A Lesbos, le pape a poussé un grand cri…Un cri de froide colère et d’incompréhension, un cri de foi et d’appel au sursaut…Un puissant appel à l’Occident…
Il a une nouvelle fois tonné contre « les égoïsmes personnels et nationaux » des États européens…Une nouvelle fois il a prié Dieu de « nous réveiller de l’oubli…de nous secouer de l’individualisme qui exclut ». Il a encore prié « l’homme, tous les hommes », « de surmonter la paralysie de la peur, l’indifférence qui tue, le désintérêt cynique ».
Cinq ans après sa première visite à Lesbos en 2016, François a semblé prendre acte d’un échec « Peu de choses ont changé sur la question migratoire »…Un échec collectif, celui d’une Europe incapable de l’organiser. Mais aussi peut-être sa propre impuissance de pape à réveiller les consciences, malgré des prises de parole fortes et régulières. Comme si le pape avait perçu la lassitude produite chez certains par ses propos, si souvent renouvelés, qu’ils ont fini par faire l’objet, eux aussi, de l’indifférence qu’ils ne cessent de dénoncer.
Ce naufrage de civilisation : quelle honte !
« « Ne laissons pas cette « mer des souvenirs » devenir « la mer de l’oubli »… ». Je vous en prie, arrêtons ce naufrage de civilisation ». La Méditerranée n’est-elle pas en train de devenir « un cimetière froid sans pierres tombales…et même un miroir de la mort ».
Le pape a redit sa honte. La honte de cette « mare nostrum » devenue « mare mortuum ». Celle ressentie devant le visage de ces enfants qui se trouvaient devant lui. « Ils sont innocents et représentent l’avenir. Ils interpellent nos consciences et nous interrogent : « Quel monde voulez-vous nous donner ? ».
Le pape a placé l’Europe face à ses contradictions, le Vieux Continent étant incapable de garantir « le respect des personnes et des droits humains…alors qu’il les promeut dans le monde entier. Les États en première ligne, comme Chypre et la Grèce, ont accueilli bien plus qu’ils ne le pouvaient. Les autres pays doivent désormais prendre la relève.
A travers ses propos exceptionnellement forts, c’est ainsi au sursaut que le pape a appelé l’Europe et en particulier « à l’union des forces pour prendre soin des autres ».
Il a fustigé les dirigeants : « Il est facile de mener l’opinion publique en diffusant la peur de l’autre. Pourquoi au contraire ne pas parler avec la même rigueur de l’exploitation des pauvres ?… Il n’y a pas de réponses faciles aux problèmes complexes ».
Aux chrétiens refusant l’accueil des migrants au nom d’une identité chrétienne dont ils craignent la disparition, il a également adressé un message on ne peut plus clair : « C’est Dieu que l’on offense en méprisant l’homme créé à son image, à en le laissant à la merci des vagues dans le clapotis de l’indifférence, parfois même justifié au nom de prétendues valeurs chrétiennes. La foi au contraire exige compassion et miséricorde. Elle nous exhorte à l’hospitalité…. »
« Ce n’est pas de l’idéologie religieuse, ce sont les racines chrétiennes concrètes. Jésus affirme solennellement qu’il est là dans l’étranger…Et le programme chrétien, c’st d’être là où Jésus est ».
La grande colère de Chypre
Deux jours avant, à la fin d’une prière œcuménique dans l’église de la Ste Croix à Chypre, une autre colère, inattendue, avait éclaté. Le pape était sorti de son texte et avait témoigné de sa profonde exaspération : « Excusez-moi mais je voudrais dire ce que j’ai sur le cœur ».
Il avait alors porté un jugement on ne peut plus dur sur le sort réservé à ceux qui, partant de chez eux, de nuit et en bateau, se retrouvaient nez à nez avec des barbelés, contraints de rebrousser chemin pour finalement se retrouver dans des camps « vrais lieux de confinement, de torture et d’esclavage ». Allusion aux camps libyens constituant un système redoutable qui s’apparente , selon François, à un mécanisme équivalent à ceux mis en œuvre par les pires régimes totalitaires, ceux de Hitler et Staline.
« Cela, c’est l’histoire de cette civilisation développée que nous appelons Occident !! » a-t-il lancé.
Article de L.B. de Senneville in « La Croix » 6 12 21
Pape François : Petits gestes pour préparer Noël
« Nous sommes affairés dans de nombreux préparatifs de cadeaux et de choses qui passent, mais demandons-nous que faire pour Jésus et pour les autres »
« Que devons-nous faire ? » : question posée par les foules à Jean le Baptiste, dans l’Évangile du jour. Le pontife a adressé cette même question aux fidèles rassemblés sous ses fenêtres, les exhortant à prendre « un engagement concret, même petit, qui s’adapte à notre situation de vie », pour préparer la fête du 25 décembre.
La foi en effet « n’est pas une théorie abstraite », a poursuivi l’évêque de Rome en donnant des exemples d’actions à mener : téléphoner à une personne seule, visiter une personne âgée ou malade, faire quelque chose pour une personne dans le besoin.
« Peut-être, a-t-il ajouté, ai-je un pardon à demander, un pardon à donner, une situation à éclaircir, une dette à régler. Peut-être ai-je oublié la prière […]. Trouvons quelque chose de concret et faisons-le ! »
« Découvre qui tu es »
Le pape François a aussi élargi cette question au sens de la vie, qui n’est pas donnée « au hasard », a-t-il affirmé. L’existence est « un don que le Seigneur nous confie en nous disant : découvre qui tu es, et donne-toi de la peine pour réaliser le rêve qu’est ta vie ! ».
« À quoi suis-je appelé ? Qu’est-ce qui me réalise ? […] Qu’est-ce qu’il serait bon que je fasse pour moi et pour mes frères ? Comment puis-je contribuer au bien de l’Église, au bien de la société ? »
Tout autant d’interrogations qui pour le pape ne naissent pas « d’un sens du devoir », mais de « l’enthousiasme ».
Pape François lors de l’Angélus ce 12 décembre 2021.