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13ème dimanche – Année A – 28 juin 2020

Évangile de Matthieu 10, 37-42

L'Évangile pour le monde

13ème Dimanche – Année A – 28 juin 2020 – Évangile de Matthieu 10, 37-42
« Jésus est bouleversé de voir les hommes comme des brebis sans berger » (Matt 9, 36)
« La rupture entre Évangile et culture est sans doute le drame de notre époque.

La présentation du message évangélique est pour l’Église
le devoir qui lui incombe par mandat du Seigneur Jésus
afin que les hommes puissent croire et être sauvés.

Ce message est nécessaire.
Il est unique. Il ne saurait être remplacé.
Il ne souffre ni indifférence ni syncrétisme ni accommodation.
C’est le salut des hommes qui est en cause.

Il mérite que l’apôtre y consacre tout son temps, toutes ses énergies,
y sacrifie, au besoin, sa propre vie. »

Pape PAUL VI
« Évangélisation et monde moderne » (déc. 1975) – dont le pape François disait :
« C’est pour moi le plus grand document pastoral qui ait été écrit à ce jour »

Évangile de Matthieu 10, 37-42

L'Évangile pour le monde


A la suite de dimanche passé, nous écoutons aujourd’hui la dernière partie du discours dans lequel Jésus présente ses directives de mission. Et d’abord nous rétablissons les 3 premiers versets que la liturgie a sautés.

Jésus cause de paix ou de guerre ?


N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre : je ne suis pas venu apporter la paix mais bien le glaive. Oui je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle fille de sa belle-mère ; on aura pour ennemis les gens de sa maison »


La déclaration est paradoxale et il serait idiot d’en conclure que Jésus a voulu le conflit et que sa religion est source de violence. Mais d’autre part il serait naïf d’imaginer que l’Évangile provoque l’unanimité et le bonheur d’un accord général.

Jésus est un doux mais il ne biaise pas avec la vérité, son message bouscule nos arrangements égoïstes, il sape nos idées toutes faites, il dissout nos rêves infantiles. Il appelle sans lésiner à un changement radical et nécessaire mais il ne force pas les libertés. Si bien que celui-ci accepte et l’autre refuse. Et les disputes éclatent déjà au sein même des familles. Un membre décide de ne plus être un baptisé conventionnel et d’appliquer les préceptes évidents de son Évangile : très vite il se heurte aux critiques, aux moqueries, aux colères des autres. Il espérait vivre dans la concorde et partager sa paix : voilà que des orages éclatent.

Grande alors est la tentation de céder, de faire des concessions ou de se taire afin de retrouver la paix du ménage. Danger très grave contre lequel Jésus va mettre en garde.

Conflits familiaux


« Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi. Celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi.


L’Évangile n’est pas un credo, ni une liste de lois, ni un catéchisme, ni un manuel liturgique, ni une méthode pour expériences mystiques. Il raconte l’histoire d’un homme qui révèle son identité mystérieuse à travers ses enseignements, ses actions et surtout par sa mort et sa résurrection. Et qui appelle à croire en lui pour avoir la Vie. Celui qui devient son disciple n’adhère pas à une idéologie religieuse mais se laisse prendre par l’amour que Jésus lui porte. Avant il croyait peut-être en Dieu : désormais il fait confiance, il aime celui qui le comble et qui est son Seigneur bien-aimé. La foi chrétienne est l’accueil d’une personne.

Cet amour vécu dans la foi ne supprime évidemment pas les liens affectifs les plus chers : au contraire la foi accroît la capacité d’aimer davantage. Mais si un proche très aimé, un parent ou un enfant, est crispé par cette foi en Jésus et propose des décisions contraires à l’Évangile, le disciple ne peut céder sous peine de trahir le lien créé par sa foi. Il souffrira de cette discordance mais elle sera parfois inévitable. Amour humain et amour divin ne consonent pas toujours. Ce sera la croix.

Où est la vraie vie ?


Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. Car celui qui veut sauver sa vie pour soi la perdra ; qui perdra sa vie pour moi la gardera ».


La foi chrétienne n’est absolument pas un appel à la souffrance : elle est appel à « suivre Jésus » c.à.d. à prendre le chemin discerné par l’évangile. L’intention première de Jésus était de transformer l’humanité et de la libérer du mal : les hommes lui ont très vite signifié qu’ils ne voulaient pas de ses méthodes. Et Jésus a compris qu’il n’accomplirait le projet d’amour de son Père que par la croix qui lui était imposée et dont il ferait le foyer de son amour universel. Sur tout projet de vivre l’Évangile et de suivre Jésus plane immanquablement l’ombre de la croix.

Or plus que jamais la société nous martèle la nécessité d’être heureux : il faut profiter de la vie, goûter à tous les plaisirs, luxe, gastronomie, bateau, voyages, moyens de communication…L’égoïsme n’est pas un chemin d’épanouissement mais de mort : l’actualité nous rappelle encore ce que l’Évangile essaie de nous apprendre depuis des siècles.
« Celui qui perd sa vie pour moi la gardera ». Le disciple aime la vie, il sait apprécier les merveilles de la création mais s’il essaie vraiment, il fait l’expérience que le chemin des Béatitudes - folie aux yeux du grand nombre – lui apporte le véritable bonheur. Par sa vie donnée et crucifiée, il vit de la Vie éternelle.

« Nous qui avons été baptisés en Jésus Christ, c’est dans sa mort que nous avons été plongés…pour que nous menions une vie nouvelle…Si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui …Pensez que vous êtes morts au péché et vivants pour Dieu en Jésus Christ »
(Paul aux Romains 6 – 2ème lecture)

Accueillir les disciples


« Qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé. Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ; qui accueille un homme juste recevra une récompense d’homme juste. Et celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, amen, je vous le dis, il ne perdra pas sa récompense »


Après avoir longuement parlé des rejets et même de la haine que rencontreront les disciples, le discours s’achève en soulignant l’honneur de ceux qui les accueilleront.

Car l’évangélisation va réussir. Certes elle se heurtera, partout et encore aujourd’hui, à des refus catégoriques, elle introduira des divisions au cœur des familles, elle se payera d’injures, de coups, de sang versé, mais toujours des cœurs s’ouvriront à ce message inattendu.

Des personnes de toutes conditions, parfois au parcours chaotique, s’émerveilleront d’entendre ceux qui leur annoncent la Bonne Nouvelle du pardon et de la Vie. Et il leur sera révélé, prêcheurs et auditeurs, tous pécheurs, qu’ils communient dans le même mystère du Christ Sauveur et de Dieu. Car la foi n’est pas devenir disciple d’une grande personnalité, ni même seulement de Jésus mais, par lui, devenir enfant du Père des cieux.

Celui qui reconnaîtra dans le disciple un prophète, c.à.d. un porte-parole de Dieu, sera lui-même comme un prophète. Idem celui qui percevra dans un disciple un homme juste, ajusté et justifié par Dieu, sera lui-même justifié.

Et le discours se termine magnifiquement. L’envoyé de Jésus ne survient pas comme un Ange étincelant, il n’est pas un génie bardé de diplômes, souvent il ne paye pas de mine, il ne se targue d’aucune supériorité : il est « un petit » qui sait qu’il a tout reçu. Pauvre, inconnu, méprisé, il est parfois assoiffé comme jadis Jésus au puits de Samarie. Mais celui ou celle qui noue une relation avec lui et qui lui offre un simple verre d’eau, sera récompensé au centuple. Ainsi le discours ne s’achève pas sur une note d’intolérance mais ouvre la porte du salut à tous ceux qui ne savent pas encore très bien se décider mais qui au moins ont bon cœur. Avec une joyeuse stupeur, ils apprendront qu’un jour ils ont offert à boire à Dieu.

Conclusion

Il semble que nous soyons en train de sortir de la crise sanitaire. Mais nous découvrons les ravages causés à l’économie mondiale et les perspectives de désastres immenses. Les chiffres d’infection du covits sont remplacés par les annonces de fermetures d’entreprises, de faillites et de mises au chômage de milliers sinon de millions de travailleurs. Beaucoup de voix se sont élevées pour appeler à un changement radical et ne pas retomber dans les erreurs passées. Mr Emmanuel Macron s’écrie : « Chacun de nous doit se réinventer ». Chacun en a-t-il envie ? Si oui comment le peut-il ?

Le discours de mission de Jésus n’a rien perdu de sa pertinence. Il est essentiel que nous vivions et fassions connaître l’Évangile, que nous le proclamions sans crainte, que nous attaquions les idoles de l’argent, de la cupidité, du repli sur soi. La foi en Jésus Seigneur n’enferme pas dans une piété douceâtre, dans le ronronnement de rites routiniers, dans l’enceinte protégée d’une Église inoffensive. Sans arrêt le pape nous presse de modifier notre style de vie, de rompre avec le gaspillage, de lutter contre l’écrasement des pauvres et la destruction de la planète. Les chrétiens osent-ils le changement indispensable ?

Jésus nous a prévenus : si vous faites ce que je vous dis, vous serez la cible de moqueries et de menaces sérieuses. Là est bien la preuve de notre efficacité. Comme des brebis au milieu des loups, au cœur du combat, témoignons du Christ. Car n’oublions jamais : c’est lorsqu’il a été abattu par les hommes que Jésus a ouvert le Royaume et envoyé l’Esprit, seul capable de nous « réinventer » et d’opérer le renouveau indispensable.
Frère Raphaël Devillers, dominicain

Sans Jésus, nous ne pouvons rien faire

Sans Jésus, nous ne pouvons rien faire

Quand François nous parle de la mission

Dans un ouvrage paru aux éditions Bayard, le pape François échange avec le journaliste italien Gianni Valente sur une thématique qui lui tient à cœur depuis le début de son pontificat: être missionnaire aujourd’hui dans le monde. Et selon François, « sans Jésus, nous ne pouvons rien faire ».

Extraits choisis

Éprouver le vertige

Que devient une Église si elle n’annonce pas et ne sort pas? demande le journaliste. Ce à quoi François répond: « Elle devient une association spirituelle. Une multinationale destinée à lancer des initiatives et des messages au contenu éthique et religieux. Il n’y a là rien de mal, mais ce n’est pas l’Église. Il s’agit d’un risque lié à toute organisation statique dans l’Église. On finit par domestiquer le Christ. Vous ne portez plus témoignage de ce que fait le Christ, mais vous parlez au nom d’une certaine idée du Christ. »

François insiste sur cette idée, plus loin dans le livre: « La mission n’est pas un projet d’entreprise bien réglé. » C’est avant tout l’Esprit Saint qui doit inspirer le missionnaire. Cela peut provoquer un certain ‘vertige’, en présence des paroles du Christ, mais c’est ce vertige qui confère toute sa fécondité à la mission: « Sans moi, vous ne pouvez rien faire », dit Jésus à ses disciples (Jean 15, 5)

L’attraction du Christ

Comment définir et comprendre la mission et l’annonce de l’Évangile?
Pour François, la seule phrase « Attire-moi » éclaire tout. « Si c’est le Christ qui vous attire et que vous agissez parce que vous êtes attiré par le Christ, les autres n’ont aucune peine à s’en rendre compte » . Il n’est pas nécessaire de le démontrer et encore moins d’en faire parade, ajoute le saint Père. Il souligne aussi que c’est toujours le Seigneur qui prend l’initiative, « c’est toujours lui qui commence ».

« Il y a du prosélytisme partout où se trouve l’idée de faire croître l’Église en se passant de l’attraction du Christ et de l’œuvre de l’Esprit . » Il condamne à nouveau cette manière d’agir: « Il ne supporte pas la liberté et la gratuité avec lesquels la foi peut se transmettre, par la grâce, de personne à personne. »

État permanent

Que veut dire annoncer l’Évangile?

« Annoncer l’Évangile signifie transmettre à l’aide de mots sobres et précis le témoignage du Christ comme le firent les apôtres ». Mais « la répétition littérale de l’annonce n’a pas d’efficacité en elle-même et peut tomber dans le vide si les personnes à qui elle s’adresse n’ont pas l’occasion de rencontrer et de goûter d’une manière ou d’une autre la tendresse de Dieu pour eux ».

Dans « Evangelii Gaudium » (La joie de l’Évangile), François écrivait que même les activités ordinaires pouvaient être vécues de manière missionnaire. « La condition ordinaire est pour tous le lieu où l’on peut vivre la vocation missionnaire de chaque baptisé. Cela signifie être en ‘état permanent’ de mission. Il suffit de vivre la vie comme elle vient, de vivre de manière missionnaire les gestes les plus habituels, les occupations les plus ordinaires, au milieu des personnes que le Seigneur nous fait rencontrer. »

Évangile et cultures

François s’exprime également sur la notion d’inculturation et sur la mondialisation. En adoptant les valeurs des différentes cultures, l’Église ne peut que s’embellir en devenant « l’épouse qui se pare de ses bijoux, comme l’évoque le prophète Isaïe ». Et nous devons garder à l’esprit que le message révélé ne s’identifie à aucune culture. Et les chrétiens n’ont pas à imposer une forme culturelle déterminée en même temps que la proposition évangélique. Dès lors, un missionnaire doit s’alléger de sa propre culture pour rencontrer celle de l’autre.

Sur la mondialisation, François explique: « En soi, elle n’est pas une mauvaise chose. Elle peut devenir une menace si on la met en avant avec l’intention de tout aplatir, de tout uniformiser, comme s’il s’agissait d’une sphère où sont effacées les richesses et les particularités de chacun des peuples. »

A cette image, le pape préfère celle d’un polyèdre où toutes les facettes sont unies mais où chacune conserve sa spécificité. Et face aux mouvements de population induits par la mondialisation, « les chrétiens ne devraient pas avoir peur de ces phénomènes qui ouvrent de nouveaux chemins et de nouvelles possibilités à l’annonce de l’Évangile » .

Enfin, aujourd’hui, il semble urgent de préserver le cœur de la mission en évitant de la présenter comme une forme de colonisation idéologique, même masquée. « Il ne s’agit en fait que de proposer le Christ. Dire qu’aujourd’hui, nous avons la possibilité de le suivre. »

Sophie DELHALLE – Cathobel - 4 mai 2020

« Sans Jésus, nous ne pouvons rien faire. Être missionnaire aujourd’hui dans le monde »
Pape François avec Gianni Valente, éd. Bayard, 2020, 13 euros.

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