Évangile de Luc 1, 39 – 45
Marie nous Visite
Pour réussir l’organisation de la plus grande fête de l’année, notre société a déployé, comme toujours, les seuls moyens qu’elle connaisse : multiplier les illuminations dans la nuit, danser autour d’un arbre de vie, présenter des multitudes de choses dans le décor le plus attrayant, offrir les banquets les plus succulents, ouvrir les meilleures bouteilles, entasser les paquets dans des emballages-cadeaux, revêtir les convives des vêtements les plus chics, faire éclater les rires les plus exubérants. Ainsi ça coûte un peu …mais on est certain (à peu près) de jouir des heures les plus heureuses.
Puis le temps de se remettre des excès, de ranger le décor dans le placard : la parenthèse sera fermée et on reprendra la vie ordinaire. On s’est bien amusé, n’est-ce pas ? On a vécu « la magie de Noël » : ce slogan mille fois répété en dit long sur la force de corruption spirituelle.de notre société
Par contre, pour les chrétiens pratiquants, lors des liturgies, les prophètes, d’Isaïe à Jean-Baptiste, nous ont fait la morale : préparez le chemin du Seigneur, changez de conduite, faites des actes de justice et de droit, rabotez votre orgueil, sortez de vos ornières, apaisez votre violence, demandez pardon de vos fautes. Un jour éclatera l’apparition fulgurante du grand juge. Mais il est si difficile d’obéir à ces recommandations, les échecs restent nombreux, la conversion paraît impossible. Et mon baptême, avoue Jean, ne peut vous offrir qu’un signe de votre purification.
Oui il faut faire et refaire sans cesse des actes car nous avons à bâtir un monde meilleur. Oui il nous est permis de faire la fête et jouir ensemble de la joie. Oui un jour sonnera l’heure du jugement.
Mais aujourd’hui, en la 4ème et dernière étape de l’Avent, à notre grande surprise nous apparaît un tout autre moyen de fêter un authentique Noël à la joie durable : voici une menue silhouette, fragile et souriante. Elle est toute jeune encore, vêtue comme une pauvre petite paysanne. Elle s’appelle Marie.
Luc nous a déjà parlé d’elle, de l’événement bouleversant qu’elle vient de vivre. Dans son village de Nazareth en Galilée, le messager de Dieu est survenu et lui a proposé d’accueillir l’Esprit-Saint qui la rendra enceinte d’un fils qui sera le Messie et que l’on appellera le Fils de Dieu. « Magie de Noël » s’exclameront nos contemporains. Non : « Foi » réplique Marie. Et sans tout comprendre, sans exiger de preuves ni délai de réflexion, elle a accepté sur le champ le sur-réel. « Voici la servante du Seigneur : que tout se passe pour moi comme tu l’as dit ».
Cette annonciation personnelle s’est accompagnée d’une nouvelle familiale: « Ta cousine Élisabeth est enceinte et elle en est à son 6ème mois ». Alors du coup, sans attendre, sans se calfeutrer dans un refuge de prière, « la servante du Seigneur » a compris qu’elle devait d’urgence partir de chez elle et se faire « la servante de sa parente ».
Écouter Dieu pour servir le Prochain
En ces jours-là, Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.
Or quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle, elle fut remplie de l’Esprit-Saint et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de ton sein est béni !…
Comment ai-je ce bonheur qua la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?…
Car lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation, l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi !
Heureuse, celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ».
En ultime préparation à Noël, prêtons l’oreille : quelqu’un frappe à notre porte. Nous ne l’avons pas convoquée, nous l’avons même souvent oubliée. Ce n’est plus un Jean-Baptiste qui nous accable d’exhortations et nous menace d’un jugement. C’est pas un marchand qui nous presse de consommer. C’est la douce voix d’une toute jeune femme qui nous appelle par notre nom et nous demande de l’accueillir.
Si nous lui ouvrons notre cœur, une vie nouvelle s’agite en nous : notre accueil nous fait immédiatement partager l’Esprit qui l’habite. Les images scintillantes et charlatanesques de toutes les femmes que l’on appelle idoles, s’effondrent devant l’unique qui est la Bénie de Dieu, la seule que l’on peut nommer « la Mère de mon Seigneur ».
Et nous pouvons chanter le bonheur de cette petite paysanne inconnue qui a écouté la Parole que Dieu lui adressait et qui a fait confiance par le don de sa vie : « Les paroles de Dieu s’accompliront ». Cette foi n’a rien de magique puisqu’elle bouscule sa vie : elle commence à quitter sa maison et les siens pour se rendre au loin chez sa vieille parente. En hâte – car la charité presse toujours
Conclusion
Comment mieux préparer ces derniers jours qu’en méditant comment l’aventure a commencé au creux d’un minuscule village perdu, avec une jeune femme. Il n’ y a qu’une manière de répondre à ceux qui défigurent Noël en un spectacle magique : écouter le doux appel de Marie qui désire vivre chez nous, reconnaître sa grandeur, imiter son écoute et – ainsi que le répète si souvent le cher pape François : SORTIR !
Aller vers ceux qui ne disent rien mais qui ont besoin de nous. Ne pas les accabler de bonnes paroles mais, comme Marie, les écouter.
Y a-t-il plus grande allégresse que celle de ces deux femmes qui s’étreignaient et qui n’en revenaient pas d’avoir été choisies pour faire l’avenir de Dieu parmi les hommes.
Chacune ne se croyait pas tenue de combler l’autre de cadeaux : elles se comblaient par leurs présences.
Elles n’avaient pas besoin de s’enivrer pour être remplies de joie : l’Esprit jaillissait en elles comme une source.
On ne parlait pas d’elles dans les médias : car les choses de Dieu se déroulent dans le silence.
Derniers jours de sa grossesse : vivons-les avec elle.
Fr. Raphaël Devillers, dominicain.