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8e dimanche Année C – 3 mars 2019
Évangile de Luc 6, 39-49

DES DISCIPLES BIEN FORMÉS

8e dimanche ordinaire – Année C – 3 mars 2019 – Évangile de Luc 6, 39-49
LA PARABOLE DES AVEUGLES – P. BRUEGHEL L’ANCIEN (1568)
Ils s’appelaient Lénine, Staline, Hitler, Mao Tse Tong, Pol Pot… : tous promettaient à leur peuple bonheur, richesse, gloire, justice et paix…Et ce fut désastres, massacres, camps de la mort, shoah, ruines…

Terrible allégorie de l’histoire humaine où sans cesse des dictateurs, des idéologues, des ambitieux prétendent détenir des lumières spéciales pour guider l’humanité sur le chemin du bonheur …et la font chavirer dans les précipices de la mort.

PAPE FRANCOIS : QUEL ABIME NOUS GUETTE ?


« Le consumérisme hédoniste peut nous jouer un mauvais tour, parce qu’avec l’obsession de passer du bon temps, nous finissons par être excessivement axés sur nous-mêmes, sur nos droits et sur la hantise d’avoir du temps libre pour en jouir.

Il sera difficile de nous soucier de ceux qui ont mal et de consacrer des énergies à les aider si nous ne cultivons pas une certaine austérité, si nous ne luttons pas contre cette fièvre que nous impose la société de consommation pour nous vendre des choses, et qui finit par nous transformer en pauvres insatisfaits qui veulent tout avoir et tout essayer …

Au milieu de ce tourbillon actuel, l’Evangile vient résonner de nouveau pour nous offrir une vie différente, plus saine et plus heureuse …

Je recommande à nouveau de relire fréquemment ces grands textes bibliques, de se les rappeler, de prier, d’essayer de les faire chair … »

EXHORTATION A LA SAINTETE § 108

ÉVANGILE DE LUC 6, 39-49

DES DISCIPLES BIEN FORMÉS

Aujourd’hui nous entendons la 3ème et dernière partie du grand Sermon de Jésus dans la plaine. Cette fois il s’adresse à ses disciples et il leur parle en paraboles c.à.d. en petites histoires qui, mieux que des conférences, illustrent les leçons et les gravent dans la mémoire. Je restitue l’entièreté du texte dont la liturgie a coupé la fin.


LE DISCIPLE DOIT ETRE BIEN FORMÉ


Il leur dit encore en parabole : « Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? Ne vont-ils pas tomber tous les deux dans un trou ? Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître.

Les chrétiens ne sont pas une secte de privilégiés appliqués à des rites et occupés au salut de leur âme. Car le baptême donne mission : faire briller la Lumière de l’Evangile pour toute l’humanité qui erre dans la nuit.

Nous venons d’un siècle où des hommes des « Lumières », des führers fous, des petits pères des peuples puis les sirènes hurlantes du capitalisme débridé ont déclaré la mort de Dieu, la fin de la religion puis le bonheur total dans la consommation. Des foules crédules et hypnotisées se sont précipitées derrière ces maîtres. Et nous avons constaté que ces « lumières » conduisaient l’humanité à la ruine et le monde à la destruction.

Loin d’ébranler la foi évangélique, les dérives catastrophiques du monde sans Dieu en montrent, en hurlent la pertinence, la lumière unique : elle est le chemin authentique de l’humanisation.

Jésus souligne la fonction historique des disciples : être des guides. Donc bien voir. Ne pas être des aveugles qui conduisent les autres dans les fossés de la mort. Dans ce but il est nécessaire de se laisser former par le seul vrai Maître. Ne pas se croire plus fort que lui. Ecouter sa formation, l’assimiler, l’approfondir, la mettre en pratique.

Question d’une énorme importance : dans un monde qui évolue à toute vitesse, où les nouvelles connaissances se bousculent, sommes-nous des chrétiens formés ? La liturgie dominicale reste-t-elle un moment pieux ou y apprenons-nous à être des chrétiens lucides, capables de répondre aux objections actuelles?...Sur ce point capital, il y a, me semble-t-il, un déficit énorme.


LA PAILLE ET LA POUTRE


Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? Comment peux-tu dire à ton frère : “Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil”, alors que toi-même ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère.

Un bon disciple a bien entendu l’avertissement précédent et il s’applique donc à ouvrir les yeux au maximum afin de débusquer les obstacles et d’éviter les chutes dans les fossés de l’erreur. Sur quoi porte son regard perspicace ? Evidemment en priorité sur l’autre. Inspecteur conscient de sa responsabilité, il discerne les manquements de son frère qui, à ses yeux, ne remplit pas bien son rôle et, plein de zèle, il pointe sans ménagement ses péchés.

Mais le Seigneur le prévient : « Tu accuses ton frère d’une faute alors que toi-même tu en commets une plus grosse. Donc travaille d’abord à te soigner toi-même. Plus tu feras de progrès, plus tu seras lucide et indulgent sur les dimensions des péchés de ton frère ».


LE CŒUR BON


Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit. Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raisin sur des ronces. L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur.

L’Eglise que les disciples vont avoir la charge d’étendre ne se réduit pas à une entreprise qu’il s’agit de gérer au mieux : planning des tâches, organisation bien huilée, coordination des compétences, entretien des bâtiments, régularité des offices, rentrée des fonds.

Sa mission fondamentale en effet est l’annonce de la Parole de Dieu et cette annonce n’est authentique que si elle jaillit du fond d’un cœur bon.

Oui, il est bien de veiller à tous les rouages mais ce que les hommes attendent des disciples de Jésus, c’est de percevoir en eux un cœur bon, écho de la Bonté du Père.

La science théologique, le sens de l’organisation, l’élégance de l’éloquence, la beauté de l’architecture ne convertissent pas. Au 19ème siècle, la France entière et de hauts prélats se pressaient dans le petit village d’Ars pour écouter un pauvre curé qui n’avait rien d’un académicien mais dont la parole sortait du trésor de son bon cœur, un cœur débordant de l’amour du Christ.


BATIR SA VIE SUR LE FONDEMENT DES ACTES

Il serait bon de rétablir la finale de l’instruction que le lectionnaire a malheureusement écourtée.

Et pourquoi m’appelez-vous en disant : “Seigneur ! Seigneur !” et ne faites-vous pas ce que je dis ?
Quiconque vient à moi, écoute mes paroles et les met en pratique, je vais vous montrer à qui il ressemble. Il ressemble à celui qui construit une maison. Il a creusé très profond et il a posé les fondations sur le roc. Quand est venue l’inondation, le torrent s’est précipité sur cette maison, mais il n’a pas pu l’ébranler parce qu’elle était bien construite.
Mais celui qui a écouté et n’a pas mis en pratique ressemble à celui qui a construit sa maison à même le sol, sans fondations. Le torrent s’est précipité sur elle, et aussitôt elle s’est effondrée ; la destruction de cette maison a été complète. »

Le risque de tout enseignement, c’est d’être écouté mais non mis en pratique. On l’admire, on l’applaudit, on en parle avec passion mais sans qu’il ait d’impact sur la réalité de la vie. Or l’Evangile a bien pour but de changer notre existence. La vie nous a été donnée mais nous avons à la construire et puisque les épreuves, les orages, les tempêtes vont de toutes manières survenir, il est essentiel que notre construction soit édifiée sur une base solide. Cette base, cette fondation, ce ne sont pas des connaissances, des projets, des bonnes idées, des valeurs, de la spiritualité, des rites, des cérémonies mais des ACTES.

L’Evangile n’est Bonne Nouvelle, il n’est force et consistance de la vie que s’il est mis en pratique. Il n’est pas une décoration, une tradition familiale, un sentiment du sacré, une pratique ésotérique. C’est parce qu’il n’était qu’une vague croyance intérieure sans être réellement vécu que des multitudes, ébranlées par les objections modernes, s’en sont aussi rapidement détournées.

Les critiques, la culture, la maturation de l’âge, les doutes peuvent bien dissoudre certaines croyances, conduire même à un désert, à une sécheresse de l’âme qui perd ses certitudes. Mais la foi tient parce qu’elle était incarnée.


CONCLUSION

La foi est un enjeu historique majeur. Il ne s’agit pas d’en rester à des questions abstraites (« Je crois ? je ne crois pas ? »), ni à un vernis de gentillesse et de bonnes mœurs, ni à une pratique rituelle routinière et ornementale. L’humanité marche sur la route du temps et les risques de catastrophes y sont nombreux et de plus en plus énormes. Des aveugles prétendent guider les hommes et hélas, des multitudes immenses les suivent et s’effondrent dans l’abîme. Et même l’actualité montre qu’il y a aussi dans l’Eglise des aveugles capables d’égarer les simples.

Mais Jésus est là, il est « le chemin, la vérité et la vie ». Dans le maquis de tous les pièges, il a ouvert le vrai chemin de lumière qu’aucune attaque n’a pu et ne pourra jamais éliminer.

Dans ce « sermon dans la plaine », que nous terminons aujourd’hui, il a appelé heureux ceux qui l’écoutent et deviennent ses disciples. Il nous a prévenus que, comme lui, nous serons la cible d’attaques sans merci. Mais il nous a commandé d’aimer nos ennemis, de renoncer à la vengeance, d’oser des démarches sortant de l’ordinaire. Il nous a révélé que de la sorte notre bonheur était de nous savoir enfants du Père, issus de son amour miséricordieux et s’efforçant de partager cet amour avec tous.

Enfin, aujourd’hui, en finale, il nous a conféré la responsabilité de poursuivre sa mission, d’être les guides lucides et vigilants d’une humanité qui divague dans la nuit, des inspecteurs patients qui commencent toujours par se corriger eux-mêmes, des hommes qui ne se perdent pas dans le détail de l’organisation mais qui se convertissent pour avoir un cœur bon qui donnera de bons fruits, des architectes qui ont compris que l’essentiel était toujours l’effort pour mettre en pratique les enseignements de l’Evangile. La foi résiste à tout et se fortifie lorsqu’elle agit.

Alors nous serons des disciples « bien FORMES » donc nous serons « comme notre Maître » (6, 40)

Frère Raphaël Devillers, dominicain


ET VOICI LE TEMPS DU CAREME


Ce mercredi 6 mars, nous entrons en quarantaine.

Le premier jour, on nous rappellera l’inéluctable de notre condition terrestre: «Homme, souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière».

Epouvantés par cette issue, nous n’allons pas d’abord nous faire un programme de petites privations, mais nous allons réfléchir. Nous débattre dans un choix d’options de vie.

Ainsi Jésus au désert après son baptême, rejetant toutes les tentations de puissance et optant pour un chemin de simplicité, de dialogue, de justice pour les pauvres.

Comment vivre ? Notre société de surabondance et de jouissance permanente est en train de montrer ses failles. Derrière le décor de luxe, des multitudes se débattent pour survivre, des hommes sont rejetés comme des rebuts. Et même la planète entière est menacée.

Un carême pour réfléchir, comme Jésus : à quoi dois-je renoncer ? Quel virage dois-je prendre ? Quel engagement avec d’autres pour LA VRAIE VIE ?

Jésus n’attend pas que d’autres commencent, il propose un programme qui, il le sait, sera critiqué. La haine sera telle qu’on le tuera.

Mais la mort ne le renverra pas dans la poussière : il resurgira dans la Lumière de la Vie divine.

Le carême, c’est se décider pour une vie « pascale », une existence qui passe tous les obstacles.

Le monde se moque évidemment de ce carême des chrétiens et préfère le carnaval. Et pourtant en nous y engageant, nous travaillons pour le bonheur des hommes.

Frère Raphaël
CONSOMMER MIEUX :  CONNAISSEZ-VOUS LA REGLE DES « 5 R » ?

CONSOMMER MIEUX : CONNAISSEZ-VOUS LA REGLE DES « 5 R » ?

Liée aux principes de la société de consommation, l’obsolescence culturelle est plus perfide que l’obsolescence programmée.

Nombreux sont ceux qui ont entendu parler de l’obsolescence programmée, qui consiste à réduire délibérément la durée de vie d’un produit afin d’entraîner le consommateur à acheter à nouveau. En revanche, on connaît nettement moins le concept de l’obsolescence dite culturelle, ou esthétique. Plus psychologique et insidieuse que la première, elle incite le consommateur à laisser de côté des produits en parfait état de fonctionnement pour les remplacer par des objets neufs pour des raisons de goût, de mode ou de design, bien entendu largement influencées par le marketing, ses désirs étant alimentés par une offre variée et qui se renouvelle très rapidement.

Les marques de vêtements, de chaussures, d’objets connectés, ne cessent d’inciter pernicieusement leurs cibles à s’engager dans la course infernale de la surconsommation.

Selon l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME), 88% des Français changent leur smartphone avant même qu’il ne tombe en panne. Et selon la WWF, la consommation mondiale de vêtements a doublé entre les années 2000 et 2014. En moyenne globale, chaque personne achèterait cinq kilos de vêtements par an, sachant qu’en Europe et aux États-Unis, la consommation est trois fois plus élevée qu’ailleurs.

« L’illusion d’un bonheur éphémère »

Quelle réponse face à cela et comment sortir de l’engrenage ? Une vidéo parue ce mois-ci invite le consommateur à adopter le principe des « 5 R » :
  1. Refuser d’acheter toujours plus,
  2. Réparer ses appareils,
  3. Réemployer en donnant ou en vendant,
  4. Recycler les appareils les plus polluants,
  5. Réutiliser en favorisant l’économie circulaire.
Elle invite également à acheter des produits robustes. Dans J’arrête de surconsommer, de Marie Lefèvre et Herveline Verbeken (Eyrolles, mars 2017), les auteurs expliquent la vacuité de cette consommation débridée : « On nous fait croire que posséder tel ou tel objet nous rendra heureux, qu’il renverra une image de nous-mêmes plus à la mode, plus performant, plus beau, plus cool, plus sûr de soi. Mais c’est juste une image. Cela nous apporte seulement l’illusion d’un bonheur qui est éphémère et déconnecté de nous-mêmes. Dans ce schéma, nous avons toujours besoin d’autre chose pour être heureux ».

L’objectif n’est pas de culpabiliser mais de réfléchir sereinement à son mode de consommation afin de l’améliorer si nécessaire.

Paru dans ALETEIA, mardi 26 février 2019.

Fichier du texte de l'homélie

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