CACHÉ DANS SES BLESSURES
Quand du regard des hommes je voudrais me soustraire,
quand l’image du miroir me viendra en dégoût.
Quand chaque voix dehors me paraîtra odieuse,
quand le bruit de la ville aura tout déchiré.
Quand la lumière du ciel sera insoutenable,
tant les ténèbres en moi se seront épaissies,
quand la moindre caresse m’arrachera la peau,
quand toutes les paroles seront des mots de trop,
et qu’en vain vers mon Dieu mes yeux seront usés
d’attendre quelque signe ou quelque réconfort.
Alors il sera temps.
De chercher un refuge, au creux de tout silence.
De me terrer profond là où nul ne peut suivre.
Une sûre forteresse, mon ultime cachette.
Je voudrais y rester, immobile, comme la pierre,
silencieux comme la mer lorsque le vent s’arrête.
Sans parler, sans penser, me blottir en ce lieu,
porté dans les entrailles d’un autre, plus vivant.
N’ayant plus d’autre cœur que son cœur tout brûlant.
Nicher là, en secret, comme dans une blessure,
dans le creux du rocher et sa faille entrouverte.
Sans savoir par avance, sans chercher à comprendre.
Attendre, seulement, que tout me soit remis.
Tu as connu Jésus, la descente aux enfers, la nuit et son silence.
Tu as vu de ton Père la gloire étincelante,
illuminant d’un trait les ombres redoutables,
transfigurant les plaies, refermant les blessures.
Me voici. Reçois-moi.
Berce-moi dans tes mains, transpercées par la grâce,
Prends-moi dans ton côté, d’où jaillit l’abondance,
cache-moi dans ton corps.
Enseveli en toi, je ressusciterai,
vivant, plus que jamais.
Frère Franck DUBOIS,
du couvent dominicain de Lille
SITE : LE DIMANCHE DANS LA VILLE – 19ème dimanche 2019 – https://dimanche.retraitedanslaville.org/