Homélies et commentaires par fr. Laurent Mathelot OP

Résurgences

Que nous offre la vie selon l’Esprit ?

P. Sylvain Gasser, assomptionniste

De nombreux chrétiens, notamment issus de la mouvance charismatique, proclament haut et fort la présence de l’Esprit. Ils aiment à en confesser l’effusion dans leur vie et dans leurs groupes de prière. Là où se tisse la communion, là où s’élève la prière, là où surgit la guérison, là où abondent les prophéties, là où s’émancipent les langues, là est l’Esprit de Dieu. Mais la vie selon l’­Esprit nécessite-t-elle de connaître chacune de ces expériences?

Tirer l’Esprit uniquement du côté de la présence et de l’évidence est une façon de biaiser son identité et sa mission véritables. Le Souffle saint est « l’inobjectivable » par excellence. Il réalise la communion mais il marque aussi les écarts. Il maintient la distance entre Dieu et l’homme, entre l’homme et le cosmos. Il invite à respecter les différences. Sa présence n’est pas interférence. Attention au fusionnel et au confusionnel !

Quand nous essayons de comprendre le monde, nous sommes en droit de nous demander si l’Esprit y a sa place. Nous souhaiterions des signes évidents et nous ne recueillons que de maigres indices. Et nous entendons s’élever la petite musique de Jean : « Le vent souffle où il veut, tu entends sa voix sans savoir d’où il vient ni où il va » (3, 8). Insaisissable Esprit au souffle nomade! La liberté de l’Esprit ne finit pas d’étonner et de déjouer toute planification. Elle rompt la propension de l’homme à n’ouvrir ses oreilles qu’aux manifestations bruyantes et spectaculaires, elle brise la croyance accordée aux puissances de toute sorte qui empêchent d’ouïr « le murmure d’un fin silence » (1 R 19, 12). Ainsi le Souffle aiguise la soif.

Résistant à la fringale d’une expérience sensible de Dieu, nous avons cependant besoin de l’Esprit pour marcher vers la vérité. La venue du Règne de Dieu est le travail de l’Esprit, si bien que ce que nous découvrons comme vérité est toujours l’impact de l’Esprit dans l’histoire. Mais, selon la tradition biblique, cette vérité est de l’ordre de la promesse, non de l’évidence possédée. Dans cette épreuve du repérage de l’Esprit, « le premier de tous les vicaires du Christ » (cardinal Newman) est la conscience. Le problème moral d’aujourd’hui n’est pas le nombre de ceux qui n’écoutent pas le pape ou ne suivent pas les commandements de l’Église, mais le nombre de ceux qui ne suivent pas leur conscience, souffle de Dieu intérieur à leur expérience.

Une telle vie discernée dans l’Esprit offre à la conscience un chemin de liberté. Elle sonde et interroge le forum intime de la conscience sous la vigilance du Verbe, elle permet à l’homme de se livrer à l’énergie ténue mais bien réelle de l’Esprit de Dieu en soi. « Il vient un temps où l’homme doit prendre une position qui n’est ni prudente, ni politique, ni populaire mais doit la prendre parce que sa conscience dit qu’elle est juste » (Martin Luther King). Le supplément d’âme et d’esprit que nous appelons pour notre société n’est peut-être que le sursaut enflammé de notre conscience.


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