Une semaine après Pâques, l’Eglise catholique célèbre le dimanche de la divine miséricorde. Quel est le sens de cette fête? La miséricorde est-elle possible pour tous? Une question lancinante…
A l’origine de la fête de la miséricorde divine, une religieuse polonaise, Sœur Faustine Kowalska (1905-1938). Entrée dans la congrégation des Sœurs de Notre-Dame de la miséricorde à Varsovie, en 1925, Sœur Faustine, qui remplit des tâches toutes simples au sein du couvent, est en fait une authentique mystique. Depuis l’âge de 19 ans, le Christ lui apparaît et lui transmet des messages, qu’elle met par écrit.
Ces messages du Christ parlent de la miséricorde de Dieu, et contiennent des instructions précises, que la religieuse est chargée de transmettre à l’Eglise. L’une de ces demandes concerne l’institution de la fête de la miséricorde, le deuxième dimanche de Pâques:
« Je désire que la fête de la Miséricorde soit le recours et le refuge pour toutes les âmes, et surtout pour les pauvres pécheurs. En ce jour les entrailles de ma miséricorde sont ouvertes, je déverse tout un océan de grâces sur les âmes qui s’approcheront de la source de ma miséricorde; toute âme qui se confessera et communiera recevra le pardon complet de ses fautes et la remise de leur punition; en ce jour sont ouvertes toutes les sources divines par lesquelles s’écoulent les grâces« .
Cet appel sera entendu bien après la mort de Sœur Faustine en 1938. A partir de 1985, l’archevêque de Cracovie, le cardinal Franciszek Macharski, institue cette solennité dans son diocèse, suivi, dans les années suivantes, par d’autres diocèses polonais. En 1995, le saint pape Jean-Paul II l’étend à toute la Pologne, à la demande des évêques de ce pays. Et au cours du Jubilé de l’an 2000, en canonisant Sœur Faustine, le deuxième dimanche de Pâque, Jean-Paul II institue cette fête pour toute l’Eglise.
Pourquoi cette fête?
Cette fête de la miséricorde divine s’inscrit, par bien des aspects, dans la droite ligne de la dévotion au Cœur de Jésus (aussi appelé, plus anciennement, le Sacré-Cœur). Remontant au Moyen-Âge, cette dévotion va véritablement prendre son envol dans l’Eglise catholique à partir du 17è siècle, et les apparitions du Christ à sainte Marguerite-Marie Alacoque, à Paray-le-Monial en Bourgogne. « Regarde ce Cœur qui a tant aimé les hommes, et qui n’a reçu qu’indifférence« , disait Jésus à Marguerite-Marie.
Le sens du message de Paray-le-Monial, et de la dévotion au Cœur de Jésus, c’est l’amour infini de Dieu pour chaque homme, l’amour du Cœur de Dieu qui s’est incarné dans un cœur humain – le cœur signifiant ici, de façon finalement très biblique, l’être profond, le siège de l’intelligence, de la volonté et des sentiments d’une personne. En ce sens, Dieu, Lui aussi, a un Cœur…
S’il faut bien sûr se garder ici d’un anthropomorphisme de mauvais aloi, qui peut s’apparenter à de l’idôlatrie, les révélations privées de Paray, comme celles reçues par sainte Faustine, mettent l’accent sur un aspect essentiel de la révélation chrétienne, de l’Evangile. C’est le cas, ou ce doit être le cas, de toute dévotion bien comprise.
Avec le message de la miséricorde, il s’agit de mettre en avant cet amour infini de Dieu pour chaque personne, et plus spécialement la dimension de compassion et de pardon propre à cet amour: Dieu, qui nous aime… de tout son Cœur, partage toutes nos peines, et est toujours prêt à nous réconcilier avec Lui, pour peu que l’on accepte son amour et son pardon. Avec une forme de lucidité sur nous-même qui, en « régime » chrétien, s’appelle humilité. L’humilité bien comprise, ce n’est pas le fait de devoir être humilié, mais d’assumer notre condition humaine, avec ses beautés et ses limites, et d’en faire le canal de l’amour de Dieu, qui veut nous rejoindre dans notre humanité concrète, celle de tous les jours, celle de nos souffrances et de nos joies.
Comme toutes les fêtes chrétiennes, la fête de la miséricorde veut nous donner la possibilité de vivre, d’intégrer une dimension essentielle, irremplaçable de la richesse infinie de l’Evangile, à savoir, en l’occurrence, de son amour plein de compassion et de pardon.
La miséricorde: vraiment pour tous?
En tant que chrétiens, il nous faut, sur cette question comme sur toutes les autres, tenir ensemble des aspects différents, des « vérités » différentes, parfois opposées en apparence mais, en fait, complémentaires. Dieu est amour. Il ne connaît ni la haine, ni la vengeance, et il continue d’aimer chacune de ses créatures, quoiqu’elle ait pu faire. Le pardon est toujours possible, quoiqu’on ait fait, quoiqu’on ait commis, mais pas n’importe comment, pas automatiquement. Relevons ces paroles du Christ à sainte Faustine, déjà citées plus haut: « Je déverse tout un océan de grâces sur les âmes qui s’approcheront de la source de ma miséricorde« …
Si on ne se tourne pas vers le Dieu de la miséricorde, si on n’est pas disposé à recevoir son pardon – ce qui suppose de reconnaître le mal que l’on a fait, d’accepter que ce que l’on a fait est mal –, si on n’est pas disposé à réparer le mal qu’on a commis, dans les limites du possible, on ne peut, presque logiquement, pas recevoir la miséricorde de Dieu pour nous.
Toute femme, tout homme est-il capable d’accomplir cette démarche? Concrètement, sans doute pas, mais en principe, oui. Et cette perspective fait partie intégrante de notre foi. Ç’en est même l’un des aspects les plus marquants, comme nous le montre le mystère de la victoire du Christ sur le mal, le péché, la mort, qui est une victoire par « en bas », sur la croix. Mais le cas échéant, le pardon implique un chemin de repentir, de réparation et de réconciliation qui peut prendre beaucoup de temps.
Par Christophe Herinckx, pour Cathobel.