Homélies et commentaires par fr. Laurent Mathelot OP

Résurgences

La symbolique du cerf

Héritière des pensées antiques et médiévales, la symbolique du cerf est très riche. Cet animal christique est souvent là pour guider les hommes vers la vie.

L’approche des animaux par les générations antiques ou médiévales est assez différente de la nôtre. Les connaissances naturalistes qu’elles pouvaient avoir étaient souvent élargies à un monde imaginaire dans lequel les animaux avaient des propriétés étonnantes ou merveilleuses, reflet d’une autre réalité.

La symbolique du cerf en particulier doit beaucoup à ce que l’on trouve dans L’Histoire naturelle de Pline l’Ancien (77 après J.-C.), dont de nombreux éléments seront repris par Isidore de Séville au VIIe siècle. Le cerf y a la réputation étonnante d’être un tueur de serpents. On pensait que, par son souffle, le cerf faisait sortir les serpents de leur trou pour les dévorer ; cependant, pour survivre, il devait trouver rapidement une source où s’abreuver et éteindre le feu du venin qu’il avait ingéré.

Les premières générations de chrétiens ont naturellement rapproché cette idée des mots du psaume : « Comme un cerf altéré cherche l’eau vive, ainsi mon âme te cherche toi, mon Dieu » (Ps 41, 2). Pour saint Augustin (comme pour d’autres Pères de l’Église), c’était l’image du futur baptisé (le catéchumène) qui désire l’eau vive que donne le Christ. Des représentations de cerfs s’approchant d’un grand vase (ou de sources) sur les mosaïques de baptistères de la fin de l’Antiquité témoignent de l’importance de ce symbole.

Un être exceptionnel où les règnes végétal et animal se rejoignent

Le cerf mangeant le serpent faisait aussi penser au Christ triomphant du mal. Cette particularité a sans aucun doute contribué à faire entrer le cerf dans le cercle restreint des animaux que l’on identifiait au Christ. Certains y voyaient même la raison pour laquelle le nom latin du serviteur (servus) — l’un des titres du Christ — était si proche de celui du cerf (cervus).

Avec ses bois qui chutent et repoussent chaque année, le cerf est aussi un être exceptionnel où les règnes végétal et animal se rejoignent. Pour les chrétiens, ce renouvellement annuel des bois du cerf évoque la mort et la résurrection, tandis que la ramure elle-même rappelle le bois de la Croix. Ce rapprochement se retrouve dans les traditions liées à saint Eustache ou à saint Hubert : c’est entre les bois d’un cerf que la croix du Christ apparaît pour les inviter à se convertir. Tel un messager divin, le cerf est aussi celui qui guide et qui indique la voie à suivre aux personnes perdues : par exemple, c’est un cerf qui, au cours d’une chasse, guide le jeune Dagobert vers le tombeau de saint Denis.

Lien entre le ciel et la terre

Le cerf fait aussi le lien entre le ciel et la terre. Tout en étant relié au monde souterrain par sa dimension végétale, il reste l’animal capable de bondir vers le ciel ! Aussi a-t-il souvent une fonction d’accompagnateur des âmes des défunts (psychopompe) vers le monde céleste ainsi qu’un rôle dans les rites funéraires. La Chanson de Roland, par exemple, raconte que Charlemagne a fait envelopper le corps de son neveu dans une peau de cerf. Des pratiques que l’on retrouve aussi dans l’histoire : la dépouille de Clément VI (pape d’Avignon mort en 1352) comme celle de Du Guesclin (mort en 1380) sont elles aussi ensevelies dans un cuir de cerf. Ces différentes dimensions symboliques continuent de nourrir notre imaginaire : ce n’est pas un hasard si, dans la saga de J. K. Rowling, l’animal emblème d’Harry Potter, qui lui permet de lutter contre des forces destructrices, est aussi un cerf !

Par Dominique Pierre, rédacteur en chef délégué pour Prions en Église.


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