Homélies et commentaires par fr. Laurent Mathelot OP

Résurgences

2ème dimanche de Pâques – Année C – 28 avril 2019 – Évangile de Jean 20, 19-31

ÉVANGILE DE JEAN 20, 19-31

RECONSTRUIRE L’EGLISE

Tout un peuple sidéré a immédiatement réagi : au cœur de Paris, au cœur de la France, il faut reconstituer Notre-Dame. Dès le lendemain du drame, les dons affluaient par millions et les experts se mettaient à l’œuvre. Etonnant et merveilleux sursaut d’une société qui semblait pourtant, depuis deux siècles, s’écarter de sa foi millénaire jusqu’à prédire l’effondrement prochain de l’Eglise.

Mais pour les catholiques, il ne s’agit pas seulement de sauver un chef-d’œuvre du patrimoine mais de s’enflammer eux-mêmes pour réparer, consolider, embellir l’Eglise qui, en son sens premier, signifie la communauté de foi bien avant qu’elle ne désigne un bâtiment.

Et « Notre-Dame », pour nous, n’est pas d’abord un nom d’édifice mais le nom de quelqu’un : la petite Marie de Nazareth pour qui les hommes ont bâti les plus beaux monuments du monde.

« Il nous faut relever l’Eglise » clame l’archevêque de Paris. Le temps est propice

Après l’incendie, il y a eu Pâques, la fête de la résurrection et nous sommes entrés maintenant dans le TEMPS PASCAL, les 50 jours, les 7 semaines qui nous conduisent à la Pentecôte. Ce temps d’après Pâques est bien plus important que le temps de carême qui l’a précédé (7 marque une perfection sur 6) et que d’ailleurs les apôtres et les premiers siècles n’ont jamais connu.

Car il ne s’agit pas tant de faire des sacrifices pour Dieu que de laisser Dieu nous rendre saints. L’aimer n’est pas lui proposer nos programmes mesquins mais accepter les siens. Prier avec nos mots, c’est bien : écouter ses paroles c’est mieux. Ainsi aujourd’hui cherchons les révélations dans les trois lectures qui nous indiqueront notre chemin de relevailles.

L’EVANGILE : UNE COMMUNAUTE DE FOI

Soyons francs : avons-nous consenti beaucoup d’efforts lors de ce carême dernier ? Avons-nous eu le culot d’oser prétendre être meilleurs grâce à nos sacrifices ? Que Dieu nous garde du pharisaïsme et de l’orgueil de faire notre statue. Saint Pierre nous rappellerait qu’après avoir juré à son maître de donner sa vie pour lui, il avait juré à une servante qu’il ne le connaissait même pas et il s’était enfui dans la nuit.

Mais, enthousiaste, il nous rappellerait la suite de l’histoire : Jésus ressuscité est revenu vers lui et les autres apôtres. Sans reproches contre leur lâcheté, il leur a montré ses plaies comme source même de sa miséricorde : « La Paix soit avec vous ». Et il les a comblés de la force de l’Esprit-Saint : « Faites de même avec les gens : ils vous lâcheront, vous critiqueront mais transmettez-leur mon pardon. Dites-leur que s’ils brûlent de rage contre moi, je brûle d’amour pour chacun d’eux. »

Et en effet, les apôtres, enfermés dans la crainte, sont sortis ; muets, ils se sont mis à parler ; lâches, ils ont bravé les autorités. Fouettés, condamnés, emprisonnés, ils ont paradoxalement été heureux de souffrir comme et avec Jésus.

Ils ont rencontré des incrédules comme Thomas, des gens braqués dans leurs certitudes et exigeant des preuves. Et ils leur ont répondu qu’ils n’auront pas de preuves mais un signe et ils leur ont proposé de les rejoindre le premier jour de la semaine, le dimanche, le Jour du Seigneur. Là ils n’auraient pas d’apparition miraculeuse mais ils verraient une modeste communauté s’imprégnant de son Sauveur par le partage de son corps et de son sang, transformée par la paix et rayonnant de joie.

Car on ne voit pas Jésus ressuscité mais on peut voir des hommes et des femmes relevés par l’Esprit.  « Heureux ceux qui croient sans voir ».

PREMIERE LECTURE : UNE CHARITE THERAPEUTIQUE

Là est l’événement qui a marqué les habitants de Jérusalem. Puisque leur maître avait été condamné à mort et exécuté, on s’attendait à ce que ses adeptes, effondrés par l’échec d’un faux Messie, disparaissent de la scène. Or on rencontrait en plein cœur du temple ses disciples pleins de joie, s’accueillant par de chaudes embrassades, plus heureux que s’ils avaient gagné à la loterie :

« Tous les croyants, d’un seul cœur, se réunissaient sous la colonnade…On amenait des malades et ils étaient guéris ».

Luc évidemment enjolive la scène : les lettres de Paul, Pierre et Jean témoigneront à suffisance des difficultés de vivre ensemble dans une harmonie parfaite. Oui il y avait des différends, des avis se heurtaient, des tempéraments bouillonnaient : il n’était pas simple de faire un peuple avec des plus riches et des plus pauvres, des gens cultivés et des incultes, des citadins et des paysans, des juifs et des païens. Mais toujours le souvenir du crucifié, le pardon du ressuscité, la puissance de l’Esprit éteignaient les flammes des colères et rassemblaient les cœurs dans le cœur du Seigneur.

Et cette charité nouvelle n’était pas un monopole à vivre en huis clos. Si on ne parvenait à convertir que certains, malgré tout on montrait à tous la force de guérison du Seigneur : la puissance guérisseuse qui l’animait était passée dans ses apôtres et eux aussi désormais opéraient des guérisons.

Les miracles ne se commandent pas mais toute communauté chrétienne a le devoir de rayonner sa foi à travers le souci des malades. L’Evangile ne se cantonne pas dans les âmes. Si le Christ s’est incarné, c’est bien d’abord pour nous montrer que la vie ici-bas tout de suite a valeur. Qu’avant de prononcer de beaux sermons, il importe au préalable d’écouter les plaintes, les cris, les souffrances des pauvres. La piété sans pitié est mensongère. La foi gratuite se manifeste en charité coûteuse. Avant d’aller voir les anges, il faut d’abord voir les hommes, surtout les plus abîmés.

LA DEUXIEME LECTURE : UNE ESPERANCE INDEFECTIBLE

Pâques nous fait enfin un cadeau inestimable : le livre de l’Apocalypse. Ce mot fait peur parce qu’il a pris le sens de catastrophe et de désastre : or décalqué du grec, il signifie « Révélation ». L’Apocalypse est une bonne Nouvelle et le livre de Jean est un chef-d’œuvre qui nous montre la vision de l’histoire enfin clarifiée par la résurrection du Christ.

Oui les incendies des guerres ravagent, les destructions s’accumulent, la mort semble tout renvoyer en cendres. Mais Jean a eu la grâce d’une vision : le Christ vainqueur lui est apparu comme le Fils de l’homme majestueux qui lui a affirmé : « Je suis le Vivant ; j’étais mort mais me voici vivant pour les siècles des siècles et je détiens les clefs du séjour des morts ».

Nous traversons des horreurs épouvantables mais, invisible au cœur de cette histoire tragique, se dresse le Christ. Il est venu, il vient et il reviendra. Le bien, le vrai, le droit, le juste si souvent bafoués triompheront. En prison mais fortifié par cette révélation, Jean pouvait écrire son épopée de l’espérance qui permet aux croyants de ne jamais se laisser abattre.

FOI, ESPERANCE ET CHARITE POUR RECONSTRUIRE

L’archevêque de Paris l’assure : « Ensemble, frères et sœurs, avec le don de l’Esprit-Saint qui nous vient du Père par le Fils, nous rebâtirons notre Église ».

L’élan unanime d’un peuple pour redresser sa cathédrale nous sert d’exemple pour nous atteler, séance tenante, à écarter les ruines dues à nos inerties et nos tiédeurs, à reprendre conscience de notre devoir de vivre et proclamer l’Evangile. Nos trois lectures du jour pointent l’essentiel de notre comportement : FOI, ESPERANCE et CHARITE :

  • « Ne sois pas incrédule mais croyant » et redis : « Mon Seigneur et mon Dieu »
  • Par le feu de l’amour, luttons contre la désintégration et créons des communions fraternelles et attentives aux malheureux.
  • Au milieu des catastrophes et des ruines, regardons l’Agneau vainqueur, le Vivant.

Tout ce temps pascal qui nous conduit à la Pentecôte n’a d’autre but que de nous communiquer l’Esprit de Vie et de Pardon qui nous permet d’animer notre existence par la foi, l’espérance et la charité.

AVEC NOTRE DAME INDESTRUCTIBLE

Pour vivre déjà de la sorte, les premiers apôtres avaient près d’eux Marie qui leur apprenait comment, avec elle, l’aventure extraordinaire avait commencé. Et ils prenaient exemple sur elle.

La première, elle avait cru et elle s’était donnée au projet de Dieu.

Tout de suite elle avait aimé en courant chez sa cousine pour être sa servante.

A Pâques, elle espérait avec certitude que son Fils allait répandre la victoire de son amour dans le monde entier.

OUI, NOTRE-DAME DE PARIS, PRIEZ POUR NOUS.

Frère Raphaël Devillers, dominicain


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