Le journal La Croix du 7 janvier a publié un dossier sur l’impact des mesures sanitaires sur la pratique des catholiques.
Voici quelques extraits.
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Clément, professeur d’université, a compris qu’il ne retournerait pas à la messe : « Nous avons pris du recul vis-à-vis du caractère un peu triste du rite dominical, pas très adapté aux enfants…La communion eucharistique, est-ce vraiment la manière privilégiée de rencontrer Dieu ? En travaillant sur la Parole en famille, je me sens nourri »….La proportion de « décrocheurs » au sein de l’Église de France est difficile à évaluer. Interrogés, des évêques et des curés évoquent jusqu’à un tiers des paroissiens manquant à l’appel depuis le covid. Dans certaines églises, la baisse de fréquentation oscille ente 15 et 30 %….
Une chose est sûre : les confinements ont précipité l’éloignement d’une bonne partie des paroissiens âgés. « Grâce à la TV, j’entends parfaitement l’homélie, je suis bien installé, je n’ai pas froid … Et puis de toute façon, si je ne retourne pas dans ma paroisse, à qui manquerai-je ? »…Cela soulève la difficulté de bâtir une véritable vie communautaire, surtout dans les grandes villes où, une fois la messe terminée, les paroissiens filent comme des flèches vers leur salle à manger.
La suspension des messes a donc bousculé certains paroissiens pour qui la fidélité à ce rendez-vous était déjà vacillante. « Il va falloir un vrai travail à faire pour aller rechercher ce public-là » (un curé à Asnières).
Messe irremplaçable ?
Paradoxalement, ce sont parfois les expériences spirituelles vécues hors de l’institution qui ont pu faire naître des doutes sur le caractère irremplaçable de la messe… La multiplication des ressources de foi mises à la disposition des catholiques pendant le confinement a permis à certains de se connecter à des propositions plus proches de leur sensibilité que la paroisse de leur quartier. « A la messe, j’avais tendance à m’ennuyer. Avec le confinement, j’ai commencé à faire plus court et plus à fond. J’ai suivi les prières de Taizé en direct, j’allumais une bougie, je ne me sentais absolument pas seul. Aujourd’hui je ne suis pas moins croyant ni moins pieux. Je me suis plus éloigné de l’Église que de la foi » (Un journaliste, 27 ans). Néanmoins il retournera à la messe ponctuellement pour recevoir l’Eucharistie. Mais uniquement dans telle église qu’il apprécie pour sa convivialité. « Je n’ai plus envie de m’infliger des messes qui ne me correspondent pas ».
Va-t-on vers des regroupements de pratiquants par tendance ? « Grâce au numérique, nous voyons émerger des regroupements selon des affinités liturgiques, spirituelles, qui font fi des organisations territoriales » (P. Burgun, faculté de droit canonique, Paris). « Les confinements ont seulement été un accélérateur de particules de phénomènes déjà en cours » explique Mme Le Chevalier, enseignante au Centre Sèvres. Elle voit dans la perte de la centralité de la messe classique « une chance pour l’Église ». Il s’agit désormais de savoir comment les paroisses sauront rejoindre ces chrétiens pratiquants « en diaspora ».
De nouvelles façons de maintenir le lien entre croyants
Nombre d’initiatives, au sein ou en dehors des paroisses, témoignent du désir des chrétiens de maintenir un lien. Une soif de spiritualité tout autant qu’un besoin de liens ont été nourris autrement. En témoigne la hausse du nombre de groupes de partage en ligne : lecture d’évangile, parcours bibliques ou thématiques. Les projets ont permis de recréer un lien communautaire qui fait parfois défaut au sein des paroisses. Au point que certains fidèles disent avoir le sentiment que leur absence n’a de toute façon été ressentie par personne.
Diane, 45 ans, de Paris, a lancé un groupe de partage en dehors de sa paroisse : ça a été une sorte de « cadeau », une occasion de vivre sa foi de manière plus « audacieuse et fraternelle ». « Je me sens davantage nourrie et investie dans ces partages d’évangile que lors de la messe dominicale ». Maïlys (30 ans, ingénieure) a vécu sa foi à travers des groupes de partage biblique : « Je suis très demandeuse de ces moments de communauté. J’ai envie de passer plus de temps à découvrir la parole de Dieu avec d’autres et enrichir ma foi de la leur ».
Manquant de chaleur humaine pour certains, ennuyeux et impersonnel pour d’autres, le simple rendez-vous dominical ne suffit pas à nourrir le lien communautaire, vu comme essentiel par une partie croissante des paroissiens. Les groupes paraissent plus vivifiants, plus personnalisés et viennent pallier le manque de communion et de partage.
Ces groupes s’inscrivent toutefois dans le prolongement de nombreuses initiatives paroissiales mises en place pour favoriser un esprit communautaire. Comme si, en recréant des espaces d’accueil bienveillants et ouverts, les groupes de partage avaient révélé la nécessité dans l’Église de valoriser des lieux de communauté où partager sa foi.
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Questions pour poursuivre la recherche
L’article montre bien ce que beaucoup murmurent depuis belle lurette : il y a une crise de la liturgie eucharistique. S’il y a effondrement de la pratique, il est vain de critiquer le monde ou les jeunes. La crise peut nous pousser à inventer un changement pressenti depuis longtemps.
- La messe n’est pas la réunion de gens qui aiment se retrouver parce qu’ils partagent certaines affinités (d’âge, de culture, de politique…) mais de croyants parfois très différents et qui n’auraient aucun goût de se rencontrer. André doit accepter Philippe, Pierre doit accepter Nathanaël. Jésus les donne les uns aux autres. Plus profondément que la politique, l’Eucharistie crée le monde de la justice et de la paix.
- Oui beaucoup de messes sont ennuyeuses : cherchons les raisons.
- L’article ci-dessus hurle un besoin vital de connaissance du message chrétien et des Écritures. Laisser le « catéchisme » à l’enfance est catastrophique. Mon homélie hebdomadaire, avec ses défauts, est une tentative pour faire comprendre la Parole. Encore les croyants doivent-ils percevoir le devoir de s’informer, de chercher. (« Que cherchez-vous ?), l’envie de « demeurer » avec Jésus.
- En effet si le croyant ne perçoit pas clairement le rapport entre sa vie, sa profession, son monde et la foi en Jésus, la messe devient une routine, elle n’est plus pertinente. A la moindre occasion on l’abandonne. Et on constate qu’on s’en passe très bien. Pourquoi ?…
- « Si je ne vais pas à la messe, je ne manque à personne » : cri déchirant, pathétique. Un pratiquant peut manquer : personne ne le remarque. Un Mr vient seul parce son épouse se meurt du cancer à l’hôpital, personne ne le sait. Scandale absolu !
- Comparer une soirée de concert, de théâtre avec la messe. Préparation soignée et traîne-savate. Joie et ennui. On jouit de raconter la première : critique acerbe ou bouche cousue sur la seconde.
- Confort des églises : souvent froides, acoustique mauvaise, sièges inconfortables….Les croyants peaufinent le confort de leur maison, renouvellent les achats indéfiniment. Et ils concèdent une chiche obole à la quête. Il appartient aux usagers de veiller à leur lieu de culte. L’état financier d’une communauté est à débattre et à contrôler.
- Chaque croyant a valeur unique pour le Seigneur, il est membre du Corps du Christ : peut-il s’exprimer, donner son avis, faire des propositions, lancer des critiques ? Le Pape évoque de plus en plus la plaie du cléricalisme.
R. Devillers O.P.