Actes des Apôtres 1, 1-11
JESUS EST SEIGNEUR
Le 40ème jour avant Pâques, en commençant le temps du carême, l’Église nous rappelait notre dure condition : « Tu es poussière et tu retourneras en poussière » et, avec crainte, nous suivions Jésus qui nous parlait d’épreuves, de souffrances et de croix. Aujourd’hui, 40ème jour après Pâques, nous chantons notre joie : effectivement cet homme Jésus a connu la mort mais ensuite, vivant, il a été accueilli dans la Maison éternelle de son Père.
Si notre vie terrestre nous semble une inexorable descente dans l’abîme de la mort, l’Ascension nous révèle que, par le tremplin de la croix, elle peut devenir une montée vers la Vie éternelle. L’Ascension est la proclamation de la Seigneurie de Jésus, la découverte du trajet intégral de notre existence, la fête de notre espérance.
LES DOUTES CHASSÉS PAR L’ENSEIGNEMENT
Les évangiles osent nous dire que les disciples ont eu bien des résistances à croire en Jésus ressuscité : ils croyaient voir un esprit, ils voulaient toucher…Il a fallu tout un temps pour que Jésus les convainque que c’était vraiment lui, marqué des plaies de sa passion.
Surtout il leur apprenait une autre lecture des Écritures, une autre conception du Royaume de Dieu. En effet, humilié par des siècles d’occupation étrangère, Israël rêvait d’un Messie fulgurant, d’un pays enfin libre, du triomphe des bons, de l’écrasement des impies, peut-être de la fin du monde. Jésus les renvoyait à d’autres textes, à une tout autre image du Messie. La lumière de la résurrection ouvrait leurs cœurs à une autre compréhension des prophéties.
Donc ne demandons pas des apparitions : apprenons à lire ce qu’il ne faudrait plus appeler « Ancien Testament » car il n’est pas dépassé. Il est merveilleux de découvrir en lui comment peu à peu Dieu réalise son dessein du salut des hommes, comment des événements, des cris, des péchés même conduisent insensiblement à la reconnaissance du Messie Jésus. Le manque de connaissance de l’histoire biblique est une des grandes tares du peuple catholique.
Cette recherche peut aussi nous orienter vers la relecture de notre propre histoire. Progrès et conflits, sciences et philosophies, arts et cultures : quelles valeurs finalement se dégagent ? Notre recherche du bonheur, nos échecs de relations, nos aspirations profondes : que disent-ils de nous, du sens de la vie humaine ? Tolérance, dialogue, droits de l’homme, protection des plus faibles de la société, mondialisation…mais aussi conflits, racismes, massacres, partout la mort : que cherchons-nous ? Comment la croix et la résurrection projettent-elles une lumière sur ce tourbillon ?
LA GRANDE PROMESSE
Il leur donna l’ordre de ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre que s’accomplisse la promesse du Père : « Cette promesse, vous l’avez entendue de ma bouche : alors que Jean a baptisé avec l’eau, vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici peu de jours. ». Vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »
Jésus a expliqué tous les sens de la Révélation : maintenant il faut recevoir une énergie nouvelle. Dieu avait promis cette effusion spirituelle, et Jésus avait répété cette promesse. Maintenant celle-ci va se réaliser de façon imminente, à une date non précisée.
Remarquons les 2 verbes : « Vous serez baptisés dans… » (c.à.d. plongés dedans : l’Esprit sera comme votre nouveau milieu de vie) et « Il viendra sur vous » (comme un bouclier qui vous protègera). Mieux encore il sera « l’Esprit de Dieu qui au commencement planait à la surface des eaux » et qui a couvé le tohu-bohu pour que surgisse l’univers et la vie (Genèse 1, 2). Après Pâques, cet Esprit va susciter une nouvelle création, va faire des disciples « les témoins » du Ressuscité. Animée par ce Souffle, leur parole sera « ressuscitante », capable de réveiller et de relever les hommes.
L’ASCENSION
Toujours et partout, le ciel a eu un sens symbolique. Lorsque nous disons : « Notre Père qui est aux cieux », nous n’imaginons pas un Dieu là-haut derrière les nuages. Et lorsque Luc nous parle de l’Ascension, nous ne voyons pas Jésus tel un cosmonaute qui s’envole dans une fusée.
…Tandis que les Apôtres le regardaient, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs yeux. Et comme ils fixaient encore le ciel…deux hommes en vêtements blancs leur dirent : « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. »
Pourquoi cette insistance sur le VOIR ? Parce que jadis le prophète Elie – le seul (avec le mystérieux Hénok : Gen 5, 24) dont on dise qu’il a été enlevé au ciel – a demandé à son disciple Elisée de regarder son départ, condition pour être accrédité comme son disciple dans l’Esprit. (2 Roi 2)
De même ici il faut que les apôtres « voient » que leur Maître est entré dans la Gloire de Dieu son Père. Qu’il n’est pas un « saint » accueilli près de Dieu mais qu’il est véritablement SEIGNEUR et que ses disciples peuvent et doivent lui donner ce Nom réservé à Dieu. C’est pourquoi Pierre proclamera : « Qu’Israël le sache avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous aviez crucifié » (Ac 2, 36). Paul écrira : « Dieu lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom afin qu’au Nom de Jésus, tout genou fléchisse… » (Phil 2)
C’est seulement s’ils restent convaincus que Jésus est « SEIGNEUR » de l’histoire que les disciples resteront animés par son Esprit. Le disciple qui considère Jésus comme un grand sage de jadis ne dispose pas de l’énergie du témoignage.
JESUS SEIGNEUR VIENDRA
Jésus vit dans la Gloire de son Père mais il reviendra pour juger. Entre ces deux moments, il est vain de rester le nez en l’air, guettant les signes de l’apocalypse. La foi n’est pas fuite du monde.
Alors, ils retournèrent à Jérusalem depuis le lieu-dit mont des Oliviers…À leur arrivée, ils montèrent dans la chambre haute où ils se tenaient habituellement ; c’était Pierre, Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu, Jacques fils d’Alphée, Simon le Zélote, et Jude fils de Jacques. Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière, avec des femmes, avec Marie la mère de Jésus, et avec ses frères.
Nous ne pouvons pas (encore) monter au ciel mais nous pouvons monter à l’étage de notre maison, c.à.d. à l’écart des bruits pour un retrait dans le silence. Mater notre envie de nous précipiter. Car les gens n’attendent pas notre dévouement et nos paroles resteront creuses si elles ne sont portées par le Souffle de l’Esprit.
Tenir dans l’attente sans en connaître la durée. En compagnie des autres frères et sœurs, autour de Pierre, parce qu’il ne peut y avoir qu’une seule Église. D’un même cœur, unanimes (mot répété 10 x dans les « Actes »). Tous animés par l’amour pour Jésus, tous décidés à annoncer le Royaume tel qu’il l’a dit, tous impatients de partir en mission, tous conscients qu’ils devront eux aussi vivre le mystère pascal.
Et tous avec MARIE. C’est sa dernière mention dans les Écritures. Elle connaît ces jeunes, elle sait qu’ils ont lâché son fils mais, comme lui, elle leur pardonne. Elle prie pour qu’ils vivent ce qu’elle a vécu : écouter, répondre : « Je suis ton serviteur : que ta Parole s’accomplisse en moi ». Que l’Esprit les féconde, les remplisse de la nouvelle présence du Messie. Alors, sûrs de la « Montée » de leur Seigneur, ils pourront « descendre » dans les jungles où les hommes se combattent. Ils se disperseront pour faire des « Visitations », annoncer Jésus Seigneur, et agrandir le peuple qui, avec elle, chantera MAGNIFICAT.
ASCENSION : fête magnifique. Fête du Seigneur dans la Lumière, fête du chemin du ciel ouvert, fête de l’Espérance. Commençons demain « la Neuvaine du Saint-Esprit ». ALLELUIA. ALLELUIA.
Fr. Raphaël Devillers, dominicain.