Le train de la vie

par JEAN D’ORMESSON

« À la naissance, on monte dans le train et on rencontre nos parents.
Et on croit qu’ils voyageront toujours avec nous.
Pourtant, à une station, nos parents descendront du train,
nous laissant seuls continuer le voyage…

Au fur et à mesure que le temps passe,
d’autres personnes montent dans le train.
Et elles seront importantes :
notre fratrie, nos amis, nos enfants, même l’amour de notre vie.

Beaucoup démissionneront
(même éventuellement l’amour de notre vie),
et laisseront un vide plus ou moins grand.

D’autres seront si discrets
qu’on ne réalisera pas qu’ils ont quitté leurs sièges.

Ce voyage en train sera plein de joies, de peines,
d’attentes, de bonjours, d’au-revoir et d’adieux.

Le succès est d’avoir de bonnes relations avec tous les passagers
pourvu qu’on donne le meilleur de nous-mêmes.

On ne sait pas à quelle station nous descendrons,
donc vivons heureux, aimons et pardonnons.

Il est important de le faire
car lorsque nous descendrons du train,
nous ne devrons laisser que de beaux souvenirs
à ceux qui continueront leur voyage.

Soyons heureux avec ce que nous avons
et remercions le ciel de ce voyage fantastique.
Aussi, merci d’être un des passagers de mon train.

Et si je dois descendre à la prochaine station,
je suis content d’avoir fait un bout de chemin avec vous.

Je veux dire à chaque personne qui lira ce texte
que je vous remercie d’être dans ma vie
et de voyager dans mon train.

Jean d’Ormesson

HOSANNA SANS FIN

En soins intensifs à La Salpêtrière à Paris, Jean d’Ormesson a pu terminer sa dernière œuvre huit jours avant sa mort ce 5 décembre.
« HOSANNA SANS FIN » commence par ces mots : « Grâce à Dieu, je vais mourir » et s’achève par « Christ Jésus ».

Depuis « C’est une chose étrange à la fin que le monde », d’Ormesson poursuivait éperdument le sens de la vie, se posant la question qui le hantait : Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?

Dans « Comme un chant d’espérance », il s’émerveillait sur les plus récentes découvertes de l’astrophysique : le monde est-il l’effet du hasard ?

A la fin de « Je dirai malgré tout que cette vie fut belle », il reprend ce questionnement :

« Vous le savez, mon Dieu, j’ai aimé les baies, votre mer toujours recommencée, votre soleil qui était devenu le mien, plusieurs de vos créatures, les mots, les livres, les ânes …J’ai aimé tout ce qui passe…Mais ce que j’ai aimé surtout, c’est vous qui ne passez pas ».

« Un hosanna sans fin » est son testament métaphysique…Rappelant qu’il n’est pas athée mais agnostique, il s’écrie :

« Un monde sans Dieu serait trop injuste, trop triste, trop inutile…Notre seule chance : que Dieu existe ».

Ce petit livre est un cri d’espérance et se termine étonnamment par un nom qu’il n’évoquait jamais : le Christ.

« Lui au moins, il est permis de l’admirer, de l’aimer sans se poser trop de questions sur sa réalité. Si quelqu’un a laissé une trace éclatante dans l’esprit des hommes, c’est bien le Christ Jésus ».

Article inspiré par celui du journal LA CROIX du 22 11 18