Ce 28 mai, l’auditorium d’Axa, avenue de Matignon à Paris (8e), était comble. Dans la salle : 350 professionnels de la finance et de l’économie, dont Bertrand Badre, ancien directeur général de la Banque mondiale, Denis Duverne, président du conseil d’administration d’Axa, et Philippe Royer, président des Entrepreneurs et dirigeants chrétiens (EDC).
Face à eux : le cardinal Peter Turkson, préfet du Dicastère pour le Service du développement humain intégral. Lors d’une longue allocution, le cardinal n’a cessé d’effectuer un parallèle entre les enjeux économiques actuels et la préservation de l’environnement. Son objectif ? Alerter sur les dérives de la finance spéculative et affirmer qu’une économie centrée sur la personne humaine est possible, « à partir du moment où elle se développe dans une logique de collaboration et non de compétition », a ensuite précisé le cardinal lors d’un point presse.
La visite du cardinal Peter Turkson en France n’est pas un hasard. Elle intervient un an après la publication par le Dicastère d’ « Œconomicæ et pecuniaræ questionnes » (« Considérations pour un raisonnement éthique sur certains aspects du système économique et financier actuel »).
Le texte alertait sur les dérives financières de « l’égoïsme aveugle, limité au court terme, faisant fi du bien commun, excluant de ses horizons la préoccupation non seulement de créer mais aussi de partager la richesse ». Sitôt le document paru, des associations chrétiennes de professionnels de la finance français, telles que Pro Persona, le groupe « Ora et Labora » et l’Association des économistes catholiques (AEC) se sont regroupées en groupes de travail.
L’enjeu de cette initiative ? Approfondir certaines parties et apporter des précisions à Œconomicæ et pecuniaræ questionnes. Le fruit de ce travail a donné lieu à deux textes.
Le premier porte sur les critères éthiques de l’investissement. Le second, sur la vocation de l’investisseur. Après relecture par Rome, les deux documents seront prochainement publiés par le dicastère, dans toutes les langues.
NOUS VIVONS UNE CRISE SOCIO-ECOLOGIQUE SANS PRECEDENT.
– Mgr Peter Turkson
Lors du point presse organisé à l’occasion de cette conférence, le Cardinal Peter Turkson n’a cessé d’établir un parallèle entre l’encyclique Laudato si’ et le document sur l’économie. Face aux enjeux environnementaux et économiques : même credo.
Dans les deux cas, l’Église pointe du doigt les inégalités créées par une mauvaise utilisation des ressources. « Nous vivons une crise socio-écologique sans précédent. Cela nécessite une profonde réforme de la manière dont nous gérons notre maison (économie), de la manière dont nous prenons soin de notre maison commune (écologie) », a notamment détaillé Peter Turkson.
Reconnue sur la scène internationale pour son engagement écologique , l’Église entend bien désormais être audible sur la scène économique et financière.
Or, pour être crédible, il s’agit d’être force de proposition.
Dans cette optique, le pape François a invité les jeunes du monde entier à venir travailler avec lui en mars 2020, à Assise, pour réfléchir à la création d’une économie alternative.
« Pour le pape, l’inclusion doit être la visée de l’économie actuelle », précise Peter Turkson. Et il y a urgence. « Dans certaines entreprises, les travailleurs sont considérés comme les objets d’une société du profit », alerte le cardinal, avant d’ajouter : « En France, la crise des Gilets jaunes a démontré l’importance d’axer la politique sur le bien commun ».
Autant d’éléments qui encouragent l’Église à faire de l’économie, un nouvel enjeu apostolique.