Homélies et commentaires par fr. Laurent Mathelot OP

Résurgences

21ème dimanche – Année B – 22 août 2021 – Évangile de Jean 6, 60-69

Évangile de Jean 6, 60-69

Cela vous scandalise ?

Après l’interruption de la fête de l’Assomption de Marie, nous reprenons et terminons aujourd’hui la lecture du long chapitre 6 de l’évangile de Jean qui occupe donc 5 dimanches. Entre le début et la fin du récit, le contraste est total. Le pique-nique au bord du lac avait suscité l’enthousiasme de la foule : ce Jésus qui opérait des guérisons et qui maintenant offrait à tous, on ne sait comment, une miche gratuite, ne serait-il pas le messie ? Mais fuyant ce succès populaire, Jésus avait disparu dans la nuit. Le lendemain, on le retrouve à Capharnaüm et là il tient un enseignement tout à fait différent. Le partage du pain passe à un partage d’un tout autre pain. Son discours choque, ses affirmations paraissent intolérables, inacceptables, absurdes même. Et tout se termine par un lâchage collectif.

La grande débandade des Disciples

Jésus avait dit alors qu’il enseignait à la synagogue de Capharnaüm : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la Vie éternelle ». Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, déclarèrent : « Cette parole est intolérable ! Qui peut l’entendre ? ».

Jésus savait en lui-même que ses disciples récriminaient à son sujet. Il leur dit : « Cela vous scandalise ? Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant ?!…C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas. » Jésus savait en effet depuis le commencement quels étaient ceux qui ne croyaient pas, et qui était celui qui le livrerait. Il ajouta : « Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père. »À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner.

Les évangiles ont noté que très vite Jésus a eu beaucoup de succès : la grandeur de son enseignement et les guérisons qu’il opérait sur les malades lui attirèrent rapidement des disciples qui se regroupaient pour l’écouter et même pour le suivre. Mais maintenant les nouveaux propos qu’il tient les choquent outre-mesure. Jésus les prévient : que direz-vous alors quand vous me verrez monter près de mon Père – montée qui s’effectuera lorsque les hommes me hisseront sur la croix ?…Pour comprendre mes déclarations, il faut passer au niveau de l’esprit, approfondir sa foi. Et cela n’est possible que si l’on écoute le Père et si l’on se laisse guider par Lui.

Mais au lieu de rester près de Jésus, de le questionner et d’attendre ses enseignements ultérieurs qui les feraient pénétrer dans le mystère, beaucoup renâclent et se détournent. Jésus doit en être attristé mais non surpris. Et il ne fait rien pour les retenir !!… Car la foi est une option libre. Combien de jeunes, hélas, élevés dans la foi et même engagés dans l’Église, subitement tournent le dos et manifestent même une opposition farouche ! La parabole du semeur montrait bien le nombre d’échecs possibles sur le chemin de la foi.

La Foi des Douze mais…

Alors Jésus dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? »

Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. »

Jésus leur dit : « N’est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous, les Douze ? Et l’un de vous est un diable ! »

Il parlait de Judas, fils de Simon Iscariote ; celui-ci, en effet, l’un des Douze, allait le livrer.

Mais Jésus ne reste pas seul : près de lui, stupéfaits, les Douze regardent les gens s’éloigner mais ne partent pas avec eux. Non seulement Jésus ne les retient pas de force mais il leur présente l’éventualité de s’en aller, eux aussi. « Mais alors à qui irions-nous ? » s’écrie Simon-Pierre. Personne ne parle comme toi. Si nous lâchons l’Évangile, qui allons-nous suivre ? Nous en avons fait l’expérience : quand nous t’écoutons et que nous pratiquons ce que tu dis, nous nous sentons vivre d’une Vie que personne ne nous offre.

Ne vous en vantez pas, réplique le Maître : c’est moi qui vous ai choisis. Toutefois, même dans la vocation, vous restez libres : un apôtre choisi peut encore renier et devenir un diable, un diviseur. Judas livrera son maître à ses ennemis qui le condamneront et le mettront à mort : mais en fait Jésus se donnera par amour et il ne cessera de donner son Pain de Vie aux assemblées du monde entier.

Conclusion

Dans les « Actes des Apôtres », Luc raconte l’expansion stupéfiante de l’Évangile dans les premières années. Immédiatement les convertis ont constitué des communautés dont Luc donne un portrait synthétique : voici les 4 piliers sur lesquels elles s’édifiaient.

« Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (2,42)

Le fondement, c’est la foi en la Parole de Jésus transmise par les évangiles, elle est Esprit et Vie et il faut sans cesse s’en nourrir. La foi provoque l’amour fraternel qui unit les membres par la solidarité et le partage. Le 1er jour de la semaine, tous se rassemblent chez l’un d’entre eux afin de partager la Parole et le Pain de Vie. Et tous vivent dans l’allégresse portée par la prière de louange.

Il n’est pas sûr du tout que nous vivions aujourd’hui de cette façon (qui n’est pas un idéal utopique). Ne nous plaignons pas des dérives du monde ; comme Jésus ne critiquons pas les nombreux qui se sont détournés de l’Église, séduits par une société qui offre « des pains et des jeux ». Sans rêver d’un retour aux mœurs passées, travaillons ensemble à créer des communautés semblables aux premières.

Fr. Raphaël Devillers, dominicain.


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