Évangile de Luc 2, 16-21
Journée de prière pour la Paix
« Bonne Année ! » : la formule s’échange sans arrêt. Conventionnelle, elle demeure un vœu, un souhait sincère mais inefficace. Au fait pourquoi l’année commence-t-elle le 1er janvier ? Pourquoi pas à l’éclosion du printemps ou le 1er septembre qui marque la reprise des écoles et des entreprises ? C’est Jules César, nous dit-on, qui fixa le départ de l’année à cette date dédiée au dieu Janus à deux faces opposées, comme le passé et l’avenir.
Ce repère, quoi qu’il en soit, exprime notre impression du temps qui s’écoule mais ne nous dit rien sur sa signification. Car si les végétaux et les animaux subissent la succession des saisons et acceptent la loi de la jungle où règne la violence et où le prédateur écrase le plus faible, il n’en est pas de même pour nous, les humains. Il n’existe pas de peuple qui n’élabore un système de justice pour endiguer, au moins, les tentatives de violence et pour punir les auteurs d’injustice. Personne ne supporterait un laisser-faire général. Toute victime revendique, à juste titre, punition du coupable et réparation des préjudices : cela ne relève pas d’une vengeance ou d’une rancune mais d’un sentiment très fort de justice. Déjà à la découpe du gâteau, les tout petits le manifestent.
Pire encore, on dirait que la guerre est un virus incurable. Tueries, destructions massives, tortures et viols, les victimes innocentes se comptent pas millions. Que de souffrances, de mutilations, de haine ! Ai-je vécu un jour de ma vie sans qu’il y ait au moins un conflit armé sur terre ? Aujourd’hui il y en a des dizaines. Alors suffit-il de se taire, de se résigner, de tirer son épingle du jeu mortel ? Suffit-il de critiquer un Dieu silencieux qui semble impuissant ou insensible ? La mort d’un seul enfant n’est-elle pas la preuve de son inexistence ?
Non, Dieu a répondu depuis longtemps mais sa réponse est déconcertante.
La coûteuse et Bonne Nouvelle
Dans l’antiquité où déjà s’affrontaient les dieux et les empires, un petit peuple insignifiant a certifié qu’il avait reçu une réponse. Le Dieu unique est amour et tendresse, il ne manipule pas ses créatures humaines et libres. A Israël d’abord, il a révélé sa Loi : voici, mes enfants, mon code de vie, voici comment je vous propose de vous conduire pour éviter le plus de mal possible et pour vivre dans le droit, la justice et la paix. Mes Dix Paroles ne sont pas votre privilège : elles sont le programme à appliquer et à faire connaître à tous les peuples. La Loi commençait à donner sens à l’existence humaine.
Hélas, le peuple d’Israël, faible comme tous les autres, n’est jamais parvenu à vivre selon cet idéal de Dieu que sans cesse des Prophètes lui rappelaient. Alors Dieu révéla une nouvelle promesse : un jour inconnu, je vous enverrai un « Messie »c.à.d. quelqu’un ( ?) qui sera « oint » donc comblé de ma Puissance. Il sera plus qu’un prophète qui tonitrue – en vain – contre les méfaits. Le Christ Messie vous sauvera : il ne vous empêchera pas de fauter mais il vous offrira mon pardon et, plus merveilleusement encore, il vous communiquera ma Vie, la Vie éternelle.
Qui sera ce Messie ? Quand viendra-t-il ? Comment agira-t-il ? Y aura-t-il une déflagration ? Sera-ce la fin du mal ?…Pas de réponses.
Noël : le Messie est venu
Et le Messie est venu. De façon tellement surprenante et inimaginable que bien peu commencèrent à percer son identité sous les apparences de ce Jésus, homme né d’une femme » (Galates 4 = 2e lecture)artisan simple et démuni. Pire, les plus hautes autorités religieuses se dressèrent contre lui, le traitèrent de blasphémateur, le firent exécuter de façon ignominieuse sur la croix. Cet échec semblait démontrer qu’il s’agissait d’un menteur, d’un mythe.
Or immédiatement après ce désastre, les disciples de Jésus, qui n’avaient rien fait pour le défendre et qui auraient dû s’enfuir au loin par peur des poursuites, réapparaissent sur la scène publique. Au coeur même de Jérusalem, ils ne se lamentent pas sur la disparition honteuse de leur maître : ils se rassemblent et chantent la merveille que Dieu vient de réaliser. Oui Jésus a été exécuté mais il est Vivant. Il est bien le Messie, le Fils unique de Dieu et son Père l’a ressuscité. Sa mort, le don de sa vie-pour-nous offre le pardon des péchés du monde et sa Vie nouvelle nous est donnée en partage pour que, par grâce, nous devenions, nous aussi, des « enfants de Dieu ».
De façon déconcertante mais bien réelle, le « Royaume de Dieu » est inauguré. Non dans un espace ni un pays ni une institution. Mais dans le temps : chaque fois que les hommes aiment leur prochain comme eux-mêmes, pardonnent au lieu de s’en vouloir, partagent au lieu d’accumuler, consolent au lieu de demeurer indifférents aux autres, font la paix au lieu de la guerre…Dieu n’a pas voulu nous sauver d’un coup de baguette magique. La grâce du Royaume est donnée : à chacun de la demander, de l’accueillir, de la mettre en pratique. Et un jour, le Messie glorieux reviendra pour rendre la justice définitive.
Ainsi l’histoire a un sens : elle a eu un commencement (reconnu par la science aujourd’hui), les lois dictent notre devoir mais butent sur notre impuissance, elle est attente puis accueil (possible) du Messie de sorte que le Royaume s’étend partout grâce aux disciples et tous ceux qui cherchent le bonheur dans les Béatitudes. Et un jour elle finira (ce que disent les savants) et il n’y aura plus que l’Amour. Éclairée par la foi, portée par la charité, l’histoire est messianique, christique.
Vraiment Noël est la Bonne Nouvelle : le Verbe de Dieu s’est fait chair et a demeuré parmi nous. Sous l’empereur Justinien, en 532, un moine calcula que Jésus devait être né 753 ans après la fondation de Rome : ce fut le départ de l’ère chrétienne (on estime qu’il y a eu erreur : nous entrons en l’année 2027 ?). Quant à la date de la naissance, elle fut fixée au solstice d’hiver, le 25 décembre, afin de supplanter la grande fête populaire de la victoire du soleil.
Sainte Marie, Mère de Dieu
En ce 1er janvier, octave de Noël, nous célébrons « Marie, Mère de Dieu », comme l’a proclamé le concile d’Éphèse. puisque Jésus homme est également le Fils éternel de Dieu.
Les bergers se hâtèrent d’aller à Bethléem, et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire. Après avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers.
Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur.
Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, selon ce qui leur avait été annoncé. Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l’enfant reçut le nom de Jésus, le nom que l’ange lui avait donné avant sa conception.
D’abord Luc nous rappelle la nativité et nous présente les petits bergers comme les prototypes des disciples futurs. Veilleurs dans la nuit, pauvres jeunes mal payés, chargés de garder le troupeau dans l’unité, de chercher et soigner la bête égarée, d’affronter les attaques des prédateurs. Mais ils sont venus voir l’événement, ils jubilent de joie et ils s’en vont pour le raconter ailleurs. Noël comble d’allégresse, il n’est pas « une magie » mais il suscite le désir de le raconter. Le plus merveilleux des cadeaux, c’est accueillir l’enfant qui sauve.
Quant à Marie, Luc note une attitude tellement importante qu’il la répétera lors des retrouvailles de l’adolescent dans le temple (2, 51) : « Elle retient les événements qui surviennent et les médite dans son cœur ». Quelle aventure ! Non la foi chrétienne n’est pas une vague dévotion pieuse, un appel aux miracles : elle s’insère en pleine vie, surprend, secoue, mène sur des chemins ardus. Elle s’enracine dans les événements. Il faut retenir, garder en mémoire, confronter évangile écouté et existence ordinaire. Travail inlassable de l’Esprit. Ainsi la foi est « incarnée », enracinée et elle résiste aux critiques.
Le 8ème jour après la naissance avait lieu la circoncision du nouveau-né. Jésus est bien fils d’Israël. Mais il fera bon accueil aux païens et les apôtres ouvriront l’accès à l’Église par le rite du baptême offert à toutes les nations.
— Fr. Raphaël Devillers, dominicain.