Homélies et commentaires par fr. Laurent Mathelot OP

Résurgences

3ème dimanche de Pâques – 23 avril 2023 – Évangile de Luc 24, 13-35

Évangile de Luc 24, 13-35

L’enfant égaré

Et si la meilleure image du Christ que nous ayons était en nous ?

Et si le petit enfant que nous étions, qui ne demandait – souvenez-vous en – qu’à aimer, à témoigner de tendresse et d’affection, et si cet enfant au cœur pur que nous étions était la meilleure image du Christ en nous ? A l’origine, n’y avait-il pas en nous un désir pur d’aimer ?

Parce qu’il se pourrait bien qu’il ait été « cloué sur le bois par la main des impies » ce petit enfant qui ne demandait qu’à aimer, lui que nous étions et que nous ne sommes peut-être plus. Il se pourrait qu’elle soit morte l’innocence affective de notre enfance ; et peut-être qu’elle ait été crucifiée par le mal.

« Tu m’as appris des chemins de vie, tu me rempliras d’allégresse par ta présence » chante le roi David. N’avions-nous pas, enfants, le cœur brûlant d’une présence d’amour comme le ressentent les disciples d’Emmaüs lorsqu’ils retrouvent le Christ.

Avez-vous le souvenir d’avoir été un enfant innocent et pur ; et où est-il aujourd’hui cet enfant ? Mort ? Crucifié ? Enseveli ?

Le mal auquel nous avons été confrontés nous a endurcis ; faisant peu à peu de nos cœurs d’enfant, des cœurs de pierre, tuant petit à petit l’innocence aimable qui était la notre. Peut-être est-ce le fait de « la conduite superficielle héritée de vos pères » comme le dit la lettre de Pierre. La résurrection nous concerne très pratiquement ; parce que cette innocence d’aimer, au fond de notre cœur, nous souhaitons qu’elle revive.

Ne s’est-il pas égaré l’enfant que nous étions et qui ne désirait qu’aimer ? Égaré comme le sont les disciples sur le chemin d’Emmaüs.

Car Emmaüs c’est nulle part. Si vous allez voir sur Wikipédia vous trouverez une dizaine d’hypothèses, mais archéologiquement, on ne l’a pas trouvée. Et même l’étymologie – la signification du nom – reste incertaine. Je crois qu’il faut garder cette définition : Emmaüs c’est nulle part.

Ils sont là, désespérés : on a mis à mort comme un vulgaire criminel ce Jésus en qui ils avaient mis leur espérance. Oh, des femmes leur ont bien rapporté qu’elles avaient eu la vision d’anges proclamant qu’il était toujours vivant, mais ils n’y croient plus vraiment. Ils ne croient plus qu’il sera leur sauveur, ni peut-être même qu’il y aura un sauveur. Ils sont désemparés, perdus, errants vers nulle part : Emmaüs. Et il faudra que ces disciples fassent une rencontre avec le Ressuscité pour qu’ils retournent vers Jérusalem, vers l’espérance, vers quelque part.

Nos veillées pascales, nos célébrations, la commémoration de l’Eucharistie ne sont pas grand chose s’il n’y a pas dans notre vie une véritable rencontre avec le Ressuscité à laquelle elles font référence. Il y a quelque chose de concret – dans votre histoire – qui résonne avec ces mystères.

Et ne croyez-vous pas que ce qui résonne le mieux avec ce mystère de l’amour incarné plus fort que la mort, c’est justement ce petit enfant que nous étions et qui ne demandait qu’à aimer ?

Ne croyez-vous pas que cette innocence de l’enfance qui était la nôtre a été quelque peu mise à mort, quelque part crucifiée par le péché – celui des autres qui nous ont fait du mal et aussi peut-être le mal que nous nous sommes fait à nous-mêmes ?

Enfin ne croyez-vous pas que ce petit enfant que nous étions, n’a pas été abandonné à la mort par Dieu, et qu’il peut le ressusciter, par le don de l’Esprit Saint que Jésus a promis et qui a été effectivement répandu sur nous à la Pentecôte ?

Je crois que tout être humain est né bon et animé du seul désir d’aimer. Je crois que c’est le mal que nous rencontrons qui met peu à peu cette innocence de l’enfance à mort. Je crois que chaque adulte aspire à retrouver cette pureté d’amour qu’il avait enfant. Et je crois que Dieu peut la ressusciter.

Laissons-nous envahir par la Résurrection de Jésus ; prions Dieu de rendre à nouveau vivant le désir d’aimer que nous avions en naissant. Alors, comme les disciples d’Emmaüs, nous comprendrons que toute l’Écriture parle de nous.

— Fr. Laurent Mathelot, dominicain.


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