Fête de la Présentation du Seigneur – Année A – Dimanche 2 février 2019 – Évangile de Luc 3, 22-40

ÉVANGILE DE LUC 3, 22-40

La Rencontre

40 jours après la fête de la Naissance du Sauveur, nous fêtons sa Présentation dans le temple de Jérusalem, événement que l’antique tradition juge important puisque cette festivité du 2 février supplante la liturgie normale du 4ème Dimanche qui pourtant proclame la page sublime des Béatitudes.

Les parents de Jésus sont de fidèles observants de la Loi laquelle prescrivait à toute mère de venir au temple, avec son nouveau-né de 40 jours, pour le rite de sa purification à elle. Non évidemment qu’elle ait péché, mais l’écoulement de sang exigeait un rite (Lévit. 12, 1). En outre tout garçon premier-né étant consacré à Dieu, Maître de la vie, il fallait symboliquement “le racheter” par un don d’argent (Ex 3, 13; Nb 18, 15)

LA RENCONTRE

Or comme les parents traversaient l’immense esplanade du Temple, tout à coup un vieil homme inconnu leur barre la route, l’air tout ravi. Luc le présente: c’était un homme juste et pieux, il était prophète et l’Esprit de Dieu lui avait révélé qu’il ne mourrait pas avant d’avoir vu la venue du Messie promis par les Ecritures. C’est poussé par une mystérieuse inspiration de l’Esprit qu’il était venu au temple à ce moment-là et qui lui avait permis de reconnaître cet enfant.

Emerveillé, il demande à Marie de lui confier son petit et il éclate en prière:

“Maintenant, Maître, tu peux renvoyer en paix ton serviteur
car mes yeux ont vu ton salut que tu as préparé en faveur de tous les peuples.
Il est la Lumière pour la révélation aux païens et gloire d’Israël ton peuple”.

Non l’espérance qui animait le vieil homme ne lui a pas menti. Désormais il peut mourir tranquille: cet enfant du peuple, aux parents pauvres et que rien ne distingue des autres, c’est Lui ! Et il révèle à Marie l’oeuvre universelle de son enfant. Ce messie apportera le salut non seulement à son peuple mais à toutes les nations, il sera le Messie unique et universel, lumière du monde tout en étant la gloire d’Israël.

“Le père et la mère de l’enfant étaient étonnés de ce que cet inconnu disait de lui.”

Il est intéressant de remarquer comment la révélation de Dieu s’effectue progressivement. L’Ange avait subitement bouleversé Marie en lui annonçant la mystérieuse naissance de son enfant; peu après Elisabeth l’avait accueillie en proclamant sa grandeur; à Bethléem, les petits bergers étaient survenus en apportant la bonne nouvelle de la paix. Et maintenant un vieux inconnu lui apporte une révélation extraordinaire. Peu à peu, par la prière et l’écoute, par les rencontres imprévues, par des jeunes et des vieux, Marie reçoit la révélation de l’identité et de la mission de son enfant. Soyons attentifs aux rencontres impromptues: Dieu parle.

Car la foi n’est pas une fulgurance intégrale, une expérience mystique totalisante mais un cheminement. Chaque progrès est dû à la fidélité au progrès précédent. La lumière ne progresse que si on lui est fidèle, si on ne se laisse pas arrêter par le doute, l’incrédulité, le scepticisme. Une parente, un enfant, un vieillard peuvent nous dire des messages de Dieu. Parfois mieux que des livres.

NOUVELLE REVELATION A MARIE

Autant la première prophétie de Syméon éclatait comme une bonne nouvelle lumineuse, autant la suivante, adressée directement à Marie, va se chuchoter dans une ambiance de mystère et de drame.

“Syméon les bénit et dit à Marie sa mère: “ Il est là pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël et pour être un signe contesté. Toi-même, un glaive te transpercera l’âme. Ainsi seront dévoilés les débats des coeurs”.

Ce Jésus est bien le Messie qui restera la gloire d’Israël mais il ne se manifestera pas comme un chef qui s’impose de manière violente et bouleverse tout, d’un coup de baguette magique. Il sera “un signe” c.à.d. une personne qui intrigue et pose question. Il n’écrasera pas le peuple par sa puissance, son faste, ses affirmations péremptoires tels les tyrans, les dictateurs, les grands esprits. Il n’éblouira pas, ne fascinera pas, ne prouvera rien. Sa personne, son comportement, son enseignement seront comme des appels devant lesquels tout homme doit se décider en toute liberté.

Certains seront interpellés, remués au fond du coeur par quelque chose d’inouï; d’autres au contraire seront excédés par ce Jésus qui échappe à toute définition, qui n’entre dans aucune catégorie. Les uns, émerveillés, seront envahis par une nouvelle lumière et seront prêts à suivre cet homme partout où il va; les autres, au contraire, se sentiront dévoilés et ils se mettront à détester puis à haïr ce personnage qui met au jour leur part sombre et ils le traiteront d’hérétique, d’imposteur, de suppôt de Satan.

Devant Jésus, l’homme se dévoile, son masque tombe, ses belles apparences se fendillent. Sous des dehors honnêtes se cachait la perversité; derrière des pratiques pieuses rôdait une cupidité viscérale; des propos brillants masquaient un orgueil démesuré. Devant un miroir, nous pouvons à coup de fards dissimuler nos ruines: devant l’Evangile, nous nous voyons tels que nous sommes.

Au coeur de son peuple d’Israël qui, pour une grande part, ne reconnaîtra pas en Jésus son Sauveur, Marie va énormément souffrir. Le déchirement d’Israël va déchirer son coeur. Saint Jean laissera entendre que le coup de lance qui percera le coeur de Jésus crucifié pénétrera le coeur de sa Mère qui se tenait debout au pied de la croix (Jean 19, 25).

LA FEMME PROPHETE

Aux récits de ses prédécesseurs, Luc a souvent ajouté la présence des femmes. A côté de l’homme Syméon, il note la présence d’Anne. Et là aussi il y a un message.

“Il y avait aussi une prophétesse, fort avancée en âge. Restée veuve, elle avait 84 ans. Elle vivait tout près du temple, participait au culte nuit et jour par des jeûnes et des prières. Survenant à ce moment, elle se mit à célébrer Dieu et à parler de l’enfant à tous ceux qui attendaient la libération de Jérusalem”.

Donc des femmes peuvent, elles aussi, recevoir l’Esprit et parler au nom de Dieu comme des prophétesses.
Anne est comme le modèle du parfait israélite qui aime la Maison de Dieu, se voue à une prière permanente et à une existence frugale. Donc la longue fidélité à la Loi peut et doit conduire à reconnaître ce mystérieux Messie.

Et en outre elle devient missionnaire et affirme que ce Jésus est le Messie qui doit effectuer la libération, le rachat d’Israël. “Rachat”: c’est précisément pour le rite du “rachat du premier-né” que Marie était au temple.Or Luc n’en a rien dit. Jésus “le Fils de Dieu” n’a pas à être “racheté” à son Père à qui il appartient définitivement: au contraire c’est lui qui, par le don de sa vie sur la croix, opérera le “rachat”, la libération. Non seulement des péchés de Jérusalem et d’Israël mais le péché du monde.

“Lorsqu’ils eurent accompli tout ce que prescrivait la Loi de Dieu, ils retournèrent en Galilée dans leur ville de Nazareth”.

Ainsi le mot “Loi” encadre le texte: Luc veut notifier que, dès le départ, le messie, déjà par ses parents, observe fidèlement les observances et les rites prévus par la Loi.

Or que va-t-il se produire ? C’est que Jésus, dès le début de son ministère, va se heurter aux représentants officiels de cette Loi. Ce sont les prêtres, les scribes, les pharisiens, les légistes qui refuseront ce prétendu messie en l’accusant d’être infidèle à la Loi. Leur scepticisme de départ tournera à l’hostilité, aux critiques, aux accusations et finalement ce sont les membres du grand tribunal du Sanhédrin qui pousseront à sa condamnation et à son exécution.

Dans la scène de la Présentation, en ne parlant pas du prêtre qui a officié ni des détails des rites effectués et en soulignant d’autre part le discernement et l’accueil chaleureux des deux vieillards, Luc ne raconte pas une simple anecdote. Il montre à son lecteur qu’en effet Jésus est un Messie qui fait signe, qui interroge.

Les pauvres, ceux qui n’ont pas été découragés par la longueur de l’attente, et qui sont fidèles aux inspirations de l’Esprit, le reconnaissent sous ses apparences sans éclat et sans puissance.

Au contraire, ceux qui attendent une démonstration de force, un messie impérial qui veut un déploiement de faste et qui anéantit les mauvais, ceux-là ne peuvent que s’irriter et ils demeurent aveugles devant celui qui, pour les autres, est “la Lumière du monde”.

Et ces aveugles peuvent être des prêtres, des spécialistes des Ecritures, des théologiens, des moralistes !

CONCLUSION

Terminons par une allusion à la fête de la Chandeleur comme on appelle aussi la fête de ce jour.

Nous croyions que les édifices sacrés, les liturgies fastueuses, les existences impeccables, le moralisme parfait nous conduisaient à une foi véritable.

Et nous voilà retournés comme des crêpes !

Frère Raphaël Devillers, dominicain

27 janvier : 75ème anniversaire de la libération du camp de la mort Auschwitz – Birkenau

D’après le ministère de l’Intérieur, les faits racistes et xénophobes ont augmenté de 130% pour l’année 2019, dans un bilan publié ce dimanche 26 janvier. Une hausse de 27% par rapport à 2018.

Un repli avait été enregistré lors de ces deux dernières années, mais pour 2019, leur nombre a explosé. Les actes racistes et xénophobes ont augmenté de 130%, selon un bilan du ministère de l’Intérieur, diffusé ce dimanche 26 janvier. « Pour l’essentiel, ces faits relèvent de la catégorie des ‘menaces' », détaille la place Beauvau, qui publie chaque année un rapport des actes « antireligieux, antisémites, racistes et xénophobes ». Pour l’année qui vient de s’écouler, 1.142 faits ont été comptabilisés, contre seulement 496 en 2018.

AUGMENTATION DE L’ANTISÉMITISME

Les faits à caractère antisémite ont augmenté de 27%, par rapport à 2018 : 687 ont été enregistrés en 2019, contre 541 l’année précédente. Parmi eux, 151 atteintes aux personnes et aux biens tels que des dégradations, des vols ou encore des violences physiques, contre 536 menaces. Ces dernières expliquent notamment l’augmentation, doublant de 50% par rapport à 2018, alors que les violences ont baissé de 15%. Les atteintes aux personnes sont en net recul (44%) selon le ministère de l’Intérieur.

Selon une étude IFOP, diffusée mardi 21 janvier, un tiers des Français de confession ou de culture juive disent se sentir souvent menacé, en raison de leur appartenance religieuse.

LES ACTES « ANTICHRÉTIENS » STABLES, FAITS « ANTIMUSULMANS » FAIBLES

Le nombre d’actes « antichrétiens » est toujours le plus important, comparativement à la totalité des faits. Il reste « stable » selon l’Intérieur : 1.052 recensés en 2019, contre 1.063 en 2018. Contrairement aux menaces (56), les actions restent les plus élevées (996) et consistent essentiellement à des atteintes aux biens à caractère religieux.

Les faits « antimusulmans », restent quant à eux « relativement faibles », avec seulement 154 actes recensés – dont 63 actions contre 91 menaces. Pourtant, leur nombre est en hausse par rapport à 2018, où 100 actions et menaces ont été recensées. Tout comme les faits « antichrétiens », l’essentiel concerne des atteintes aux biens religieux.

Christophe Castaner et Laurent Nunez appellent à une « condamnation ferme et claire de l’ensemble des responsables politiques qui s’inscrivent dans le champ républicain ». Pour le ministre de l’Intérieur, et le secrétaire d’Etat, « la permanence de la haine antisémite, et plus généralement l’inquiétante banalisation des propos et comportements racistes et xénophobes, appellent un sursaut de conscience de notre société », alors que nous commémorons le 75ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz.

3ème dimanche – Année A – 26 janvier 2019 – Évangile de Matthieu 4, 12-23

ÉVANGILE DE MATTHIEU 4, 12-23

DIMANCHE DE LA PAROLE DE DIEU

Après plus de 50 ans de sacerdoce, je ne me souviens pas d’avoir jamais célébré la messe du dimanche sans qu’il y ait plusieurs arrivées tardives de fidèles. Nous payons encore ce qui constitue, à mon sens, un des plus grands crimes de l’Eglise qui, pendant des siècles, a enseigné que l’eucharistie commençait au moment de l’offertoire et que ce qui précédait n’était qu’une « avant-messe » facultative ( !!??)

Avec bien du retard, en décembre 1963, le concile Vatican II a débuté par une réforme de la liturgie et déclaré enfin : « Les deux parties qui constituent la messe, c.à.d. la liturgie de la Parole et la liturgie eucharistique, sont si étroitement unies entre elles qu’elles constituent un seul acte de culte. Le concile exhorte vivement les pasteurs à enseigner aux fidèles qu’il faut participer à la messe entière, surtout les dimanches et jours de fête » (§ 56).

Depuis lors des curés m’ont raconté tous les efforts qu’ils ont tentés pour changer les habitudes de certains et les convaincre de venir à l’heure : rien n’y a fait. On court pour arriver à l’heure au théâtre, pour écouter un chanteur : on traîne les pieds pour écouter la Parole de Dieu.

LE DIMANCHE DE LA PAROLE DE DIEU

C’est pourquoi nous nous réjouissons de la nouvelle initiative du pape François qui, en septembre dernier, a établi que « Le 3ème dimanche ordinaire de l’année sera consacré à la célébration, à la réflexion et à la proclamation de la Parole de Dieu ».

Donc c’est aujourd’hui que nous fêtons ce « Dimanche de la Parole de Dieu ». Et le pape précise tout de suite qu’il ne peut s’agir d’un événement passager, fixé à une seule date, mais d’une démarche de foi qui persuade les catholiques de reprendre conscience du privilège d’entendre véritablement la Parole que le Dieu de miséricorde adresse à son peuple.

La messe n’est pas un temps de recueillement personnel ni la coexistence de prières individuelles. La messe est une réception où Dieu, dans sa Maison, reçoit son peuple. Lors de toute réception, il y a repas et dialogue. On commence à s’accueillir avec plaisir, on échange des nouvelles, puis vient le moment de passer à table où le dialogue se poursuit puis on termine encore par la conversation. L’important finalement, ce n’est pas tant le contenu des assiettes – même si le menu a été fignolé et si les mets sont exquis. La réussite est dans l’aménité des propos, la joie du dialogue, la richesse des discussions.

Ainsi chaque dimanche Dieu nous fait l’honneur de nous inviter. Il ne nous juge pas sur notre apparence, notre culture, nos vertus. Il nous demande de nous reconnaître dans notre vérité de faiblesse et il nous comble de son pardon inconditionnel. Puis il nous parle : moments d’histoire du Premier Testament, Psaumes, exhortations des Prophètes, extraits des lettres des Apôtres et surtout page de l’Evangile.

Le Seigneur nous parle parce qu’il sait que la vie sur terre est difficile, que les tentations de s’égarer sont nombreuses, que la contagion du monde est puissante, que nous sommes des créatures fragiles, vulnérables. Il nous éveille à la lumière, nous indique les périls, nous relève après nos chutes. Toute la Bible est un enseignement, l’histoire d’un Dieu qui se mêle à notre histoire pour l’aider à s’accomplir dans l’amour.

L’histoire de Moïse et les Dix Paroles du mont Sinaï, les chutes d’Israël dans l’idolâtrie, les psaumes de David, les admonestations des Prophètes ne sont pas des vieilles histoires mais leur accomplissement dans l’évangile nous éclaire comme la Bonne Nouvelle qui nous certifie que nous ne sommes pas des marionnettes enfermées dans l’absurdité d’une existence vouée au malheur et à l’anéantissement.

Il est donc impoli de venir à la table de Dieu si, au préalable, on n’a pas écouté sa Parole.

PAROLE DE DIEU DE CE DIMANCHE

L’évangile de ce jour est une belle occasion pour nous montrer l’importance et l’efficacité de la Parole.

A son baptême, Jésus, le charpentier, a écouté son Père qui lui donnait sa mission : « Tu es mon Fils bien-aimé ». Que fait-il ? Il remonte dans sa province de Galilée et vient habiter à Capharnaüm, petite ville au bord du lac. La région est très jolie, attrayante et beaucoup de païens, Romains et Libanais, s’y sont installés.

« A partir de ce moment, Jésus se mit à proclamer : « Convertissez-vous : le Royaume de Dieu est tout proche ».

Ce qui va provoquer la plus grande révolution de l’histoire de l’humanité commence ainsi de manière tout ordinaire. Un ancien artisan, un homme comme les autres, sans titres et sans aucun appui de personne, circule à travers les villages et, à l’occasion des rencontres, il interpelle les gens et leur parle. Il opérera bien quelques guérisons mais son activité essentielle sera toujours de parler, de s’adresser au petit peuple, de dialoguer. Et cette parole va devenir la Bonne Nouvelle pour le monde.

Et Matthieu commente en notant que, de la sorte, s’accomplit une ancienne prophétie :

« Galilée, carrefour des nations : le peuple qui habitait dans les ténèbres, dans le pays de l’ombre et de la mort, voit se lever une grande lumière ».

Jouets des circonstances, emportés par le flux des événements, perdus dans un monde aux prises avec le mal, les hommes vivaient dans la nuit de l’angoisse et sous la tyrannie de la mort. L’évangile tout à coup jaillit comme le premier rayon de l’aurore.

Et un jour, passant au bord du lac, Jésus reconnaît des jeunes gens qu’il avait connus naguère près de Jean-Baptiste et qui étaient en train de pêcher. Il les appelle :

« Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes » : aussitôt, laissant tout, ils suivent Jésus ».

Jésus n’a pas choisi des riches, des intellectuels, des nobles mais des jeunes du peuple. Et il va leur apprendre que la tragédie, c’est que les hommes se noient dans le désespoir, dans les tempêtes des conflits et des injustices. Il faut sauver l’homme.

« Jésus parcourait toute la Galilée, enseignait dans les synagogues, proclamait la Bonne Nouvelle du Royaume, il guérissait des malades »

Les grands de ce monde n’ont rien su de tout cela, les gens ont préféré aller au théâtre ou aux jeux du stade. Mais l’aurore jetait ses premiers feux et la lumière de Jésus allait éclairer le monde entier.

En ce « Dimanche de la Parole de Dieu », il importe beaucoup que nous méditions sur cet évangile.

Dans une société bombardée par les nouvelles, emportée à toute vitesse dans le bling-bling insensé et la course à la possession, à la consommation, à la jouissance, sommes-nous émerveillés par cette Parole de Dieu qui nous apporte Vie et Lumière ?

Sommes-nous ravis d’avoir reçu cette Bonne Nouvelle qui nous sauve de la noyade, qui nous éclaire dans notre nuit, qui nous rassemble dans un monde déchiré ?

Acceptons-nous d’être des baptisés qui ont reçu l’appel et qui sont persuadés de l’urgence de répandre cet Evangile ? « Venez derrière moi » ne signifie pas entrer au séminaire ou au couvent. Mais faire effort de vivre comme Jésus, de suivre ses instructions, et, dans l’ordinaire des rencontres, annoncer l’extraordinaire de la Bonne Nouvelle.

Ce « Dimanche de la Parole » nous révèle que la petite heure de la messe dominicale peut éclairer toutes les heures de la semaine. Que l’Evangile n’est pas une petite histoire que l’on oublie dès que l’on sort. Qu’il doit se garder en mémoire, être médité et réfléchi afin d’en pénétrer l’infinie richesse. « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ».

Le Seigneur, par sa Parole, nous apprend le chemin du bonheur ; par son Pain, cette Parole s’assimile à nous et nous remplit de force pour relever les défis du monde.

Frère Raphaël Devillers, dominicain

2ème dimanche – Année A – 19 janvier 2019 – Évangile de Jean 1, 29-34

ÉVANGILE DE JEAN 1, 29-34

JEAN DEVIENT LE TÉMOIN
POUR QUE NOUS SOYONS TÉMOINS

Le baptême de Jésus revêt une telle importance qu’après nous avoir fait entendre son récit selon Matthieu dimanche passé, la liturgie nous en présente aujourd’hui la version de Jean. Elle est très différente.

D’abord les historiens de l’antiquité n’ont pas la passion minutieuse des modernes qui s’appliquent à reconstituer exactement les faits tels qu’ils se sont passés. D’ailleurs les évangélistes ne se présentent pas comme historiens mais comme annonciateurs de la Bonne Nouvelle: peu leur importent les traits et habits de Jésus, l’heure et le lieu précis d’un miracle ou d’une prédication. Ils veulent aider le lecteur à entrer dans la signification profonde des enseignements et des actes de Jésus. Le but n’est pas de mettre le lecteur au courant, de donner des informations mais de le placer devant une décision à prendre: ce Jésus change-t-il ta vie ou te laisse-t-il indemne ?

Pour cela ils trouvent normal d’utiliser des mots et expressions dans le sens plus riche qu’ils ont pris au temps où eux-mêmes écrivent.

Jean écrit sans doute une vingtaine d’années après Matthieu, à une époque où se développent aussi des communautés qui confessent que le véritable Messie est Jean qui a baptisé Jésus dans le Jourdain. En se soumettant à ce rite, Jésus n’a-t-il pas reconnu son infériorité vis-à-vis du grand prophète ? Notre évangéliste écarte vivement cette opinion. Comment ?

D’abord il n’attribue pas à Jean son surnom de “Baptiste”, baptiseur.
Tout en laissant entendre que Jésus a bien accepté le baptême de Jean, il ne raconte même pas ce rite.

En outre il omet de rapporter les exhortations à la conversion que Jean lançait au peuple avec véhémence: “ Convertissez-vous…Produisez du fruit qui montre votre changement” (Matt 3, 1…).

Ainsi le rite d’eau et les préceptes moraux passent au second plan.

JEAN LE TÉMOIN DE JESUS

Témoins devant des adversaires. Dans la première scène racontée juste avant, Jean était interpellé par les scribes venus du temple pour enquêter et il affirmait : “Je ne suis pas le Messie mais seulement la voix qui appelle à préparer son chemin”. D’emblée l’évangile commence donc dans une ambiance de procès et Jean témoigne sans peur de la vérité: il n’est qu’un préparateur de Jésus dont il n’est même pas digne d’être le serviteur.

Témoins devant ses propres disciples. Dans la scène suivante (évangile de ce dimanche), Jean se trouve avec ses disciples et il témoigne de la mission et de la grandeur de Jésus:

“ Comme il voyait Jésus venir vers lui, il dit: “Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde…Je suis venu baptiser dans l’eau pour qu’il soit manifesté au peuple d’Israël”.

JESUS L’AGNEAU DE DIEU

Première appellation de Jésus. Tout à fait unique, stupéfiante mais éclairée par les Écritures.

L’EXODE. Israël fut longtemps en état d’esclavage en Egypte et Dieu lui permit de s’enfuir la nuit même où il célébrait la fête de printemps (Pessah) en mangeant un jeune agneau. Ainsi le passage de la mer et la libération avaient été comme “payés” par le sacrifice d’une jeune bête innocente. C’est pourquoi cet événement fondateur de l’Exode est aujourd’hui encore commémoré par la fête de Pessah (passage) où l’on consomme “l’agneau pascal”.

Mais cette libération politique n’a pas réglé le problème de fond: à son tour, Israël est devenu, comme tous les peuples, un pays avec exploiteurs et exploités, juges véreux, riches corrompus, pauvres à l’abandon. Et si tous les prophètes ont dénoncé avec violence cette situation, nul n’est parvenu à faire instaurer le droit et la justice. Et à présent, le dernier d’entre eux, Jean, a beau faire le passage par le baptême dans l’eau du Jourdain, il sait qu’il échouera comme les autres.

Mais il a reçu une révélation: cet homme Jésus qui vient à lui sera rejeté et il offrira librement sa vie pour effectuer le passage fondamental, la sortie de la prison du péché. Il est l’Agneau authentifié par Dieu qui, par lui, enlèvera le péché et permettra le véritable “exode”, la sortie de l’esclavage du mal. Il est, en toute conscience, l’”agneau pascal” non plus en faveur d’un seul peuple mais pour le monde entier.

LE SERVITEUR SOUFFRANT-POUR. Par ailleurs, il faut encore relire la vision reçue par un disciple d’Isaïe, et qui est sans doute le chapitre le plus étonnant de la Bible qui ne parle jamais d’homme souffrant “pour les autres”.

“ Il était méprisé par les hommes, homme de douleurs, voué à la souffrance. En fait ce sont nos souffrances qu’il supportait. La sanction, gage de paix pour nous, était sur lui; dans ses plaies se trouvait notre guérison…Brutalisé, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche, comme un agneau mené à l’abattoir…Ayant payé de sa personne, il verra une descendance, il prolongera ses jours. Juste il dispensera la justice. Il a porté les fautes des hommes et il s’interpose pour les pécheurs” (Isaïe 53)

Dans les “Actes des Apôtres”, Luc raconte que le ministre éthiopien achoppait sur ce passage obscur et Philippe, “à partir de ce texte, lui annonce la Bonne Nouvelle de Jésus” puis, à sa demande, baptise le pèlerin. (Actes 8, 35)

FONDEMENT DU TÉMOIGNAGE DE JEAN

Pour quelle raison Jean peut-il rendre ce témoignage extraordinaire ? Il le justifie par une révélation de Dieu.

“Alors Jean rendit ce témoignage: “J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. Je ne le connaissais pas mais Celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit: “L’homme sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est celui-là qui baptise dans l’Esprit-Saint. Oui j’ai vu et je rends ce témoignage: celui-ci est le Fils de Dieu”.

Jean assure que c’est Dieu qui l’a envoyé en mission pour prêcher et baptiser dans l’eau et qui lui a donné le signe lui permettant de reconnaître Jésus et de témoigner de son identité: il a vu l’Esprit de Dieu descendre sur lui.

Des rois et des prophètes avaient reçu exceptionnellement “des coups de vent”de l’Esprit de Dieu afin d’accomplir une mission ponctuelle. Mais ils n’en devenaient jamais maîtres et propriétaires: l’inspiration pouvait les quitter. Par contre, l’Esprit, assure Jean, est descendu sur Jésus pour demeurer éternellement sur lui. Si bien qu’il est à jamais le seul homme qui peut baptiser, càd. plonger, les hommes dans ce même Esprit et donc leur transmettre la Vie divine. Les prophètes ne peuvent que “faire la morale”: Jésus recrée l’humanité.

Et si l’Esprit est nommé sous l’image de la colombe, il s’agit d’un rappel de la colombe qui annonçait la fin du déluge. Demeure de l’Esprit-colombe, Jésus vient sauver l’humanité de la destruction par le déluge du mal. Mais pour cela, il devra plus tard chercher le rameau d’olivier, symbole de la paix, au Jardin des Oliviers où il souffrira l’agonie. Il est remarquable que les deux animaux qui apparaissent dans le récit sont des doux, symboles de la douceur et de l’innocence de Jésus mais ont un lien nécessaire avec la haine et la souffrance: on tue l’agneau pascal, on exécute la colombe, ailes étendues, crucifiée au Gogotha. Mais ainsi les disciples sortent libres et peuvent voguer, en paix, dans l’arche qu’est l’Eglise.

LE FILS DE DIEU

En conclusion , Jean peut sceller son témoignage par l’affirmation suprême: JESUS EST LE FILS DE DIEU puisqu’il partage son Esprit.
Cette révélation d’un Messie totalement inattendu va bouleverser les disciples qui vont, dès ce jour, sans arrêt s’interroger sur l’identité de ce Jésus dont Jean a bien souligné à plusieurs reprises qu’il était “un homme”.

Et l’autre Jean terminera son évangile en disant le but de son écrit:”….pour que vous croyez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu et pour que, en croyant, vous ayez la vie en son nom” (20, 31)

Vraiment le baptême n’est pas une “petite bénédiction”, un rite religieux ordinaire. Il est l’acte qui recrée en profondeur celui qui reçoit le témoignage des témoins et qui s’engage lui-même à devenir témoin, en Eglise et en plein monde, de l’identité de Jésus. A l’Eucharistie, le prêtre témoin nomme celui qui est l’Agneau de Dieu pour que nous consommions sa vie et devenions de mieux en mieux ses témoins pour le salut du monde.

Il n’y a sans doute pas de jour où quelque part un croyant ne donne sa vie pour cette Vérité.

Frère Raphaël Devillers, dominicain

Fête du Baptême du Seigneur – Année A – Dimanche 12 janvier 2019 – Évangile de Matthieu 3, 3-17

ÉVANGILE DE MATTHIEU 3, 3-17

Le Baptême de Jesus et le nôtre

Plusieurs années se sont passées et, depuis le décès de Joseph (qui n’est pas noté dans les évangiles mais ils ne feront plus mention de lui), Jésus a maintenant plus de 30 ans et il a repris son atelier. Il doit étonner car, contrairement à ceux de son âge, il ne s’est pas marié et vit avec sa mère dans la petite maison de Nazareth. Rien de spécial ne les distingue des autres villageois. Il est probable qu’il va souvent travailler sur le chantier de la nouvelle ville de Sephoris qui est en train de s’édifier sur une colline à quelques km et dont les fouilles aujourd’hui font encore deviner la splendeur.

Depuis plus de 90 ans maintenant, les Romains occupent le pays et règnent sur tout le bassin méditerranéen. Israël va-t-il finir par disparaître, comme tant d’autres peuples écrasés sous la puissance et les fastes de cette magnifique civilisation greco-romaine ? Mais la transmission est solide: chaque sabbat dans les synagogues et lors des grands pèlerinages annuels au Temple de Jérusalem, le peuple se nourrit des Ecritures, chante les Psaumes et vibre sous les prophéties qui promettent la venue d’un Roi de Dieu, le Christ, le Messie qui libérera Israël. Quand viendra-t-il ? Nul ne sait. Certains en doutent. Le silence de Dieu est tellement long, tellement lourd.

Un jour, Marie rapporte à son fils la rumeur parvenue sur le marché: alors que Dieu n’avait plus envoyé de prophète depuis des siècles, il paraît qu’un certain Jean a commencé à prêcher près du Jourdain. Après un bref silence, Jésus répond à sa mère: “Je partirai demain matin”. C’est le signal qu’il attendait.

LE PROPHÈTE JEAN PRÊCHE ET BAPTISE

Le fleuve Jourdain constitue la frontière entre Israël et la Transjordanie. Pour s’arracher les profits financiers des pèlerins, les deux pays ont longtemps rivalisé afin de prouver que Jean s’était bien installé de leur côté. Les récentes découvertes archéologiques ont tranché: Jean vivait sur la rive orientale. Ce que d’ailleurs Jean l’évangéliste avait précisé depuis longtemps: “…à Béthanie au-delà du Jourdain” (Jn 1, 28).

Le lieu de ce gué du Jourdain n’est pas anodin.
Car c’est dans les environs que les ancêtres hébreux, libérés d’Egypte, sont arrivés pour passer le fleuve et entrer dans la terre promise par Dieu (13ème s. avant notre ère)
C’est encore par là que les exilés à Babylone sont venus pour retrouver leur terre (6ème s. av. notre ère).
Donc en s’installant sur la rive orientale, Jean oblige ses auditeurs à sortir d’Israël, à venir écouter ses appels à la conversion et c’est lui qui les baptise, les fait passer le fleuve pour, à nouveau, entrer dans leur pays.

“Passer, sortir”: thème essentiel que la Bible rapporte. Dès ses débuts, la vie animale est une “sortie” (du foetus hors du sein maternel). Pour être humaine, elle doit ensuite être “sortie” de l’esclavage sous la dictature pharaonique et l’obsession de la mort.

Ensuite il faut “sortir” de l’ensorcellement de la richesse dans la splendeur de Babylone et l’opulence de ses jardins suspendus et de ses tours.

Mais il ne suffit pas de sortir d’un lieu à l’autre. En obligeant les pèlerins (qui vivent chez eux) à effectuer un 3ème passage, en lançant avec vigueur ses exhortations (“ Produisez des fruits, des actes qui prouvent votre changement…Celui qui a de quoi manger, qu’il partage…Evitez la corruption…Ne faites ni violence ni tort à personne…” (Matt 3, 8; Luc 3, 11), Jean exige, par la morale, “la sortie” de l’indifférence, de l’égoïsme, de la cupidité qui peuvent enfermer notre coeur.

Et ce n’est pas tout puisque Jean prend conscience des limites de son activité. Il faudra, avoue-t-il, la venue d’un autre, plus fort, le seul qui pourra non seulement demander, commander, mais accomplir l’ultime sortie, la libération messianique, la sortie de “la mère terre” et du péché pour entrer dans le coeur du Père des cieux.

Et Jean veut s’effacer, renverser les rôles: “ C’est toi qui doit me baptiser”. Mais le moment n’est pas venu: pour l’instant il est juste, càd. il est dans le plan de Dieu que Jésus accompagne son peuple dans son passage par l’eau et la Loi.

L’ÉPIPHANIE DU PÈRE ET DE L’ESPRIT SUR LE FILS

“Dès que Jésus fut baptisé, il sortit de l’eau: voici que les cieux s’ouvrirent et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et des cieux, une voix disait: “Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en lui j’ai mis tout mon amour”.

Personne ne remarque rien. L’extase est invisible, personnelle. Elle met en jeu les éléments de l’univers (terre – eau – ciel – feu de l’Esprit), les dimensions horizontale et verticale, le rôle de la Parole (Je / Tu).

Selon les paléontologues, l’humanité a surgi, il y a des millions d’années, à l’extrémité sud du grand rift, l’immense faille qui s’ouvre en Afrique centrale: ici à l’autre extrémité de la dépression, au lieu habité le plus bas de la terre, là où se conjuguent les trois continents, Afrique, Asie, Europe, le nouvel Adam est recréé.

Redressé, fier, droit, il respire le Souffle de Dieu. La colombe annonce qu’il est le Prince de la Paix, celui qui réconcilie Dieu et l’humanité (et non un seul peuple) après le déluge du mal et de la souffrance. Et, partageant le même Esprit, son Père le nomme: “Tu es mon Fils bien aimé”.

Sa vocation est du coup mission: donner cette révélation aux hommes en les aimant comme ils n’ont jamais été aimés.
L’artisan qui faisait les maisons va refaire l’Humanité. Mais au lieu d’ajuster des planches, il sera lui-même cloué sur deux poutres. Par cette croix, il pourra nous révéler que, par le baptême en son nom, nous sommes nous aussi, fils adoptifs du Père, non améliorés mais recréés.

QU’EST LE BAPTÊME DEVENU ?

Luc, dans ses “Actes des Apôtres”, montre que tout de suite le baptême au nom de Jésus a été le rite signifiant et effectuant l’entrée des convertis dans la communauté universelle du Messie, l’Eglise. Hélas, quand l’Empereur décréta le christianisme religion d’Etat, ce qui mit fin aux persécutions, la foi courut le risque de se pervertir en croyance religieuse et le baptême en rite de sacralisation de la naissance.

Ce qui, pour Jésus, les Apôtres puis les premières générations, était une décision mûrement réfléchie, un risque de marginalisation sociale, souvent même un danger, devint une coutume transmise par héritage. L’Europe était dite “chrétienne” alors qu’elle était catéchisée sans évangélisation. C’est ce qu’on appelle le régime de “chrétienté”.

Or, ce régime, on le constate, est en voie d’effondrement de plus en plus rapide, comme le montre encore le récent rapport de l’Eglise catholique belge:

Nombre de baptêmes:
En 2016 = 50.867 ——- en 2018 = 44.850
Nombre de participants à la messe du dimanche (compte fait un même dimanche d’octobre):
En 2016 = 286.393 ——- en 2018 = 238.298 – càd. baisse de 20 % en 2 ans (la pratique a été divisée par 8 en 40 ans)

Affolés par cette chute, certains luttent pour un retour aux pratiques d’avant le concile Vatican II, selon eux responsable du désastre. Fausse nostalgie. On ne reconstitue pas le passé: on invente l’avenir selon l’Esprit donné dans le présent. Au lieu d’y lire une catastrophe, on peut au contraire voir la situation nouvelle comme un retour à la normale.

Par certaines paraboles, Jésus a fait comprendre à ses disciples qu’ils ne devaient pas rêver de grandeur: “Vous êtes le sel de la terre: si le sel s’affadit il ne vaut plus rien, on le piétine”(Matt 5). Le danger ne venait donc pas tant des attaques des ennemis mais de la perte de la saveur évangélique et de l’élan missionnaire.

Relisez les lettres de Paul aux chrétiens de Corinthe, ville portuaire célèbre pour ses moeurs dissolues et sa débauche. L’Apôtre ne tonitrue pas contre l’infâmie régnante. Sans se lasser, il rappelle à ses frères les manières de vivre du disciple du Christ, il les presse de former de véritables communautés où l’on se traite comme des frères et soeurs. Il ne demande jamais s’ils ont augmenté leurs effectifs, s’ils observent les rites d’une manière intangible.

Dans une société sécularisée, un monde guetté par une terrible menace, où la jeunesse est perdue dans l’accumulation des choses et la perte du sens de l’homme, il est urgent que nous, les baptisés, nous nous interrogions. La scène du baptême de Jésus nous dit encore la signification du nôtre pour aujourd’hui.

Frère Raphaël Devillers, dominicain

29 missionnaires ont été tués dans le monde en 2019

L’agence Fides a publié lundi 30 décembre son rapport annuel sur le nombre de missionnaires tués ces douze derniers mois. En 2019, ce sont 29 hommes et femmes qui ont fait don de leur vie.

« Le martyre est l’air de la vie d’un chrétien, d’une communauté chrétienne. Il y aura toujours des martyrs parmi nous. C’est le signal que nous marchons sur la route de Jésus ». Ces mots prononcés par le pape François au cours de l’audience générale du 11 décembre 2019 amorcent le rapport sur les missionnaires tués en 2019

« Tous les opérateurs pastoraux »

Le terme missionnaire désigne ici « tous les opérateurs pastoraux morts de façon violente », et pas uniquement les missionnaires ad gentes au sens strict. En effet, « chaque baptisé, quelle que soit sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation » (Evangelii gaudium). Parmi eux, dix-huit prêtres, un diacre permanent, deux religieux non prêtres, deux religieuses et six laïcs. À l’image du père Antonio César Fernández, victime d’une attaque djihadiste au Burkina Faso, de sœur Ines Nieves Sancho, religieuse assassinée en République centrafricaine, ou d’Hugo Leonardo Avendaño Chávez, étudiant engagé en paroisse tué au Mexique.

L’agence Fides souligne une « mondialisation de la violence ». « Si par le passé, les missionnaires tués étaient en grande partie concentrés dans une nation ou une zone géographique, en 2019, le phénomène apparaît plus généralisé et plus diffus », explique-t-elle. Avec quinze martyrs, l’Afrique est le continent le plus marqué, suivi par l’Amérique qui en compte douze, puis par l’Asie et l’Europe (un chacun). Ces hommes et ces femmes de foi ont été tués « au cours de tentatives de vols à main armée ou de cambriolage dans des contextes marqués par la dégradation ayant la violence en l’absence de l’autorité ou dans lesquels cette dernière est affaiblie par la corruption et les compromis », précise le rapport. « Ces homicides ne sont donc pas l’expression directe d’une haine envers la foi mais d’une volonté de “déstabilisation sociale” ». Ces femmes et ces hommes livrent un témoignage fort, ouvrant « les cœurs à l’espérance ».

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