Homélies et commentaires par fr. Laurent Mathelot OP

Résurgences

10ème dimanche – Année B – 10 juin 2018
Évangile de Marc 3, 20-35

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JÉSUS SERAIT UN TOQUÉ … UN POSSÉDÉ ?

Il y a 4 mois, en entrant en carême, il nous a été dit : « Homme, souviens-toi que tu es poussière » c.à.d. voué à la mort. Dimanche passé, le Christ nous a assuré : « Celui qui mange mon corps et boit mon sang a la vie éternelle ».

Ce passage de la mort à la Vie, que nous appelons Pâque qui signifie passage, c’est ce que la liturgie nous a fait vivre en ces 4 mois : la mort en croix, la Vie ressuscitée, la Gloire ascensionnelle, le don de l’Esprit et, dimanche dernier, le partage eucharistique qui rend actuelle cette Pâque dans notre vie.

Donc aujourd’hui, recentrés sur l’essentiel et pleins d’énergie, nous reprenons ce qu’on appelle « le temps ordinaire », la longue série de dimanches pendant lesquels Marc va nous rappeler l’itinéraire de Jésus. Cette mémoire de l’Evangile nous aidera à suivre Jésus, à être de vrais disciples qui incarnent l’Evangile dans l’histoire présente du monde afin de passer toujours de la mort à la Vie.

Mais d’emblée Jésus nous prévient : la Bonne Nouvelle ne l’est pas pour tout le monde, elle se heurte à la critique acerbe de certains et même aux réticences de nos familles. Si Jésus a été accusé de sorcellerie, si sa famille a jugé qu’il avait perdu la tête, échapperons-nous aux mêmes accusations ?

JESUS ACCUSÉ DE SORCELLERIE

Embarrassés par ce Jésus qui ameute les foules et accomplit des guérisons spectaculaires, des rabbins galiléens ont alerté les autorités du temple de Jérusalem. Des scribes savants sont venus enquêter à son sujet et, après un temps d’observation, ils énoncent un jugement catégorique : cet individu est possédé, il a dû faire un pacte avec Satan pour être capable de réaliser de tels exorcismes.

Mis au courant, Jésus a une réponse de bon sens : si le destructeur de l’homme cherche maintenant à le guérir, alors il s’autodétruit, ce qui devrait réjouir tout le monde.

Mais cette calomnie des scribes est d’une gravité extrême et ensuite Jésus en dénonce la perversité dans une sentence célèbre :

« Amen je vous le dis : Dieu pardonnera tout aux hommes, tous les péchés, tous les blasphèmes. Mais blasphémer contre l’Esprit-Saint est impardonnable ! ».
— Jésus parla ainsi parce qu’ils avaient dit : « Il est possédé par un esprit impur »

Dieu connaît nos faiblesses et nos lâchetés : tout au long de la Bible, dans l’histoire de son peuple, il a manifesté une miséricorde inépuisable. Dieu est le Dieu des pardons (Néhémie 9, 17).

Mais décréter que soigner les malades, guérir les handicapés est une œuvre satanique, c’est pervertir l’ordre des valeurs, c’est appeler « mal » ce qui est « bien », c’est détruire le socle de la morale. C’est donc s’exclure soi-même du pardon. Condamner un bienfaiteur, c’est s’enfermer dans la prison du mensonge.

On peut rester sceptique devant le message de Jésus, on peut ne pas croire en lui. Mais décréter que l’Evangile est « une mauvaise nouvelle », que l’Esprit d’amour qui poussait Jésus à compatir aux malheureux est un esprit de sorcellerie, c’est se livrer à la passion haineuse, c’est s’enfermer dans les ténèbres, c’est s’empêcher de recevoir la lumière du pardon.

Terrifiant constat. Le voleur, la pécheresse, le fils prodigue, le brigand crucifié, Matthieu, Zachée… : tous ces gens simples s’ouvrent au pardon tandis que des savants, des autorités renommées portent des jugements faux et s’excluent eux-mêmes de la miséricorde.
Le péché d’esprit est bien pire que le péché de chair.

LA FAMILLE CONTRE JESUS

Encadrant cette controverse violente, Marc rapporte deux scènes où même la famille de Jésus cherche à le récupérer.

Rien en effet ne laissait présager la destinée de ce jeune homme pieux et travailleur, petit artisan célibataire, qui vivait avec sa mère veuve dans un minuscule village de Galilée. Un jour, avec des copains, il était parti en Judée pour aller entendre le prophète Jean-Baptiste mais, au lieu de revenir à la maison, il s’était mis à circuler en prêchant. A quel titre ? Il n’avait pas fait d’études savantes, il semblait un homme comme tous les autres.

On apprenait que des foules de plus en plus nombreuses se pressaient pour l’écouter et on racontait qu’il opérait des guérisons, soulevant l’enthousiasme populaire.

Mais très vite certains de ses dires étonnaient, surprenaient, scandalisaient, attisaient l’animosité des pharisiens. Parfois il dépassait les bornes et les soupçons se durcissaient, les critiques se faisaient acerbes. De quel droit ? Qu’est-ce qui lui prend ? Avait-il été chamboulé par son expérience du baptême par Jean ? N’avait-t-il pas perdu la tête ?

Du coup, sa famille prenait peur : si on le laissait faire, que devenait la réputation de la famille ? N’allait-on pas au devant de graves dangers ?

Oncles et cousins avaient décidé d’aller se saisir de lui et de le ramener à la maison, ils avaient même emmené sa mère pour l’influencer plus facilement. Elle savait, elle, la pauvre Marie, mais elle avait dû céder à la pression des hommes, chefs du clan.

On leur renseigne une maison où Jésus est en train d’enseigner : la foule est si grande qu’il est impossible d’entrer. Quelqu’un crie : « Jésus, ta mère et des gens de ta famille sont là dehors, ils voudraient te voir ». Sans bouger, Jésus lance une réponse tout à fait surprenante, qui a dû stupéfier l’auditoire :

« Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ? ». Et parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : « Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère ».

Déclaration non seulement étonnante mais scandaleuse. En ce temps, la relation à la mère est sacrée, les liens familiaux sont primordiaux. Mais Jésus refuse de se laisser enfermer dans les liens de sang. Certes il ne rejette pas les siens – et surtout pas sa chère mère – mais, en l’appelant son Fils, Dieu son Père l’a chargé de fonder une nouvelle famille.

Et c’est sans doute pour cela qu’il est resté célibataire. Non par dédain du mariage mais parce qu’il a vocation d’unir les hommes et les femmes dans la Paix de Dieu.

Il ne fonde pas une religion, une nouvelle organisation : il proclame un enseignement qui est celui-là même de Dieu. Et ceux qui d’abord l’écoutent de ses lèvres puis le mettent en pratique ne deviennent pas seulement les disciples d’un prophète mais ils participent à la vie de Jésus, ils entrent dans sa famille. Vivre selon l’Evangile donne la certitude que l’on vit comme Dieu le demande et certifie que l’on devient membre de la famille de Jésus.

L’Eglise fidèle est une fraternité. Notre comportement en paroisse témoigne-t-il de cette réalité ?

CONCLUSION

Dans un monde lourd de menaces, nous souhaitons tous mener une existence paisible, reposante, faite de rapports cordiaux avec la famille, le voisinage, le lieu de travail. Mais si nous menons une vie conventionnelle, calquée sur les façons ordinaires du monde, sommes-nous encore témoins du Christ ? Ne devenons-nous pas des chrétiens édulcorés, fades, insipides ? Où est l’Evangile qui propose une conduite contradictoire, qui appelle heureux les pauvres, les doux, les miséricordieux… ?

Après le communisme et le nazisme, le capitalisme sauvage n’est-il pas le 3ème tsunami qui menace l’avenir du monde ? Nous, chrétiens, pouvons-nous nous contenter de suivre les modes des idées et des comportements ?

A la suite de Jésus, nous pouvons nous entendre dire : « Il a perdu la tête » ; des membres de notre famille feront pression pour nous ramener dans le rang ; des autorités compétentes et distinguées jetteront le discrédit sur nos initiatives ; on tournera en dérision ceux qui essaient de vivre l’Evangile ; on complotera pour que la foi demeure privée, enfermée dans les sacristies, on voudra démontrer qu’elle est incompatible avec la modernité.

Que l’on fasse bien attention en tout cas à cet avertissement gravissime du Seigneur : « Dieu pardonnera toutes vos faiblesses…Mais il ne peut pardonner à celui qui pervertit les valeurs, qui diabolise le travail de guérison et du salut de l’homme ».

L’heure n’est-elle pas venue où, sans arrogance, il nous est demandé d’afficher l’originalité chrétienne ? Quitte à être la cible de moqueries. « Tu es fou »: n’est-ce pas « un compliment » que nous devrions entendre plus souvent ?

Les brebis de Jésus se démarquent des moutons de Panurge. Quand ceux-ci bêlent les slogans du jour et nous traitent de toqués, loin d’être furieux, nous écoutons dans notre cœur le Seigneur qui nous rassure : « Rassure-toi : tu es mon frère, ma sœur, ma mère ».[/fusion_text][/one_full][one_full last= »yes » spacing= »yes » center_content= »no » hide_on_mobile= »no » background_color= » » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » background_position= »left top » hover_type= »none » link= » » border_position= »all » border_size= »0px » border_color= » » border_style= » » padding= » » margin_top= » » margin_bottom= » » animation_type= » » animation_direction= » » animation_speed= »0.1″ animation_offset= » » class= » » id= » »][fusion_text]

Raphaël Devillers,  dominicain
Tél. : 04 / 220 56 93   –   Courriel :   r.devillers@resurgences.be

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