Ce chemin de croix de 8 stations a été donné lors du Pèlerinage du Rosaire 2024 à Lourdes.
Introduction
Le thème de notre pèlerinage est, cette année, « Marchons à la suite du Christ ! ». Voici la partie la plus difficile : la marche de Jésus vers la souffrance et la mort. Voici le Chemin de croix.
Ailleurs, nous avons pu méditer sur la marche avec le Christ sur les chemins du monde, sur la marche de l’Église aujourd’hui et sur notre propre engagement à suivre le Christ. Ici, nous allons méditer la marche sous la souffrance, vers une mort vécue comme injuste.
C’est la partie, sans doute, la plus difficile de notre pèlerinage parce que nous allons nous pencher sur nos crucifixions. Bienvenue les crucifiés en fauteuil roulant. Bienvenue les crucifiés par la maladie ou le cancer. Bienvenue les crucifiés par l’arthrose et l’âge. Bienvenue les crucifiés par leurs différences mentales ou affectives. Bienvenue les crucifiés par le découragement et la dépression. Bienvenue les bien-portants, crucifiés par un deuil, une enfance brisée ou des violences subies. Bienvenue les crucifiés de l’amour. Marchons à la suite du Christ sur son Chemin de croix.
Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.
De l’Évangile selon saint Marc (14, 32-37)
Ils parviennent à un domaine appelé Gethsémani. […] Puis il emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean, et commence à ressentir frayeur et angoisse. Il leur dit : “[…] Restez ici et veillez”. Allant un peu plus loin, il tombait à terre et priait […] : “Abba… Père, tout est possible pour toi. Éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que moi, je veux, mais ce que toi, tu veux !”. Puis il revient et trouve les disciples endormis. Il dit à Pierre : “[…] Tu n’as pas eu la force de veiller seulement une heure ?”
Seigneur Jésus, nous regardons ta croix et nous comprenons que tu as tout donné pour nous. Nous te consacrons ce temps. Nous voulons le passer près de toi qui, de Gethsémani au Calvaire, as porté nos souffrances.
Notre-Père
1ère station
Jésus est condamné à mort
De l’Évangile selon saint Matthieu (27, 22-26)
Pilate leur dit : « Que ferai-je donc de Jésus appelé le Christ ? » Ils répondirent tous : « Qu’il soit crucifié ! » Pilate demanda : « Quel mal a t-il donc fait ? ». Ils criaient encore plus fort : « Qu’il soit crucifié ! ». Pilate, voyant que ses efforts ne servaient à rien, sinon à augmenter le tumulte, prit de l’eau et se lava les mains devant la foule, en disant : « Je suis innocent du sang de cet homme : cela vous regarde ! » Tout le peuple répondit : « Son sang, qu’il soit sur nous et sur nos enfants ! ». Alors, il leur relâcha Barabbas ; quant à Jésus, il le fit flageller, et il le livra pour qu’il soit crucifié.
Méditation
Seigneur, quel mal ai-je donc fait ? Pourquoi moi ?
Cette question – pourquoi moi ? – tous ceux qui souffrent injustement se la sont un jour posée. Pourquoi faut-il que moi je souffre alors que des méchants vivent en paix ? Seigneur, qu’ai-je bien pu donc faire pour mériter ça ?
Jésus aussi n’avait pas mérité sa condamnation à mort. Jésus n’avait rien à se reprocher. Jésus pourtant a souffert une mort atroce, lui le pur, l’innocent. Si l’on comprend la peine des pécheurs, si l’on trouve normal que chacun doive faire face aux conséquences de ses fautes, pourquoi le juste, l’innocent doit-il souffrir ?
Il n’y a pas de réponse logique à la question « Pourquoi moi ? ». Parce que, précisément, personne ne mérite de souffrir injustement. Suis-je responsable de la pollution qui a créé ma maladie ? Suis-je responsable de mon corps qui faiblit ? Suis-je responsable de toute la souffrance qui m’arrive. Assurément, non. Nous souffrons aussi du mal qui nous entoure, du mal que d’autres nous ont fait. Le Christ était innocent et il a ici bien des personnes innocentes des souffrances que la vie leur impose.
Souffrir, c’est en plus bien souvent la double peine. Parce que souffrir, c’est aussi souffrir le regard des autres. Trop souvent, le rejet de la maladie et de la souffrance signifie le rejet du malade. Trop souvent, la vieillesse est synonyme de délaissement voire d’abandon. Nous sommes usés, malades, en souffrance et certains autours de nous s’en lavent les mains. Combien êtes-vous ici à avoir souffert de regards méprisants ou d’abandon ?
Nous voyons se dessiner un parallèle avec la croix, où le Christ, abandonné de presque tous, agonise sous le regard moqueur de certains.
Prière
Seigneur, donne-nous d’accepter notre état non comme une punition, mais comme un témoignage. Fait que notre endurance à tes côtés ouvre le cœur des hommes à la compassion envers ceux qui souffrent.
Seigneur, change notre regard sur nos corps rompus. Et, s’il te plaît, à travers nous, à travers nos souffrances, change le regard de ceux qui nous entourent. A travers notre faiblesse, donne-nous de nous convertir et de convertir encore le monde.
Par l’intercession de Notre-Dame de Lourdes, Marie qui accompagne ses enfants jusqu’au pied de la croix, Seigneur, nous te prions.
Je vous salue Marie
2e station
Jésus est chargé de sa croix
Du Livre d’Isaïe (53, 2-5)
Devant lui, le serviteur a poussé comme une plante chétive, une racine dans une terre aride ; il était sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire.
Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien.
En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu’il était frappé, meurtri par Dieu, humilié.
Or, c’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures, nous sommes guéris.
Méditation
Familier de la souffrance, le juste a été compté pour rien …
A quoi bon souffrir ? Quelle valeur a encore notre vie ? Combien de fois avons-nous pensé qu’elle ne valait plus rien ? Pourquoi se battre encore ? Pourquoi ne pas laisser tout tomber ? « Mon Dieu ! Mon Dieu ! Pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Matthieu 27, 46)
Il est normal de vouloir lâcher prise et finalement il faudra le faire. Il est normal de souffrir d’un sentiment d’abandon, le Christ lui-même a eu l’impression que Dieu l’avait laissé tomber. Alors à quoi bon tenir ?
Nous tenons parce que nous savons que Dieu n’a pas abandonné son Christ, qu’il n’a jamais cessé de vouloir qu’il vive. Dieu ne nous abandonne pas. Au contraire, lui, Dieu se rend tellement proche de nous que nous ne le voyons plus. Dieu pleure en nous. Dieu souffre en nous. Et Dieu s’essouffle en nous alors que nous nous essoufflons. « En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. » dit le Chant du serviteur souffrant.
Dieu ne nous abandonne pas dans la mort. Il meurt avec nous. « Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui » dit le texte.
Au fond de nos chagrins, le Christ est là. Au fond de nos corps souffrants, le Christ est là. Au fond de nos impuissances, au fond de nos cris de douleur, au fond de nos vies qui semblent vaines, au fond de nos désespoirs, le Christ est là. Il est là sur la croix comme nous, nous sommes au fond de notre fauteuil roulant, au fond de notre lit d’hôpital, au fond de notre courage, au fond de nos vies : « par ses blessures, nous sommes guéris. »
Prière
Donne-moi de savoir, Seigneur, que tu me précèdes sur le chemin de la souffrance, de l’abandon et de la mort. Donne-moi, Seigneur, de me rendre compte que tu es passé par là où je suis.
Donne-moi ton courage, ta force, ta volonté de ne jamais m’éteindre. Donne-moi ta confiance, ton endurance, ton amour de la vie. Donne-moi d’avoir foi en toi jusqu’au bout. Donne-moi de savoir porter ma croix. Toi, le serviteur souffrant, fais que ma souffrance serve encore à t’aimer.
Par l’intercession de Notre-Dame de Lourdes, Marie, mère de la Vie qui ne s’éteint pas, Seigneur, nous te prions.
Je vous salue Marie
3e station
Jésus tombe sous le bois de la croix et rencontre sa Mère
De l’Évangile selon saint Matthieu (11, 28-30)
Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger.
Méditation
Comment Jésus peut-il dire que son fardeau est léger alors que lui-même tombe sous le poids de la croix ? Comment peut-il nous procurer le repos alors que lui-même déjà n’en peut plus ? La réponse est au centre du passage que nous venons de lire : « car je suis doux et humble de cœur ».
Ce qui rend la souffrance particulièrement insupportable, c’est la révolte qu’elle suscite en nous. Tout en nous crie : « Je veux vivre ! » et nous voila fauchés dans notre élan, à terre, comme le Christ est à terre, succombant sous le poids du fardeau.
Pourtant lui ne se révolte pas. Il ne crie pas vengeance pour la vie qui s’affaisse en lui. Il ne se laisse pas gagner par le regret et l’amertume. Il ne désespère pas de son impuissance.
Face à la maladie, l’humilité semble forcée. Comme si la vie nous obligeait à assumer toutes nos faiblesses, tous les abaissements, jusqu’à l’effondrement au sol.
L’humilité n’est pas forcée pour le cœur humble. L’humilité n’est jamais subie par le cœur doux. Au contraire, l’humilité est le signe d’un cœur humble et doux.
Je vous en supplie gardez le cœur doux. N’ayez pas honte de votre état. N’ayez pas honte de parfois tomber sous le poids du fardeau. N’ayez pas honte de la faiblesse de votre corps. Au contraire, soyez des âmes fortes au cœur humble et doux. Tous ici, nous sommes des faibles que l’Esprit Saint relève. Soyons comme le Christ qui, quand il tombe, regarde vers le ciel et reprend force et courage.
Quel cœur plus humble que celui qui supplie vers le ciel ? Assumons avec douceur, et non avec révolte, toutes nos déchéances et nos chutes. Soyons doux avec nous-mêmes alors que nous faiblissons.
Et, aussi bas que nous tombions dans l’humanité, jetons un regard humble vers Dieu comme le Christ regarde vers le ciel quand il n’en peut plus.
Le poids de la souffrance, le joug du handicap peuvent devenir légers à mesure que nous gagnerons en humilité et en douceur. Comme de petites âmes qui n’ont plus que leur regard suppliant pour se tourner vers Dieu.
Prière
Seigneur, donne-nous de plonger notre regard dans ton regard et notre cœur dans ton cœur à chaque fois que, sous le désespoir et la souffrance, nous tombons. Seigneur, donne-nous de rester humbles et doux alors que la déchéance nous révolte. Seigneur, donne-nous la plénitude de ton Esprit de force et d’amour, alors que le joug de la vie nous pèse.
Marie, par ton oui inconditionnel à la Vie, donne-nous de marcher jusqu’au bout à la suite du Christ. Sainte Bernadette, donne-nous de trouver dans la boue du sol où nous tombons, l’eau vive qui nous permettra de nous relever.
Par l’intercession de Notre-Dame de Lourdes, Marie, mère humble à l’infinie douceur, Seigneur, nous te prions.
Je vous salue Marie
4e station
Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix et Véronique essuie la face de Jésus
De l’Évangile selon saint Luc (23, 26)
Comme ils l’emmenaient, ils prirent un certain Simon de Cyrène, qui revenait des champs, et ils le chargèrent de la croix pour qu’il la porte derrière Jésus.
Du Livre des Psaumes (27, 8-9)
Mon cœur m’a redit ta parole ‘Cherchez ma face !’ C’est ta face Seigneur que je cherche : ne me cache pas ta face. N’écarte pas ton serviteur avec colère : tu restes mon secours. Ne me laisse pas, ne m’abandonne pas, Dieu mon salut.
Méditation
Sur son chemin de calvaire, Jésus trouve quelque humanité. Simon de Cyrène et Véronique lui apportent du réconfort. Malgré les risques, au milieu de ceux qui se moquent et cherchent à l’accabler, deux âmes simples et fortes viennent le soulager.
Certains croient que la vieillesse, la maladie, le handicap nous déshumanisent. Certains pensent que la vie perd de sa valeur quand surviennent la dépendance et la faiblesse. Certains, même, nous fuient du regard parce que nous souffrons. En ne voulant pas voir la maladie, c’est le malade qu’ils ignorent, ajoutant une souffrance spirituelle à celle du corps.
Pour Simon et Véronique, la vie de Jésus est toujours des plus précieuses. Alors qu’elle semble perdue, elle mérite encore des soins.
Comment ne pas voir la belle image de ce que nous vivons ici, à l’occasion de ce beau pèlerinage du Rosaire : Simon le brancardier et Véronique l’hospitalière qui soulagent et apportent réconfort à ceux qui souffrent.
Je vous invite à une petite expérience : regardons-nous un instant dans les yeux, pèlerins en accueil et bénévoles à leur service. S’il vous plaît, entre nous, prenons un temps pour partager le regard de Véronique et de Simon envers le Christ.
Ce n’est pas vrai que la vie perd de sa valeur dans la faiblesse et la dépendance. Tout l’amour de nos regards dit le contraire. « Cherchez ma face » dit le Seigneur dans le psaume. Il est là le visage de Dieu, dans cette tendresse du regard, dans ces sourires au visage, que nous partageons tous.
Je peux témoigner pour tous ceux qui vous accompagnent – jeunes qui poussent les voiturettes, brancardiers, médecins, infirmières, hospitalières, aumôniers : ce sont vos visages qu’ils emporteront chez eux demain. Un sourire reçu à Lourdes peut nous réchauffer toute l’année. Merci, chers pèlerins en accueil, pour vos visages qui nous montrent tant de force, de courage, de volonté intérieure. Merci pour vos regards et vos sourires qui nous réchauffent le cœur et nous guérissent. Les souvenirs du Rosaire sont autant de voiles de Véronique que nous emportons précieusement chez nous.
Prière
Que ta face, Seigneur, rayonne sur tous ceux ici présents. Nous te rendons grâces pour toutes les Véronique et les Simon qui nous entourent. Merci pour leur dévouement, leur générosité, leur patience et la chaleur de leur cœur.
Merci surtout, Seigneur, pour les sourires et les regards tendres que nous échangeons. Ils sont une véritable médecine de l’âme, des petites perles de résurrection.
Par l’intercession de Notre-Dame de Lourdes, Marie qui a posé son doux regard sur Bernadette, Seigneur, nous te prions.
Je vous salue Marie
5e station
Jésus tombe pour la troisième fois
Du psaume 142 (1.3a.6a.7a)
Seigneur, entends ma prière ; dans ta justice écoute mes appels, dans ta fidélité réponds-moi. L’ennemi cherche ma perte, il foule au sol ma vie. Je tends les mains vers toi. Vite, réponds-moi, Seigneur : je suis à bout de souffle !
Méditation
Combien de fois faudra-t-il tomber ? Combien de fois allons-nous chuter, d’épuisement, de découragement voire de désespoir ? « Vite, réponds-moi, Seigneur : je suis à bout de souffle ! »
Que faire quand il n’y a plus de Véronique, ni de Simon pour nous soulager, nous encourager, nous relever ? Que faire quand nous sommes seuls au fond de nous-même, à terre physiquement, moralement, spirituellement ? Que faire quand on a l’impression de n’avancer qu’au sein de ténèbres, dans le noir et vers l’enfer ?
Ce vendredi, à l’heure de la Passion, nous faisons le difficile exercice de marcher à la suite du Christ qui agonise. Et la véritable agonie, c’est le désespoir.
Je m’adresse à toi pour qui tout est sombre, toi qui n’entrevois plus que ténèbres. Je m’adresse à toi, au fond de ton désespoir et de ta dépression. Je suis passé par là, je connais ton chemin. Ne crois pas que la lumière soit éteinte ; simplement ton âme souffre tellement qu’elle ne la voit plus.
Elle est pourtant là cette lumière, et c’est notre souffrance qui l’aveugle. Souffrances non résolues du passé, souffrances d’aujourd’hui, elles s’empilent et s’amplifient jusqu’à nous ôter tout espoir.
Si Jésus a pu tomber dans le désespoir – « Mon Dieu ! Mon Dieu ! Pourquoi m’as-tu abandonné ? » –, Dieu n’a pas abandonné son Christ. Nous savons qu’il l’a sorti de l’enfer de la mort et l’a ressuscité.
Je t’en prie, toi pour qui tout est sombre, toi qui es en pleine déprime, voire en dépression, n’hésite pas, comme Jésus l’a fait, à crier ton désespoir à Dieu. S’il le faut, hurle-lui ta souffrance.
Médite cette parole : le Christ a touché ton désespoir. Il est allé au fond des enfers où tu as l’impression de sombrer. Dieu, il s’est cru abandonné de Dieu, dépouillé de lui-même comme toi tu te sens dépouillé de toi-même. Dieu pourtant a entendu son cri.
Frère, sœur, au fond de ton chagrin, au-delà du désespoir, il te reste l’amour. Dieu t’aime comme il aime son Christ et il te reste la possibilité de l’aimer en retour. La solution au sentiment d’abandon par Dieu est de s’abandonner à Dieu. La solution au sentiment d’abandon de la vie est de s’abandonner à la vie.
« Vite, réponds-moi, Seigneur : je suis à bout de souffle ! »
Prière
Seigneur, apprends-nous à prier dans la ténèbre. Viens ressusciter en nous la lumière de ton amour quand nous ne la voyons plus ; éclaire nos nuits aveugles.
Donne à tous les désespérés de la Terre de se savoir aimés de toi.
Par l’intercession de Notre-Dame de Lourdes, Marie, mère de tous les affligés, Seigneur, nous te prions.
Je vous salue Marie
6e station
Jésus est dépouillé de ses vêtements et est attaché à la croix
De l’Évangile selon saint Luc (23, 33-35)
Lorsqu’ils furent arrivés au lieu-dit : Le Crâne (ou Calvaire), là ils crucifièrent Jésus, avec les deux malfaiteurs, l’un à droite et l’autre à gauche. Jésus disait : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » Puis, ils partagèrent ses vêtements et les tirèrent au sort. Le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! »
Méditation
Jésus est mis à nu, crucifié et l’on se moque de lui. Aux yeux du monde, il a perdu toute dignité. Si mourir c’est assumer le plus grand dépouillement, jamais nous ne croyons que ceux qui meurent soient quelque part tombés dans l’indignité.
Dans nos sociétés occidentales, c’est devenu aujourd’hui un argument en faveur de l’euthanasie qui consisterait à « mourir dans la dignité ».
Il n’y a pas de mourant indigne ! Il n’y a pas cette rupture qui consisterait à considérer l’humain digne de vivre tant qu’il est bien-portant, indigne de souffrir et d’agoniser, puis digne à nouveau, une fois mort. Il n’y a aucun état de vie humaine indigne.
Au contraire, regardez la dignité de tous ceux qui viennent ici, à Lourdes, avec de lourdes souffrances et de lourdes croix. Voyez la dignité de tous ceux qui se battent ici au fond de la maladie et du chagrin, venus humblement au pied de Marie demander réconfort et consolation. Voyez la dignité que nous donne à tous notre foi. C’est cette foi en l’amour égal de Dieu pour tous qui nous rapproche en dignité.
Jésus a été compté parmi les plus misérables, crucifié comme un criminel avec des criminels, condamné au châtiment des esclaves en fuite, offert au mépris de tous. Mais il n’avait que l’apparence de l’indignité.
C’est toi, pèlerin en fauteuil, qui nous montre jusqu’où va la dignité humaine. C’est toi, alité sur ton brancard, qui nous révèle à nous, bien-portants, notre propre dignité. C’est toi qui n’a plus que la foi comme vêtement, comme le Christ de nos crucifix n’a plus qu’un linge autours de la taille, qui nous apprend à quel point l’amour rend digne.
Notre dignité vient du regard d’amour que déposent sur nous ceux qui sont dépouillés de tout comme Dieu le fut. La dignité humaine n’est jamais plus grande que dans le regard d’un pauvre qui espère.
Prière
Seigneur Jésus, toi qui as été dépouillé de tout par le péché des hommes, donne-nous de voir, dans notre prochain dépouillé de tout, le reflet de ton visage.
Nous te rendons grâces, Seigneur, pour la dignité qu’ils nous rendent à nos propres yeux. Et nous te rendons grâces pour leurs témoignages de foi, signes éclatants de ta puissance, reflets vivants de ton amour qui espère tout.
Par l’intercession de Notre-Dame de Lourdes, Marie, sauvée par son fils dépouillé devant elle, Seigneur, nous te prions.
Je vous salue Marie
7e station
Jésus meurt sur la croix
De l’Évangile selon saint Luc (23, 42-43.46)
[L’un des malfaiteurs suspendus en croix] disait : “Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume”. Jésus lui déclara : “Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis”. […] Jésus poussa un grand cri : “Père, entre tes mains, je remets mon esprit”. Et après avoir dit cela, il expira.
(On s’agenouille un instant)
Méditation
Quand on lit la Passion, on médite la mort de Jésus, ses derniers mots en croix, son dernier souffle. Mais souvent, on oublie que la Crucifixion représente aussi notre mort. Regardons, si vous le voulez bien, la scène de Jésus entouré des deux larrons comme l’évocation de notre dernier souffle.
Ce que nous montre l’image des deux larrons – un qui méprise le Christ, l’autre qui le supplie de l’accueillir – montre la fin de toute vie. Voilà ce qui se passera quand nous mourrons : le Christ sera à nos cotés, lui-même en train de mourir. C’est exactement la scène que nous vivrons, agonisant d’un coté ou de l’autre du Christ, selon que nous serons emplis du désir de monter avec lui au ciel ou que nous garderons le cœur aigri.
L’entrée au Paradis ne dépend pas de l’état dans lequel on se trouve à l’instant de la mort – tous les deux sont des brigands et nous arriverons nous-même aux portes du ciel avec notre poids de péchés. L’accès au Paradis ne dépend pas de l’état dans lequel on se trouve au moment de la mort, mais de la conversion de notre cœur au Christ, à cet instant. Il suffira de désirer aller avec lui qui meurt alors avec nous.
Amis pèlerins, nous pouvons anticiper cette conversion finale. Voila la vie de l’Église. Quand Jésus constamment nous rappelle que le Royaume des cieux s’est approché tout près de nous, voilà ce qu’il signifie : nous pouvons dès aujourd’hui choisir de mourir au monde, d’expirer les derniers cris de la chair et suivre directement le Christ vers le ciel. Nous sommes déjà sauvés ! Nous pouvons vivre dès à présent cette conversion finale : “Père, entre tes mains, je remets mon esprit”.
Enfin, pour notre pèlerinage, où depuis le début de cette méditation du Chemin de croix, j’ai mis à la place du Christ ceux qui, parmi nous, sont en souffrance, nous retrouvons cette image du pèlerin crucifié qui, par son regard de foi, nous convertit.
En agonisant, Jésus fait un converti qu’il emmène au Paradis. Amis pèlerins qui souffrez dans votre corps et dans votre âme, voici la grande œuvre que vous faites ici, vous nous convertissez le cœur.
Prière
Jésus donne-nous de voir que c’est à tout instant de notre vie que tu nous proposes d’entrer dans ton Royaume.
Donne-nous aussi, alors que notre pèlerinage à Lourdes prend fin, d’emporter avec nous tous les visages de ceux que nous avons croisés et qui nous ont un peu plus convertis. Que leurs souvenirs soient autant de portes d’entrées au ciel.
Par l’intercession de Notre-Dame de Lourdes, Marie, directement montée au ciel, Seigneur, nous te prions.
Je vous salue Marie
8e station
Jésus est descendu de la croix, remis à sa mère et mis au sépulcre
De l’Évangile selon saint Luc (2, 34-35)
Syméon […] dit à Marie sa mère :“Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive”.
Méditation
Jésus est mort, remis à Marie. C’est l’absolument tragique et belle image de la pietà : Marie, l’âme transpercée d’un glaive, qui reçoit son enfant mort dans les bras.
Ensuite, on prépare le corps de Jésus. On l’embaume d’herbes, d’aromates et de parfums et puis on le met au tombeau. Dans une grotte, creusée dans le rocher.
Frères et sœurs, c’est la fin de notre pèlerinage et c’est le temps de refermer nos tombeaux.
Certains sont ici avec des deuils – deuil d’eux-mêmes, deuil d’un proche. Si vous ne l’avez déjà fait, allez déposer votre chagrin dans les bras de Marie et scellez-les dans la grotte de Lourdes. C’est l’heure de refermer nos tombeaux.
Déposez ici toutes vos souffrances et vos angoisses. Déposez ici vos fatigues et vos lassitudes, vos désespoirs et vos doutes. Déposez ici tous les chagrins qui vous pèsent et toutes les morts qui vous affectent. Confiez-les à Marie et demandez lui d’en sceller la tombe.
Je vous propose de le faire dans un moment de silence. Quels sont les tombeaux que vous voulez refermer ?
Prière
Vois, Sainte Mère, notre cœur parfois déchiré comme le tien. Vois tout ce qui nous meurtrit. Vois nos souffrances, nos chagrins et nos deuils. Emporte-les maintenant vers la tombe et prends-nous dans tes bras.
Scelle, s’il te plaît, nos plaies et nos tombeaux ouverts. Scelle-les ici, dans la grotte de Lourdes.
Alors nous pourrons repartir soulagés et joyeux, réconfortés et peut-être même guéris. Je t’en prie Marie, scelle ici nos tombeaux !
(Court silence)
Avec toi, Marie, pietà qui porte les corps de tes enfants morts, en confiance, nous nous tournons vers le Père et nous prions :
Notre Père
Et, par l’intercession de Notre-Dame de Lourdes, Marie, mère de tous les affligés,
que Dieu tout-puissant vous bénisse, vous console et vous guérisse,
le Père,
le Fils
✠ et le Saint-Esprit.
⸺ Amen.
Allez, dans la paix du Christ.
⸺ Nous rendons grâce à Dieu.
Fr. Laurent Mathelot OP,
Lourdes, 4 octobre 2024.