Année C — Présentation du Seigneur au Temple — 2 février 2025
Évangile selon saint Luc 2, 22-32
C’est aujourd’hui une célébration à plusieurs couches, comme une pile de crêpes, oserais-je dire. C’est donc la Chandeleur, la fête des bougies. Nous célébrons aussi la présentation de Jésus au Temple, la cérémonie de la purification de la Vierge Marie et le rachat de Jésus à Dieu pour le prix de deux colombes. Notre célébration d’aujourd’hui, 40 jours après Noël, conclut le cycle de l’Épiphanie : dans tout le périple de sa naissance, Jésus arrive enfin au Temple de Jérusalem.
Comme s’il fallait rajouter une couche, le pape s. Jean-Paul II en a fait aussi la Journée de la vie consacrée – la fête des personnes qui ont fait des vœux religieux.
Enfin – je l’ai dit – il y a la tradition des crêpes, symboles du soleil qui revient et de la farine qu’on ne craint plus de sacrifier tandis qu’on commence les semailles d’hiver. La tonalité du jour oscille entre célébration de la lumière, consécration à Dieu et espérance en l’avenir.
Saint Luc est prompt à nous présenter Jésus profondément ancré dans la culture juive de son époque. Dans son Évangile, la famille de Jésus est très pieuse. Elle observe scrupuleusement les prescriptions de la Loi de Moïse. Tout premier-né est le don de Dieu et doit lui être consacré. Si l’on veut reprendre son enfant, il s’agit alors de le racheter à Dieu. Il y a, derrière cette coutume, la tradition des prémices, d’offrandes religieuses prélevées sur les premiers fruits de toute récolte. En filigrane, on retrouve ici le récit de Samuel (1 Samuel 1,1-2,10), dont le nom signifie précisément « Don de Dieu », que sa mère Anne consacre au Seigneur dès la naissance, tant elle exulte d’avoir été sauvée de sa stérilité. Il y a aussi, derrière cette tradition, l’attitude assez injuste qui consiste à donner une place particulière à l’aîné des garçons au sein des familles et qui percole jusqu’à nos jours. C’est oublier la partie « rachat » de la tradition juive qui en fait à nouveau un fruit comme les autres. Au fond – et Jean-Paul II l’avait bien vu – nous ne devrions garder que la distinction de la consécration personnelle à Dieu qui est, dans le christianisme, accessible à tous le monde, par des vœux publics ou privés.
On pourrait aussi s’interroger sur la nécessité des rites de purification de la Vierge Marie. En quoi, la Toute-Pure doit-elle se purifier ? Des siècles de christianisme on surchargé de sainteté la notion de pureté, mais dans le judaïsme, ancien comme moderne, il ne s’agit que de purification rituelle, comme on se lave les mains avant d’aller manger. Pureté et péché ne sont pas intrinsèquement liés dans le judaïsme comme il le sont devenus dans le christianisme. On est rituellement impur du simple fait de côtoyer un malade, par exemple. Il s’agit là essentiellement de mesures d’hygiène sociale alors que, pour nous, il s’agit avant tout d’hygiène spirituelle.
Enfin la chandeleur, quant à elle, littéralement la fête des chandelles, tient son nom d’une procession instituée par le pape Gélase en 494, célébrant, avant le lever du jour, Jésus comme la « Lumière qui se révèle aux nations », procession au cours de laquelle on bénissait des cierges que les chrétiens rapportaient ensuite chez eux, afin de protéger leur foyer.
Alors que retenir de tout ceci pour notre vie spirituelle ?
De la purification de la Vierge Marie, qui est notre modèle de consécration chrétienne, nous devons garder, je pense, le souci d’une hygiène spirituelle en société, à nous-mêmes nous purifier l’esprit avant toute rencontre, pour qu’elle soit sous le signe de la présence de Dieu entre nous.
Du rachat de Jésus comme premier-né, ce qui le rend à sa famille, nous comprenons, avec la Lettre aux Hébreux, que le Christ n’est pas confiné au lieu du Temple – pour nous à notre présence à l’église – qu’il est Dieu qui se rend présent dans la chair et que sa véritable consécration aura lieu dans le monde, à son baptême.
De la joie exubérante du vieux Siméon – « mes yeux ont vu le salut » – nous pourrions méditer notre propre sentiment d’avoir été sauvés par la rencontre avec le Christ. Il s’agit, dans cette vie et dans ce monde, de trouver cette joie dont nous sommes appelés à rendre compte.
Enfin, du souvenir des anciennes processions de la Chandeleur, nous devrions garder que nous sommes ces petites lumières envoyées au monde pour témoigner de la véracité du salut, de ce que l’amour de Dieu brille effectivement en nous.
C’est aujourd’hui à tous notre fête comme porteurs de la « Lumière qui se révèle aux nations ». Notre baptême a fait de nous tous des premiers-nés, des consacrés à l’amour de Dieu pour le monde.
Seigneur, fais que notre Église redevienne, pour le monde, cette communauté de petites lumières qui témoignent de ton amour. Seigneur, fais scintiller au quotidien notre propre consécration. Amen.
— Fr. Laurent Mathelot OP