Fête de la Sainte Famille – Année B – 27 décembre 2020 – Évangile de Luc 2, 22-40

Évangile de Luc 2, 22-40

Jésus un Signe Contesté

Moment solennel. Au 40ème jour, les parents apportent leur nouveau-né au Temple pour accomplir les deux rites prescrits par la Loi, la purification rituelle de la mère et le rachat du premier-né. Curieusement Luc ne raconte pas la cérémonie : le prêtre anonyme désigné ce jour-là n’a rien remarqué de spécial et il a accompli son service avec piété pour un couple qui ressemblait à tous les autres et qu’il a salué avant de recevoir le suivant.

Dès le départ il y a là comme un présage de ce qui va se produire quelques années plus tard : les autorités du Temple, les prêtres sadducéens ne reconnaîtront pas Jésus. Ils vont l’accuser d’être un perturbateur, un blasphémateur et ils finiront par obtenir sa condamnation. Mais 40 jours après la renaissance de sa résurrection, il « montera » au ciel. Puisque le temple terrestre de pierres l’a rejeté, son Père accueillera son Fils dans sa demeure céleste. L’amour jusqu’à la mort ouvre à l’Amour sans mort.

Avertissement majeur de l’Évangile : malgré la splendeur de ses édifices et la solennité de ses cérémonies, le système religieux peut méconnaître les envoyés de Dieu. Engoncé dans ses traditions, figé dans son cérémonial, rétif à toute réforme, il risque de rester aveugle aux signes des temps, sourds aux appels des prophètes qui, avant lui, voient l’avenir.

Les Vieux qui voient

Luc s’attarde beaucoup plus longuement sur l’événement qui précède les rites. Alors que le jeune couple traversait l’immense esplanade pour atteindre le local prévu, tout à coup un vieux monsieur vint à leur rencontre. Il s’appelait Syméon et était rempli de l’Esprit-Saint. Sa piété n’était pas seulement rituelle, routinière mais son cœur brûlait de l’attente du Messie annoncé par les Écritures. Il souffrait vraiment du malheur de son peuple opprimé et il avait l’intuition qu’il ne mourrait pas sans avoir vu apparaître ce Messie.

Comment a-t-il su ? Comment a-t-il été attiré par ce couple que rien ne distinguait, par ce bébé semblable à tant d’autres ? Tout ému il demande à Marie de lui confier son enfant et il éclate en prière :

Maintenant, Seigneur, tu peux laisser partir ton serviteur dans la joie. Car j’ai vu ton salut que tu as préparé pour tous les peuples. Il est la Lumière pour éclairer les nations païennes et sera la Gloire de ton peuple Israël ». Le père et la mère étaient tout étonnés.

Dieu révèle son projet de façon progressive au fur et à mesure que les croyants lui obéissent. Marie a suivi le message de son annonciation lui promettant un enfant, à présent, à l’occasion d’une rencontre impromptue elle apprend tout à coup que Jésus, le messie glorieux d’Israël, sera également le Messie qui sauvera toute l’humanité. L’envoyé de Dieu n’est plus un Ange mais un brave vieux qu’elle n’a jamais vu. Elle et Joseph sont tout surpris d’entendre telle nouvelle. Mais la suite va les faire frissonner.

Un Messie souffrant

Syméon les bénit et dit à Marie : « Ton fils provoquera la chute et le relèvement des gens en Israël. Il sera un signe de division. Et toi, ton cœur sera transpercé par une épée ! Mais ainsi les pensées secrètes des hommes seront dévoilées ».

Israël attendait un Messie, un Roi tout-puissant à qui nul ne résisterait, qui anéantirait le mal et ferait triompher le bien. Le vieil inspiré prévient Marie : Attention ! Ton fils ne fera jamais l’unanimité. Certains le reconnaîtront mais d’autres, beaucoup d’autres, le soupçonneront de mensonge, critiqueront son programme, le couvriront d’injures. Il restera un signe, c.à.d. un Messie humble devant lequel la liberté doit se décider. Beaucoup le contesteront, le détesteront, certains voudront même sa mort. Devant cette scission de ton peuple, devant ce déferlement de haine, toi, la maman, tu seras épouvantée. Le déchirement de ton peuple déchirera ton cœur.

Mais c’est de la sorte que, devant ton Fils et son message, apparaîtra la vérité profonde des êtres. Grandes tenues, titres ronflants, blasons, orgueil et ambition, renommées et exploits, les masques tomberont et la vérité de chacun se révèlera. Devant la crèche et la croix, ce n’est pas Dieu qui juge : l’homme se juge lui-même.

Une femme aussi peut être prophète : voilà que surgit également Anne, une veuve très âgée. Luc la présente comme le modèle des vieux qui, animés par l’Esprit, continuent à prier et à faire pénitence pour que vienne le salut. En outre, elle devient évangélisatrice car il faut annoncer la Bonne Nouvelle.

Elle servait Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière. Elle proclamait les louanges de Dieu et parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance d’Israël.

Les années obscures

Après avoir bien accompli tout ce que prescrivait la Loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. L’enfant grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.

Sauf l’épisode de la fugue de Jésus à 12 ans, plus rien ne sera dit sur cette trentaine d’années dans le village ignoré de Nazareth. Il ne reste à Marie et Joseph qu’à élever cet enfant, en gardant tout ce qu’ils ont appris de lui. Il ne faut pas anticiper le dessein de Dieu mais paisiblement, patiemment, vivre la banalité du quotidien. Ce temps ordinaire nous apprend à vivre le nôtre : silencieux, le Messie est là. Nous le gardons et il nous garde.

Frère Raphaël Devillers, dominicain

Fête de la Sainte Famille – Année A – 29 décembre 2019 – Évangile de Matthieu 2, 13-23

ÉVANGILE DE MATTHIEU 2, 13-23

LA JOIE DE L’AMOUR FAMILIAL

Entre Noël et l’Épiphanie, au dernier dimanche de l’année civile, l’Eglise nous invite à méditer sur la famille que formait Joseph, Marie et Jésus. Que nous en dit l’évangile de ce jour ? Quelle aide en reçoivent nos propres familles ?

MENACE : UNE FAMILLE D’EMIGRES

Matthieu souligne le rôle essentiel de Joseph qui est un homme de prière et est très attentif à écouter les avertissements de Dieu. Celui-ci le prévient de la rage assassine d’Hérode à qui les mages ne sont pas venus préciser l’endroit où était cet enfant qu’ils estimaient le Messie d’Israël et donc Dieu presse Joseph de partir en toute hâte en Egypte. C’est ainsi que Jésus échappe au massacre des enfants déclenché par le roi fou.

Donc d’emblée Jésus et ses parents sont des émigrés, des pauvres qui ne comprennent pas pourquoi ils sont haïs à ce point et qui sont obligés de fuir en exil.

Un peu plus tard, Joseph apprend la mort d’Hérode et à nouveau, un songe divin l’invite à revenir dans son pays. Du coup s’accomplit la parole de Dieu proférée jadis par le prophète Osée: “ D’Egypte, j’ai appelé mon fils” (Os 11, 1). Par ces mots, Dieu rappelait à Israël que la libération, l’exode de leurs ancêtres hébreux esclaves en Egypte, était son oeuvre et qu’il voulait avec ces pauvres constituer son peuple bien-aimé, “son fils”.

Ainsi cet épisode démontre que Jésus accomplit, réalise maintenant l’histoire de ses ancêtres mais désormais le “fils de Dieu” n’est plus un peuple mais Quelqu’un, Jésus. Quelques années plus tard, lors de son baptême par Jean, il entendra la voix de son Père lui dire: “Celui-ci est mon Fils bien-aimé qu’il m’a plu de choisir” (Matt 3, 17). Sorti d’Egypte comme enfant, sorti de l’eau du Jourdain comme prophète, enfin sorti de la mort et du tombeau au Golgotha, Jésus est plus qu’un prophète mais bien le Fils qui “nous fait sortir”, libère l’humanité de la prison du péché afin d’en faire le peuple de Dieu leur Père.

Lors de leur investiture royale, les Pharaons étaient proclamés “fils de Dieu” par le grand-Prêtre mais ils finissaient comme momies sous les tonnes de pierre des pyramides, chefs d’oeuvre à la gloire de la mort. Jésus est le seul et authentique “Fils de Dieu”: devant lui la pierre a roulé, les tyrans disparaissent et lui, il vit pour toujours. Pour nous faire vivre comme des enfants de Dieu.

Toute la vérité et la profondeur de cette histoire se réalisent parce que Joseph, conscient de sa mission exceptionnelle, a décidé de demeurer à l’écoute de Dieu et de prendre les décisions adéquates. Au contraire, notre malheur à nous est que trop souvent nous nous croyons plus malins que Dieu: au lieu d’écouter ce qu’il nous souffle, nous décidons d’agir selon nos conceptions…et nous nous égarons terriblement.

MENACE MEME EN ISRAEL

Joseph pensait revenir en Judée mais il apprend que le nouveau souverain, Archelaüs, fils d’Hérode, a des moeurs aussi cruelles que son père. Derechef il se met dans la prière à l’écoute de Dieu qui lui conseille de remonter plus au nord, dans le district de Galilée et il vient habiter dans un petit village, Nazareth. Matthieu signale que cela ne se passe pas par hasard mais pour accomplir une ancienne prophétie: “Il sera appelé Nazôréen”, citation qui intrigue encore les exégètes car un habitant de Nazareth s’appelle Nazaréen.

CONCLUSION

Cet évangile inspire deux réflexions. Alors que le Messie apparaît dans la pauvreté, sans aucune ambition de conquête, sans aucun moyen de pression, il semble tout de suite dangereux aux yeux des Puissants. On dirait qu’ils pressentent que l’arrivée de Jésus est une menace pour eux et ils complotent contre sa vie. Plus tard ce ne sont pas les impies et les grands pécheurs qui lui en voudront mais les membres du Sanhédrin, Caïphe le Grand Prêtre et Ponce-Pilate, le préfet romain, qui décideront de son exécution.

Donc une Eglise qui ronronne doucement dans la liturgie bien huilée, qui bénit la situation établie, qui tolère les injustices et rejette à plus tard l’instauration du droit, qui est admirée et couverte de faveurs par certains qui veulent la faire taire, doit s’interroger très sérieusement sur sa fidélité.

Joseph, lui, nous apprend à demeurer vigilants, à rester fidèles à une prière d’écoute de la Parole de Dieu. Il faut assumer les difficultés, prendre des décisions qui dérangent. Garder en vie l’enfant et sa mère, Jésus et son Eglise, est un enjeu capital que beaucoup ont jugé accessoire parce qu’ils préféraient la réussite de leur carrière. Et la foi de multitudes s’est évanouie.

Prier ne se réduit pas à marmonner des formules mais oblige à dire à Dieu: “Seigneur: que dois-je faire ?”. Et à acquiescer comme Marie: “Que ta volonté s’accomplisse en moi”. Dès le premier instant, Joseph et Marie ont été terriblement bousculés mais, pris dans la tempête des événements, ils ont marché sur le chemin de Dieu. Car la foi est, au sens propre, bouleversante.

LA VIE FAMILIALE

Notre méditation du jour dépasse cet épisode afin de considérer tout le temps de l’enfance et de la jeunesse de Jésus, ce qu’on appelle les “années obscures”car les évangélistes ne nous en parlent guère. Quel rôle notamment y a rempli Joseph ?

Joseph est nommé l’artisan: il répare les maisons, les clôtures, les instruments de travail. Dur métier car les temps sont difficiles, les occupants romains pressurent le peuple de taxes et d’impôts. Des clients sont tellement misérables qu’ils reportent sans cesse leur payement. Compatissant, Joseph leur fait confiance au point de ne pas toujours pouvoir remettre à son épouse l’argent suffisant à la subsistance. Pas question de luxe et de dépenses inutiles. La nourriture est saine et frugale. Mais entre voisins, les pauvres savent s’entraider.

Tous les papas ont l’obligation d’apprendre un métier à leurs garçons, même les plus doués qui feront des études pour devenir des sages. Joseph apprend à son fils le maniement des outils, il l’emmène avec lui et lui transmet son savoir-faire. La Galilée verdoyante autour de son lac se couvre de nouvelles villes, avec écoles, théâtres, stades et aux carrefours on érige les statues des dieux. Bien des vestiges sont visibles aujourd’hui dans les musées. Ainsi Jésus découvre la vie du “monde moderne”, cette culture dont la Grèce est si fière et qui séduit bien des Juifs. Il importe de résister à la contagion. (pour nous aujourd’hui elle est écrasante).

Mais Joseph apprend surtout à son petit garçon la prière. Dès qu’il en est temps, en bon père juif, il a la charge de lui apprendre la prière fondamentale, ce qui est la profession de foi d’Israël: “Shema, Israël: Adonaï Elohenou Adonaï EHAD”: “Ecoute, Israël, le Seigneur nore Dieu est le Dieu UNIQUE”.

Le matin en sortant du lit, le soir avant de te coucher, tourné vers Jérusalem, tu couvriras tes yeux d’une main pour te recueillir pleinement et tu prononceras cette phrase avec tout l’élan de ton coeur. Ainsi depuis des siècles font encore les Juifs dans le monde entier. C’est la prière qui a permis à Israël de tenir dans la foi même devant les fours crématoires d’Auschwitz.

A table évidemment, en famille, on rend grâce à Dieu car les aliments viennent de sa Bonté. “Manger sans prier, c’est voler” disent les sages. Et toute le journée est parsemée de courtes bénédictions pour maintenir tout le quotidien dans le rapport à Dieu. “Béni sois-tu, Seigneur, toi qui …”.

Le shabbat, Joseph emmène son fils à la synagogue où toute la communauté villageoise se rassemble pour louer le Seigneur et écouter sa Parole qui est écrite dans les gros rouleaux de la Torah. Grand moment de grâce avec la prière des Psaumes et le chant du refrain alleluia. Toute cette journée sainte se déroule dans un climat spécial. L’arrêt de tout travail ne tourne pas en ennui et désoeuvrement. Au contraire on jouit d’une joie profonde: on retourne à l’office de la synagogue, on rend visite à un malade, on reçoit des amis avec lesquels on partage le gâteau aux figues que Marie a préparé la veille et qui faisait les délices du petit garçon.
Dès l’âge requis, Jésus se rend à l’école de la synagogue où le rabbin apprend la lecture, l’écriture puis toute l’histoire d’Israël. Assoiffé de vérité, il boit ces Paroles, les apprend par coeur, questionne le maître quand il rencontre un passage obscur. De retour à la maison, il discute avec ses parents de ses découvertes.

CONCLUSION

Le temps a complètement changé, nos conditions de vie sont tout autres. Mais l’essentiel alors comme pour nous maintenant demeure: la vie ensemble dans le train-train des jours, le dialogue, l’école quotidienne de l’amour. Réfléchir à ces années de l’enfance de Jésus, à la vie ordinaire imprégnée de prière est important en ce temps où la famille, attaquée de partout, révèle sa fragilité. Qu’est-ce que l’attitude de Joseph apprend aux pères d’aujourd’hui ?

Frère Raphaël Devillers, dominicain

Fête de la Sainte Famille – Année C – 30 décembre 2018 – Évangile de Luc 2, 41-52

ÉVANGILE DE LUC 2, 41-52

JE DOIS ETRE CHEZ MON PERE

Entre les fêtes de Noël et de l’Epiphanie, le dimanche de la Sainte Famille nous permet de réfléchir à ce long temps où le petit garçon grandissait près de ses parents dans un village obscur de Galilée.

N’imaginons pas des personnages auréolés, à l’air dévot, confits dans la prière, et Jésus s’essayant à faire des petits miracles et à confectionner des croix de bois.

Il fallait vivre la dure réalité d’un pays occupé, d’un peuple méprisé et surchargé de taxes où Joseph devait lutter pour gagner sa vie. Sans doute allait-il parfois travailler à la ville de Sephoris, dont les fouilles aujourd’hui font surgir les vestiges, et que l’on appellera « la beauté de Galilée ». La prestigieuse civilisation, que l’on appellera gréco-romaine, et dont nous sommes les descendants, étendait ses modes païens de vivre. Etranglés par la misère, beaucoup de gens s’exilaient en Egypte ou plus loin encore.

Fils unique (ce qui était rare à l’époque), Jésus avait tout de suite appris ses prières. D’abord au lever et au coucher, en se tournant vers Jérusalem, le « SHEMA », la confession fondamentale de la foi d’Israël : « Ecoute, Israël, YHWH notre Dieu est YHWH UN ».
Par l’indispensable bénédiction aux repas, on rendait grâce à Dieu pour tous les fruits de la terre et la vie qu’ils donnent.

On suivait le grand rythme fondamental de la semaine couronnée par le shabbat. Ce 7ème jour était le grand jour de fête d’Israël. Laissant là tous les outils, on vivait la joie de la liberté : les villageois se rassemblaient pour les offices à la petite synagogue. De tout son cœur, Jésus chantait les psaumes (qu’il connaissait par cœur), il écoutait les lectures et les commentaires du rabbin.

On se retrouvait entre voisins pour partager les nouvelles, visiter un malade. Personne ne devait souffrir de solitude. C’était le Jour du Seigneur : l’essentiel n’était pas la richesse ni la course à la nouveauté ni même l’indépendance nationale mais un peuple pauvre et fier, libéré par son Dieu pour vivre la fraternité et la louange.

Trois fois par an, tous montaient à Jérusalem pour les grandes fêtes : Pessah, Shavouot, Soukkôt.

Précisément, à l’occasion de la Pâque, quand Jésus avait environ 12 ans, un étrange événement survint, seul souvenir du temps de l’adolescence du garçon. Que nous apprend-il encore ?

JESUS FAIT UNE FUGUE

A la fin de la fête, la caravane vers Nazareth se met en branle : Marie et Joseph ne s’inquiètent pas de l’absence de leur fils qui doit être avec des parents ou des cousins. Mais le temps passe et il ne revient pas. Inquiets, les parents retournent à la capitale.

Je ne sais combien il y a d’enfants fugueurs, chaque année, dans mon pays mais je suis sûr qu’on n’en retrouve aucun dans une salle de catéchisme.

Or c’est ce qui est arrivé aux parents de Jésus : au lieu de récupérer leur gamin au rayon des jeux vidéo ou sur le terrain de foot (il n’avait pas besoin de vouloir ressembler à Messie : il l’était déjà), ils le découvrent dans une salle du temple de Jérusalem, mêlé à un cercle de maîtres. Passionné, il écoute leurs échanges sur l’interprétation des Ecritures. Etonné par ce petit auditeur attentif, les sages le questionnent et ils sont ébahis par l’intelligence et la finesse de ses réponses. « Ce garçon ira loin » murmure un vieux.

Au bout de 3 jours, ses parents le trouvent dans le temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions. Ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et ses réponses. Stupeur des parents ! Sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi avons souffert en te cherchant ! Il répond : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne savez-vous pas que je dois être chez mon Père ? ». Ils ne comprirent pas.

Pourtant dès qu’il a eu l’âge de raison, sa maman lui avait expliqué le mystère de sa naissance : Joseph n’était que son père adoptif et Dieu était son vrai Père. Cette révélation avait mobilisé l’entièreté de la vie du garçon et approfondi sa prière et sa méditation des Ecritures.

Puisque Dieu est son père, sa vraie maison est donc le Temple de Jérusalem. Au Temple, il est chez son papa et en scrutant les Ecritures, il connaît son histoire, comment il guide son peuple, comment il lui promet un libérateur. Et ce roi, ce Sauveur, ce Messie, c’est lui, lointain descendant du roi David, et que ses parents ont dénommé IESHOUAH – qui signifie « Dieu sauve ». Donc sa mission est bien d’être chez son Père afin de le faire connaître aux hommes.

Mais l’heure n’est pas venue. Obéissant, Jésus retourne avec ses parents à la petite maison de Nazareth – qui n’est pour lui qu’une résidence secondaire

UN EPISODE PROPHETIQUE

Jésus aura plus de 30 ans lorsque Jean-Baptiste sonnera l’heure de sa mission. Alors il montera à Jérusalem et décidera de purifier la Maison de son Père. Il ne rencontrera plus des maîtres étudiant les Ecritures mais des pontifes cossus, imbus de leurs privilèges, horrifiés par ce paysan qui les accusait d’hypocrisie et de culte mensonger.
Ils le chasseront et même l’enverront à la mort. Mais la croix du Golgotha pour lui sera une porte et, le cœur transpercé d’amour, il pourra – enfin – entrer au ciel dans la Demeure éternelle où le Père accueillera son Fils bien-aimé.
Pendant deux jours atroces, fous d’angoisse, Marie et les apôtres chercheront le disparu. Et le 3ème jour, ils le retrouveront vivant.

LA VIE DE FAMILLE

VIE SOBRE. Comme la famille de Nazareth vivait dans un monde où s’imposait la civilisation païenne, nos familles chrétiennes sont aujourd’hui immergées dans la modernité. Emerveillés par les réussites et les progrès, fascinés par les jouissances de l’avoir, des multitudes ont relégué la religion dans le placard, d’où on la ressort éventuellement pour un mariage ou un enterrement.
L’idéal est de gagner mieux sa vie, d’accroître son confort, de ne rater aucun spectacle, de suivre les modes, d’additionner des selfies à New-York, à Rio ou sur « les plages de rêve ».
« La publicité est la plus éclatante démonstration de l’illusion que l’homme a d’être libre » (A. Detoeuf).

La séduction est telle que parfois l’on se demande si les familles dites chrétiennes ont un style vie différent des autres. Le pape ne cesse de répéter ces avertissements aux chrétiens (cf. supra)

La petite famille de Nazareth nous réapprend la joie de la sobriété, le courage de résister à la fièvre acheteuse. Le bonheur ne se réduit pas au bien-être si celui-ci se confond avec le beaucoup-avoir.

LA PRIERE REGULIERE. Pour résister à cette course et garder la fidélité, il est indispensable de laisser plus de présence à Dieu dans l’ordinaire des tâches. Les habitudes de prière de Nazareth, évoquées ci-dessus (matin et soir, aux repas) restent nécessaires.

La sanctification du dimanche – qui est en même temps jour du Seigneur, jour de l’assemblée, jour de l’eucharistie, jour de l’étude de la Parole – est le pivot central de la semaine, là où l’on apprend à résister aux dérives et à demeurer centrés sur l’essentiel. La vie chrétienne est une manière typique de vivre le temps.

JESUS PERDU ET CHERCHE. Comme ses parents, il nous arrive de « perdre Jésus ». La prière nous est fastidieuse, des confessions de foi sont remises en doute, des pratiques rituelles mises au rancart, l’atmosphère indifférente nous gagne. D’autant plus que la foi ne résout pas nos problèmes et que l’Eglise est gangrénée par des scandales. Tout cela vaut-il encore la peine ?

La foi, comme l’amour, traverse des orages, des tempêtes ; il faut perdre les assurances enfantines, découvrir de nouvelles explications, rejeter ce qui était superflu.

La foi doit s’épurer, comme celle de Marie. On lui annonçait la naissance d’un roi et il gisait sur la paille puis dans la tombe. La foi comme l’amour n’est pas possession mais recherche, quête, désir de trouver.

LIRE LES ECRITURES. Quelques vagues souvenirs du catéchisme et un instinct religieux ne suffisent pas à donner la foi. Dès sa jeunesse, Jésus n’a cessé de scruter les Ecritures : il est facile et dangereux d’invente un Dieu à sa mesure, qui ne dérange pas trop. La foi accepte d’être interpellée, remise en question, approfondie même si ces recherches acculent à des décisions difficiles. Mais quelle joie de découvrir des aspects ignorés, des lumières nouvelles, des sens inédits.

Seigneur, nous te prions pour nos familles. Que, dans la lecture, la réflexion, la prière, elles te cherchent pour être, un peu, des « maisons du Père ».


Frère Raphaël Devillers, dominicain