Homélies et commentaires par fr. Laurent Mathelot OP

Résurgences

Fête de l’Ascension – Année C – 26 mai 2022 – Évangile de Jean 14, 3

Évangile de Jean 14, 3

« Je vous prendrai avec moi »

Quand on dit : « Jésus est monté au ciel », on emploie évidemment une métaphore. Jésus n’est pas un cosmonaute qui, si loin qu’il s’enfonce parmi les étoiles, reste enfermé dans notre monde de l’espace-temps. Saint Luc, le seul évangéliste qui l’évoque, le fait d’ailleurs de deux manières différentes, preuve qu’il ne faut pas s’arrêter à l’image mais en comprendre la signification profonde pour la foi.

D’abord la scène du départ du Ressuscité clôture son évangile : elle marque la fin du temps des apparitions et elle convainc les disciples que Dieu a cassé la sentence du procès. La victime avait raison : si ses juges l’ont « exécuté », Jésus a ainsi « exécuté » le dessein de son Père en faisant de la croix, par amour, l’acte du salut du monde. C’est pourquoi son Père l’a ressuscité et l’a accueilli dans sa Gloire. Il est dans ce monde que nos sens et notre raison ne peuvent saisir. Les disciples l’ont bien compris : ils ne se lamentent pas et, tout joyeux, se réunissent pour prier. Leur angoisse a disparu, ils sont heureux d’être pardonnés de leur lâcheté et assurés que leur vie a un sens. Vivre comme Jésus le leur a appris et remplir sa mission les conduira à le rejoindre dans la maison du Père. Son Ascension est promesse de la leur.

Dans son second livre, les Actes des Apôtres, Luc parle d’un intervalle de 40 jours d’apparitions où Jésus annonce à ses disciples d’attendre l’Esprit-Saint que Dieu va leur envoyer incessamment. Puis il les emmène sur le mont des Oliviers et il disparaît à leurs yeux. Il leur est dit de ne pas rester le nez en l’air : le Ressuscité reviendra à une date non précisée.

10 JOURS DE PRIÈRE

« Ils regagnèrent Jérusalem, montèrent dans une salle à l’étage. Il y avait là Pierre, Jean, Jacques et les autres. Tous unanimes persévéraient dans la prière, avec quelques femmes, dont Marie, la mère de Jésus et les frères de Jésus »

A nouveau, il ne faut plus demander d’apparitions de Jésus ni chercher à savoir quand il reviendra mais se réjouir de le savoir dans la Paix de son Père. Son projet d’instaurer le Royaume, loin d’être détruit par sa mort, va se poursuivre par les disciples à qui le don de l’Esprit va être fait. Alors ils annonceront le message du salut aux hommes de toutes les nations. Ce temps d’attente nous instruit sur les jours que nous allons vivre.

D’abord il est demandé de rester à Jérusalem, dont les prélats suprêmes sont cependant les premiers responsables de l’exécution de Jésus. On ne refait pas l’Église à côté de celle qui existe : la Nouvelle Alliance éclot sur la Première. Le présent ne se renie pas : il accouche de demain par l’effort de la prière.

Les premiers disciples demeurent groupés car ils vont être chargés d’une œuvre collective. Le temps de leurs rivalités est révolu : il faudra travailler, non de manière identique, mais ensemble. L’Esprit n’est pas un don de piété individuel mais un don que chacun doit demander pour lui et les autres.

S’ils montent à l’étage, c’est afin de se retrancher des affaires et des soucis du quotidien. Sans l’élan reçu par la prière, il n’y aura pas d’action valable. Jésus lui-même n’avait-il pas reçu sa mission pendant 40 jours au désert ? Le don essentiel pour accomplir la plus grande tâche de l’histoire nécessite une prière qui assume tout l’être. Dans les moments les plus graves, la retraite est nécessaire La prière la plus retirée permettra de plonger au coeur du monde.

Au centre, se trouve Pierre, que naguère certains jalousaient et qui avait renié son maître. Mais Jésus l’a placé à la tête et lui a pardonné. On ne l’adule pas, on accepte sa faiblesse en lui demandant miséricorde.

Il y a aussi – et c’est exceptionnel à l’époque – des femmes, sans doute Marie-Madeleine et les autres qui suivaient Jésus, étaient présentes à la croix et les premières à découvrir le tombeau vide. L’Église naît mixte. Et Luc note la présence des frères de Jésus et surtout de Marie, la mère, par qui tout avait commencé. Elle avait reçu une annonce, s’était donnée toute entière à la réalisation, avait reçu l’Esprit. Elle est, pour les apôtres, comme un modèle, comme une mère. Elle prie maintenant pour ces hommes afin qu’ils poursuivent l’œuvre.

Dans un coin minuscule du monde, quelques personnes attendent avec confiance. Le minuscule bourgeon va se déployer à travers la planète. Alléluia !!!

Fr Raphael Devillers, dominicain.


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