La loi Climat du gouvernement n’est pas à la hauteur. C’est ce qu’ont clamé les manifestants du dimanche 28 mars dans toute la France. 110 000 personnes (selon les organisateurs, 44 000 selon la police) ont répondu à l’appel de nombreuses associations comme Alternatiba, Greenpeace, Oxfam France et ATD-Quart monde.
Des « cortèges de croyants »
Du côté des chrétiens, certaines organisations catholiques et protestantes avaient bien l’intention de se montrer solidaires de ce mouvement. Ainsi, les Chrétiens unis pour la Terre (CUT), la Mission populaire évangélique, le Mouvement du christianisme social, la Fédération protestante de France, le CCFD-Terre solidaire, le Ceras, le Réseau Foi & Justice Afrique Europe et les Éclaireuses et Éclaireurs Unionistes de France ont appelé conjointement à constituer un « cortège des croyants ». Un petit groupe d’une trentaine de personnes a ainsi répondu à l’appel à Paris. D’autres groupes d’une dizaine de personnes se sont formés à Valence, Nîmes, Strasbourg, Nice et Rennes.
Coïncidence : le jour de la manifestation correspondait au dimanche des Rameaux. Pour marquer le coup, les chrétiens étaient invités à venir marcher avec leurs rameaux bénis. « Les rameaux sont un signe de la gloire de Dieu, explique Priscille de Poncins, C’est un symbole d’espoir. Si tous les hommes de bonne volonté s’unissent, on peut changer la donne. Cela signifie aussi que c’est l’ensemble de la Création qui doit être sauvé, et pas simplement les humains. »
Thibault, 28 ans, poursuit le parallèle entre la commémoration de la Passion et le combat politique pour l’écologie : « Cette crise qui nous touche est la mort de la société actuelle. Nous espérons, avec le Christ, faire advenir une nouvelle société, plus sobre et plus heureuse ».
Un signe pour les politiques
Les Rameaux, c’est aussi le signe de la foule, fait remarquer Alexia, elle voit dans cette marche pour le climat « l’occasion de s’unir entre chrétiens sur des valeurs communes que nous ne mettons pas assez au centre de nos vies ».
Mais au-delà du symbole spirituel, le cortège des croyants a un sens plus politique. C’est la conviction de Laura Morosini :« C’est d’abord un signe pour les autres croyants, pour leur montrer qu’ils ont une place dans ces manifestations. C’est aussi un signe pour les politiques : pour qu’ils sentent que les croyants ne se mobilisent pas que « pour la boutique », pour leur demander de réparer les églises, pour manifester sur la bioéthique ou pour les écoles catholiques. Enfin, c’est un signe pour le monde militant. Parmi eux, beaucoup finissent par se décourager et laisser tomber le militantisme…
« J’assume la référence à Laudato si’ »
L’ancienne ministre de l’écologie Delphine Batho, aujourd’hui député des Deux-Sèvres, reconnaît le rôle que peuvent jouer les chrétiens. N’a-t-elle pas intitulé son manifeste politique « Écologie intégrale » en 2019 ? « J’assume la référence à Laudato si’ », confie-t-elle en marchant, reconnaissant dans le texte du pape « une des contributions les plus importantes et les plus profondes à la réflexion sur le lien entre la destruction de la nature et les inégalités sociales ».
Elle ajoute : « Moi qui suis athée, j’assume totalement la dimension spirituelle de la transformation écologique : l’humilité, le refus du sur-consumérisme, l’importance donnée aux valeurs morales par rapport à la possession des choses. »
Une voie étroite
Le fondateur de « Coexister » S. Grzybowski, qui a rendu visite au pape quelques jours plus tôt le confirme : « Beaucoup de croyants sont engagés sur ces questions mais ils ne le font pas de façon « identitaire », ils sont disséminés un peu partout. Sur la question écologique, je ne vois pas l’intérêt de participer à un cortège des croyants. En revanche, cela a du sens de se structurer au sein de nos communautés pour les faire bifurquer vers l’écologie. »
Action locale et réflexion intellectuelle
Laura Morosini et les Chrétiens unis pour la Terre semblent se contenter de leur rôle : être présent dans les cortèges. « On est convaincu que même à 10, avec une banderole ou des gilets, c’est très utile. »
Le renfort d’une prise de parole officielle des Églises, notamment des évêques, serait une bonne ressource pour la cause. « Il faut que les Eglises prennent la parole, estime Laura Morosini. Le pape ne peut pas faire tout le boulot ! On a dix ans pour changer. »
Par Sixtine Chartier
Publié le 30/03/2021 dans LA VIE (extraits)