« Arrêtons ce naufrage de civilisation »

Pape François à Lesbos, Grèce (5 12 2021)

Chères sœurs, chers frères, je suis de nouveau là pour voir vos visages, pour vous regarder dans les yeux. Des yeux remplis de peur et d’attente, des yeux qui ont vu la violence et la pauvreté, des yeux embués par trop de larmes

Une crise qui nous concerne tous

…Nous avons compris que les grandes questions doivent être abordées ensemble. …L’avenir de tout le monde est en jeu, il ne sera serein que s’il est intégré. Ce n’est qu’en étant réconcilié avec les plus faibles que l’avenir sera prospère. Parce que lorsque les pauvres sont rejetés, c’est la paix qui est rejetée. Le repli sur soi et les nationalismes – comme l’histoire nous l’enseigne – mènent à des conséquences désastreuses.

Elie Wiesel, témoin de la plus grande tragédie du siècle dernier, a écrit : « C’est parce que je me souviens de notre origine commune que je m’approche de mes frères, les hommes. C’est parce que je refuse d’oublier que leur avenir est aussi important que le mien »..

En ce dimanche, je prie Dieu de nous réveiller de l’oubli de ceux qui souffrent, de nous secouer de l’individualisme qui exclut, de réveiller les cœurs sourds aux besoins des autresurmontons la paralysie de la peur, l’indifférence qui tue, le désintérêt cynique qui, avec ses gants de velours, condamne à mort ceux qui sont en marge ! Luttons à la racine contre cette pensée dominante, cette pensée qui se concentre sur son propre moi, sur les égoïsmes personnels et nationaux qui deviennent la mesure et le critère de toute chose.

Arrêtons ce naufrage de civilisation !

Regardons le visage des enfants. Ayons le courage d’éprouver de la honte devant eux, qui sont innocents et représentent l’avenir. Ils interpellent nos consciences et nous interrogent : “Quel monde voulez-vous nous donner ?” Ne fuyons pas trop vite les images crues de leurs petits corps gisants sur les plages. La Méditerranée, qui a uni pendant des millénaires des peuples différents et des terres éloignées, est en train de devenir un cimetière froid sans pierres tombales. Ce grand plan d’eau, berceau de tant de civilisations, est désormais comme un miroir de la mort.

Ne permettons pas que la mare nostrum se transforme en une désolante mare mortuum, que ce lieu de rencontre ne devienne pas le théâtre de conflits ! Ne laissons pas cette “mer des souvenirs” devenir la “mer de l’oubli”. Frères et sœurs, je vous en prie, arrêtons ce naufrage de civilisation !

C’est Dieu que l’on offense en méprisant l’homme créé à son image, en le laissant à la merci des vagues, dans le clapotis de l’indifférence, parfois même justifié au nom de prétendues valeurs chrétiennes. La foi, au contraire, exige compassion et miséricorde – ne l’oublions pas que c’est le style de Dieu : proximité, compassion et tendresse.

La foi exhorte à l’hospitalité, Jésus affirme solennellement qu’il est là, dans l’étranger, dans le réfugié, dans celui qui est nu et affamé. Et le programme chrétien, c’est d’être là où est Jésus. Oui, parce que le programme chrétien, a écrit le Pape Benoît, c’« est un cœur qui voit »…

Prions maintenant la Vierge Marie pour qu’elle ouvre nos yeux sur les souffrances de nos frères.

Pape François : Partager les vaccins avec les pauvres

Ni « fantôme », ni « mirage », ni « échappatoire », le Christ ressuscité est « espérance » et « réconfort ». En présidant la bénédiction « Urbi et Orbi » – à la ville et au monde – en ce jour de Pâques, 4 avril 2021, le pape François a invoqué la bonne nouvelle de la résurrection pour tous ceux qui souffrent de la pandémie. Il a appelé notamment à accélérer les campagnes de vaccination, « un instrument essentiel pour cette lutte ».

Le Christ ressuscité, a-t-il dit, est espérance « pour les malades et pour ceux qui ont perdu une personne chère » : « Que le Seigneur les réconforte et qu’il soutienne les efforts des médecins et des infirmiers. »

Le pape a également évoqué les jeunes « qui ont été contraints de passer de longues périodes sans aller à l’école ou à l’université ni partager le temps avec leurs amis » : « Nous avons tous besoin de vivre des relations humaines réelles et pas seulement virtuelles, particulièrement à l’âge où se forme le caractère et la personnalité », a-t-il souligné.

Internationalisme des vaccins

Pour sortir de la crise sanitaire, il a souhaité un  “internationalisme des vaccins”, exhortant la Communauté internationale « à un engagement partagé afin de surmonter les retards dans leur distribution et en favoriser le partage, en particulier avec les pays les plus pauvres ».

La pandémie, s’est aussi attristé le pape argentin , « a malheureusement augmenté dramatiquement le nombre de pauvres et le désespoir de milliers de personnes ». Il a souhaité que la résurrection soit « un réconfort pour ceux qui ont perdu leur travail ou traversent de graves difficultés économiques et qui sont privés de protections sociales adéquates ».

« Que le Seigneur inspire l’action des autorités publiques afin qu’à tous, en particulier aux familles les plus nécessiteuses, soient offertes les aides nécessaires à une subsistance suffisante », a-t-il ajouté.

« Tous Frères » du pape François

Un texte à lire et à mettre en pratique pour l’archevêque anglican de Canterbury

L’archevêque de Canterbury et primat de la Communion anglicane Justin Welby commente la dernière encyclique du Pape François “Fratelli tutti”, soulignant la richesse du texte et l’esprit d’ouverture manifestée par le Saint-Père, «dans une optique profondément chrétienne et inspirante».

Une vision «claire, passionnante et ambitieuse du rôle de l’amitié et de la solidarité humaines comme base d’un meilleur ordre mondial futur»: c’est en des termes enthousiastes que Justin Welby décrit l’encyclique Fratelli tutti.

Une voix modérée et ancrée dans le Christ

Le primat anglican insiste sur l’équilibre qui se dégage du texte du Pape François, lequel «entrelace les thèmes de l’individuel et du social, et souligne leur nécessaire interdépendance, rejetant les extrêmes de l’individualisme et du collectivisme social comme étant contraires à la véritable dignité et aux droits de tous les êtres humains». «Sa voix est une voix véritablement et clairement chrétienne, d’une radicale modération, qui n’est ni captée par l’individualisme de la culture ni prisonnière des rêves du collectivisme social. …..À ses yeux, le Saint-Père «expose une vision de relations humaines, sociétales et internationales qui soient saines, fondées sur le souci de l’autre, l’écoute, le partage et l’ouverture aux idées et expériences nouvelles (…)». Il s’agit là d’une vision «ancrée dans une christologie profonde».

Croyants et non-croyants peuvent y souscrire

Le primat souligne aussi l’espérance que transmet le Pape dans ce document «à la fois réfléchi et joyeux», abordant une multiplicité de thèmes d’actualité, et qui «offre des moyens de forger un monde meilleur».

«Il s’agit d’un document véritablement œcuménique», rappelle-t-il. La dimension interreligieuse qui est abordée montre par ailleurs que l’argumentation du Saint-Père, «bien qu’enracinée dans la foi chrétienne, est de force universelle». «Bien qu’il écrive dans une optique profondément chrétienne et inspirante, le Pape François expose explicitement une vision à laquelle les non-croyants peuvent souscrire», continue le Primat anglican, avant d’avertir: «il faudrait être extraordinairement étroit d’esprit pour ne pas prêter attention à son appel à l’action pour des raisons purement sectaires ou similaires».

Un document à mettre en pratique

L’archevêque de Westminster, qui a déjà préfacé un livre de François, estime enfin que «ce remarquable Pape a rendu un autre service au monde en rassemblant dans un seul texte une telle richesse de connaissances sur certains des problèmes les plus urgents de notre époque». «C’est un volume qui mérite d’être lu et relu. J’espère sincèrement qu’il sera non seulement lu, mais qu’il sera mis en pratique par les dirigeants du monde entier», conclut-il.

Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican.
Paru dans Cathobel, le 19 octobre 2020.

« Tous Frères » : Lettre du pape François
Ed. Fidélité – 4, 50 euros