Dimanche des Rameaux – 2 avril 2023 – Évangile de Matthieu 21, 1-11

Évangile de Matthieu 21, 1-11

L’entrée de Jésus à Jérusalem

Lorsque Jésus a décidé de monter à Jérusalem après une longue mission à travers la Galilée, il a veillé à y parvenir juste en ces jours avant la grande célébration de la Pâque et il a prévenu ses disciples sur le sort qui l’y attendait. En effet le rituel pascal prescrit à toute famille juive de se procurer un agneau mâle d’un an, de l’observer pendant quelques jours pour constater s’il n’a pas un défaut caché, puis l’immoler le 14 nisan et le consommer, le soir, accompagné de pains azymes. C’est le signal que Moïse avait donné avant de s’enfuir dans la nuit et quitter l’esclavage d’Egypte : aussi ce mémorial de la libération devra-t-il être observé jusqu’à la fin des temps.

Fils élu du Père, Jésus que Dieu n’a nul besoin de sacrifices d’animaux. C’est lui, l’agneau innocent que les hommes vont exécuter mais qui va s’offrir en toute liberté et avec amour afin de faire miséricorde aux hommes de toutes nations. Si la perspective de la crucifixion qu’il entrevoit le terrifie, ses horreurs indicibles ne sont dues ni à lui ni à son Père mais à l’ignorance et à la haine des hommes. Jésus ne veut pas la souffrance comme si elle était nécessaire : il veut de tout son être accomplir la mission reçue de son Père. Si elle l’entraîne dans la mort, c’est à cause de notre méchanceté. La croix, sommet ignoble de notre péché, poussera Jésus au paroxysme de l’amour. Ainsi la Pâque deviendra à jamais, et pour tous, la fête de la libération de l’esclavage du péché.

L’Entrée à Jérusalem

Quelques jours avant la Pâque, Jésus et ses disciples arrivent à Bethfagué, sur les pentes du mont des Oliviers. Il envoya deux disciples : «  Allez au village : vous trouverez une ânesse attachée avec son petit. Détachez-la et amenez-la moi. Si l’on vous dit quelque chose, répondez : « Le Seigneur en a besoin, il les renverra ». Cela s’est passé pour accomplir la prophétie : « Dites à la fille de Sion : voici ton roi qui vient vers toi, humble, monté sur une ânesse et son ânon ». Les disciples obéirent, amenèrent l’ânesse et son petit, disposèrent sur eux leurs manteaux et Jésus s’assit dessus.

Jésus n’invente pas sa conduite, il réalise ce que Dieu lui dit à travers les Ecritures : se jucher sur une bête qui n’a vraiment rien d’un cheval de guerre. Le royaume viendra  au pas de l’âne , lentement, sans violence, chez les hommes qui ont de grandes oreilles pour bien écouter la parole de Dieu. Mais la mention du mont des Oliviers évoque déjà le lieu où, dans quelques jours, le roi adulé sera seul, tordu de souffrances. Pour l’instant personne ne comprend le signe de l’humilité. On veut un chef puissant.

Dans la foule, la plupart étendirent leurs manteaux sur le chemin ; d’autres coupaient des branches aux arbres et en jonchaient la route. Les foules qui marchaient devant Jésus et celles qui le suivaient criaient : «  Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux ! ». Comme Jésus entrait en ville, l’agitation gagna toute la ville, on se demandait : « Qui est cet homme ? ». Et les foules répondaient : « C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée ».

Matthieu exagère sans doute un peu car Jésus est toujours resté en Galilée ; la capitale ne le connaît que par la rumeur, et encore moins les pèlerins qui affluent des pays étrangers, pris par la joie de revenir à la ville sainte et de retrouver leurs familles. En tout cas une procession se forme autour de celui que certains tiennent pour le roi messie. Ne s’appelle-t-il pas Iéshouah, qui signifie Sauveur ? N’est-il pas un lointain descendant du roi David ? Ses miracles ne manifestent-ils pas sa puissance ? Emportés par l’enthousiasme, tout fiers, les disciples sont ravis. Pâle, amaigri, Jésus cache un sourire devant ce triomphe ambigu et ces gens qui bientôt demanderont sa mort : « Toujours leur volonté de grandeur et de faste ! ».

Suspense !

Quand Jésus entra dans Jérusalem, toute la ville fut en émoi : « Qui est-ce ? » disait-on : les gens répondaient «  C’est le prophète Jésus de Nazareth en Galilée ».

Ponce Pilate, le préfet, qui vit habituellement au port de Césarée, est monté à Jérusalem avec sa troupe d’élite et surveille tout à partir de la forteresse Antonia qui jouxte le temple. Ordre a été donné de rester sur ses gardes : avec ces sales Juifs, une étincelle peut mettre le feu aux poudres. Dans son palais, le grand prêtre Caïphe enrage : « Ce menteur a osé venir ?! ». Suspense ! Que va faire cet intrus ? Foncer dans les quartiers malfamés et foudroyer ces voyous, ces dévergondés qui souillent la sainteté du lieu ? Mais non puisque le messie vient pour pardonner aux pécheurs. Rejoindre les équipes de zélotes qui ont accumulé des armes dans des caches secrètes en vue de l’insurrection ? Mais non puisque le messie vient pour sauver tous les peuples. Déclencher la déflagration suprême et mettre fin au monde ? Non puisque le Royaume doit venr lentement, dans la douceur et la paix, par la collaboration de Dieu et des hommes.

Purifier le Temple

Jésus entra dans le temple et chassa ceux qui vendaient et achetaient ; il renversa les tables des changeurs et les sièges des marchands de colombes. Et il cria : « Il est écrit : « Ma Maison sera appelée maison de prière et vous en faites une caverne de bandits ». Des aveugles et des boiteux s’avancent vers lui et il les guérit. Voyant ces choses étonnantes et ces enfants qui criaient : « Hosanna au fils de David ! », les grands prêtres et les scribes furent indignés : «  Tu entends ce qu’ils disent ? ». Jésus répond : «  N’avez-vous pas lu ce texte : «  Par la bouche des tout petits tu t’es préparé une louange »’?. Il les planta là et sortit de la ville.

Jésus fonce sur l’immense esplanade que les grands prêtres avaient transformée, pour les grandes fêtes, en marché – alors qu’il y avait des marchés en ville. Location des stands et vente des peaux de mouton rapportaient de plantureux bénéfices à ces prélats connus pour leur train de vie et leurs tenues ostentatoires. Jésus ne reproche pas aux petits marchands d’augmenter leurs prix : il attaque les prélats qui dissimulent leurs méfaits dans un lieu saint où ils pontifient avec majesté mais dont ils interdisent l’entrée aux handicapés et aux enfants. On n’achète pas la grâce de Dieu par des simagrées hiératiques et en payant des sacrifices d’animaux.

Cet esclandre de Jésus est grave, c’est la goutte qui fait déborder le vase : désormais les grands prêtres et les scribes seront d’accord de supprimer au plus tôt ce perturbateur.

Pourtant Jésus a l’audace de revenir au temple les jours suivants et il enseigne, comme il le fait depuis le début. Les diverses catégories de ses ennemis vont venir le cribler de questions pour le désarçonner et montrer à la foule qu’il est un faussaire dangereux. Peine perdue : Jésus prouvera qu’il est fidèle aux Ecritures.

Finalement on cessera de le questionner (22, 46). Mais à ses disciples, il annoncera que « tout cela sera détruit » (24, 02). En effet en 66 les zélotes déclencheront la révolte et en l’an 70, la ville et son Temple seront détruits par les Romains. Qui se sert du glaive périra par le glaive.

Conclusion

Emporter chez soi un rameau béni signifie que nous laissons entrer un Messie qui n’est pas dupe des cérémonies et qui vient avec la ferme volonté d’inaugurer le Royaume. Au lieu de s’en prendre aux scandales du monde et aux méfaits des puissants, il dénonce les dérives de l’organisation religieuse.

Remarquons que si notre cher pape François est follement applaudi par des foules de tous pays, son œuvre principale est sans doute sa volonté de réformer la Curie où se décident les grandes orientations. Là où ses prédécesseurs n’ont pas eu le courage d’agir, François met les pieds dans le plat et ne craint pas de critiquer des dérives graves. On se souvient de son célèbre discours où il dénonçait les 15 maladies qui sévissaient dans les couloirs du Vatican (22 déc.14) : quelques éminences rouges ne le lui ont guère pardonné et lui souhaitent un successeur, le plus vite possible.

La désaffection de la messe dominicale, la chute des baptêmes et des sacrements, la fermeture des couvents, l’écartement général des jeunes générations ne doivent pas être pour nous des sujets de lamentations mais des indices que nous aussi, nous avons à agir. Comme Jésus, quels marchés devons-nous chasser ? Comme François quelles maladies devons-nous dénoncer ?

Il est faux de vouloir à tout prix sauvegarder le visage que l’Eglise avait depuis un temps. Maintenant je sais que l’Eglise de ma jeunesse était absolument différente de celle de Pierre, Paul et Jean. Et que si le concile Vatican II a fait un travail de réforme, celle-ci se révèle aujourd’hui très insuffisante.

Oui l’entrée des Rameaux n’est pas un fait banal  et le petit rameau fait réfléchir à ce qui s’est passé ensuite : « la semaine sainte » ! Le refus des triomphes, l’exclusion du lucre, du cléricalisme, du hiératisme, des grands apparats a conduit Jésus au Golgotha. Mais il le faut pour que vienne une Eglise simple, ouverte à tous, qui lutte pour que tout être humain jouisse de ses droits fondamentaux : nourriture, logement, soins. Et qui déjà réalise cet idéal en son sein.

Certes nous allons apprendre que porter sa croix ne se cantonne pas dans des petites privations mais qu’elle est le retour de manivelle d’un pouvoir qui se croit fidèle parce qu’il est immobile. Mais nous reprendrons nos rameaux à Pâques pour applaudir celui qui va en effet devenir Roi, Seigneur du monde, Vivant pour toujours.

— Fr. Raphaël Devillers, dominicain.

Dimanche des Rameaux – Année C – 10 avril 2022 – Évangile de Luc 10, 28 – 40

Évangile de Luc 10, 28 – 40

La Joyeuse Entrée du Roi

Aujourd’hui Jésus parvient au terme de cette longue montée qu’il a décidée il y a plusieurs semaines à Césarée, tout au nord-est, à la frontière du monde juif avec la civilisation païenne et qu’il a annoncée aux disciples. Il est très conscient : je souffrirai beaucoup, ils me mettront à mort mais mon Père me rendra la vie. Pâle, les traits tirés, mais résolu, il s’est mis en route en prévenant : quiconque veut être mon disciple doit prendre le même chemin. En route il poursuit sa mission : enseigner, guérir quelques malades. Un soir, dans sa prière, son Père lui donne un signe lumineux de la future transfiguration de ce pauvre corps qui va être défiguré. Les disciples ne comprennent toujours pas mais ils le suivent quand même.

Au moment où nous allons commémorer ce drame qui a changé la face du monde, nous restons, avouons-le et n’en soyons pas surpris, perplexes, assaillis de questions. Ne vivons pas des liturgies routinières, osons rompre avec la multitude des tentations mondaines, prenons le temps de réfléchir, de méditer le récit de la Passion de Luc, battons-nous avec les obscurités du texte.

N’oublions pas que notre vie a valeur et est sauvée dans la mesure où nous aurons essayé de vivre cet enseignement car « Celui qui veut être mon disciple … ». Cette histoire n’est pas une lecture mais un itinéraire à prendre.

Pourquoi aller à la mort ? Qui est coupable ? Pas Jésus

Jésus n’est pas monté à Jérusalem pour y souffrir. Il n’est pas suicidaire et est libre de cette « pulsion de mort » que le Dr Freud a décelée en nous. Butant très vite contre la résistance des scribes, des pharisiens et des grands prêtres qui l’épiaient, il a expérimenté la montée de la haine. Il est monté pour dénoncer la fausseté d’un temple dont la splendeur était le fruit des exactions et des crimes d’Hérode. Il avait vu depuis longtemps, à la suite des prophètes Amos et Isaïe, que le culte fastueux avec ses sacrifices rigoureusement célébrés, était stérile. Il déployait son faste mais son spectacle ne changeait pas le mode de vie des participants, il ne convertissait pas les cœurs.

Faussement vrai, il était donc dangereux en donnant des assurances factices. En outre, Jésus, comme tout le monde, savait la vanité, la cupidité de certaines grandes familles sacerdotales. Et il ne supportait plus un temple qui refusait son entrée à des malades sous prétexte qu’ils étaient pécheurs, et qui bannissait « les autres », les païens. Ce n’est pas la nécessité de la souffrance qui a jeté Jésus dans le combat mais la volonté d’accomplir la mission de son Père : faire sauter ce verrou qui l’empêchait de se réaliser dans les temps nouveaux qui s’ouvraient alors.

Pas Dieu

Ce n’est pas Dieu qui a voulu la mort de son fils, lui qui a strictement interdit ce sacrifice à Abraham ainsi que tout sacrifice d’êtres humains. YHWH n’est pas un Moloch implacable qui exige réparation de toute faute à son égard. Son dessein, confié à Jésus, est de faire advenir son Royaume. Et dès le désert, Jésus a rejeté les procédés diaboliques pour choisir ceux de Dieu : pauvreté, douceur, refus de la violence armée. Mais l’obstacle majeur était le système du temple, tel qu’il fonctionnait, et ses responsables. C’est cela qu’il fallait donc dénoncer, ce qui par conséquent ne pouvait entraîner que le durcissement et la haine. Jésus a choisi la mission jusqu’au bout plutôt que la démission. « Qui perd sa vie la gagne ».

Pas les Juifs

Ce n’est pas le peuple de Jérusalem qui est responsable. A l’approche de la Pâque la ville était surchargée par l’arrivée continuelle de dizaines de milliers de pèlerins ravis de retrouver leur ville sainte. Ces gens de Corinthe, d’Alexandrie, de Rome, de Syrie ne connaissaient absolument pas ce Jésus et leurs familles avaient fort à faire pour les accueillir, veiller à l’hospitalité et les nourrir. Combien de personnes ont-elles participé à la Joyeuse Entrée du Galiléen ? Des zélotes qui attendaient le signal de la révolution, des spectateurs emballés par les miracles, des gens manipulés par les grands-prêtres…

Pas « Les Grands Prêtres »

Par convention et habitude, on parle des « grands prêtres ». Mais les récits montrent que le procès n’a pas respecté les normes juridiques et a été expédié en hâte par Caïphe et quelques autres. Les rabbins d’aujourd’hui disent que la sentence n’était absolument pas valable. Et les évangiles racontent que certains prélats, comme Nicodème ou Thomas d’Arimathie, sympathisaient avec Jésus. On ne peut pas dire que « le sanhédrin » a condamné Jésus.

Pas les Romains

Et les Romains ? Dans les années 70-80, lorsque les premiers évangiles paraissent et évoquent les souvenirs, les pharisiens, qui dirigent la foi après la destruction du temple et la disparition du clergé, sont les grands adversaires de leurs compatriotes qui se sont convertis à la foi nouvelle. C’est pourquoi les évangélistes noircissent leur portrait jusqu’à la caricature et ils chargent « les Juifs » de la responsabilité de la mort de Jésus.

D’autre part, comme les nouvelles communautés se répandent partout et se présentent comme les héritières d’un juif très contesté qui a été condamné à la mort ignominieuse de la croix (supplice réservé aux révolutionnaires) par le préfet Pilate, les évangiles insistent fortement sur la pression des prêtres juifs. De même ils insistent fortement sur les réticences de Pilate qui refusait l’exécution de ce Jésus. Car partout les Romains restaient perplexes et méfiants vis-à-vis de cette nouvelle secte qui se présentait comme fondée par un crucifié : ces nouveaux chrétiens n’étaient-ils pas aussi des révolutionnaires ? Il fallait donc insister sur leur obéissance à l’ordre.

La Croix est le passage dans l’amour de la Vie

Tout cela n’explique pas tout mais permet de rejeter des idées et des pratiques qui ont gangrené le message évangélique.

Le christianisme n’est pas une apologie de la souffrance. Les récits de la Passion montrent les horribles tortures infligées à Jésus mais sans y insister de façon masochiste. La première représentation de la croix date du 4ème siècle ; dans les catacombes, on montre Jésus le Bon Pasteur conduisant son troupeau, ou rapportant la brebis perdue, ou s’entretenant avec la Samaritaine, ou partageant les pains. Il est Source d’Eau Vive, Lumière divine. « Soyez toujours dans la joie, réjouissez-vous » répétait Paul.

Hélas plus tard des Saints et des Saintes vont développer une dévotion des plaies, s’infliger des souffrances, exhiber des crucifiés sanglants. Des chefs d’œuvre de peintures vont devenir populaires …dans l’oubli de la résurrection. La psychologie moderne a mis à nu ces tendances perverses qui nous tentent mais ce dolorisme a fait des ravages.

Conclusion

Jésus, le fils ayant reçu la mission essentielle, obéit aux indications de son Père qui les donne dans les Écritures. On y raconte qu’après des siècles d’esclavage, Dieu a décidé de libérer son peuple :

« Ce mois de Nissan sera pour vous le premier des mois…Le 10 de ce mois, que l’on prenne un agneau par famille : une bête sans défaut, mâle, âgée d’un an. Vous la garderez jusqu’au 14ème jour (pour tester sa bonne santé). On l’égorgera au crépuscule. On prendra du sang, on en mettra sur les deux montants et sur le linteau des maisons. On mangera la chair cette nuit-là, cuite au feu, avec des pains sans levain et des herbes amères…Vous la mangerez en hâte, la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main. C’est la pâque du Seigneur. Je « passerai » par-dessus vous. Ce jour vous servira de mémorial… » (Ex 12).

Jésus vIent accomplir les Écritures : il sait qu’il est l’Agneau. Donc il a calculé son voyage afin d’entrer à Jérusalem le 10 nissan. De même que l’on devait examiner l’agneau pendant 3 jours afin de constater son parfait état, Jésus va être criblé de questions par tous les spécialistes et nul ne parviendra à le prendre en défaut. Aussi le 14, il se donnera à manger à ses disciples comme pain sans levain. Puis il se livrera et ses ennemis le mettront à mort.

Ce qui signifie qu’il faudrait sans doute célébrer « le lundi des rameaux »

Son sang répandu sera pour les disciples le grand signe : ils seront libérés de l’esclavage des observances, du légalisme, de la culpabilité, du nationalisme étroit, du péché qui les rendaient esclaves et ils pourront s’élancer dans le monde entier annoncer la bonne Nouvelle du Royaume universel de la liberté.

Comment n’être pas ébloui par cet accomplissement historique ? Mais Jérusalem n’a pas reconnu celui qui entrait. Il voulait un chef libérateur et il était monté sur un âne. Comme au baptême une colombe était descendue sur lui. Aussi le 14, la foule a rejeté les rameaux, serré les poings et hurlé « A mort ».

Cette année encore, nous entendrons : Nous voulons des œufs, des poussins et du chocolat.

Fr Raphael Devillers, dominicain.

Dimanche des Rameaux – Année B – 28 mars 2021 – Évangile de Marc 11, 1-10

Évangile de Marc 11, 1-10

Semaine Sainte : Mode d’Emploi

Beaucoup n’auront sans doute pas l’occasion aujourd’hui de prendre part à la procession des Rameaux et à l’Eucharistie ni d’obtenir le brin de buis traditionnel. Mais le défaut de la pratique rituelle peut et doit nous permettre une réflexion approfondie sur la semaine exceptionnelle que nous commençons et au cours de laquelle nous allons faire mémoire de la semaine qui a changé le cours de l’histoire.

La foi chrétienne est historique et entraîne non une acquisition de vertus mais une certaine manière de vivre le temps. Essayons brièvement d’évoquer la succession de ces jours anciens pour apprendre à vivre avec foi nos jours présents.

Dimanche : L’accueil du Roi

Pourquoi Jésus entre-t-il aujourd’hui à Jérusalem ? Parce que c’est le moment où chaque famille doit acheter un agneau pour la fête. Jésus, lui, fonce au temple, en chasse les animaux et éparpille les piles d’argent. Car Dieu n’a nul besoin de ce genre de sacrifices. Ce qu’il veut, c’est que l’homme obéisse à sa volonté. Par son geste, Jésus excite la haine : en en étant la victime il sera le véritable et unique Agneau pascal.

La foule, par son accueil royal au fils de David, ne comprend pas le signe de l’âne par lequel Jésus voulait montrer qu’il n’est pas un conquérant mais le roi pacifique qui vient supprimer le commerce des armes et bâtir la paix entre toutes les nations.

Est-ce bien cela que nous célébrons ce dimanche ? Accueillons-nous un messie doux et humble, qui œuvre lentement et patiemment à nous pacifier ? Qui demande à ceux qui le portent d’être des ânes butés qui marchent lentement et ont surtout de grandes oreilles pour écouter leur Seigneur ?

Lundi – Mardi – Mercredi : Le Questionnement

Chaque famille devait vivre avec son agneau pendant 3 ou 4 jours et le surveiller avec attention afin de voir s’il n’était pas atteint d’une malformation ou d’une affection qui rendrait son sacrifice invalide. On voit dans les évangiles que, effectivement, en ces jours, toutes les autorités d’Israël espionnent Jésus et le criblent de questions pour le tester et le dévaloriser aux yeux du peuple : faut-il payer le tribut à Rome ? Croit-il à la résurrection ? Quel est le plus grand commandement ?…Chaque fois Jésus répond juste et la foule se réjouit.

Ces premiers jours sont donc ceux du questionnement. Quelles sont mes difficultés de croire ? Est-ce que je m’applique à enraciner ma foi, mon espérance, ma charité ? Ai-je raison de croire en Jésus ? Si oui pourquoi ? Pourquoi vais-je à la messe ? Comment est-ce que je la vis ? Puis-je rendre raison de ma foi à ceux qui la critiquent ? Quel est le rapport de durée entre mes temps de divertissement et mes temps où je prie, où je cherche à m’informer sur ma foi ? La foi se purifie et se renforce par les cribles où elle passe.

Jeudi : Le Repas

Jérusalem est bourrée de pèlerins et chaque famille termine les préparatifs. La joie monte d’heure en heure car la libération jadis des esclaves hébreux va être célébrée comme la certitude de toutes les libérations que YHWH a promises à son peuple. Il est capital de transmettre cet héritage aux nouvelles générations : tous les parents se sont appliqués à préparer leur progéniture. Il y va de la transmission de l’héritage : on est responsable devant Dieu. Le « seder pessah » commence et va durer toute la nuit.

Jésus et ses disciples se rendent dans la maison où un ami leur a tout préparé pour le repas. Les conversations vont bon train, les convives mangent de bon appétit quand tout à coup le maître murmure une annonce qui glace les cœurs : « Un de vous va me trahir »…Ensuite il accomplit les gestes rituels du pain et du vin mais en disant : « Ceci est mon corps…Ceci est mon sang… ». Qu’a-t-il voulu dire ? Quelle est son intention ?…

Très vite, les premiers disciples vont se rappeler l’ordre de Jésus – « Faites cela en mémoire de moi » – et ils célébreront « le repas du Seigneur », « la fraction du pain ». Cette pratique sera l’un des quatre piliers de la vie de l’Église. Or la crise nous jette dans une situation totalement imprévue qui, nous l’espérons, trouvera assez vite une issue.

Quoiqu’il en soit, ce jeudi, nous nous souvenons de ce jour. De l’immense tristesse de Jésus regardant son ami qui va de suite aller le livrer à ses ennemis. De sa compassion envers ses disciples qui rivalisent pour affirmer leur fidélité inébranlable et qui, dans quelques heures, l’abandonneront à ses bourreaux. Ceux-ci, il en est sûr, vont le prendre, le maltraiter, le condamner, le tuer. Mais en réalité, par fidélité à la mission de son Père et par amour des hommes, ici maintenant c’est lui qui « donne son corps » à ses amis. Ensemble, en communauté, ils continueront d’être le Messie qui apporte au monde la justice et la paix.

Nous souhaitons toujours des messes allègres, réconfortantes, enthousiastes qui nous remontent le moral. Ce soir, la première Eucharistie nous en rappelle le prix. Elle nous annonce que le croyant va à la messe aussi pour se donner, pour rencontrer des voisins qui ne l’aiment guère, qui peut-être le trahiront. Pouvons-nous échapper à ce que notre Seigneur a vécu lui-même ?…

Vendredi : Cruauté des hommes et Tendresse de Dieu

Clous dans les nerfs des bras ; flagellation ; couronne épineuse ; moqueries. Défilé des ignominies dont nous sommes capables. Les plus hauts prélats manigançant un procès invalide. Le Préfet romain signant l’arrêt de mort d’un prisonnier dont il a reconnu l’innocence. Des simples soldats maltraitant un prisonnier ligoté. La populace manipulée appelant à la mort d’un homme accueilli peu avant comme un roi…. Au croisement du supplice le plus barbare inventé par la haine des hommes et de la lumière de la Miséricorde de Dieu, le Fils, le Frère de tous, l’Innocent pantelant.

Son cadavre repose dans une grotte proche, derrière une grosse pierre roulée.

« Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Gal 2, 20). « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? » (Rom 8, 35). La profondeur du mal en nous se perd dans l’abîme de la tendresse de Dieu. Journée de connaissance, de reconnaissance. D’écoute des hurlements des hommes que l’on torture, des femmes que l’on viole, des enfants que l’on détruit. Et la rage de deviner les rires exécrables des jouisseurs, indifférents aux malheurs des hommes.

Consolation : quelques femmes sont demeurées jusqu’au bout près de la croix. Elles ont tout vu, tout retenu. Dans beaucoup de paroisses, seules, elles demeurent.

Samedi : Le Vide

La fête se poursuit à Jérusalem. Très rares sont ceux qui ont appris que l’on a exécuté le Galiléen. On se résigne : « A nouveau un espoir disparu. Ce sont toujours les gros qui l’emportent. Prions pour que vienne enfin le Messie … ». Chez les disciples, c’est l’abattement, l’incompréhension, les ténèbres, les larmes. Et la torture de la culpabilité : nous ne l’avons pas défendu, nous sommes des lâches.

Si tout se termine ici, alors courons vite faire nos achats, jouissons d’améliorer notre confort, préparons un excellent repas, cherchons à faire des placements avantageux, partons dès que possible en vacances. Les enfants vont bien, la fin de la crise se dessine. Quoi d’autre ?…

Mais quelque chose se prépare : Rendez-vous au Dimanche suivant …

Conclusion

Je n’ignore évidemment pas que vous avez tous vos obligations familiales et professionnelles et que vous ne pouvez passer cette semaine dans la prière et la réflexion religieuse. Il reste que, dans la situation actuelle et devant les défis immenses lancés à l’Église, celle-ci ne peut continuer avec des laïcs simplement honnêtes et assidus passifs de cérémonies. Covid-19, réchauffement climatique, menace écologique, progression de la pauvreté, régression de la pratique rituelle, perte de la transmission vers la jeunesse… : il serait blasphématoire de se résigner, de se juger irresponsable.

Retourner à la source : Jésus et Pâques. Reprendre le Livre des évangiles. Lire, relire, interroger le texte, poser des questions, ouvrir des échanges. Prier l’Esprit de nous éclairer, de nous introduire dans la profondeur, de nous donner la force de mettre en pratique ce que nous avons découvert.

Que Jésus ait compris que pour sauver le monde, il n’y ait pas d’autre issue que de vivre ce qu’il a vécu : il y a là un fait majeur, bouleversant. La croix : pourquoi ? et pour quoi ?

Voici la semaine décisive où, plus que jamais, chaque croyant doit regarder celui qui a été élevé pour vivre et nous dispenser l’Amour miséricordieux de notre Père.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.

Dimanche des Rameaux – Année A – 5 avril 2020 – Évangile de Matthieu 21, 1-11

Évangile de Matthieu 21, 1-11

L’Entrée Royale du Seigneur

L’évangile de Lazare nous a montré que les autorités du temple ont décidé de supprimer ce Jésus considéré comme un blasphémateur: cependant leurs tentatives de le lapider ont échoué et Jésus a toujours réussi à s’échapper. C’est lui qui décidera du jour de sa mort : le jour où l’on immole l’agneau pascal.

En ce mois de nissan, premier de l’année, le printemps est revenu et Jérusalem voit converger vers elle des milliers de pèlerins (plus de 100.000, suppose-t-on) venus de partout afin de célébrer les 8 jours de la Pâque. Le souvenir de la libération des ancêtres esclaves en Egypte, promesse divine de toutes les libérations et donc de la venue du Messie, soulève la ferveur des foules excitées par l’allégresse de s’assembler dans le Temple de Dieu.

On est sans doute le 12 nissan, 1er mois de l’année, jour où chaque famille doit se procurer un jeune agneau que l’on immolera et mangera le 14 au soir, jour de Pessah.

C’est en ce jour que Jésus, le véritable agneau, réapparaît: il passe d’abord par Bethphagè sur le mont des Oliviers et il organise son entrée en obtenant le prêt d’une ânesse par un villageois. Très vite un cortège se forme et se dirige vers la capitale. Il a sans doute moins d’ampleur que nous n’imaginons car la très grande majorité des gens n’ont même jamais vu Jésus et ne le connaissent que de réputation. D’ailleurs l’accueil des familles qui se recomposent pour la fête entraîne de nombreuses occupations de toutes sortes.

En tout cas, une foule s’amasse autour de Jésus, certains étendent leurs manteaux sur le chemin, d’autres coupent des branches d’arbres et en jonchent la route. Et on se met à chanter:

“Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux !”

Tous les indices convergent: cet homme s’appelle “Sauveur” (Iéshouah), il est un descendant de la famille royale de David, il annonce la venue du règne de Dieu, il opère des guérisons miraculeuses. Donc pour une bonne partie du peuple, il est comme un Messie qui vient enfin libérer Israël de l’oppression romaine et apporter la santé aux malades.

Et les braves apôtres autour de leur maître sont fiers comme Artaban de l’entourer comme sa garde rapprochée et de jouir un peu du triomphe qui lui est adressé. Ainsi plus tard les cardinaux défilant derrière le pape sur la place s.Pierre.

Pourtant Jésus s’était toujours démarqué du mouvement des résistants (zélotes), il avait toujours manifesté son refus de la violence et ses guérisons étaient peu de choses à côté de ses appels perpétuels à la conversion. Car c’est dans le cœur humain que gît la plus profonde des maladies.

Dans son récit, Jean notera que les gens n’ont pas compris le signe de l’âne par lequel Jésus manifestait qu’il réalisait la prophétie de Zacharie:

“Tressaille d’allégresse, fille de Sion ! Pousse des acclamations, fille de Jérusalem !
Voici que ton roi s’avance vers toi:
il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon tout jeune.
Il supprimera d’Ephraïm le char de guerre, et de Jérusalem, le char de combat.
Il brisera l’arc de guerre et il proclamera la paix pour les nations”.

De même qu’au début la colombe de son baptême le désignait comme le nouveau Noé qui proclame la fin du déluge des violences, ici à la fin l’âne signifie à tous qu’il est le vrai Salomon, le roi de paix (shalôm), qui vient supprimer les armements et unir l’humanité tout entière dans son amour.

Mais les hommes, hélas, écoutent plus volontiers les appels des dictateurs à écraser l’ennemi que les supplications à travailler d’abord à leur changement personnel. “Aux armes, citoyens” fait plus vibrer les multitudes que les psaumes et les cantiques.

Pourquoi ? Pour quoi Jésus entre-t-il à Jérusalem ?

Puisqu’il sait qu’en entrant en ville, il court un danger mortel, pourquoi Jésus y pénètre-t-il ?

Il serait absurde de le supposer poussé par un instinct suicidaire. Il serait aberrant de croire qu’il veut obéir à son Père qui exigerait de lui qu’il se laisse tuer afin d’expier les péchés des hommes. Abraham et les Ecritures lui ont appris que Dieu interdit strictement les sacrifices d’êtres humains.

Jésus entre afin de poursuivre à terme la mission que Dieu lui a confiée d’annoncer l’approche de son Règne et qu’il a commencée à travers les villages de Galilée. Maintenant le moment est venu de la réaliser dans la capitale Jérusalem.

Va-t-il se diriger vers la citadelle de Ponce Pilate et déclencher l’insurrection ? Non. Va-t-il s’enfoncer dans le quartier mal famé et proférer l’anathème contre les filous, les débauchés, les impies ? Non plus.

Au contraire il se dirige vers le lieu le plus sacré, le temple, il entre sur l’esplanade et muni d’une corde, fouette les animaux en vente et renverse les comptoirs des changeurs de monnaie. Contrairement aux représentations de certains peintres, Jésus ne frappe personne. Mais il crie:

“ Il est écrit: Ma Maison sera appelée maison de prière mais vous, vous en faites une caverne de bandits”.

Donc le problème essentiel n’est pas d’abord politique ni moral mais religieux. Si les hommes édifient un Temple, il ne suffit pas d’une architecture grandiose ni de célébrations fastueuses. On n’achète pas la grâce de Dieu à coup de sacrifices d’animaux, d’oboles généreuses, de rites solennels alors que d’autre part on en interdit l’entrée aux personnes handicapées soupçonnées de péché.

C’est pourquoi si Jésus chasse le bétail, aussitôt il guérit des aveugles et des boîteux afin qu’ils accèdent à la Présence divine. L’accueil d’un pauvre vaut plus que mille cierges.

Cet esclandre, c’est sans doute le geste de trop, l’action qui va exacerber la furie des autorités et sceller la mise à mort prochaine de Jésus.

Celui-ci sort et va passer la nuit chez des amis à Béthanie. Le lendemain matin, revenant en ville, il a ce curieux geste: il maudit un figuier qu’il découvre sans fruit. La signification parabolique en est évidente.

Dans la région, on voyait souvent des vignobles au milieu desquels les paysans avaient planté un figuier pour s’y reposer à l’ombre. Les rabbins y voyaient une image: Israël était la vigne préférée de Dieu et, en son centre, le Temple se dressait comme asile, lieu de paix et de louange.

Jésus veut expliquer que ce Temple est fini puisque sa beauté, ses fastes et ses sacrifices ne parviennent pas à convertir le peuple. Le temple est magnifique mais stérile. Un figuier n’est planté que pour ses fruits: Dieu ne se plait au culte que s’il produit non des pratiquants pieux mais des pratiquants du droit et de la justice.

C’est pourquoi, bravant toutes les menaces, il va en ces prochains jours s’installer sur l’esplanade et “enseigner” le peuple qui se presse autour de lui (21, 23). Plusieurs groupes des autorités vont venir le harceler de questions pour le déstabiliser mais il répondra toujours avec justesse. Le temple retrouve sa vérité: lieu de proclamation de la Parole de Jésus, espace d’enseignement de l’Evangile.

Conclusion

Aujourd’hui en ce dimanche des Rameaux, Jésus vient et nous ne pouvons pas célébrer la procession prévue et agiter nos branches de buis.

Mais nous méditons cette scène dans le livre des Ecritures. Privé de rites, nous pouvons être d’autant plus attentifs au comportement de Jésus et à son enseignement.

Oui il est vraiment le Messie, celui qui vient de la part de Dieu pour apporter la paix à toutes les nations. Il ne s’adresse pas aux Grands de ce monde: au contraire il s’adresse à son temple, à son Eglise qu’il veut purifier. Qu’elle ne s’enorgueillisse pas de la beauté hiératique de ses processions mais qu’elle chasse ce qui n’a pas lieu d’y être afin d’être accueillante aux malades et aux pauvres qui ne s’y sentent pas toujours bien accueillis.

Qu’elle fasse silence et qu’elle écoute.

Son Seigneur lui apprend comment être une communion chrétienne authentique, comment elle doit se laisser purifier de toute vanité, de toute suffisance, de toute manœuvre commerciale.

Frère Raphaël Devillers, dominicain

Dimanche des Rameaux – Année C – 14 avril 2019 – Évangile de Luc 22, 14 – 23, 56

ÉVANGILE DE LUC 22, 14 – 23, 56

ACCUEILLIR LE LIBERATEUR

Impossible de l’ignorer. Nous en sommes alertés depuis quelques semaines déjà par les grandes surfaces et les pâtissiers : Pâques approche. C’est écrit en grand au-dessus des rayons où des monceaux d’œufs au chocolat, petits ou gros, nus ou enrubannés, entourés de flopées de lapins et de mignons poussins jaunes, s’offrent à notre convoitise. Quant aux agences de voyage, faisant fi de toutes les recommandations sur le réchauffement climatique, elles remplissent les avions pour des vacances à destination des palmiers.

De même que Noël est maintenant la fête du père rubicond et du sapin enguirlandé, Pâques est la fête du printemps et du chocolat. L’humanité préfère célébrer des rythmes naturels alors que Noël et Pâques sont des fêtes historiques. Elle aime jouir des bienfaits naturels et des cadeaux plutôt que de s’engager dans un temps où son véritable bonheur lui vient de la crèche misérable et de la croix du condamné. Pâques ne pourra jamais être un slogan publicitaire.

Après la vague du communisme qui voulait anéantir Noël et Pâques et ceux qui y croyaient, maintenant le capitalisme séduit même les croyants en pervertissant leurs fêtes et en les noyant dans des mensonges. Violence et séduction usent de méthodes radicalement différentes mais en vue d’un même résultat

Nous prenons conscience qu’avec l’évolution occidentale moderne, des idées et des comportements qui nous paraissaient compatibles avec la foi ne le sont plus. Les gilets jaunes (dans leur inspiration première non violente), les marches des jeunes pour le climat, d’autres initiatives personnelles révèlent un malaise grandissant.

Ce qui étonne, c’est que nous, chrétiens, nous n’ayons pas, depuis longtemps, saisi la mesure de la dérive et osé prendre certains virages. Certes lorsque l’Eglise devient vraie c.à.d. prophétique, ses rangs s’éclaircissent. Beaucoup qui étaient consolés par une religion somnifère ont peur quand on précise les exigences de la foi.

Avec l’entrée des Rameaux aujourd’hui, allons-nous réfléchir à notre entrée dans la vérité de l’Evangile ?

L’ENTREE DE JESUS A JERUSALEM

Quand Jésus a décidé de monter à Jérusalem, il prévoyait bien d’y parvenir pour la grande fête de printemps, la Pâque. Sur la route, un flux incessant de caravanes amenait par milliers des pèlerins venus de tout le pays mais aussi d’Egypte, de Syrie, de Grèce, de Rome. Quel bonheur de revenir sur la terre promise, de retrouver sa famille, d’admirer le magnifique temple dont les travaux d’embellissement se poursuivaient et de se préparer à célébrer l’exode des ancêtres hébreux.

Dieu avait libéré son peuple donc il le libérerait encore. N’est-ce pas cette année qu’il va nous envoyer le Messie, le roi qu’il a promis et qui chassera ces damnés païens de Romains qui nous occupent depuis 90 ans ?

Dès l’approche de la ville, à Béthanie, des Galiléens ont reconnu Jésus qui arrive lui aussi avec ses disciples : ils se mettent à l’escorter et à le montrer à la foule : « Il annonce la venue du royaume de Dieu, nous l’avons vu accomplir des miracles ». On amène un âne et Jésus fait son entrée parmi les vivats d’une foule exubérante qui chante en agitant des rameaux : « Béni soit le roi, celui qui vient au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire aux cieux ».

Et on ne comprend pas que Jésus survenait comme le Roi annoncé par un prophète :

« Pousse des acclamations, Jérusalem.
Voici que ton roi s’avance vers toi, il est juste et victorieux ;
il est humble, monté sur un âne.
Il supprimera les chars de combat, les arcs de guerre,
et il proclamera la paix pour les nations… » (Zacharie 9, 9)

Le malentendu est total. Jésus est porté par un triomphe qu’il ne veut pas et qui va causer sa perte. Car les autorités vont être prises de panique devant l’éventualité d’une insurrection populaire qui provoquerait la répression des Romains, le désastre, des morts, des destructions, des ruines. Cet homme est dangereux.

QUE VA FAIRE JÉSUS ? ET QUE NE VA-T-IL PAS FAIRE ?

Grand étonnement. En montant sur l’humble monture des premiers rois d’Israël, Jésus se prétend bien le Messie. Mais un Messie doux et désarmé, qui ne croit pas au recours à la violence. Il ne veut pas un affrontement sanglant entre son peuple et un autre : il vient faire la paix universelle. Au pas de l’âne, c.à.d. lentement, patiemment, il veut réaliser la réconciliation des peuples, il n’est pas un libérateur d’un peuple contre un autre.

Utopie absurde pour beaucoup. Du coup on lâchera ce poète inefficace, cet homme aux belles paroles inutiles. Et 40 ans plus tard, Jérusalem explosera dans la guerre et, avec son temple, elle disparaîtra dans les flammes. Jésus avait pressenti cet avenir et il pleurait sur l’écrasement futur de sa ville tant aimée (Luc 19, 41).

Autre étonnement. Jésus n’est pas un Messie Juge qui, au nom de Dieu, dénonce les péchés, les turpitudes, les infidélités de beaucoup. Il n’est pas un Pharisien qui transforme la foi en code de préceptes et d’observances, qui pointe les infractions à la Loi, admoneste, reproche, menace, range en deux colonnes les bons et les mauvais, les vertueux et les impies. Son Royaume n’a rien d’une morale figée.

Autre étonnement. Jésus n’opère plus de guérisons physiques. Car il ne veut pas que le peuple soit subjugué par des prodiges et cherche son salut dans des miracles. Et surtout il s’attelle à la guérison plus profonde, la plus nécessaire, celle des cœurs.

Etonnement suprême. Alors que le peuple guettait un chef qui lance ses troupes à l’assaut de la citadelle de Pilate, alors que les Pharisiens attendaient un juge qui condamnerait les pécheurs, Jésus tout au contraire se dirige vers le temple et en chasse les vendeurs. Il tonne : «  Vous en avez fait une caverne de bandits ». Ce cri ne visait pas les marchands mais Caïphe et les Grands Prêtres, organisateurs de ce marché, qui louaient les emplacements et s’octroyaient des bénéfices plantureux. L’édifice majestueux était devenu un système, « une caverne » où l’on se croyait à l’abri en achetant son salut par le faste des cérémonies. C’est cette attaque frontale de Jésus qui va mettre en furie les autorités religieuses : on ne touche jamais impunément au portefeuille. Son sort est joué, il faut supprimer ce perturbateur.

LE TEMPLE DU MESSIE : ENSEIGNEMENT ET ECOUTE

Déjà en décidant de sa montée à Jérusalem, Jésus avait annoncé le sort qui l’attendait. Que va-t-il faire ? Luc nous le dit :

Il était chaque jour à enseigner dans le temple. Les grands prêtres, les anciens et les scribes cherchaient à le faire périr. Mais ils ne trouvaient pas ce qu’ils pourraient faire, car tout le peuple, suspendu à ses lèvres, l’écoutait.

Le temple retrouve sa vocation première : être le lieu central où retentit la Parole de Dieu. Avant de bâtir des édifices majestueux et de célébrer des cérémonies solennelles et des sacrifices, il faut d’abord et sans arrêt que nous écoutions. Croire, ce n’est pas faire mais recevoir. La vie de Marie a commencé par l’annonciation : « Que ta Parole s’accomplisse en moi ». La mission de Jésus a commencé par l’écoute du Père : « Tu es mon Fils bien-aimé ».

Ecouter mieux et longuement l’Évangile nous apprendrait que nous faisons des choses qu’il ne nous demande pas et que nous ne pratiquons pas des directives qu’il a clairement exposées.

LA PASSION

L’allégresse populaire de l’entrée de Jésus à Jérusalem va faire long feu. Le peuple qui se pressait pour accueillir Jésus et l’écouter ne va pas pour autant se convertir à son enseignement et découvrir le mystérieux Messie qu’il était. Les autorités religieuses parviendront bientôt à leur fin. Et la foule demandera la mort de celui qu’elle avait applaudi comme son roi.

Déjà aujourd’hui nous allons écouter le récit de la Passion que tous les évangélistes nous racontent en détail. Pendant toute la semaine, nous le relirons, nous méditerons ce moment extraordinaire de l’histoire où se sont croisés la haine des prélats et la vérité de Dieu, l’aveuglement des foules et la lumière de Dieu, la lâcheté des disciples et la miséricorde du Seigneur.

Et nous nous retrouverons pour la plus grande des Fêtes, pour l’entrée de Jésus dans l’Eglise, pour son accueil lumineux dans nos cœurs souillés. Sa croix nous le prouve à jamais : Oui il est exact qu’il est notre Roi, il est vrai qu’il apporte la paix à tous les hommes de tous les peuples. Mais c’est par le passage obligé par la mort. Soyons des ânes dociles et têtus, aux grandes oreilles pour bien écouter.


Frère Raphaël Devillers, dominicain

Dimanche des Rameaux – La Grande Semaine – 25 mars 2018
Année Marc

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L’AMOUR EST UNE PASSION

C’est l’HEURE. Non certes de partir en vacances. Comment me distraire au moment anniversaire de la mort de mon Seigneur qui a donné sa vie pour moi et qui m’a sauvé ?

C’est l’Heure de faire mémoire et de revivre – par la liturgie et en communauté d’Eglise – la semaine la plus importante de l’histoire du monde.

Nous recentrer sur le pivot où tout s’est rééquilibré. Revenir au foyer où brûlent les questions les plus incandescentes : pourquoi le mal ? Pourquoi la souffrance des innocents ? Pourquoi fallait-il la croix ? Qu’est-ce que l’amour ? Comment pardonner ? Qui donc est ce Jésus de Nazareth ? ………

Les réponses ne sont pas données par un cours de religion ou un catéchisme. Mais en suivant les événements d’une semaine. Car c’est dans l’histoire –mémoire et actualité – que l’on découvre le vrai Dieu et que l’on apprend comment vivre et mourir.

DIMANCHE : JESUS ENTRE A JERUSALEM

De partout des caravanes de pèlerins affluent vers la capitale pour célébrer Pessah (Pâque = passage). On fait mémoire, pendant 8 jours, de l’événement fondateur d’Israël : l’Exode, quand Dieu a « fait passer » nos ancêtres de l’esclavage à la liberté. Or il a promis qu’un Messie viendrait encore nous libérer. Ne serait-ce pas ce Jésus auquel on fait un triomphe ? Réjouissance populaire basée sur un énorme malentendu. Il fallait comprendre le signe donné par les Ecritures (Zacharie 9, 9) :

« Tressaille d’allégresse, fille de Sion. Pousse des acclamations ! Voici que ton Roi s’avance vers toi : il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, un ânon tout jeune. Il supprimera le char de guerre…il brisera l’arc de guerre. Et il proclamera la paix pour toutes les nations »

L’âne me fait comprendre. Ne pas lancer une charge à cheval à l’assaut des autres mais accepter de porter la charge de l’Evangile. Avoir des grandes oreilles pour bien écouter ce que Dieu me dit vraiment. Aller lentement, patiemment. Accepter de recevoir des insultes, d’être objet de dérision dans un monde où le chrétien pratiquant est un imbécile, un âne.

LUNDI : PURIFIER L’EGLISE

Le peuple attendait que le Messie extermine les occupants païens ; les prêtres dévots et les pieux pharisiens étaient sûrs que le Messie allait maudire les impies, les femmes de mauvaise vie, toute cette lie qui n’observait pas tous les préceptes de la Loi et de la Liturgie.
Or Jésus ne se dirige pas vers la citadelle de Pilate ni ne condamne à l’enfer tous les mauvais : au contraire il se dirige directement vers le Temple et en chasse les marchands et les animaux.
De même le pape François dénonce l’horreur des guerres, la course aux armements, la pollution et il multiplie les appels à la paix et à la justice. Mais tout de suite il s’est attaqué au scandale de la pédophilie, à la corruption de certains dirigeants de la Banque du Vatican.
Le mouvement de libération pascale vise d’abord la conversion de l’Eglise. Car un médecin n’a pas à critiquer la gravité de l’état de son malade mais à développer sa propre science, à affiner ses méthodes curatives, à se dévouer davantage.

MARDI : APPRENDRE SA FOI

Que fait Jésus en ces derniers jours qui précèdent la Pâque ? Il n’opère pas des guérisons. Du matin au soir, il s’installe sur l’esplanade du temple et il enseigne et il annonce la Bonne Nouvelle. Le soir, il va chez des amis à Béthanie qui l’accueillent pour la nuit.
La foi n’est pas qu’une vague impression et la liturgie ne se réduit pas à des rites régulièrement observés. Lorsque des baptisés en restent à des souvenirs d’un catéchisme d’enfants, il est facile à la société de les convaincre d’être des débiles qui croient encore à un tissu de légendes.
Tout près des prêtres qui brûlent l’encens, offrent des sacrifices et chantent des cantiques, Jésus parle, explique, réfute les objections, éclaire les points obscurs. Il n’est pas un théologien qui jongle avec des concepts abstraits. Le comprendre n’est pas une question d’érudition ou d’intelligence mais de cœur. Jésus parle en images, il développe ses paraboles « Et le peuple l’écoutait avec plaisir » (Lc 20, 1…).

Encore une fois, il faut regarder l’exemple de notre pape. Il parle, il parle, il parle…Son langage familier séduit, ses images portent, sa joie de croire éclate, sa conviction profonde que, dans un monde qui s’étourdit dans un flot de mensonges et qui fonce tête baissée vers l’abîme, il est urgent de faire retentir la Bonne Nouvelle. De dire aux gens qu’ils ont bien fait de perdre une foi qui n’en était pas une. Qu’ils ont raison de demander des changements à leur Eglise.
Qu’ils prêtent donc l’oreille à un message qui contredit tous les slogans d’une société cupide.
En ces jours, je prends le temps de m’interroger, de lire l’Evangile, d’enraciner ma foi.

MERCREDI : « GASPILLER » POUR JESUS

Chaque soir, Jésus est accueilli à Béthanie. Tout à coup, en plein repas, une femme entre, s’approche de Jésus et verse sur sa tête un parfum de grand prix. « Gaspillage, murmurent les disciples scandalisés, on aurait pu donner cet argent aux pauvres ».
Mais Jésus justifie la femme : « Elle exprime sa reconnaissance mais son geste la dépasse. Elle me oint comme le Messie : je vais être couronné (d’épines) et je serai hissé sur mon trône (la croix). Et elle prédit mon embaumement (je vais mourir).

Comme elle, cette semaine, donnez-moi tout : votre temps, vos prières, vos réflexions afin de comprendre ce qui se vit en ces jours. A quel prix je paie votre salut et votre réconciliation. Ce n’est pas du « gaspillage ». Plus vous m’honorerez à Pâques, plus vous deviendrez actifs ensuite pour donner votre vie, vos talents, votre argent pour soutenir les pauvres ».
La Grande Semaine éclaire et vivifie tout le reste de l’année.

JEUDI : CECI EST MON CORPS

Au centre de notre parcours de cette semaine, éclate ce que nous appelons banalement « la messe » et qui est l’extraordinaire invention de Jésus.
Au moment où Judas le vend aux grands prêtres qui vont le livrer à Pilate qui va le livrer à la croix, Jésus apprend à ses disciples (qui évidemment ne comprennent pas) qu’il n’est pas un objet que l’on manipule mais un sujet qui agit en toute conscience. On ne le prend que parce qu’il se donne. On ne le tue que parce qu’il s’offre à son Père.
« Ceci est mon corps…ceci est mon sang » : la mémoire de la mort est évidente mais elle est don de nourriture donc de vie pour les disciples. Je me donne à mon Père : donc il me donnera la Vie. Je me donne à vous donc vous vivrez. Et vous vivrez de moi. Pour que vous, ensuite, vous donniez, par amour, votre corps et votre sang.
La Passion commence par l’action. C’est pourquoi la croix sera à jamais active, puissance d’action divine.
La croix, dans son horreur de souffrances, va éparpiller, disperser les disciples : l’Eucharistie les réunira, les rassemblera. Car tout de suite les disciples comprendront qu’il leur faut se réunir non une fois par an, à Pâques, non le vendredi jour de la crucifixion, mais le 3ème jour, jour de la résurrection, Jour du Seigneur, dimanche. Affirmer le corps ressuscité de Jésus, c’est manifester son Corps qui est l’Eglise, assemblée pardonnée par la croix de son Seigneur et unie par son Amour infini.

VENDREDI : LA CROIX

Convergence de tout le mal dont nous sommes capables. Une foule qui vous applaudit puis qui vous rejette. Un ami qui vous trahit. D’autres amis qui s’enfuient sans vous défendre. Des prélats qui montent un procès truqué. Un Général qui signe le décret de mort pour un homme qu’il sait innocent. Des soldats qui vous crachent au visage, vous déshabillent tout nu, vous clouent sur un bois. Des gens qui ricanent devant un supplicié qui agonise. Des hommes capables d’inventer un des plus horribles supplices de l’histoire.
Quelqu’un me demandait : « Mais de quoi devons-nous être sauvés ? ». De toute cette monstruosité qui habite nos cœurs. Car qui oserait prétendre qu’il en est incapable ?
Ici l’ignominie indéfinie des hommes s’est croisée avec l’amour infini de Dieu : au centre l’homme nu est devenu pardon, miséricorde, réconciliation. Le sang coule sur le globe et le purifie.

SAMEDI : LE TOMBEAU ET LE SILENCE

C’est shabbat. La fête se déroule normalement. L’affaire Jésus a été réglée à la grande satisfaction des Puissants. On supplie Dieu d’envoyer un jour le Messie libérateur. Tous les disciples du condamné ont disparu. Là-bas, en marge de la ville, un tombeau fermé par une grosse pierre.

Le vide. L’échec total. « Après tout, il n’y a que la mort qui gagne » (J. Staline). Il y a des jours où tout paraît absurde.

Savoir tenir quand tout est perdu. Comme Pierre murmurer : « Je l’ai trahi : je suis perdu ».
Et attendre quand même. « Des profondeurs je crie vers Toi, Seigneur…j’attends de toute mon âme…Mon âme désire le Seigneur plus que la garde ne désire le matin…Mets ton espérance dans le Seigneur…il rachètera Israël de toutes ses fautes » (psaume 130).

Quelle est cette voix qui dit : « VOICI : JE VIENS BIENTÔT » (Apocalypse 22, 20) ?…[/fusion_text][/one_full][one_full last= »yes » spacing= »yes » center_content= »no » hide_on_mobile= »no » background_color= » » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » background_position= »left top » hover_type= »none » link= » » border_position= »all » border_size= »0px » border_color= » » border_style= » » padding= » » margin_top= » » margin_bottom= » » animation_type= » » animation_direction= » » animation_speed= »0.1″ animation_offset= » » class= » » id= » »][fusion_text]

Raphaël Devillers,  dominicain
Tél. : 04 / 220 56 93   –   Courriel :   r.devillers@resurgences.be

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Il y a cinq ans, François était élu pape

Surnommé le pape réformateur, François interpelle autant qu’il séduit. À l’occasion des cinq ans de son pontificat, Christiane Rancé, essayiste et auteur du livre « François, un pape parmi les hommes », revient pour Aleteia sur son image, son action et les défis qu’il doit relever. Le 13 mars 2013, Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires, est élu 266e pape de l’Église catholique. Il prend alors le nom de François, en référence à saint François d’Assise. Élu avec pour mission de réformer l’Église et la Curie, le pape François chahute et bouscule.

Aleteia : Comment décririez-vous le « style » François ?

Christiane Rancé : Le style François, c’est celui des curés italiens du Piémont du siècle dernier, qui pratiquaient un christianisme à la fois pieux et fortement engagé auprès des plus pauvres. Ils suivaient l’exemple don Giovanni Bosco, ce fils de pauvres paysans de Castelnuovo, patrie originelle des Bergoglio, canonisé par Pie XI en 1934, et fondateur de l’Ordre des Salésiens de don Bosco. François a un petit côté don Camillo. Une bonhomie pleine de tendresse, de fermeté et de familiarité au sens noble du terme, et qui pousse celui qui la reçoit au meilleur de lui-même. Un don Camillo qui s’autorise à sermonner tous les Pepone du monde quand il sent que son Eglise est menacée. Ce style, c’est sa grand-mère Rosa Margarita qui l’a inspiré à François. Jorge Mario Bergoglio a été élevé dans l’admiration des œuvres de don Bosco, qui s’était dévoué à la cause des enfants abandonnés de Turin et à leur éducation, ainsi qu’au sort des vagabonds, et à toutes les périphéries sociales qui surgissaient en marge des premières villes industrielles. Lorsqu’il a été nommé archevêque de Buenos Aires, Bergoglio s’en est souvenu. Il a circulé en métro. Il demandait qu’on l’appelle monsieur le curé et consacrait ses après-midi à visiter les très nombreux bidonvilles qui ont fleuri à Buenos Aires dès les années 1990.

Quels sont, selon vous, les gestes forts du pape François ?

Son premier geste fort, a été de renouer immédiatement un lien de douceur et de confiance avec les fidèles. Dès qu’il est apparu au balcon, il leur a demandé, avec simplicité et humilité, de prier pour lui, puis il leur a souhaité une bonne soirée et un bon appétit. En quelques minutes, il a balayé la défiance d’un grand nombre de catholiques pour leur Église dont ils n’entendaient plus parler qu’à coup de scandales. Son deuxième geste fort a été de quitter la Chapelle Sixtine dans le même bus que les autres cardinaux, comme s’il était resté l’un d’eux, et de refuser de s’installer dans les ors des appartements pontificaux – il se démarquait ainsi d’une Institution de plus en plus mal perçue, qu’il accusera plus tard de se complaire dans les mondanités. Ensuite, il a annoncé sans attendre sa volonté de réformer une Curie de plus en plus compromise, et de plus en décalée par rapport aux attentes des fidèles, notamment sur les questions de la famille. Au lieu des vacances traditionnelles, il a demandé à tous de rester au Vatican pour mettre en route les grands chantiers qui lui semblaient prioritaires. Enfin, il a choisi pour premier voyage officiel d’aller à Lampedusa, lieu emblématique du martyre des Migrants, qu’il a toujours mis au cœur de sa pastorale et dont il veut, manifestement, faire l’une des marques de son Pontificat

Dans quel domaine son action vous paraît-elle la plus forte ?

Dans sa volonté de voir l’Église sortir d’elle-même pour aller à la rencontre du monde – un monde qu’il ne limite pas aux baptisés. Il le fait à l’imitation de ce qui est rapporté dans l’Évangile selon saint Matthieu (18 ; 12-14) et dans l’Évangile selon saint Luc (15 ;4-7) ainsi qu’à l’imitation de saint François d’Assise dont il a pris le nom – une première dans l’histoire de la papauté. Le pape François veut que les pasteurs de l’Église catholique aillent vers les plus pauvres, les plus égarés, et vers les plus nécessiteux dans toutes les acceptions du terme. C’est à eux tous qu’il ouvre les bras. De même, comme le saint d’Assise, il est allé à la rencontre des musulmans. Il s’est souvenu qu’au plus sanglant de la cinquième croisade, François a risqué sa vie pour traverser les lignes ennemies et rencontrer, à Damiette, le sultan Malik al-Kamil.

Selon vous, comment est perçu le pape François en-dehors de la sphère chrétienne ?

Excellemment bien, il me semble. Il est incontestable qu’il n’y a pas d’autre autorité religieuse dont la parole ait, aujourd’hui, un poids aussi important. Il est très écouté. La moindre de ses déclarations est répercutée dans tous les médias, et dans le monde entier. On tend d’autant plus l’oreille à ses propos qu’il a avoué clairement vouloir s’impliquer dans les questions politiques. Paradoxalement, il est peut-être mieux perçu à l’extérieur de l’Église, qu’à l’intérieur où il suscite des réserves et des oppositions inédites, car la plupart d’entre elles ne sont pas émises par des groupes qu’on qualifie, à tort ou à raison, d’extrémistes. Pas d’alarmisme pour autant, personne ne menace l’Église de scission, ou de schisme. Le Christianisme n’a jamais connu une telle progression, qui hélas s’accompagne aussi d’une progression du nombre de ses martyrs. Et comment le pape François ne rencontrerait-il pas quelques réticences ? Ce qu’il fait, ce qu’il demande nous met en face de nous –mêmes, et exige de nous une conversion radicale qui dérange nos conforts.

Quel est le principal défi qui attend le pape François ces cinq prochaines années ?

En Europe, il y a la crise de la vocation des prêtres. Beaucoup plus de gens qu’on ne le croit aimeraient franchir le seuil de leur église mais la porte est fermée, faute de prêtres. Plus mondialement, il y a les réponses à donner aux dévastations de l’ultra-libéralisme, et à l’adoration de plus générale pour le Veau d’or, ainsi qu’aux avancées techniques qui se présentent sous les couleurs prestigieuses du progrès, dont le transhumanisme n’est pas le moindre. Mais enfin, le plus grand des défis à mes yeux sera de faire entendre l’appel à la Paix qu’a toujours proféré le Christianisme, dans un monde où la violence sous toutes ses formes et les foyers guerriers décuplent. Son défi, sera de convertir de plus en plus d’hommes à la vérité des Évangiles, des hommes qui auront l’universelle volonté de maintenir la paix sur cette Terre.  Rappelons l’adage qui veut que le christianisme demande, non pas comment va le ciel, mais comment on y va.

Quel regard portez-vous sur ces cinq années de pontificat ?

Un regard admiratif. Pour des raisons personnelles : j’ai suivi le pape François en Argentine, quand il était archevêque de Buenos Aires et j’ai vu son courage, son travail, et les vocations qu’il a suscitées. Pour des raisons objectives : en cinq ans, alors que les vaticanistes prédisaient qu’il serait impuissant à réformer la Curie, il a déjà entrepris d’énormes chantiers, accompli des réformes de taille, dont celle concernant les institutions financières.

Toutefois, cette admiration ne m’empêche pas de rester lucide. Dans la proximité qu’il a voulue et ses prises de parole, il y a eu des propos hâtifs, des jugements à l’emporte-pièce, et une certaine désaffection pour les églises d’Europe et leurs fidèles. Il y a aussi la question de la pédophilie qu’il doit aborder sans trembler, avec plus de courage et de détermination encore que pour tous les autres problèmes qu’il a attaqués. Là se joue la confiance en lui et en son Église, et plus encore, la possibilité d’une foi invincible en l’Église, celle dont elle a besoin pour relever tous les défis que les chrétiens du 21ème siècle auront à affronter.

Aleteia – sur le net – 18 2 2018

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