Homélies et commentaires par fr. Laurent Mathelot OP

Résurgences

Ce que je demande au Seigneur n’arrive jamais…

La prière de demande soulève beaucoup de questions. Il faut reconnaître qu’elle est parfois mal comprise. On peut sourire de la grand-mère qui prie pour que son petit-fils réussisse ses examens, alors qu’il n’a pas travaillé de toute l’année. On peut s’inquiéter quand des gens prient pour gagner au Loto. On est là dans un univers magique, qui n’a rien à voir avec l’Évangile.
On le dit souvent : Dieu n’est pas un distributeur automatique. Il n’est pas chargé de suppléer à notre incompétence ou à notre paresse. Il ne viendra certainement pas à la rescousse de nos lubies ou de nos passions. Ce serait l’inversion païenne du Notre Père : « Que notre volonté soit faite, que notre règne vienne, que notre nous soit Dieu ». Nos demandes sont bien ambiguës. Faut-il les supprimer ? Bien sûr que non !

« Votre Père sait de quoi vous avez besoin »

La Bible est remplie d’appels et de supplications. C’est l’exhortation de saint Paul : « J’encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières, des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes » (1Tim 2, 1). Jésus Lui-même a des intentions de prière : pour que la foi de Simon Pierre ne sombre pas, pour que Lazare ressuscite, pour que ses disciples soient gardés dans l’unité et protégés du Mal… Par des paraboles et par des encouragements, Il enseigne qu’il faut prier sans se lasser. « Ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera » (Jn 16, 23).

Si les pères de la terre sont capables de donner de bonnes choses à leurs enfants, à plus forte raison, à ceux qui Le prient, le Père du Ciel donnera de « bonnes choses », et la plus précieuse de toutes, « l’Esprit saint ». Mais l’Esprit saint n’exclut pas le reste.

Dieu s’intéresse-t-Il aux détails de nos vies et à nos soucis ? Il faut répondre oui sans hésiter. C’est un Père, pas un Principe abstrait. Agit-Il à ce niveau pratique ? Oui, on peut l’affirmer. Mais comment agit-Il ? Très rarement par des miracles, c’est-à-dire une intervention directe — mais cela peut arriver ! Habituellement en inclinant de l’intérieur, avec la force et la douceur de l’Esprit saint, les causes secondes, en particulier nos libertés. Mais souvent aussi en permettant ces heureuses rencontres et ces étonnantes coïncidences que le païen attribue au hasard, et où nous reconnaissons la Providence.

Mais, dira-t-on, pourquoi demander ?

La prière serait-elle une information, pour mettre Dieu au courant de nos besoins ? Non, « car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé » (Mt 6, 8). La prière serait-elle alors une sorte de pression exercée sur Dieu, pour Lui arracher une grâce ? Non ! Dans la prière de demande, ce n’est pas Dieu qui change, c’est nous. C’est pourquoi il faut persévérer. Ce n’est pas Dieu qui est sourd, c’est notre prière qui n’est pas encore assez profonde, pure, forte, humble. La supplication ouvre notre cœur, elle ouvre en nous et en ce monde des passages à la grâce.

Dieu pourrait faire tout tout seul, Il préfère agir avec nous, à travers nous, et en particulier à travers notre prière.

Père Alain Bandelier
In ALETEIA 11 10 2019


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