header2

Dimanche de Pâques – Année A – 12 avril 2020

Évangile de Matthieu 28, 1-10

Ressuscité oui ou non ?

Dimanche de Pâques – Année A – 12 avril 2020 – Évangile de Matthieu 28, 1-10
Retable de l’Agneau Mystique (Frères Van Eyck - Gand )

L’Agneau saigne, mais il est debout, vivant et son sang coule dans la coupe sur l’autel.
Les multitudes d’Anges l’adorent. La Fontaine offre les 7 filets d’Eau vive des 7 sacrements.
Première Alliance : Rois et Prophètes lisent en lui l’accomplissement des Ecritures.
Nouvelle Alliance : Les Apôtres en blanc, à genoux, suivis des Pontifes, commencent l’Eglise.
La multitude infinie des disciples, hommes et femmes, converge vers l’Agneau, centre de l’histoire
Toute la nature exulte de vie et de joie. Au fond le monde s’édifie dans la paix.
L’univers, réconcilié, baigne dans la lumière de l’Amour du Père.

1ère Lettre de Pierre, chap. 1


Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ.

Dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître
par la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts
pour un héritage qui vous est réservé dans les cieux.

La puissance de Dieu vous garde par la foi,
en vue du salut prêt à se révéler.
Aussi vous tressaillez d’allégresse
même s’il faut que vous soyez affligés, pour un peu de temps,
par diverses épreuves.

Alors la valeur éprouvée de votre foi, bien plus précieuse que l’or,
provoquera louange, gloire et honneur
lors de la révélation finale de Jésus Christ

Évangile de Matthieu 28, 1-10

Ressuscité oui ou non ?


Les enquêtes révèlent que, même parmi les catholiques pratiquants, un nombre non négligeable avoue ne pas croire à la résurrection de Jésus. Or là est le cœur de la foi chrétienne telle que les Apôtres la transmettaient.

« Je vous rappelle l’Evangile …par lequel vous serez sauvés (si vous le retenez tel que je vous l’ai annoncé) : Christ est mort pour nos péchés, selon les Ecritures ; il a été enseveli ; il est ressuscité le 3ème jour, selon les Ecritures. Il est apparu à Képhas, puis aux Douze… ». (1 Cor 15)


Si on refuse cette foi, Paul en tire la conclusion :
« Si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vide … Votre foi est illusoire, vous êtes encore dans vos péchés. Ceux qui sont morts en Christ sont perdus. Si nous avons mis notre espérance en Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes ».


En effet, de prime abord, la résurrection contredit notre expérience séculaire, elle échappe à nos concepts, nos intuitions, nos imaginations. C’est pourquoi on peut accepter l’explication que les gardes ont répandue (et alors qui les condamne pour somnolence ou corruption) : ses disciples sont venus enlever le corps pendant la nuit et l’ont dissimulé quelque part dans le désert. C’est ce que, sauf quelques rares exceptions, toute la population de l’époque, juifs et païens, a cru.


Sans la Résurrection ? - 1

Mais en ce cas Jésus reste au niveau des justes, comme Jean-Baptiste, Gandhi, Martin Luther King. Il figure parmi ces innombrables héros qui ont combattu pour le droit et la justice et qui ont été exécutés par leurs ennemis. Tous restent des modèles admirables dont on pleure la disparition, à qui l’on dresse des statues, dont on relit les discours, que l’on se promet d’imiter. Mais on reste au niveau moral.

De toutes ces grandes figures qui ont donné leur vie pour libérer les opprimés, changer les conditions sociales, supprimer le racisme, aucune n’a eu la prétention de sauver l’humanité de son aliénation radicale, de son penchant au mal et de sa destinée mortelle. Alors on croit que Jésus a été exécuté pour raison religieuse (blasphémateur) ou politique (séditieux dangereux pour l’ordre public) ou qu’il a été victime d’une erreur judiciaire, d’un procès faussé. Et on continue d’ignorer la raison essentielle de cette mort, celle qui explique la résurrection.

Le prisonnier Jésus qu’on avait pris, au fond se donnait. Refusant toute fuite pour se préserver et toute haine contre ses bourreaux, il aimait. On voulait le supprimer et il s’offrait. Le supplice infligé par les hommes devenait en lui supplication pour eux. Il devait être plus qu’un prophète. Le Fils ?

En cette fête juive de la Pâque où on consommait un agneau pour célébrer la libération des esclaves hébreux en Egypte et espérer la libération ultime d’Israël, Jésus se savait l’unique Agneau qui, en toute conscience, donnait sens à cette horreur insensée de la crucifixion. Son sang était répandu pour libérer les hommes de leur esclavage au mal et de la tyrannie de la mort.

Paul le dit bien dans ce texte cité ci-dessus (1 Cor 15, 17) :
« Si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est illusoire, vous êtes encore dans vos péchés »


Sans la Résurrection ? - 2

Si Jésus n’est pas ressuscité, comment expliquer le retournement radical des apôtres et des femmes ? Les évangiles narrent sans vergogne leur foi flageolante, leurs doutes, leur lâcheté, leur fuite éperdue, leur panique devant la mort, la trahison de leur maître.

Or, après la crucifixion, eux qui s’étaient dispersés se rassemblent ; ils sortent de leur cachette et réapparaissent sur la scène publique ; ils étaient complètement horrifiés par la fin tragique de leur aventure derrière le Nazaréen et on les retrouve joyeux, gambadant d’allégresse. Jamais on n’a vu les élèves d’un grand maître, les fans d’un artiste, les compagnons d’un leader se réjouir de leur disparition.

D’autant que tout de suite les disciples savent ce qu’ils risquent. Ils n’ont pas inventé une fable pour chercher le succès, devenir célèbres et riches. Ils ne se sont pas limités à expliquer la beauté du Sermon sur la montagne.
Au contraire ils deviennent suspects aux yeux de tout le monde. Car leur affirmation de Jésus vivant constitue une preuve de la félonie du grand Sanhédrin, un camouflet insupportable pour le grand prêtre Caïphe convaincu de blasphème, pour Pilate accusé de lâcheté puisqu’il a condamné un innocent. Et le peuple ne comprend pas ces « nouveaux » qui ne sont ni juifs ni païens.

D’emblée la foi nouvelle est persécutée : des apôtres sont traduits au tribunal, certains sont jeté en prison, des familles se déchirent, des morts surviennent. Mais ce qui en effraie sans doute beaucoup renforce la conviction des autres. La crainte les étreint mais ils tiennent bon car Jésus les avait prévenus : vous serez persécutés, parfois haïs de tous à cause de moi. Ils sont fiers d’être des témoins, des martyrs. Par l’Esprit, Jésus vivant les ressuscite toujours de leur anéantissement. Non leur foi n’est pas une hallucination.


Sans la Résurrection ? - 3

Si Jésus n’est pas ressuscité, alors pourquoi considérez-vous le dimanche comme un jour férié et pour quelle raison allez-vous à la messe ?

Les peuples de l’antiquité avaient leurs jours de fête et parmi eux Israël se distinguait en vivant selon le rythme hebdomadaire de six jours de travail culminant dans le shabbat, jour de repos total et d’assemblée de prière à la synagogue. Or après la Pâque de Jésus, on voit ici et là apparaître de nouvelles communautés regroupant des païens et des Juifs. Ces derniers observent encore souvent le sabbat mais la réunion hebdomadaire se tient le lendemain du sabbat, qu’on appelle « premier jour de la semaine » (Jour un).

Elle a lieu chez un des disciples qui dispose d’une demeure plus spacieuse car les chrétiens ne construisent pas d’édifices sacrés. C’est pourquoi on ne demande pas aux riches de vendre leurs biens mais de les mettre à la disposition de l’ensemble de la communauté. La foi ne se ressource pas dans des lieux sacrés mais au cœur même de la vie quotidienne.

Et pourquoi ce changement ? Les chrétiens répondent : Parce que c’est le jour où Jésus nous est réapparu. Il a été exécuté au Golgotha la veille du shabbat et il est revenu le surlendemain, « le 3ème jour », le premier jour de la semaine suivante. Loin de nous accuser pour notre lâcheté, ses plaies étaient source de pardon. Aussi nous avons décidé de faire mémoire de sa résurrection non pas chaque année à la date anniversaire, au moment de la Pâque juive, mais chaque semaine. Et ce jour, nous l’appelons « Jour du Seigneur », dont le nom latin (domenica dies) deviendra le français « dimanche ».

Ainsi le temps de l’histoire humaine a pivoté de façon nouvelle : la semaine juive se terminait le sabbat (devenu le samedi), et la nouvelle semaine chrétienne commence par la réunion de la communauté qui chante la gloire de son Seigneur vivant, qui a donné sa vie pour nous offrir le pardon de nos péchés, qui aujourd’hui encore nous parle quand nous écoutons les apôtres nous raconter l’Evangile. Et la célébration culmine dans le partage de son Pain et de son Vin.

Les païens se rassemblent autour d’une tombe, d’un mémorial : ils se rappellent les exploits de leur héros et se lamentent sur sa disparition. Nous chrétiens, en faisant mémoire de notre Seigneur vivant, nous vivons sa Pâque qui nous libère de nos péchés et nous rassemble en un seul corps.

En mangeant l’Eucharistie, Pain vivant, nous devenons le Corps actuel de Jésus. Nos corps de chair nous séparent les uns des autres : le Pain du Christ nous constitue en un seul Corps.

On ne prouve pas la résurrection : on l’éprouve. La messe – assemblée unique où génie et rustre, patron et manœuvre, vieux et jeune, professeur et élève, pygmée et inuit, femme et homme, noir et blanc : pièces éparpillées de l’humanité - se rapprochent et reconstituent « le Corps du Christ vivant ». Il ne faut jamais réduire l’Eucharistie à un acte de recueillement personnel, à une pratique de piété, à un exercice spirituel, à une cérémonie cléricale. Elle est la manifestation tangible, ici et maintenant, que Christ est ressuscité.

Grâce à Pâques, chaque dimanche, nous ressuscitons. Nous étions abattus par nos fautes quotidiennes et nous sommes relevés. Nous étions séparés par nos dissensions perpétuelles et nous sommes unis en fraternité. Nous étions chloroformés par les slogans, le climat de mensonge, le culte des idoles et nous sommes réveillés, lucides. La Paix et la Justice, dont l’humanité rêve pour un avenir incertain et toujours reculé, nous les vivons ici et maintenant.

En ces jours, nos frères orthodoxes remplacent le bonjour par le salut : Christos anesti (Christ est ressuscité) – et on répond Aletôs anesti (Christ est vraiment ressuscité).

On a tué des millions d’entre eux pour faire taire ce cri : aujourd’hui il résonne au Kremlin (où dans un coin repose la momie de Lénine). Chacun son tombeau !



Frère Raphaël Devillers, dominicain

A l’heure de la pandémie,  les chrétiens, témoins de l’espérance

A l’heure de la pandémie, les chrétiens, témoins de l’espérance

Anticipant la fête de Pâques, les chrétiens sont appelés à être les témoins de la Résurrection devant leurs frères dans l’épreuve. Par l’espérance, ils attestent que la mort n’aura pas le dernier mot. Les gestes de dévouement et de solidarité qui se manifestent partout en constituent déjà les premiers signes.

La crise sanitaire du coronavirus agit comme un révélateur. À son contact, les uns s’alarment, d’autres pontifient sur l’écroulement d’une civilisation : « Je vous l’avais bien dit ! » ; d’autres encore pleurent la croissance perdue, les espoirs envolés, leur utopie déchue…


Les chrétiens pas épargnés

Et les chrétiens ?...La crise sanitaire a fait surgir en eux des trésors de patience, de serviabilité, de don de soi, comme on est en droit d’en attendre des disciples de Jésus-Christ. Cependant, gardons à l’esprit qu’ils n’ont pas le monopole, et c’est heureux, du sens du service, du dévouement et du sacrifice. Que l’on pense aux soignants, aux agents du service public en contact avec la population, aux caissières de supermarché : tous ne sont pas chrétiens, et pourtant, quels exemples de sang-froid, de courage et de dévouement ne démontrent-ils pas ! Les chrétiens ne sont pas faits d’une pâte différente que leurs frères… Mais abstraction faite de leur péché, marque de la condition commune de l’humanité, que peuvent-ils amener au monde en cette période de confinement généralisé et de grande inquiétude ?


L’espérance, une vertu ancrée en Dieu

Actuellement, scotchés devant les chaînes d’info en continu, beaucoup de personnes paniquent ou vivent dans l’angoisse. Comme si la situation présente ne suffisait pas, des prévisionnistes ne nous promettent rien de bon au sortir de la crise : lutte des classes, chômage, règlements de compte… !

Dans ce contexte, contre la tentation de désespérer de l’humanité ou de l’unité nationale, les chrétiens ont l’obligation d’agir. Et ils ont les moyens de le faire ! Comment ? Tout simplement en témoignant de la vertu d’espérance ! Certes, tout ne va pas subitement tourner au mieux dès lors que nous aurons récité en boucle des mantras : « J’espère ! J’espère ! J’espère ! » Mais il n’est pas question de cela. L’espérance est d’abord reçue de Dieu. C’est Lui qui en est à la fois l’origine, le moteur et l’objet. L’origine : la Résurrection de Jésus. Le moteur : l’Esprit Saint qui nous fait agir en fonction et grâce à la Résurrection. L’objet : la vie éternelle.

Par la vertu d’espérance, prolongement de celle de foi, les chrétiens mettent leur confiance dans les promesses de Dieu au sujet de cette Vie. Car l’espérance n’est pas optimisme facile, ni autosuggestion, mais créance donnée, avec la grâce de l’Esprit, au bonheur que Dieu réserve à Ses enfants, selon les Écritures. Surtout, cette confiance dans les promesses divines débouche sur des attitudes et des actes qui leur sont accordés. Bannissant la peur et le défaitisme, le chrétien se comporte en fils de la Résurrection parce qu’il sait que Jésus a vaincu la mort.

Mais la question rebondit : comment faire le lien entre cette vertu théologale, la crise sanitaire que nous traversons, ses conséquences, et le témoignage de la Résurrection que nous apportons ? En fait, l’important est d’agir à notre niveau. Nous ne pouvons pas nous substituer aux médecins, ni aux politiques. De même que la majorité des Français luttent contre la pandémie en restant chez eux, de même nous pratiquerons la vertu d’espérance d’abord dans le cercle restreint de nos relations. Il ne s’agit pas de jouer les prophètes de bonheur, mais de vivre avec la confiance dans le Seigneur et Sa Résurrection chevillée au corps et à l’esprit.

Nous devons exsuder l’espérance, comme certains sapins exsudent de la résine !


Les petits gestes, les petites attentions

Point besoin d’envolées lyriques ni de grandes phrases. C’est dans les petits gestes, les petites attentions, les petits mots de réconfort, les enjouements, que cette vertu transparaîtra en nous. Gardons à l’esprit qu’un chrétien n’est pas un surhomme, qu’il est soumis à la condition commune de ses semblables. Le Christ n’a-t-il pas crié sur le Golgotha : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Mais c’est entre les mains de son Père qu’il remet son esprit l’instant d’après, sur la Croix. Nous aussi, que ceux qui nous voient aller nous coucher le soir, pensent tout bas, même implicitement : « Ils vont se reposer dans les bras de leur Père céleste ! ». Ainsi, par une heureuse contagion, l’espérance qui habite en nous pourra-t-elle se répandre et essaimer, fût-ce à leur insu, dans le cœur et l’esprit de nos proches.

Jean-Michel Castaing - site Aleteia - 06 avril 2020

Cliquez-ici

Abonnement gratuit sur simple demande adressée à r.devillers@resurgences.be

Merci de préciser vos nom, prénom, ville, pays et engagement éventuel en Église.

Toutes les homélies sont toujours visibles à l'adresse :

https://resurgences.be