[one_full last= »yes » spacing= »yes » center_content= »no » hide_on_mobile= »no » background_color= » » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » background_position= »left top » hover_type= »none » link= » » border_position= »all » border_size= »0px » border_color= » » border_style= » » padding= » » margin_top= » » margin_bottom= » » animation_type= » » animation_direction= » » animation_speed= »0.1″ animation_offset= » » class= » » id= » »][fusion_text]À l’occasion de son quatre-vingt dixième anniversaire, Aleteia est allé à la rencontre de JEAN VANIER. Dans le salon de sa petite maison de Trosly-Breuil, le nonagénaire au regard pétillant, fondateur des communautés de L’Arche et de Foi et Lumière, s’est confié avec simplicité, évoquant ses joies et ses espérances. (Paru dans Aleteia 16.09.2018 – sur le net)
« LE MONDE EST A L’ENVERS,
L’ÉVANGILE, C’EST LE MONDE A L’ENDROIT »
Bonjour Jean. Aujourd’hui, vous venez de fêter vos 90 ans. Quel bilan faites-vous des dernières années ?
Jean Vanier : Quand j’ai eu 75 ans, j’ai cessé d’être au conseil international de L’Arche. Mais j’ai continué à accepter des conférences à travers le monde. Puis, vers l’âge de 83 ans, j’ai réalisé que je n’avais plus la force de voyager. Au mois d’octobre dernier, j’ai été victime d’une crise cardiaque. Aujourd’hui, ma vie est super. Le matin, je prie et je lis. Je prends un repas dans mon foyer deux fois par semaine et je marche 40 minutes par jour. La vie passe très vite. Cette crise cardiaque était un choc… mais bienfaisant. Je dois désormais faire attention car je suis plus fragile. Mais je crois que ma tête ne fonctionne encore pas trop mal. Et je sais que cet affaiblissement va continuer, que je le veuille ou non.
Cela ne vous inquiète pas ?
Mon principe, c’est qu’aujourd’hui, je n’ai plus de futur, mais je suis heureux dans l’instant présent. À chaque moment. Cela ne m’inquiète pas. Peut-être que le jour où je serai complètement démuni physiquement, je trouverai cela difficile. Pour l’instant, j’ai beaucoup de chance. Je trouve que nos communautés de L’Arche vont bien.
À quel moment avez-vous eu l’évidence que la fragilité était essentielle ?
Je pense que le vrai sens de la fragilité est venu quand j’ai commencé l’aventure de L’Arche avec Raphaël et Philippe. Raphaël avait une méningite et ne parlait pas. Philippe avait une encéphalite avec une jambe paralysée… et il parlait trop. C’était tout un monde de fragilités… Mais nous étions si heureux (il s’exclame) ! Leur joie à tous les deux m’amenait à trouver ma joie. Je vois deux choses là-dedans. Tout d’abord, ils ont su attirer l’enfant en moi. Nous nous amusions, nous riions, nous faisions la fête. Ensuite, avec eux, j’ai trouvé un home (dit-il avec son indétrônable accent canadien), un chez-moi, un lieu où je me sentais bien et où j’avais envie de rester. Raphaël et Philippe avaient besoin de moi et moi j’avais besoin d’eux, de leur joie et de leur façon d’être.
Le cœur, c’est d’être aimé. Si vous visitez régulièrement une personne seule, alors, pour elle, vous devenez le messie. La relation, c’est le lieu du bonheur. Mais parfois, la souffrance physique est trop grande. Il ne faut pas prétendre que tout est facile. La fragilité a besoin d’être aimée.
La fragilité peut-elle sauver le monde ?
La fragilité est là, au cœur du monde. Elle se traduit parfois par la peur, l’insécurité. Nous rencontrons parfois des fragilités qui font très peur. Certaines personnes rejettent toute forme de relation et nous ne savons pas comment les rejoindre. Il faut alors des gens qui sachent de quelle manière les approcher. Lors d’un voyage à Calcutta, on m’a présenté un malade mental qui criait tout le temps. Les infirmiers se cachaient un peu de lui. Avec mon peu d’expérience, je suis allé vers lui, les mains ouvertes (il écarte les mains). Il est ensuite venu et il a posé ses deux mains dans les miennes. On peut voir cela avec la Samaritaine. Jésus l’a touchée parce qu’il avait besoin d’elle. Quand on peut commencer une relation en ayant besoin de l’autre, il change. Si Jésus avait commencé à prêcher, elle aurait fui. Mais il est venu humblement en disant « j’ai besoin de toi ».
La maison de Jean Vanier, rue d’Orléans, à Trosly Breuil.
Aujourd’hui, on parle beaucoup du bouleversement climatique, des débats sur l’euthanasie… Pensez-vous que nous marchons sur la tête ?
Oui, beaucoup de choses vont mal. Ce qu’on peut faire, face à cela, c’est être soi-même. En étant soi-même, on devient un modèle. Et la seule façon d’être soi-même, c’est d’être très humain. Il peut y avoir des moments où nous sommes en dépression. Cela fait partie de notre réalité. Mais l’important, c’est que chacun de nous soit debout, heureux, et qu’il puisse entraîner les autres. Je suis frappé de voir qu’il y a de plus en plus de gens qui font de petites choses : ils ont ce souci de cultiver leur jardin, de chercher à être eux-mêmes les plus humains possible. S’occuper de son jardin, dépenser moins d’électricité, créer dans sa famille un lieu d’amour… Pour que la planète aille un peu mieux, toutes ces petites choses que l’on peut faire soi-même sont importantes. Chacun peut faire à sa mesure. Nous avons le pape François, qui est extraordinaire. Il est d’une beauté, d’une clarté… Il a le sentiment que l’Église doit bouger. Je le trouve très beau. Il sait que ce sont les plus pauvres qui nous ramèneront à l’essentiel, qui est d’aimer.
Quand il y a un bouleversement général, y a-t-il une fécondité ?
C’est mon espérance. La vérité viendra comme un petit filet d’eau qui grandira peu à peu. Je vois des gens qui se mettent ensemble pour aider les réfugiés ou les gens de la rue, ou au service d’un mouvement d’écologie. Aujourd’hui, on sent un mouvement. À L’Arche, il y a toujours des jeunes qui viennent. Nous avons eu des assistants merveilleux. Je sens un désir d’aider. Avant, on servait du café aux pauvres. À présent, dans certaines paroisses, on dresse des tables et ce sont les gens de la rue qui s’occupent du service. Même si les gens ont peur, on voit des choses qui bougent.
Vous n’avez pas peur d’être saint ?
La sainteté ne m’intéresse pas. La seule chose qui m’intéresse, c’est d’être l’ami de Jésus (silence). Je veux être avec Lui quelque part, je ne sais pas où. Jésus est pauvre, humble. Je souhaite être avec lui dans la pauvreté. Toujours dans la pauvreté. C’est la seule chose. Le secret est toujours dans la descente, et non la montée. C’est accepter qu’on est fragile. Nous ne sommes pas toujours ce que nous souhaiterions être, même avec Jésus. Nous avons toujours besoin d’un Jésus qui nous rattrape quand nous nous éloignons. Il est extraordinaire dans sa capacité d’aimer. Le plus grand danger, aujourd’hui, c’est le phénomène du besoin de réussite, qui commence dans les écoles. Il y a un problème de lutte entre le succès et l’acceptation de ce qu’on est, avec sa propre mission.
On voit une sorte de contradiction entre la société et la vie chrétienne. Jésus, Lui, est si humble et si petit. Le monde est à l’envers. L’Évangile, c’est le monde à l’endroit. C’est une révolution copernicienne.
Quel est le secret pour une vie réussie ?
Aie confiance en toi et écoute la petite voix de ton cœur. Que cherches-tu au plus profond de toi ? Écoute ce que j’appelle la petite voix intérieure. Aime la réalité et ne l’imagine pas.
Votre mot d’ordre pour les 10 prochaines années ?
Être heureux à chaque instant.[/fusion_text][/one_full]