Homélies et commentaires par fr. Laurent Mathelot OP

Résurgences

Fête du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ – Année B – Dimanche 3 juin 2018 – Évangile de Marc 14, 12-26

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FAUT-IL ENCORE ALLER A LA MESSE ?

 

La fête du Saint Sacrement ne peut être réduite à l’adoration de l’hostie porteuse de la présence réelle du Christ – même si ce culte est recommandable. L’Eucharistie n’est pas une consécration de choses mais une action, un ensemble d’activités, de rites : « Faites cela en mémoire de moi » a dit Jésus.

« Cela » désigne l’initiative ultime et totalement inattendue de Jésus à l’heure de ses derniers moments de liberté. Avant que ses ennemis viennent le « prendre » pour le mettre à mort, il « donne » son corps à ses disciples, sous forme de pain afin qu’ils vivent. En faisant « cela », il leur dit que sa passion imminente n’est pas un échec subi mais une action. Il va disparaître mais il réapparaîtra en eux qui l’ont accueilli. Ses souffrances horribles vont manifester son amour infini pour eux.

« Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne » enseigne Paul (1 Cor 11, 26). Sommes-nous conscients de cette merveille extraordinaire ? Célébrer l’Eucharistie, c’est planter la croix d’hier dans nos existences d’aujourd’hui afin de faire un pas vers la rencontre future du Seigneur vivant.

« Faites cela » : qu’est-ce encore à dire ? Comment devons-nous bien « faire » pour correspondre à l’ordre du Seigneur ?

L’INVITATION : LE JOUR DU SEIGNEUR

Tout de suite, les apôtres n’ont pas décidé de faire ce repas le jour de sa mort mais « le 3ème jour » après, donc au lendemain du shabbat qui clôturait la semaine juive, donc à ce qu’on appelait le premier jour, jour où Jésus était ressuscité.
L’Eucharistie, mémoire de la croix, est Jour de Vie, Jour où les péchés de la semaine sont effacés et où les disciples reprennent vie en Christ. Dimanche démarre la semaine, il est jour de re-création, de réfection d’une humanité blessée, bancale, déchirée.

On ne va pas à la messe parce que c’est dimanche. Au contraire c’est parce que c’est le jour de la résurrection de Jésus, dimanche, que nous fêtons l’Eucharistie.
L’invention de l’Eucharistie a changé l’ordre du calendrier et a créé le « domenica dies » qui a donné le mot DIMANCHE. La messe n’est pas une pause finale mais un nouveau départ, la source qui va permettre de mieux vivre la semaine qui commence avec elle.

Il est scandaleux qu’au début de l’industrialisation l’Eglise ait accepté que l’on vole le dimanche aux ouvriers pour les laisser esclaves du rythme des machines. Ecœurés, ils ont quitté l’Eglise pour se rassembler et trouver réconfort dans « les Maisons du peuple ». Et aujourd’hui nous voyons à nouveau les efforts des grandes entreprises commerciales pour supprimer le jour de repos. Le combat de Mammon-Argent contre le Christ se poursuit.

L’EUCHARISTIE EST CONVERSATION

Dans tous les pays, quand les hommes se retrouvent, ils commencent par s’accueillir et se parler. On ne vient pas à la messe pour « se recueillir » pieusement dans le silence mais pour « se laisser recueillir » en une assemblée. Donc il importe de dialoguer.
Alors que partout nous nous retrouvons par liens familiaux ou par classes sociales ou portés par les mêmes intérêts culturels, politiques ou sportifs, l’Eucharistie renverse les murs, dépasse toutes les frontières. L’ouvrier et le patron, l’Européen et l’Africain, la digne baronne et le jeune rappeur se retrouvent sans autre raison que laisser le Christ réaliser leur unité profonde dans le cœur de Dieu. Peu importe que l’on ne sache même pas le nom de l’autre et que l’on soit séparé par des intérêts opposés. Quand on vient partager la même table, on ne s’éparpille pas.

Et Dieu nous fait l’honneur de partager une conversation avec lui.

Nous le saluons d’abord et nous reconnaissons que nous ne méritons pas cet honneur. Mais si nous sommes venus, c’est précisément parce que nous avons compris que là se jouait notre vie, que le Père était tout heureux d’accueillir tous ses enfants pour leur pardonner.

Il s’adresse à nous : dans les lectures, il nous raconte ses aventures avec les hommes, il nous apprend à vivre mieux, à faire de meilleurs choix de vie, il nous réconforte si nous sommes abattus.

Et nous, en retour, nous chantons sa Gloire et notre joie d’être présents. Prenons-nous part à ce « dialogue » ?…

Toute cette première partie de la réunion n’est pas « une avant-messe » facultative et il nous faut convertir nos comportements. Les supporters de foot, les amateurs d’opéras, les jeunes fans de rock, les invités du Palais royal, tous et toutes, sauf exception, se pressent pour arriver à l’heure de leurs réunions. Pourquoi mettons-nous moins d’empressement pour répondre à l’invitation DE DIEU ?….

Par nos chants, nos prières, nos « AMEN » clamés avec assurance, nous nous unissons, nous participons, nous entrons dans le grand élan de l’Eglise heureuse d’échanger avec son Seigneur.
L’homélie montre l’actualité permanente du message du Christ et indique comment l’incarner dans nos vies aujourd’hui.

LE PIVOT INTERMEDIAIRE

Alors cette première partie (Liturgie de la Parole) peut se terminer par 3 actes qui manifestent que nous avons compris et que nous sommes dans les dispositions nécessaires pour poursuivre :

  • ACTE DE FOI : nous proclamons notre credo, nous disons à Dieu que nous avons confiance en Lui.
  • ACTE D’ESPERANCE : nous pensons au monde et nous prions aux intentions des absents, des malheureux, en l’espérance de la santé, de la paix et de la justice.
  • ACTE DE CHARITE : par la collecte nous donnons librement un peu de nos biens pour les besoins de l’Eglise et pour les œuvres humanitaires.

L’EUCHARISTIE EST UN REPAS.

Eclairés par la Parole de Dieu, réchauffés par la prière, nous sommes prêts à participer d’un même cœur à la 2ème partie.
De façon solennelle, en englobant tous les appels de l’Eglise et du monde, le prêtre fait mémoire, actualise le geste du don ultime du Christ : « Prenez, mangez…Buvez… ».

Centrés sur le Christ crucifié et vivant, nous pouvons dire le NOTRE PÈRE puis nous obéissons à l’appel et nous partageons le Pain eucharistié. Nous ne faisons pas notre communion (expression insensée) mais nous entrons dans la communion de l’amour du Seigneur qui nous recrée en communauté fraternelle.

Et il est sans doute bien dommage que nous ne célébrions plus avec un pain unique comme Jésus puis les premiers chrétiens faisaient : « Le pain que nous rompons n’est-il pas une communion au corps du Christ ? Puisqu’il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps car tous nous participons à cet unique Pain » (1 Cor 10, 12) Paul ne pourrait plus nous lancer cet appel pathétique, lui qui constatait les oppositions qui demeuraient hélas entre communiants !
Car il faut le répéter haut et fort : l’Eucharistie n’est pas un acte pieux individuel mais elle a pour but de réaliser l’œuvre du Christ, ce pour quoi il a donné sa vie et est ressuscité : l’union des êtres humains toujours tentés par le repli sur soi, l’indifférence aux autres, la rancune, l’orgueil.

ET LA SUITE ?

Quand nous sortons de l’Eglise, apparemment rien n’a changé. Nos caractères sont toujours les mêmes, nos problèmes ne sont pas résolus et le monde poursuit sa course, indifférent à cette pincée de gens qui semblent croire encore aux vieilles histoires religieuses.
Pourtant la Parole de Dieu vient encore de s’incarner, comme jadis à Bethléem ; le sacrifice de l’amour crucifié a été re-présenté, rendu-présent, comme au Calvaire ; la Victoire de la vie sur la mort a rempli nos cœurs : « Allez dans la Paix du Christ ».

Notre assemblée qui se disperse paraît aussi dérisoire que le groupe primitif des premiers apôtres et des quelques femmes qui méditaient l’ordre reçu : « Dans toutes les nations faites des disciples ; je suis avec vous jusqu’à la fin du monde ». Remplis de joie, porteurs de la Nouvelle qui allait changer l’histoire, ils décidèrent de se retrouver chaque dimanche pour manger le Corps du Seigneur et devenir son Corps.
Et la merveille s’est réalisée. Un jour, un jeune homme d’Assise a laissé là sa fortune et le poverello a fait chanter la joie de la création ; un petit abbé français a sauvé des milliers de vies que son Roi, engoncé dans le luxe, laissait mourir ; une religieuse albanaise a quitté son couvent nanti pour s’enfoncer dans l’enfer des lépreux de Calcutta. Qui ose prétendre que l’Eucharistie ne sert à rien ?

Parce qu’il porte la présence divine, le morceau de Pain continue à allumer le feu de l’amour dans les cœurs les plus froids. A condition, certes, qu’ils acceptent de se laisser brûler. Et que la main qui s’est ouverte pour recevoir le Pain de Vie se tende pour donner du pain à l’affamé.
Oui « il est grand le Mystère de la Foi ».[/fusion_text][/one_full][one_full last= »yes » spacing= »yes » center_content= »no » hide_on_mobile= »no » background_color= » » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » background_position= »left top » hover_type= »none » link= » » border_position= »all » border_size= »0px » border_color= » » border_style= » » padding= » » margin_top= » » margin_bottom= » » animation_type= » » animation_direction= » » animation_speed= »0.1″ animation_offset= » » class= » » id= » »][fusion_text]

Raphaël Devillers,  dominicain
Tél. : 04 / 220 56 93   –   Courriel :   r.devillers@resurgences.be

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