peu de preuves que Pilate n’ait jamais existé.

C’était jusqu’à la découverte en 1961 de la « pierre de Pilate », un morceau de calcaire sculpté avec le nom de Pontius Pilate. L’archéologue et docteur italien Antonio Frova et son équipe ont découvert la « pierre de Pilate » en fouillant un ancien théâtre romain à Césarée, en Israël, construit par le décret du roi Hérode, vers 10 avant JC. UCatholic.com explique que Pilate exerçait ses fonctions à Césarée, ville qui a remplacé Jérusalem en tant que capitale administrative de la Judée en 6 après JC.

Bien que la pierre ait été abîmée par le temps, des fragments de l’inscription sur le calcaire peuvent encore être distingués. D’après ce que les archéologues peuvent lire, cela semble être une pierre de dévotion. Il est inscrit :

Pour le Divin Augusti [ce] Tiberieum
… Pontius Pilate
… préfet de Judée
… a consacré [ce]

Cette découverte confirme la position de Pilate en tant que préfet de Judée, ainsi que l’époque à laquelle il exerçait ses fonctions. UCatholic note que d’autres sources laïques mentionnent le préfet, comme les écrits de Flavius Josèphe dans les Antiquités juives vers 94, Philon d’Alexandra dans Ambassade auprès de Caligula, ou encore Publius Cornelius Tacitus (Tacite), l’un des historiens romains les plus connus.

Cependant, ces travaux ont tous été écrits plusieurs décennies après que Pilate a été démis de ses fonctions de préfet de Judée. La « pierre de Pilate » est donc à ce jour la seule preuve directe de l’existence de Pilate qui, littéralement, a gravé sa valeur historique dans la pierre

À LA RUE, DES MERES EN DETRESSE

Le 4 septembre dernier, l’association Interlogement 93 lançait l’alerte. Dans son communiqué intitulé Des bébés sans abri : le cri du cœur du 115 de Seine-Saint-Denis, la structure alarmait sur la situation explosive du département en termes d’accueil d’urgence pour les femmes enceintes ou les jeunes mères. « Ce mercredi 29 août, indique le communiqué, deux femmes ont été contraintes de quitter les maternités où elles avaient accouché pour se retrouver à la rue avec leurs nouveau-nés. » Sur l’année 2017, l’association a ainsi recensé 653 mères sans abri après la maternité, trois fois plus qu’en 2014.

« Les chiffres sont exponentiels d’un mois à l’autre », confirme Anne-Laure Joly, directrice du centre mère-enfant Asmae-Association Sœur Emmanuelle à Bobigny (93). « Le nombre de nuitées hôtelières a atteint son maximum pour les familles, il n’y a plus de place. » Beaucoup de femmes avec enfants – pourtant prioritaires pour trouver un hébergement – ne tentent même plus leur chance au 115 et se tournent vers les urgences des hôpitaux ou les gares. En journée, les structures d’accueil qui leur sont réservées sont prises d’assaut. « Pour elles, c’est un parcours du combattant permanent »,décrypte la directrice d’Asmae à Bobigny.

Des réflexes de survie

Orientées vers différentes associations qui leur fournissent ici un colis alimentaire, là des vêtements, ou encore un espace hygiène avec douches et lave-linge, « elles passent leur temps à aller chercher de quoi vivre pour elles et leurs enfants »,conclut Anne-Laure Joly. Sans compter un risque de prostitution qui s’aggrave pour ces mères en très grande précarité qui « ont développé au fil du temps des réflexes de survie »

(LA VIE – 12 11 18)


COMMENTAIRE : On annonce d’autre part que le nombre de millionnaires ne cesse de croître et que le commerce des produits de luxe bat des records de vente. L’écartèlement de la société se poursuit. (diable signifie « diviseur »)

Bruno Cadoré : « La prédication, c’est l’annonce que Dieu s’approche »

C’est en 2010 que les Dominicains ont choisi pour Maître ce Français aux racines où se mêlent les terres de Bourgogne et de Martinique. Sa formation originale, qui réunit la médecine et la théologie, lui a permis d’apporter un regard profond dans la recherche et l’enseignement en bioéthique et dans sa participation au Conseil national du sida, tout en exerçant la responsabilité du Provincialat. Et c’est à l’heure de quitter la tête de l’Ordre que Frère Bruno a décidé de prendre la parole à la fois pour rappeler la mission de la famille dominicaine dans le monde contemporain et inviter tous les chrétiens à cette joie de savoir que Dieu voudrait parler dans le monde.

Aleteia : L’ordre des prêcheurs a été fondé il y a 800 ans. Comment peut-il évangéliser dans le monde du XXIe siècle ?
Bruno Cadoré : C’est une question importante ! Évidemment tellement de choses ont changé… Et en même temps, rien n’a changé ! L’évangélisation, c’est toujours et avant tout une rencontre. L’enjeu d’aujourd’hui, c’est celui de savoir comment les prêcheurs vont annoncer l’Évangile aux hommes de notre temps. Évangéliser c’est d’abord se mettre en silence et s’effacer derrière la Parole de Jésus. Il est important de mesurer à quel point les paroles humaines se montrent bien fragiles pour Lui faire écho avec justesse.

Être un bon prêcheur, c’est se mettre à l’écoute de Dieu ?
Il me semble que la réponse se trouve auprès de celui qui a le goût des rencontres vraies avec les gens. Celui qui, avant même de se demander ce qu’il faudra dire ou faire, veut aller à la rencontre de l’autre. La prédication, c’est cela, rien du prêcheur et tout de Lui. Long ou bref, peu importe, le silence fonde le mystère, tel qu’il s’impose après la communion ou dans l’homélie.

Faut-il être familier de Dieu comme l’était saint Dominique pour aller à la vraie rencontre de l’autre ?
Dieu est tellement différent et autre que nous ! Et en même temps, il est tellement proche ! La prédication, c’est l’annonce que Dieu s’approche. C’est le message du prêcheur, et celui de Jésus aussi. Dieu, tellement grand, haut et différent s’approche de nous. C’est le message le plus important de l’Évangile.

Comment s’est passé votre propre cheminement vers les Dominicains ?
J’ai rencontré les prêcheurs… sans les avoir vraiment cherché ! Bien-sûr, je souhaitais rencontrer Dieu, vivre quelque chose avec Lui. Je me souviens surtout du jour où j’ai visité une communauté dominicaine. Je me suis senti chez moi, tout simplement. À la maison. L’important, c’est ce sentiment, au moment d’une rencontre, qu’on est arrivé au bon endroit. Même si vous n’avez pas préparé particulièrement cette rencontre, il y a un moment où les choses se mettent en place. Elles se préparent souvent de longue date, même pour ce qu’on n’a pas cherché particulièrement.

Que signifie pour vous vivre en frère dans une communauté ?
Nous partageons le même destin. Le frère partage mon destin, ma vie, mes soucis, mes goûts, mes inquiétudes, mes joies. C’est comme si nous étions à égalité de destin. Ce qui ne veut pas dire qu’il est comme moi. Nous restons différents, mais nous partageons ce qui arrive aux uns et aux autres. Ce qui inquiète un frère m’inquiète, ce qui le réjouit me réjouit.

Et l’obéissance ?
Pour moi, l’obéissance, c’est l’écoute de la Parole de Dieu, l’écoute de la Parole de Celui qui dit qu’Il vient, qu’Il s’approche. L’obéissance humaine s’enracine dans cette première écoute fondamentale, celle de la Parole de Dieu : « Je viens ». L’obéissance dans la fraternité nous permet de nous mettre chacun à la disposition de cette Parole. Entre les frères, l’obéissance, c’est aussi confier sa propre vocation à ses frères. Faire confiance aux autres pour qu’ils nous aident et nous apprennent comment écouter cette Parole qui s’approche, et comment lui répondre. C’est confier notre désir d’écouter la Parole à la vigilance des autres. (à suivre)

Écouter avec Lui l’envers du monde – Editions du Cerf, novembre 2018

Paru dans ALETEIA 15 11 2018
La seconde partie de cet entretien paraîtra dans notre n° suivant.

33ème dimanche – Année B – 18 novembre 2018 – Évangile de Marc 13, 24-32

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ÉVANGILE DE MARC 12, 38-44

VISIONS D’APOCALYPSE

De jour en jour, au cœur du temple de Jérusalem, l’étau se referme sur Jésus. Il déçoit le peuple par son impuissance, il est surveillé de près par les Romains qui craignent une révolte possible, il est jugé blasphémateur par les grands prêtres. Et ses disciples sont désemparés et silencieux. Effrayante solitude.

Alors, pour la dernière fois, il quitte le temple. Celui-ci peut-il être encore la demeure du Père si l’on en chasse le Fils ? Nulle sacralisation, nulle liturgie ne peuvent enfermer Dieu dans un espace. Dieu doit être vu avec Jésus : sinon l’idolâtrie menace.

Personne ne comprend l’importance tragique de ce moment : Jésus, triste à en mourir, sort de la ville, descend dans la vallée du Cédron et remonte, à l’est, sur la pente du mont des Oliviers. De là, émerveillés, les disciples s’extasient sur la ville éclairée par les derniers rayons du soleil couchant et la splendeur du nouveau temple, « Comme c’est beau ! ». Quand tout à coup Jésus rétorque: « Tout sera détruit ! ».
Et, à ses apôtres majeurs, il livre son ultime enseignement, son testament. La liturgie ne nous en fait entendre que la fin mais il faut relire tout le chapitre où nous est révélé le sens de l’histoire.

UNE HISTOIRE CHAOTIQUE MAIS ECLAIREE PAR LA FOI

Après la disparition de Jésus, l’histoire va se poursuivre et apparemment rien ne sera changé. La terre subira des inondations, des séismes et des tsunamis. Les hommes continueront d’être emportés par l’orgueil, l’ambition et la cupidité et, hélas, se feront des guerres sans merci.
Mais au lieu de paniquer en croyant à la fin du monde, il vous faudra, vous les disciples, dans l’effroi et la terreur, voir dans ces événements comme les douleurs de l’enfantement. L’univers se tord mais un nouveau monde est en train de naître dans les spasmes de l’ancien. La mort, dans la foi, est le début d’une renaissance. Ne désespérez jamais.

Il faudra annoncer l’Evangile dans le monde entier. Car il n’y a qu’un Messie : Jésus ; et il n’y a qu’une Bonne Nouvelle. Toutefois partout et toujours il y aura résistance, refus, haine. Vous, les disciples, vous serez moqués, chassés, livrés aux tribunaux, torturés, exécutés. Vos familles seront déchirées, vous serez haïs de tous. La Croix du Golgotha ne cessera de projeter son ombre.
Mais ne cherchez pas des arguments persuasifs, ne vous fiez pas à l’éloquence, surtout ne vous blindez pas dans la puissance. Vivez l’Evangile de la faiblesse et l’Esprit vous soufflera ce que vous devez dire. Bien avant l’O.N.U., et mieux qu’elle, vous travaillerez à l’unité du monde et à la paix universelle.

La si belle « Ville de la Paix » (Iéru-shalom) sera détruite et son Temple majestueux disparaîtra dans les flammes. Ce jour-là, il faudra fuir au plus vite ! Et en effet, pour avoir préféré Barabbas, l’homme armé et violent, plutôt que Jésus, le doux et pauvre, Israël se soulèvera et sera impitoyablement écrasé par les légions romaines en l’an 70 – au moment où sans doute Marc commence à écrire son évangile. Il ne s’agissait pas là d’une vengeance de Dieu. Mais lorsque les hommes refusent le Fils, ils sont livrés à eux-mêmes, à leur orgueil, leurs ambitions, leur cupidité, leur instinct de vengeance. Et nul lieu saint ne peut se croire inviolable, nul chef-d’œuvre ne peut se dire éternel.

Dans ce tohu-bohu d’événements tragiques, cette succession de catastrophes épouvantables, un terrible danger menacera : en conclure que Jésus n’est pas le Messie, que l’Eglise nous a trompés et prêter l’oreille à celui-là qui surgira en proclamant : « Moi, je vais vous apporter le bonheur, je suis le Sauveur ». Combien de dictateurs, combien de conquérants, combien de fous enragés, combien d’idéologues ont fasciné les foules par leur verbe impétueux, leurs promesses alléchantes ? Pourquoi des millions de baptisés ont-ils été hypnotisés si facilement par Hitler qu’ils considéraient comme sauveur (« Heil ») ? Comment ont-ils voté pour cet homme qui avait écrit que tous nos malheurs viennent des Juifs et qu’il fallait exterminer ce peuple avant de s’attaquer à supprimer l’Eglise ? Le rêve « Deutschland über alles » s’est effondré dans les flammes et les ruines.

Et nous-mêmes, aujourd’hui, nous aimons écouter les messages qui flattent nos passions. Les hérauts de la société de consommation, les sirènes de la publicité, les sollicitations des médias et des penseurs célèbres nous promettent la libération de la religion et le bonheur par la multiplication insensée des biens, par de nouvelles méthodes de maîtrise de soi. Ecoutons-nous les prophètes qui, depuis des années, nous alertent sur les dangers mortels de notre mode vie à l’occidentale ? Certes les progrès sont indubitables, on nous soigne mieux. Mais on perçoit de plus en plus clairement qu’il est impossible de poursuivre dans cette voie. Pouvons-nous, devant nos berceaux, continuer à dire : « Après nous le déluge » ? L’enrichissement ne sauve pas : Jésus l’a sans cesse répété. « PRENEZ GARDE » répète Jésus.

L’ESSENTIEL : LA VENUE DU FILS DE L’HOMME

L’histoire est-elle condamnée à rester un tourbillon de petits bonheurs et de grands malheurs ? Tourne-t-elle en vain dans un éternel retour ? Se précipite-t-elle dans l’abîme du néant ? Non car celui qui a été le misérable « serviteur souffrant » annoncé par Isaïe, rejeté comme infâme dans l’enfer du Golgotha sera le « Fils de l’homme » annoncé par le prophète Daniel, qui viendra dans la plénitude de la gloire de son Père pour établir la paix de la justice et la lumière de l’amour. Alors il enverra ses messagers pour opérer la communion plénière et définitive des croyants. Telle est l’espérance qui permet de traverser désastres et persécutions, de rendre sourd aux mensonges des faux messies.

Quand cela se passera-t-il ? Il est impossible d’en fixer la date. Alors, comment, à travers les bourrasques et en dépit de nos faiblesses, tenir bon ? Deux petites paraboles nous l’apprennent en terminant l’enseignement.

VOIR – ATTENTION AUX SIGNES DE VIE

En hiver, la nature donne l’impression d’être morte. Mais son inertie n’est qu’apparente : à l’approche du printemps, au retour de la lumière, petit à petit de jeunes pousses vertes apparaissent au bout des branches.
Quand les tempéraments pessimistes macèrent dans l’aigreur et ne les remarquent même pas, ouvrez les yeux, dit Jésus.
Quand les médias vous martèlent des mauvaises nouvelles, regardez outre. Le non-dit est souvent l’essentiel.
Quand on vous dit que Jésus est mort en l’an 30, voyez comment, dès les années 40, des communautés chantent sa gloire et vivent de son évangile dans tous les pays païens environnants.
Quand on vous ressasse que des multitudes croupissent dans la misère, voyez mère Térésa, Sr Emmanuel et combien d’autres petits qui ouvrent des bourgeons de vie, de partage avec les pauvres.
Quand les taches des scandales souillent le visage de l’Eglise et en détournent des foules désabusées, voyez nos frères syriens revenir dans leurs villes dévastées par Daesh et rebâtir leurs églises où leurs parents ont péri. Les coquelicots fleurissent sur les taches de sang des martyrs.

AGIR – A CHACUN SA RESPONSABILITE

Prenez garde, restez éveillés : car vous ne savez pas quand ce sera le moment. C’est comme un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller. Veillez donc, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin. S’il arrive à l’improviste, il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis. Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »

L’Eglise n’est pas au Pape ni aux Prélats ni à nous : elle n’est pas un organisation dirigée par la Curie. Elle est la demeure du Christ.
Mais nous en avons tous la charge, chacun a reçu sa mission, chacun est responsable et si elle semble souvent en piteux état, c’est à cause de notre impéritie. Notre péché fondamental est peut-être l’oubli de la fin.

VEILLEZ : telle est l’ultime consigne du Christ. Rester en état d’éveil évangélique ne signifie pas anxiété, appréhension du jugement divin, dédain des tâches temporelles immédiates. Au contraire, c’est la fin du voyage qui donne goût à chaque étape. C’est la promesse du futur glorieux qui donne poids au présent fastidieux. C’est l’amour du Christ attendu qui dynamise nos amours actuelles. La certitude de la venue du royaume des cieux valorise les tâches du royaume de la terre: en cessant d’être absolutisées, celles-ci cessent d’être idolâtriques donc mortifères.

« JE VOUS AI PREVENUS DE TOUT » (13, 23). L’essentiel est révélé.
L’Eucharistie dominicale est l’apocalypse, la révélation que Jésus ne cesse de venir.[/fusion_text][/one_full][one_full last= »yes » spacing= »yes » center_content= »no » hide_on_mobile= »no » background_color= » » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » background_position= »left top » hover_type= »none » link= » » border_position= »all » border_size= »0px » border_color= » » border_style= » » padding= » » margin_top= » » margin_bottom= » » animation_type= » » animation_direction= » » animation_speed= »0.1″ animation_offset= » » class= » » id= » »][fusion_text]

Raphaël Devillers,  dominicain
Tél. : 04 / 220 56 93   –   Courriel :   r.devillers@resurgences.be

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ARIELLE DOMBASLE : « LA FIGURE DU CHRIST A REVOLUTIONNÉ LE MONDE »

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Aleteia : Pourquoi avoir accepté de diriger la rédaction du magazine Jésus! ?

Arielle Dombasle : Je trouvais que l’idée de l’existence de ce magazine était une bonne chose, quelque chose de gracieux dont on a besoin. Donc j’ai trouvé cela presque évident que l’on s’adresse à moi puisque je suis quelqu’un qui vit de manière catholique depuis toujours. J’étais entourée par une équipe, ils m’ont soumis des directions…

Ce magazine est destiné aux croyants et aux non-croyants. Comment souhaiteriez-vous que ces derniers l’abordent ? Et que dire à quelqu’un qui se méfie du Christ ou de l’Église ?

Ils peuvent l’aborder de la manière la plus simple, car c’est un magazine qui se lit très facilement et qui est très contemporain. Il représente la place de Jésus dans tout : dans notre vie, dans l’art, dans la promenade, dans le recueillement, dans la musique, dans tous les domaines, même à notre insu. Nous sommes un pays totalement infusé, pénétré et très structuré par la foi chrétienne. C’est un refuge, qui est fondateur de tout ce qui est la pensée d’Europe occidentale. Quelqu’un qui se met méfie de l’Église, c’est qu’il ne la connaît pas, car s’il y a quelque chose dont il ne faut pas se méfier c’est vraiment de la figure du Christ qui n’est que grâce, générosité, charité, qui est là pour que le monde soit un peu meilleur et plus facile à vivre. C’est une figure qui ne fait que vous aider. Quant à l’histoire de l’Église, elle varie à travers les siècles. L’Église a toujours un rapport différent aux paroles du Christ selon les siècles, les lieux, les religions et les ritualités, car elle a un rôle de médiation. Ses membres sont ceux qui essayent de mettre en lien la Terre et le Ciel.

Aux questions que Jésus vous pose, de manière fictive, dans le magazine, vous avez des réponses quasi-mystiques, un peu comme Véronique Lévy (sa belle sœur, juive devenue chrétienne). L’êtes-vous aussi ?

Véronique Lévy, qui a vraiment fait une conversion très passionnelle, l’est peut-être davantage. Pour ma part, je me suis toujours intéressée aux grandes figures mystiques et religieuses. J’ai beaucoup étudié au Mexique saint Jean de la Croix (mystique espagnol et prêtre carme) qui était une personne remarquable et avant tout une personne immensément charitable.

D’ailleurs, ce qu’a apporté vraiment le catholicisme d’une manière révolutionnaire, c’est l’amour, la charité, le partage de la souffrance, l’idée que l’on est là pour s’entraider, pour s’aimer, qu’il y a une rédemption possible, que le mal n’est pas fatalement fatal, que le bien peut régner, que les gens peuvent s’aimer, que l’harmonie est possible, que les hommes ne sont pas une espèce ratée et qu’ils peuvent s’élever. La pensée chrétienne est celle à laquelle j’adhère complètement.

Vous dites à plusieurs reprises que vous protégez Jésus. De quoi et comment Le protégez-vous ?

Je Le protège en essayant que Sa parole reste vive, en essayant de toujours me mettre sous Sa protection, en tentant de Le défendre, en faisant en sorte que Sa parole soit comprise et que le monde soit un peu meilleur. Ce qui est extraordinaire avec Jésus est qu’Il a vraiment changé le visage du monde par Ses paroles, Ses actions et Son sacrifice.

À vous lire, on pense parfois au “Dieu, premier servi” de Jeanne d’Arc. En tant que femme en vue, comment avez-vous fait pour mettre votre orgueil de côté ?

J’ai une place spéciale car je suis une actrice. Je joue toute sorte de rôles, je suis sur scène, dans la lumière tout le temps, je crée ce personnage médiatique qui est moi sans être moi quelque part. Puis il y a l’autre moi, le moi intérieur, plus profond, qui est dans la vérité intime où je vis ma foi. Cette foi n’a pas besoin de preuves, je ne demande rien, elle est comme un don.

Le réalisateur Andreï Tarkovski disait que “la fonction de l’art est de préparer l’homme à sa mort, de labourer et d’irriguer son âme, et de la rendre capable de se retourner vers le bien”. C’est ce que vous avez voulu faire ?

Je ne dirais pas que ma démarche artistique a été faite au nom de Dieu et pour Dieu, non, ce serait orgueilleux. J’aime beaucoup que Tarkovski réfléchisse à la place de la création par rapport à la foi, car il est vrai que lorsqu’on construit une cathédrale, un retable ou des peintures qui évoquent des grandes figures de la Bible, au cours des siècles et avec autant de manières de les représenter, on peut dire que directement on contribue à irradier le monde de sa croyance. Mais je fais des choses trop différentes.

En revanche, apprendre à mourir, qui est le but de toute philosophie, je crois qu’on ne l’apprend jamais. En ce qui me concerne, l’idée d’un au-delà, des anges et du jugement dernier m’est familière.

Qu’aimeriez-vous qu’on vous dise au moment d’arriver là-haut, près du Père ?

J’aimerais qu’Il me dise : “Je t’ai attendue, je t’ai protégée et je t’ai aimée”.

 

Interview par Louise Alméras dans « ALETEIA » 8 11 2018

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32ème dimanche – Année B – 11 novembre 2018 – Évangile de Marc 12, 38-44

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……Impossible d’être frère si l’on n’est humble. Car c’est l’orgueil, si inévitable qu’il puisse paraître, qui provoque les tensions et les luttes du prestige, de la prédominance, du colonialisme, de l’égoïsme: c’est lui qui brise la fraternité.

……. Jamais plus les uns contre les autres, jamais, plus jamais!
Ecoutez les paroles lucides d’un grand disparu, John Kennedy, qui proclamait: « L’humanité devra mettre fin à la guerre, ou c’est la guerre qui mettra fin à l’humanité »…

Le sang de millions d’hommes, des souffrances inouïes et innombrables, d’inutiles massacres et d’épouvantables ruines sanctionnent le pacte qui vous unit, en un serment qui doit changer l’histoire future du monde: jamais plus la guerre, jamais plus la guerre!

C’est la paix, la paix, qui doit guider le destin des peuples et de toute l’humanité ! ………. »

[ L’intégralité du discours ]

[/fusion_text][/one_full][one_full last= »yes » spacing= »yes » center_content= »no » hide_on_mobile= »no » background_color= » » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » background_position= »left top » hover_type= »none » link= » » border_position= »all » border_size= »0px » border_color= » » border_style= » » padding= » » margin_top= » » margin_bottom= » » animation_type= » » animation_direction= » » animation_speed= »0.1″ animation_offset= » » class= » » id= » »][fusion_text]

ÉVANGILE DE MARC 12, 38-44

JESUS ENSEIGNE : ECOUTONS BIEN

Jésus avait bien calculé la durée de son long voyage et il atteignit Jérusalem juste quelques jours avant la fête de la Pâque, au moment où sans arrêt des multitudes de pèlerins venus de la diaspora entraient joyeusement dans la Ville sainte en chantant les psaumes. On acclamait ce jeune prophète galiléen qui annonçait la venue du Royaume de Dieu : était-il le Messie tellement attendu qui allait enfin libérer son peuple ? On racontait qu’il faisait des guérisons extraordinaires et on se montrait Bartimée, l’ancien aveugle à qui il avait rendu la vue. La ville était donc toute prête à s’enflammer pour chasser ces odieux païens qui souillaient la terre sainte depuis plus de 90 ans. Les zélotes avaient rempli des caches d’armes dans des lieux secrets. Que Jésus fasse un geste et la guerre éclatait.

Première grande surprise : tout au contraire Jésus appela au calme et conseilla même de continuer à payer le tribut annuel à César. Lâcheté ? Non : l’histoire allait lui donner raison car, 40 ans plus tard, l’insurrection armée éclata pour échouer dans un épouvantable massacre: Jérusalem fut détruite et le temple livré aux flammes.

Jésus causa une seconde surprise. Prophète intrépide et peut-être Messie, il aurait dû, comme son maître Jean-Baptiste, fustiger la conduite immorale de certains de ses compatriotes, dénoncer les méfaits, secouer les impies, menacer de la colère divine voleurs et prostituées, appeler à la conversion tous ceux qui n’observaient pas tous les préceptes de la Loi. Le Messie ne devait-il pas opérer un nettoyage moral ?

Jésus n’est ni un guerrier ni un pharisien. Le Royaume de Dieu ne vient ni par la violence ni par la morale. L’homme ne peut le construire comme il en a toujours envie : en supprimant ses ennemis ou en acquérant toutes les vertus.

Alors où était le problème pour Jésus ? Au cœur de la ville et du pays : au Temple, dans la Maison de Dieu. C’est vers le lieu le plus saint qu’il se dirige dès son entrée et c’est là qu’il va demeurer chaque jour jusqu’à ce que, excédés, ses adversaires l’arrêtent.

D’abord il chasse les vendeurs de l’esplanade : on ne transforme pas le temple en un lieu de commerce. On n’achète pas les grâces de Dieu à coup de sacrifices.

Ensuite il s’en prend aux responsables : soucieux de belles liturgies, ils observent tous les rites avec méticulosité mais ils n’apprennent pas aux participants à constituer le vrai peuple de Dieu, dans le droit et la justice. Le rituel ne fructifie pas en conduite sociale. Jésus recentre toute la vie croyante sur l’essentiel : l’amour de Dieu et l’amour du prochain.

Et enfin il affirme avec force qu’il y aura résurrection des morts car Dieu est le Dieu des vivants.

Mais au-delà de ces critiques, Jésus, le laïc, le paysan, le sans grade, laisse entendre son identité profonde : il affirme avoir le droit de purifier le temple, il se présente comme le vrai Fils envoyé par le Père, le Seigneur dont parlait David dans les psaumes. Prétention exorbitante, scandaleuse ! Qui donc est-il ?

Tout cela avait déjà été dit dans l’homélie précédente mais je le reprends pour souligner l’activité essentielle en ces jours de Jésus et que Marc appelle l’ENSEIGNEMENT.

LA PAROLE DE DIEU RETENTIT

Sous l’impulsion du roi Hérode, après des dizaines d’années de travaux gigantesques, le Temple de Jérusalem resplendit à l’époque comme un des plus monuments du monde. Les Grands Prêtres, avec une foule de prêtres et de lévites, y célèbrent chaque jour un culte majestueux. Les foules apportent des offrandes et s’y pressent en nombre. Les Romains respectent ce lieu sans y pénétrer car le grand Tribunal, le Sanhédrin, a obtenu d’en interdire l’accès aux païens.

C’est là qu’avec Jésus une voix forte s’y fait entendre. Le temple devient le lieu de la Parole. Chanter la Gloire de Dieu, lui offrir des sacrifices, c’est bien mais ce qui importe en premier lieu c’est de l’écouter. La confession de foi fondamentale, la première prière n’est-elle pas : « SHEMA ISRAËL », Ecoute, Israël, ce que dit ton Dieu ?

Parole publique non murmurée dans un cercle d’initiés mais lancée à tous vents. Parole intrépide qui ne ronronne pas des conseils pieux mais proclame la vérité sans concession. Parole franche qui ose dénoncer les défaillances et, en premier lieu, celles des responsables, des guides. Parole qui ne s’entortille pas dans des subtilités théologiques abstraites mais qui se centre sur l’essentiel : voici ce qu’il faut croire et mettre en pratique, maintenant tout de suite. Parole simple que le peuple comprend et qu’il écoute avec plaisir (11, 18 et 12, 37). Parole périlleuse car elle excite la haine de ceux qui ne veulent pas être dérangés dans leurs habitudes et met en danger la vie de celui qui l’énonce. Parole authentique parce qu’il y a adéquation entre son contenu et celui qui la proclame.

Aujourd’hui nous écoutons la fin de ce long affrontement public par un avertissement contre les mauvais enseignants.

MISE EN GARDE CONTRE LES SCRIBES

Ces spécialistes de la Torah avaient une mission essentielle : garder les Ecritures, en donner l’interprétation exacte, en dégager tous les sens, apprendre leur application précise au peuple. Mais ce n’est pas parce qu’on exerce une fonction importante, que l’on doit jouer à l’important.

Admirés par le peuple pour leur intelligence, leur finesse d’analyse, leur éloquence, ces érudits (pas tous : ne généralisons pas) se grisaient des compliments qui leur étaient adressés et avaient une certaine tendance à la vanité. Ils déambulaient en robes solennelles, ils goûtaient les salutations respectueuses, les compliments et les révérences, ils se laissaient prier, avec une discrète jouissance, pour se glisser aux premiers rangs des offices de la synagogue ou aux places d’honneur dans les banquets. « Après vous, cher ami, oh je n’en ferai rien, chochotte… ».

Pire, en hommes de loi rusés, certains abusaient de la confiance et de la naïveté des personnes âgées, sollicitaient de juteuses rétributions, proposaient des dons, d’abord à leur profit ou pour leur famille.

Et ce qui ajoutait à cette vanité et à cette cupidité, c’est qu’ils se présentaient comme des abonnés fidèles à la prière, des super-pieux. « Ils seront d’autant plus sévèrement condamnés » prévient Jésus qui, rappelons-nous, avait mis en garde ses disciples qui guignaient les honneurs et rivalisaient pour obtenir les premières places : dans le Royaume le premier est le serviteur de tous (9, 34 ; 10, 43). Tentation de Tartufe !

EN CONTRASTE : LA PAUVRE VEUVE

En un coin de l’esplanade, il y avait la salle du trésor avec, au mur, des fentes où les fidèles glissaient leurs aumônes. Jésus s’assied et observe la scène. Des riches, dodus et chamarrés, manœuvraient pour qu’on les remarque donnant de grosses pièces. Naïfs, les disciples béaient d’admiration : « Quelle générosité ! Quels braves gens ! ». Et voilà qu’une petite vieille s’approche et glisse deux sous : « A quoi ça sert ? ».

La scène permet à Jésus de donner un enseignement important : la générosité n’est pas une question de quantité financière mais de rapport entre ce que l’on a et ce que l’on donne. Le millionnaire qui plastronne en lâchant 3000 euros – et qui en outre le fait de façon ostentatoire pour s’attirer l’admiration – n’est pas généreux. Il n’a cédé que de son superflu : ce don n’égratigne pas son train de vie. Tandis que cette pauvre femme, dit Jésus, « qui a pris sur son indigence, a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre ».

Edifié par cet exemple, Jésus dans quelques heures donnera sa vie entière sur la croix.

QUE L’EGLISE ENTENDE CES ENSEIGNEMENTS

Donc trois points à méditer ce jour.

Le culte chrétien ne dérape pas en déploiement de fastes et se centre sur la proclamation de la Parole de Dieu. Une Parole qui dérange parfois mais qui récapitule tout sur l’amour.

Toute responsabilité est un service qui n’admet ni vanité, ni cupidité ni hypocrisie.

Et sachons évaluer la véritable générosité.[/fusion_text][/one_full][one_full last= »yes » spacing= »yes » center_content= »no » hide_on_mobile= »no » background_color= » » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » background_position= »left top » hover_type= »none » link= » » border_position= »all » border_size= »0px » border_color= » » border_style= » » padding= » » margin_top= » » margin_bottom= » » animation_type= » » animation_direction= » » animation_speed= »0.1″ animation_offset= » » class= » » id= » »][fusion_text]

Raphaël Devillers,  dominicain
Tél. : 04 / 220 56 93   –   Courriel :   r.devillers@resurgences.be

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