Le groupe djihadiste État islamique en Afrique de l’Ouest a diffusé le 26 décembre une vidéo montrant l’exécution, dans le nord-est du Nigeria, de onze hommes présentés comme des chrétiens. Ces assassinats viennent s’ajouter aux nombreuses exactions commises dans le pays contre des chrétiens par des djihadistes.
C’est « un message [adressé] aux chrétiens du monde entier » en pleine période de Noël, assure un homme au visage masqué dans une vidéo diffusée jeudi 26 décembre par Amaq, l’agence de propagande de l’État islamique. Tournée dans un lieu non-identifié, elle montre l’exécution de onze hommes, présentés comme chrétiens, dans le nord-est du Nigeria. Les yeux bandés, ils sont exécutés par balle puis décapités. Le djihadiste y explique que les hommes qui viennent d’être abattus l’ont été en représailles de la mort d’Abou Bakr al-Baghdadi, chef de l’EI, tué en octobre, en Syrie, lors d’une intervention américaine.
Si la scène est glaçante, elle est malheureusement loin d’être inédite. Il y a un an, en janvier 2019, l’ONG Portes ouvertes affirmait déjà que 90% des chrétiens tués en 2018 dans le monde l’ont été au Nigeria (3.731 morts sur le sol nigérian, contre 2.000 en 2017). Dans ce pays, « les chrétiens font face à une double menace », le groupe djihadiste Boko Haram et les éleveurs peuls, notait déjà l’ONG protestante.
MASSACRE DES CHRÉTIENS : LE MONDE SE TAIT
« Dans le vacarme du monde, ces événements passent inaperçus », regrette Benoît de Blanpré, directeur de l’Aide à l’Église en détresse (AED) France. « Combien faudra-t-il de drames pour que l’Occident se réveille et prenne le sujet à bras le corps ? ».
Des appels, il y en a eu régulièrement, lancés par plusieurs évêques nigérians au fil des années. Mais ils sont restés sans réponse.
Début décembre, l’écrivain et philosophe Bernard-Henri Levy a médiatisé le sort de ces chrétiens en signant un reportage saisissant — et effrayant — dans les colonnes de Paris-Match sur les massacres de chrétiens nigérians .« Avant qu’on ait pu se barricader, ils sont dans les maisons, machettant, courant, incendiant, pillant et violant », raconte-t-il, assimilant les auteurs de ces actes à un Boko Haram décentralisé.
Cela « m’apparaît, de plus en plus clairement, comme un nettoyage ethnique et religieux méthodique », y affirme-t-il. « Cette situation, nous la dénonçons depuis dix ans », rappelle de son côté Benoît de Blanpré.
Depuis le début du conflit, plus de 36.000 personnes ont perdu la vie, dont environ la moitié étaient des civils. Ces derniers continuent de payer le prix ultime d’une crise dont ils ne sont pas responsables et dont ils ne veulent pas et quelque 30 millions de personnes ont été déplacés depuis le début de l’offensive djihadiste, en 2009.
Depuis que les violentes attaques du groupe islamiste Boko Haram ont commencé à déborder au-delà de la frontière nord-est du Nigeria en 2014, le Cameroun, le Tchad et le Niger ont été entraînés dans ce qui est devenu un conflit régional dévastateur.
Pour les Nations unies, « cette crise humanitaire demeure l’une des plus graves au monde, avec 7,1 millions de personnes ayant besoin d’une aide vitale et 1,8 million de personnes déracinées ».
DEMEURERA-T-ON LES BRAS CROISES ?
« Demeurera-t-on les bras croisés tandis que l’internationale islamiste, contenue en Asie, combattue en Europe, défaite en Syrie et en Irak, ouvre un nouveau front sur cette terre immense où ont coexisté, longtemps, les fils d’Abraham ? », lance Bernard-Henri Levy à la fin de son reportage.
« Après la chute de l’État islamique en Syrie et en Irak, nous avons observé des résurgences avec une menace islamiste qui se déplace aux Philippines et au Sahel », détaille encore Benoît de Blanpré. « Le Nigeria est plongé depuis une dizaine d’années dans une situation terrifiante : il y a bien sûr la dimension religieuse qui est centrale, mais il y a aussi des questions ethniques, politiques etc.
De nombreux islamistes associent les chrétiens à l’Occident donc, pour toucher les pays occidentaux, ils visent des chrétiens. D’ailleurs, sur place, plusieurs évêques évoquent les ravages en Afrique d’un islamisme importé, issu de guerres déclenchées au Moyen-Orient et non pas culturel.
Face à ces tragédies et ces jeux d’influence, nous devons nous interroger sur le manque de réaction de la part de la communauté internationale »
(site ALETEIA 31 12 2019)