Née à Middelburg (Pays-Bas) en janvier 1914. Famille juive libérale, non pratiquante. Père professeur, proviseur de lycée ; 2 frères. Elle réussit aisément une maîtrise de Droit.
Relation avec son logeur, un veuf âgé. Mène une vie libre dans les milieux contestataires de gauche. En mai 1940 : invasion des troupes allemandes, arrestation des Juifs. Thérapie avec un psychologue Julius Spier, émigré juif allemand : il devient son amant mais lui fait découvrir la Bible et St Augustin. Elle dira : « Tu as servi de médiateur entre Dieu et moi…l’accoucheur de mon âme ». Il meurt en septembre 1942. Etty entre au camp de transit de Westerbork pour aider les Juifs internés avant d’être envoyés en Allemagne. En 1941 elle a commencé à tenir son journal. Avec ses lettres, il montre son étonnante évolution spirituelle : présence indéfectible de Dieu en elle, sans Eglise ni dogmes, ni pratiques, foi inébranlable en l’homme, refus de toute haine, amour de la vie et de tout homme.
La persécution se durcit. Toute la famille est internée à Westerbork puis déportée à Auschwitz : des 1000 personnes du convoi seules 8 survivront. Etty y serait morte le 30 novembre 1942.
En 1981, on publie enfin le Journal et les lettres d’Etty : le succès est immédiat, les éditions, les commentaires et les traductions se succèdent.
Une vie bouleversée – Lettres de Westerbork ( Seuil – 8 €)
Faire la paix avec soi : 365 méditations ( 7, 10 €)
E. Hillesum : Les Ecrits : journaux et lettres ( 37 €)
C. de Villeneuve : E. Hillesum, la paix dans l’enfer ( 6, 50 €)
Paul Lebeau : E. Hillesum, un itinéraire spirituel ( éd. Fidélité – 8 €)
C. Dutter : E.H. Une voix dans la nuit (éd. R. Laffont)
Sylvie Germain : E. Hillesum (éd. Pygmalion)
C. Chalier : Le désir de conversion (éd. Seuil, 19 €) : (1 chap. sur E.H.)
Ce récent Mercredi des Cendres, Benoît XVI a évoqué sa personnalité :
« Je pense aussi à la figure d’Etty Hillesum…Initialement éloignée de Dieu, elle le découvre en regardant en profondeur à l’intérieur d’elle-même et elle écrit : « Un puits très profond est en moi. Et Dieu est dans ce puits. Parfois, j’arrive à le rejoindre, le plus souvent la pierre et le sable le recouvrent : alors Dieu est enterré. Il faut à nouveau le déterrer » (Journal, 97). Dans sa vie dispersée et inquiète, elle retrouve Dieu au beau milieu de la grande tragédie du XXe siècle, la Shoah. Cette jeune fille fragile et insatisfaite, transfigurée par la foi, se transforme en une femme pleine d’amour et de paix intérieure, capable d’affirmer : « Je vis constamment en intimité avec Dieu ».
Citations d’Etty Hillesum
Angoisse devant la vie à tout point de vue. Dépression totale. Manque de confiance en moi. Dégoût. Angoisse. (10 11 1941)
Notre unique obligation morale, c’est de défricher en nous de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche jusqu’à ce que cette paix irradie vers les autres. Et plus il y aura de paix dans les êtres, plus il y en aura aussi dans ce monde en ébullition.
Dieu je te remercie pour toute cette force que tu me donnes : le centre intérieur à partir duquel ma vie est régie gagne continuellement en force et en rayonnement.
Les nombreuses impressions contradictoires qui viennent de l’extérieur se concilient merveilleusement bien entre elles. L’espace intérieur ne cesse d’augmenter sa capacité et les nombreuses contradictions ont cessé de s’en prendre mutuellement à leur vie, elles ne se font même plus obstacle. Et après une journée comme celle d’hier, j’ose dire avec une certaine conviction : mon royaume intérieur connait la paix parce qu’il dispose d’un pouvoir central puissant.
Il me semble, Dieu, que je travaille bien avec toi, que nous travaillons bien ensemble. Je te donne un espace de plus en plus vaste à habiter et je commence aussi à t’être fidèle. Je n’ai presque plus à te renier. Je n’ai plus jamais à renier, pleine de honte, ma vie profonde dans mes moments plus frivoles et plus superficiels. Le puissant centre lance ses rayons jusqu’aux points les plus reculés de la périphérie. Je n’ai plus honte de mes moments de profondeur, j’ai cessé de faire périodiquement semblant de ne pas les connaitre.
La plupart des gens ont une vision conventionnelle de la vie, […], il faut avoir le courage de se détacher de tout, de toutes normes […] il faut oser faire le grand bond dans le cosmos : alors la vie devient infiniment riche, elle déborde de dons, même au fond de la détresse.
On a parfois le plus grand mal à concevoir et admettre, mon Dieu, tout ce que tes créatures terrestres s’infligent les unes aux autres en ces temps déchaînés. . Je regarde ton monde au fond des yeux, mon Dieu, je ne fuis pas la réalité pour me réfugier dans de beaux rêves – je veux dire qu’il y a de la place pour de beaux rêves à côté de la plus cruelle réalité – et je m’ entête à louer ta création, mon Dieu, en dépit de tout !
Ce sont des temps d’effroi, mon Dieu. Cette nuit, pour la première fois, je suis restée éveillée dans le noir, les yeux brûlants, des images de souffrance humaine défilant sans arrêt devant moi. Je vais te promettre mon Dieu, oh ! une broutille : je me garderai de suspendre au jour présent, comme autant de poids, les angoisses que m’inspire l’avenir ; mais cela demande un certain entrainement. Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir à l’avance.
Vendr. 3 juillet 1942 : Bon, on veut notre extermination complète. : cette certitude nouvelle, je l’accepte. Je le sais maintenant. Je n’imposerai pas aux autres mes angoisses et je me garderai de toute rancœur s’ils ne comprennent pas ce qui nous arrive à nous, les Juifs. Mais une certitude acquise ne doit pas être rongée ou affaiblie par une autre. Je travaille et je vis avec la même conviction et je trouve la vie pleine de sens, oui, pleine de sens- malgré tout.