Évangile de Jean 14, 15-21
Les voix intérieures
Au début de son discours d’adieu et comme nous l’avions découvert les dimanches précédents, Jésus a appelé tous ses disciples à croire en lui ; à croire qu’il est dans le Père et que le Père est en lui. Ensuite il les a exhortés à avoir une confiance absolue, à espérer toujours : oui, il va nous préparer une place dans la demeure de son Père. Et il continue maintenant en invitant vivre de son amour. « Croire en moi, c’est m’aimer » : dit Jésus. Cet amour n’est pas un sentiment éphémère, qui va et qui vient, mais c’est l’accueil des commandements qu’il nous a donnés. Il est donc important, essentiel même, de s’informer, de connaître l’enseignement de Jésus, de nous plonger dans sa vie et donc dans l’Évangile, de se mettre encore et toujours à l’écoute de la Parole.
Souvent, Jésus a donné des commandements à ses disciples : priez… veillez… ne cherchez ni l’argent, ni les premières places. Et encore : « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi » ou « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Voilà le cœur de ce que Jésus nous demande. Et il nous le demande tout en nous laissant une liberté totale : « si vous m’aimez » … Jésus ne force pas, n’impose pas, mais il nous invite. À chacun de répondre selon sa générosité de cœur envers lui.
Certains d’ailleurs vont refuser, comme le jeune homme riche de la parabole, et Jésus le laissera partir … Des disciples vont décider de se séparer de Jésus. Certains, comme Judas, vont même le trahir. Et pensons à Pierre qui, par trois fois, le reniera. Cependant, toujours, comme le Père dans la parabole du Fils prodigue, Jésus accueille celui qui revient à lui : l’amour de Jésus est un amour parfaitement libre et donc libérateur.
Et pour nous venir en aide, pour nous aider au commandement d’aimer, toujours au cœur de son discours d’adieux, Jésus nous fait une promesse, celle de nous envoyer un défenseur. À tous les disciples inquiets, fragilisés, incapables de se défendre, de rester fidèles jusqu’au bout – et il y a là quelques ressemblances avec nous-mêmes –, Dieu va envoyer le Paraclet, qui est un terme issu de la Bible en grec, d’un verbe qui signifie ‘appeler quelqu’un auprès de soi’. C’est donc un Esprit conseiller, un avocat ou encore un interprète que Dieu nous envoie et que Jésus promet.
Voici l’Esprit, le Souffle d’amour entre Jésus et son Père qui vient vers nous, auprès de nous, en nous. C’est lui que notre foi appelle ; c’est lui qu’il convient d’accueillir de tout notre cœur. Nous devenons ainsi des hommes et des femmes animés par une force extraordinaire, capables de reconnaître que Jésus est en son Père autant qu’il est en nous et nous en lui. Jésus est plus qu’une grande figure du passé : il est l’incarnation de l’Amour parfait. Avec les Apôtres, nous pouvons affirmer que Jésus vivant est revenu vers nous, non pas comme un prophète que l’on suit ou comme un maître de sagesse que l’on écoute, mais comme une présence réelle intérieure qui, à son tour, nous donne la Vie nouvelle en abondance, nous réjouit et nous emporte. Depuis Pâques, nous avons découvert que, plus qu’un grand prophète ou un messie politique, Jésus est le Fils vivant en son Père : que c’est parce qu’il vit en nous que nous, nous vivons vraiment.
Mais comment reconnaître en nous la voix de l’Esprit Saint ? Parce que, parmi toutes les petites voix qui nous parlent intérieurement, certaines nous trompent et nous égarent ? Comment discerner la voix de Dieu ? C’est tout de même un peu plus compliqué que ce que nous donnent à voir les dessins animés : un petit ange à gauche ; un petit diable à droite qui nous parlent à l’oreille.
Bien sûr, quand survient en nous une parole qui évoque l’Évangile – et c’est d’ailleurs pour ça qu’il faut bien s’en imprégner – nous pouvons nous y fier. Dans le même ordre d’idée, lorsque surgit en nous une pensée qui nous donne un sentiment de grande paix, nous pouvons la suivre. Si le conseil des voix intérieures nous incite à mieux aimer, là aussi, il est assurément bon.
Mais parfois la petite voix de l’Esprit Saint est une voix qui bouscule, qui dérange et même nous perturbe ; une voix qui va à l’encontre de nos propres idées ou désirs ; une voix qui veut nous emmener là où nous ne souhaiterions peut-être pas forcément aller ; une voix qui nous invite à faire ce que nous ne ferions peut-être pas. C’est alors plus difficile de l’entendre, de la comprendre et de l’accepter. Et nous pourrions facilement l’étouffer. L’Esprit nous laisse libre, y compris libre de nous tromper.
On parvient à discerner la voix de l’Esprit-Saint en prenant l’habitude d’écouter nos petites voix intérieures et en prenant le temps de réfléchir à leur propos. Pourquoi telle idée me vient-elle ? Et pourquoi me vient-elle si souvent ? C’est à force de chercher à comprendre ce qui motive les voix qui nous parlent intérieurement que nous parvenons à discerner celles qui viennent de Dieu, de celles qui viennent de nous-mêmes ou celles qui viennent d’un esprit encore plus mauvais. Enfin, nous pouvons prier Dieu de nous éclairer sur les intentions de nos petites voix intérieures.
Prenons dès lors le temps de l’écoute, créons cet espace qui va permettre à l’Esprit Saint d’agir en nous, de déployer ses dons de sagesse, de conseil et de force, ses dons d’intelligence et de piété. Habités par le désir de nous transformer de l’intérieur, nous entrerons alors en dialogue avec celui qui veut faire en nous sa demeure, un lieu de rencontre et de dialogue intimes.
C’est ainsi, par cette œuvre de l’Esprit en nous, que la vie et les paroles de Jésus resteront actuelles, toujours personnelles, et que nous reconnaîtrons qu’il vit en nous.
— Fr. Laurent Mathelot, dominicain.