Homélies et commentaires par fr. Laurent Mathelot OP

Résurgences

13ème dimanche – 2 juillet 2023 – Évangile de Matthieu 10, 37-42

Évangile de Matthieu 10, 37-42

Nous sommes des Envoyés

Les instructions sur la mission constituent le 3ème des 5 grands enseignements du Seigneur dans s. Matthieu: c’est dire l’importance du sujet avec tous les détails pour en souligner la valeur et mettre en garde contre de fausses manières de la concevoir.

Très vite Jésus a prévenu les disciples que leur mission se heurtera toujours à des opposions. Si des personnes offriront l’hospitalité à ceux qui leur annoncent la Bonne Nouvelle, au contraire, et bien plus souvent, les envoyés buteront sur des refus nets, non seulement de simples moqueries mais une hostilité endurcie.

« Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ». Comme Caïphe et Pilate l’ont fait contre Jésus, le pouvoir religieux et le pouvoir politique se ligueront pour arrêter les envoyés. Ne craignez pas, console Jésus : ce sera pour vous l’occasion de rendre témoignage de moi car l’Esprit inspirera votre défense.

Et même au coeur des familles, la foi brisera les liens : « Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive ».

Et finalement ( c’est la lecture de ce dimanche-ci), le discours se termine par une série de 10 petites phrases construites de la même manière : « Celui qui … » – qu’il faut traduire aujourd’hui « celui ou celle qui » . Cela signifie qu’il n’y a pas de différence de culture, de richesse, de sexe, d’âge : quiconque est concerné sans exception. Donc que la répétition de la formule ne cache pas la gravité des effractions.

L’amour pour Jésus l‘emporte sur l’affection familiale

Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ;
celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi.

L’appel à la foi s’adresse à toute personne et exige une réponse libre. Or les membres d’une même famille peuvent donner un réponse différente. Si bien que la peur des brouilles familiales et le désir de demeurer bien unis forment parfois un terrible obstacle. Dès la première génération, on a des exemples de parents qui ont dénoncé leur enfant qui s’était converti. La foi en Jésus provoque parfois de douloureuses déchirures.

Suivre Jésus entraîne de perdre sa vie

Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi.
Celui qui a trouvé sa vie la perdra ;
celui qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera.

L’option pour Jésus peut entraîner de devoir porter sa croix, de supporter des souffrances pénibles. En effet la foi n’est pas une vague piété intérieure : croire c’est suivre c.à.d. lire l’évangile et le mettre en actes selon sa condition. Les exemples des autres et le martèlement de la publicité exercent une énorme pression pour offrir les multitudes de biens qui nous sont proposés en surabondance. Tant de chrétiens tombent dans la tentation : ils trouvent leur vie dans la pratique répandue chez tant d’autres….et ils la perdent ! On ne joue pas avec les exigences de l’évangile. Des refus sont obligatoires. Mais « qui perd gagne ».

L’accueil d’un missionnaire est celui même du Christ

Celui qui vous accueille m’accueille ;
et celui qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé.

Celui qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ;
celui qui accueille un homme juste en sa qualité de juste recevra une récompense de juste.

Et celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche,
à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, amen, je vous le dis : non, il ne perdra pas sa récompense.

Un missionnaire n’est pas un « représentant de commerce », un porteur d’un message. Celui qui l’accueille accueille le Seigneur en personne et même, en recevant le Fils, il reçoit le Père.
La foi ne se dégrade pas au fil des générations : nous avons la même foi que les premiers apôtres. Si bien que les croyants d’aujourd’hui auront la même récompense. Même celui qui offrira un verre d’eau par compassion pour un missionnaire s’en verra récompensé. Cette finale du discours souligne la valeur essentielle de tout écho d’Evangile.

Ensuite le récit de Matthieu reprend en montrant Jésus repartant pour aller prêcher : « Or quand Jésus eut achevé de donner ces instructions, il partit enseigner et prêcher ». Si bien que la grande instruction est encadrée par la mission de Jésus son grand modèle.

La Bonne Nouvelle n’est pas annoncée

Tous les médias (journaux, radios, tv …) sont remplis des mauvaises nouvelles que l’actualité nous jette à profusion : guerres, séismes, inondations, crise climatique, hausse des prix….Mais quand même et toujours, ils nous rapportent des bonnes nouvelles : Renault sort un nouveau modèle, le prix des piscines est en baisse, les agences de tourisme proposent des voyages dans des lieux mirifiques, l’équipe de football a remporté un championnat, le marché du luxe en France a généré 1400 milliards de revenus en 2022. Ainsi console-t-on un public qui, sans cela, serait écrasé par les malheurs.

Et les médias chrétiens ? Eux aussi sont remplis des mauvaises nouvelles mais où les voit-on proclamer « LA BONNE NOUVELLE » ? Ils parlent de nouvelles méthodes de catéchisme, de pèlerinages, de séjours en abbaye, de nominations d’évêques, de scandales ecclésiastiques, de chute des pratiquants…

Mais quand annoncent-ils : « Jésus a offert sa vie sur la croix, son Père l’a ressuscité. Croyez-le et vous serez pardonnés de vos pêchés, l’Esprit-Saint vous remplira de sa vie et de sa lumière, nous entrerez en communion et vous deviendrez le Corps du Christ, promis à la résurrection ».

Voilà bien la plus surprenante, la plus formidable annonce de l’histoire et elle doit atteindre le plus de personnes possibles.

Oui mais c’est là, direz-vous, la prédication à faire dans les églises. Pas du tout. Pourquoi faudrait-il aller à la messe pour entendre l’Evangile ? Alors ceux qui ne voient que les médias ordinaires seraient condamnés à n’entendre que les malheurs des crises ? Beaucoup n’ont donc même pas l’occasion d’offrir un verre d’eau à celui qui évoque le nom de Jésus ? Cela montre que nous restons encore en régime de chrétienté, quand le christianisme imbibait encore la vie sociale et qu’il suffisait de gérer l’Eglise et de distribuer les sacrements.

Le verbe essentiel est « Proclamer la Bonne Nouvelle ». Donc ce n’est pas un message déjà connu, ni une recommandation rituelle ou morale, ni une annonce triste.

Le kérygme (proclamation publique d’une nouvelle ) n’est jamais vu comme « déjà fait ». Sinon Coca Cola, Rolex, Arial et autres firmes cesseraient de tambouriner leurs marques.

— Fr. Raphaël Devillers, dominicain


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