1er dimanche de l’Avent — 3 décembre 2023
Évangile selon saint Marc 13, 33-37
Revoici le beau temps de l’Avent. Vous le savez, et l’Évangile nous le rappelle encore aujourd’hui, l’Avent est le temps des veilleurs, le temps de l’attente de la venue de Dieu. Mais une autre manière de le voir est comme un temps de gestation, celle du divin au sein de l’humain – Marie – mais celle aussi de l’humain en divin – nous. C’est à la fois le temps où nous cherchons en nous l’enfantement du divin, mais aussi celui où nous nous enfantons en Dieu.
Depuis que Dieu, en Jésus de Nazareth, s’est manifesté dans la chair, le monde est en gestation. Et ce qui est en train de naître, c’est la joie commune de Dieu qui découvre en Jésus l’humanité accomplie et celle de l’homme qui découvre en Jésus la promesse que Dieu lui avait faite. L’Avent est marqué par la figure de Marie enceinte : or la Tradition voit dans la personne de Marie attendant la naissance de Jésus, une figure de l’Église qui attend la réalisation des promesses divines. Ceci nous invite à considérer l’Église, et donc nous-mêmes, comme un corps divin en gestation. Mais qu’attendons-nous vraiment ?
Pour une part, l’Avent est le temps liturgique où l’Église fait mémoire de l’attente de la venue du Messie, le temps des veilleurs qui attendent le Christ incarnation du Salut. Bref, un temps de préparation à Noël. Or c’est oublier que le cycle de la Nativité ne s’achève pas à Noël, mais à l’Épiphanie, comme en témoignent sans doute plus clairement que nous les Églises orthodoxes et orientales. Le mot Épiphanie renvoie à celui de manifestation. Ainsi, plus que faire mémoire de la naissance de Jésus, il s’agit de célébrer la manifestation du Seigneur parmi les hommes. Mais qu’est-ce qui se manifeste au juste ?
L’Éternel, le Dieu invisible se fait homme parmi les hommes, l’un d’entre nous. Il entre dans notre histoire et fait donc de l’histoire humaine un temps de gestation. Ainsi l’Avent nous rappelle que le temps que nous vivons, certes depuis la naissance du Christ à Bethléem, mais surtout depuis sa mort et sa résurrection, est un temps de gestation de l’humanité en Dieu. On pourrait dire que la gestation du Christ terminée, par sa résurrection, c’est la nôtre – notre génération en Dieu – qui doit maintenant suivre.
L’Avent et Noël font donc mémoire de la manifestation de Dieu dans l’histoire des hommes et c’est pourquoi effectivement, il est juste de parler de ce temps comme d’un temps de joie. Mais la joie ne vient pas tant de la naissance de l’enfant Jésus, que de ce qu’elle signifie : Dieu avec nous, comme le rappelle l’Évangile de Matthieu (1, 27) : « Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu-avec-nous ».
Ainsi, si l’Église et nous-mêmes sommes en gestation, c’est d’abord parce que Dieu est venu à la rencontre de l’humanité. Depuis que Dieu est entré dans l’histoire des hommes – et c’est le sens des alliances de l’Ancien Testament, avec Abraham, avec Moïse, et surtout depuis que Dieu, en Jésus de Nazareth, s’est manifesté dans la chair – le monde est en gestation. Et qu’est-ce qui est en train de naître ? La joie incarnée de la rencontre avec Dieu – joie de Dieu qui découvre en Jésus l’humanité accomplie ; joie de l’homme qui découvre en Jésus la réalisation de la promesse que Dieu lui a faite.
Ainsi, le temps de l’Avent est moins un temps où l’on fait mémoire de la naissance de Jésus dans la chair, qu’un temps où l’Église oriente nos regards vers la venue du Christ à la fin des temps. Adventus en latin signifie venue, mais une venue dont la naissance à Bethléem était la première réalisation, qui surtout annonçait la venue plénière du Christ « tout en tous » (1 Co 15, 28).
La gestation dont nous faisons mémoire durant l’Avent, ce n’est pas seulement celle de Marie, mais celle du Royaume. On sait que dans l’Évangile, Jésus parle du Royaume de Dieu avec des images – la graine de moutarde, la levure qui fait lever la pâte – des images qui disent la gestation du Royaume. Si l’on peut dire que l’Église est en gestation, c’est parce qu’elle attend et prépare le Royaume dont elle est déjà une certaine réalisation.
Nous sommes actuellement dans ce temps intermédiaire entre l’incarnation de Dieu en Jésus Christ et celle de son achèvement tout en tous. Chaque jour, le Seigneur vient, si nous l’accueillons. Pour le chrétien, chaque jour devrait être Noël – son Noël, sa propre naissance en Dieu.
On comprend ainsi l’appel constant de l’Évangile à la vigilance, qui est par excellence la vertu d’une Église en gestation. Veillez, en effet ! Le Christ vient désormais au monde à travers vous ; la plénitude de Dieu est en gestation en vous.
Nous voici donc enceints de Dieu. Ceci nous laisse avec une profonde question, qui pourrait nourrir notre réflexion pour un Avent spirituellement fructueux : quelle est la part de divin que j’engendre ? En quoi suis-je pour le monde, un signe de Dieu qui vient – une Épiphanie ?
— Fr. Laurent Mathelot OP