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29ème dimanche – Année B – 17 octobre 2021

Évangile de Marc 10, 35-45

Le Premier sera l’Esclave de Tous

29ème dimanche - Année B – 17 octobre 2021 – Évangile de Marc 10, 35-45

Pape François : « La Honte ! »

Le pape François a exprimé mercredi « sa honte », après la publication d’un rapport accablant sur la pédocriminalité au sein de l’Eglise de France. « Je désire exprimer aux victimes ma tristesse, ma douleur pour les traumatismes subis, et aussi ma honte, notre honte, ma honte pour une trop longue incapacité de l’Église de les mettre au centre de ses préoccupations », a-t-il dit au cours de l’audience générale.

« Je prie, et prions tous ensemble « A toi Seigneur la gloire, à nous la honte ». C’est le moment de la honte , a insisté le pape. Il a invité tous les responsables religieux « à poursuivre tous leurs efforts pour que de tels drames ne se reproduisent plus ». Évoquant « une épreuve dure mais salutaire », il a appelé « les catholiques français à assumer leurs responsabilités pour que l’Église soit une maison sûre pour tous »

Évangile de Marc 10, 35-45

Le Premier sera l’Esclave de Tous


Jésus entame le dernier tronçon de son voyage : la longue et dure montée de Jéricho jusqu’à Jérusalem. La route est encombrée d’une multitude de pèlerins qui, eux aussi, s’acheminent pour aller fêter la grande fête de la Pâque. L’ambiance est à l’allégresse, les chants des psaumes fusent de partout : le souvenir de l’antique libération de l’esclavage en Égypte ravive l’espérance de la prochaine libération par le Messie promis par Dieu.

Cependant Jésus, une fois encore, annonce à ses apôtres ce qu’il va vivre dans la capitale. Marc, qui connaît les détails de la Passion peut déjà en donner les détails précis pour ses lecteurs qui, à Rome, sont effrayés par les persécutions qu’ils subissent.

« Prenant de nouveau les Douze avec lui, il se mit à leur dire ce qui allait lui arriver. « Voici que nous montons à Jérusalem et le Fils de l’Homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes ; ils le condamneront à mort et le livreront aux païens ». Ils se moqueront de lui, ils cracheront sur lui, ils le flagelleront, ils le tueront, et trois jours après, il ressuscitera ».


La première fois que Jésus a annoncé sa Passion inéluctable, Pierre s’est mis en travers de sa route et s’est fait rejeter comme « satan »(8, 31). La 2ème fois, les apôtres se chamaillaient pour briguer les premières places et Jésus leur a enseigné que le premier doit se faire le dernier de tous (9,31). Ici, pour la 3ème fois, on constate à nouveau combien il est dur d’accepter la conversion par la croix.

La Recherche vaniteuse des Honneurs


Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchent de Jésus :
« Maître, nous voudrions que tu fasses pour nous ce que nous allons te demander
- Que voulez-vous que je fasse pour vous ?
– Accorde-nous de siéger dans ta gloire l’un à ta droite et l’autre à ta gauche.


Incurable soif d’honneurs et beau croche-pied fait contre Pierre. Celui-ci n’était qu’un simple pêcheur tandis que Jacques et Jean se targuaient d’être les fils d’un patron qui avait des ouvriers (1, 20). Le primat de Pierre leur était toujours resté en travers de la gorge : ce sont eux évidemment qui auraient mérité de diriger le groupe puisqu’ils étaient d’un rang social supérieur... Maintenant que l’on approchait de Jérusalem et que Jésus allait prendre le pouvoir, comme ils en étaient tous convaincus, c’était l’occasion d’obtenir les places d’honneur.

Le Maître va les remettre à leur place !

Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, ou être baptisés du baptême dont je vais être baptisé ?
– Nous le pouvons
– La coupe que je vais boire, vous la boirez, et du baptême dont je vais être baptisé, vous serez baptisés. Quant à siéger à ma droite et à ma gauche, il ne m’appartient pas de l’accorder : ce sera donné à ceux pour qui cela est préparé ».


Ambitieux, vaniteux, jaloux ! Complètement à côté de la plaque ! Jésus reprend des images de son temps. Les vins sont mal décantés : « boire jusqu’à la lie » signifie aller jusqu’au bout de son projet, accepter l’amertume, la dureté, l’horreur. A son agonie, Jésus suppliera : « Abba, Père, à toi tout est possible : écarte de moi cette coupe...Pourtant non pas ce que je veux mais ce que tu veux » (14, 36).

Le baptême s’effectue comme une immersion totale, avec un moment d’étouffement : il symbolise la chute dans l’abîme de la souffrance et des ténèbres avant de resurgir.

Les Zébédée seront bien horrifiés quand ils découvriront que les places qu’ils demandaient seront occupées au Golgotha par les résistants crucifiés autour de Jésus. Plus tard ils comprendront : Jacques sera le premier apôtre décapité (Actes 12, 1). Jean, croit-on, vivra plus longtemps mais non sans avoir subi bien des épreuves.

L’ambition de tous


« Les dix autres avaient entendu (la requête des Zébédée) et ils s’indignaient contre eux. Jésus les appelle tous et leur dit : « Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations païennes commandent en maîtres ; les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur. Celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous.


Les autres apôtres sont furieux contre ces finauds de Zébédée, signe probable que tous sont animés de jalousie concurrentielle et convoitent tous les premières places. Alors Jésus sonne le rassemblement général et leur affirme que son Royaume ne se dirige pas comme les États du monde. Il leur répète ce qu’il leur avait déjà asséné : avec moi, pour être grand il faut servir et celui qui ambitionne d’être le premier doit se mettre au dernier rang et devenir l’esclave de tous. Et les disciples savaient très bien, pour le voir tous les jours, ce que comportait cet état misérable de disponibilité totale. Aussi, pour donner une base à cette exigence redoutable, Jésus se donne en exemple.

Le Serviteur souffrant


« Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude ».


Jésus est bien « un homme » ordinaire, né d’une femme ; il est aussi « le Fils de l’homme », annoncé par le prophète Daniel, qui doit venir en majesté pour opérer le jugement final ; mais au lieu d’être une Puissance fulgurante qui écrase de sa force, il est aussi « le Serviteur souffrant » annoncé par le prophète Isaïe.

La 1ème lecture de ce dimanche donne un court extrait de ce fameux chapitre 53 d’Isaïe, sans doute la page la plus ahurissante, la plus stupéfiante de la Bible. Alors que les Écritures annonçaient la venue d’un héritier de David qui triompherait et rétablirait la grandeur d’Israël, ici tout à coup, de manière inattendue, un prophète a la vision d’un pauvre homme, écrasé, humilié, bafoué, méconnu mais qui offre sa vie pour les autres :

« Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au Seigneur Dieu. S’il fait de sa vie un sacrifice d’expiation, il verra sa descendance, il prolongera ses jours. Par lui s’accomplira la volonté du Seigneur Dieu.
A cause de ses souffrances, il verra la lumière, il sera comblé. Parce qu’il a connu la souffrance, le Juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs péchés ».


C’est ce personnage que Jésus a compris qu’il devait être et que les disciples ne comprendront qu’après sa résurrection. Jésus va être pris, « livré », traité en esclave que l’on peut supprimer. De même que l’on vendait des esclaves, Jésus va être vendu et tué. Mais en réalité, « il se donnera », il fera de son exécution la réalisation du projet de son Père : donner sa vie de fils d’homme pour offrir le pardon des péchés de tous les fils d’homme de la terre et de l’histoire.

A la fête de la Pâque qui approche, Jésus s’offrira comme un agneau muet, comme le « serviteur » de Dieu qui assume les maux des hommes et ainsi nous libère de la prison du mal et de la culpabilité. Ainsi s’accomplira la « pâque » définitive et ultime, « le passage » de la mort à la vie, de la captivité à la libération, de l’égoïsme à l’amour, de la solitude à la communion. La croix accomplira le salut universel.

Il faudra du temps aux disciples complètement désarçonnés et épouvantés par la croix vécue comme un échec pour enfin comprendre que la croix était amour, service de pardon des autres. Et pour accepter que désormais eux aussi devaient prendre le même chemin.

Conclusion

L’enseignement de Jésus était net, clair, répété, impératif....Et pourtant, au terme de son accomplissement réel à Jérusalem, ce fut l’horreur, la stupeur, l’incompréhension et la grande débandade. Les rêves de triomphe, le désir des places d’honneur n’avaient pas disparu.

Il faudra la Résurrection et le don de l’Esprit pour qu’enfin les apôtres s’ouvrent à une nouvelle lecture des Écritures et comprennent la vérité de l’enseignement de Jésus.

Est-ce à dire que la leçon a été assimilée ? Il n’a pas fallu beaucoup de siècles pour que, à nouveau, les rêves de grandeur, la volonté de puissance, les ambitions, le carriérisme, les rivalités reprennent le dessus. Toujours cette idée « mondaine » qu’il faut exhiber sa force, construire des bâtiments somptueux, se pavaner dans des accoutrements de théâtre pour impressionner le public et multiplier les adeptes. Tout ce contre quoi le Seigneur avait mis en garde, tout ce qu’il refusait pour son Église qu’il voulait « servante et pauvre » (père Yves Congar). Nous voyons aujourd’hui les terrifiants désastres qui en sont le fruit.

Que l’Église quitte ses défroques et sorte de son château (pape François). Que nous revenions, dépouillés, honteux, pauvres, en larmes, au pied de la Croix où notre Seigneur nous a fixé, pour toujours, le rendez-vous du pardon. Un pardon total mais qui engage sur le chemin de la réparation, de la justice, du service.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.
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C’est cela, être chrétien ?

Par Laurent Fourquet



Les chrétiens passent volontiers aux yeux du monde pour des coincés nostalgiques, gentiment inoffensifs. Cette vision imaginaire du christianisme rencontre une certaine complicité de la part des catholiques qui renoncent à être le sel de la terre. Pourtant les chrétiens sont attendus et espérés, car ils sont les seuls à pouvoir porter, au nom de leur foi, ce refus sans concession du monde de la consommation généralisée.

L’antichristianisme foncier des sociétés occidentales contemporaines, loin d’être superficiel ou anecdotique, exprime une vérité de fond sur celles-ci. En tout et partout, nos sociétés valorisent l’appropriation des autres et des choses et font de cette appropriation la condition de la sagesse et du bonheur. Mais les chrétiens sont-ils eux-mêmes exempts de toute responsabilité dans cet antichristianisme « de principe » qui s’installe progressivement dans notre monde ?

Si les chrétiens portent quelque responsabilité dans l’antichristianisme contemporain, (…) c’est surtout parce qu’ils sont ce qu’ils sont et que ce qu’ils sont ne va pas.

Être chrétien aux yeux du monde : coincé et gentil

« Ils sont ce qu’ils sont » : pour comprendre cette expression, il faut s’interroger sur ce qu’être chrétien signifie dans notre monde.
…Être chrétien, c’est croire au Christ ressuscité…Dans les faits, la foi au Christ ressuscité ne correspond pas du tout à la représentation que notre monde se fait d’un chrétien.

Pour le monde, il y a en réalité trois modalités qui expriment, aujourd’hui, l’appartenance au christianisme :

la première, c’est l’affirmation, sinon la pratique, d’une morale sexuelle jugée « rigoriste » puisque personne ne s’en réclame en dehors des chrétiens ;

la seconde, c’est l’appartenance à une identité culturelle « chrétienne », mélange vague de clochers de village, de messes de minuit et de Requiem de Mozart, autrement dit la mémoire et l’art ;

La troisième, enfin, c’est un effort de spiritualisation de la morale des droits de l’homme commune à tous ceux qui se réclament de l’humanisme occidental.

Être chrétien aux yeux du monde, c’est être coincé, tourné vers le passé et sagement gentil.

Il est bien certain que beaucoup de chrétiens occidentaux vivent leur foi avec une sincérité et une profondeur admirables. Dieu seul, du reste, connaît le secret des âmes. Mais notre propos porte sur la représentation collective du christianisme dans notre monde.

Irritants mais inoffensifs

Ainsi se dessine un christianisme pour notre temps que notre époque prend sérieusement pour le christianisme. Un « christianisme imaginaire », suffisamment agaçant dans son refus obstiné de ne pas sacrifier aux nouveaux dieux de l’empire, en matière de « libération sexuelle » et de nostalgie du passé notamment, pour provoquer la détestation, suffisamment indigent, sur le plan de l’esprit, pour appeler le mépris.

Soyons honnêtes : malgré nos efforts pour casser ces représentations et tenter d’expliquer que le christianisme parle de tout autre chose, nous sommes tous, par moment, sinon complices, du moins résignés à cette représentation d’un christianisme décoloré, exsangue, réduit à quelques caricatures, une nostalgie et des bons sentiments.

Vivre enfin la vraie vie de Dieu

Or, soyons en assurés : rien ne changera dans le processus de déclin du christianisme occidental tant que, vaille que vaille, les chrétiens en Occident se conformeront dans leur ensemble à cette triple assignation. Car celle-ci ressemble à la foi chrétienne à peu près comme des ruines ressemblent à la vie.

Je ne choisis pas cette comparaison au hasard. Le christianisme est, en effet, par excellence, la religion de la vie, de la vie de l’âme en particulier, appelée à prendre conscience de ses péchés pour éprouver cette métamorphose inouïe du pardon et du libre amour de Dieu qui lui donne son Salut.

Qu’il y a loin de cette vie de l’âme, de cette révélation bouleversante de l’amour de Dieu, au statut officiel que ce monde assigne au christianisme, centré sur la chambre à coucher, les nostalgies d’antiquaires et les platitudes bien pensantes ! Si le christianisme est la religion de la vie, alors il faut le vivre.

Pour cela, il faut se désencombrer des soucis qui obsèdent la majorité de nos contemporains, occupés en permanence à s’approprier un bout du monde, le plus grand possible, puisque, selon l’idéologie dominante, plus étendue est l’appropriation des autres et du monde que l’on exerce plus on est puissant, et plus on est puissant plus on existe.

Vivre le christianisme, au contraire, c’est, quoi qu’il advienne autour de nous, dépasser les soucis de ce monde, respirer spirituellement, se vider de tout le tohu-bohu hystérique pour permettre à l’Esprit de faire sa demeure en nous et vivre enfin, vivre véritablement, de la vie de Dieu.

Où les chrétiens sont attendus et espérés

Car le véritable clivage entre notre société et la vérité chrétienne est là et nulle part ailleurs :
d’un côté, un besoin compulsif de consommer le monde, c’est-à-dire aussi de posséder et de dominer, parce que, croit-on, on ne se réalise, on ne s’épanouit que par la possession et la domination au service de la consommation ;
de l’autre, un appauvrissement volontaire de l’âme qui se fait écoute et regard, écoute du verbe divin, regard de reconnaissance pour cet univers qui nous est donné, à condition que nous accueillions ce don sous les auspices de la gratitude.

À l’aune de cette lutte entre deux principes opposés, comme les petites controverses sur notre fidélité respective au passé ou au présent s’avèrent soudain dérisoires ! Et comme le site assigné au christianisme par le monde actuel se révèle une ridicule imposture !

Mais pour en avoir conscience, il faut s’échapper résolument de cette prison, pour entrer dans le combat que je viens de décrire et où les chrétiens sont attendus et même espérés, y compris par des esprits très éloignés, en apparence, du christianisme, car les chrétiens sont seuls à pouvoir porter, au nom de leur foi, ce refus sans concession du monde de la consommation généralisée.

Face à la machine nihiliste qui réduit l’univers à la marchandise, ils sont seuls à pouvoir opposer la beauté et la gratuité du don, de Dieu aux hommes, des hommes entre eux lorsqu’ils se décident à s’aimer vraiment.

Mais voulons-nous vraiment nous opposer à la machine ? Et croyons-nous suffisamment au Christ pour porter ce combat ? Tout est là.

Des lampes dans la nuit

Si, cessant de raser les murs ou de rêver à d’impossibles restaurations, nous faisons ce choix, alors soyons en sûrs : là où, actuellement, l’égoïsme et le culte de l’intérêt personnel font croître le désert, là où, au fur et à mesure que l’on possède, le besoin de posséder tyrannise davantage, on verra renaître la fraîcheur de la reconnaissance et de la charité vraie, et les chrétiens seront à nouveau ces lampes dans la nuit et ce sel dont parlent les Écritures.
Qu’ils soient suivis par beaucoup ou par peu, il n’y aura pas, cette fois, maldonne : c’est bien du Christ dont il aura été question.

Laurent FOURQUET

E.N.A. ; Haut Fonctionnaire ; essayiste -- Auteur de :
L’ère du consommateur.(éd. du Cerf 2011)
Le christianisme n’est pas un humanisme. (éd. De Roux )

Article paru dans Aleteia 10 03 20

Le peu qu’on peut faire,

le très peu qu’on peut faire,

il faut le faire.

Théodore MONOD (1902-2000)
Biologiste, explorateur – protestant.
29eme-dimanche-2021-3
Éd. Emmanuel
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