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5ème dimanche de Carême – Année A – 29 mars 2020

Évangile de Jean 11, 1-45

Réanimation n’est pas Résurrection

5ème dimanche de Carême – Année A – 29 mars 2020 – Évangile de Jean 11, 1-45
« Jésus n’a pas évité la mort à Lazare, pas plus que le Père n’évitera à son Fils la sienne.
Même s’il est « la résurrection et la vie », il passera par la croix qui n’est pas un simulacre.
Il assume jusqu’au bout la condition humaine et nous montre que ce n’est pas en y échappant qu’on trouve la vraie vie.
La résurrection dont nous parle l’évangile n’est pas l’immortalité.

Lazare sort libre et vivant du tombeau mais muet sur ce qu’il a pu y vivre. Jésus dit de le laisser aller et personne ne le retient.
La fin n’est pas celle d’un conte de fée avec des retrouvailles. On perd Lazare de vue pour rester avec Jésus.
L’important n’est pas ce qui peut exister après la mort, mais la résurrection qui se révèle en Jésus et en laquelle nous pouvons croire »

Bernadette Escaffre – Cahiers Evangile n° 145

ÉVANGILE DE JEAN 11, 1-45

Réanimation n’est pas Résurrection


Les dimanches précédents nous ont rappelé que Jésus désaltère notre soif de vie, nous permet d’adorer le Père et qu’il est le Sauveur du monde (La Samaritaine) ; qu’il est la vraie Lumière qui nous sort des ténèbres (L’Aveugle-né). Mais alors se lève une interrogation: pourquoi ne nous libère-t-il pas de la mort ?

Aujourd’hui le 3ème grand texte de Jean nous aide un peu à comprendre et nous prépare au mystère pascal. Il est nécessaire de rappeler ce qui se passe avant et après cet événement.


Retour à la case départ : le Baptême.

Pendant les deux dernières grandes fêtes de l’année (fête des Tentes et Dédicace – Jn 7-10), Jésus a affirmé comme jamais son identité : « Je suis…Mon Père et moi nous sommes un » ». Qu’est-ce à dire ? Pour les autorités, il y a là un blasphème intolérable et on a voulu le lapider. Jésus s’est enfui avec ses disciples et est retourné au lieu de son baptême. Au gué du Jourdain il médite : c’est ici, avec Jean-Baptiste, que l’aventure a commencé lorsque son Père l’a envoyé en mission. Depuis lors, prédications et guérisons n’ont pas suffi à convaincre et à présent la menace de mort se précise. Que faire ?...A quoi oblige l’engagement du baptême ?


Appel : l’homme meurt

Un jour on lui transmet un appel de la part des deux sœurs qui habitent à Béthanie, village près de Jérusalem : « Notre frère Lazare que tu aimes est très malade ». Sous-entendu : c’est grave, viens vite le guérir. Néanmoins pendant deux jours, Jésus ne réagit pas. Le 3ème jour enfin, il annonce : « Allons en Judée ». Les disciples sursautent : « Retourner là-bas où on cherche à te tuer ? ». Jésus leur dit : « Lazare est mort et si je me réjouis de n’avoir pas été là, c’est pour vous: pour que vous croyiez ». Thomas lance aux autres : « Allons-y et nous mourrons avec lui ».

Manifestement pour Jésus, l’évitement de la mort – même d’un ami très cher - n’est pas la solution. « Réveiller » Lazare a pour but que les disciples croient en lui. Et il sait qu’il court lui-même un danger mortel. Thomas soupçonne que ses disciples à leur tour devront eux aussi donner leur vie.


Jésus rencontre Marthe

Quand Jésus arrive à Béthanie, Lazare est mort depuis 4 jours et selon la coutume, mis au tombeau le jour même. Beaucoup de gens sont venus manifester leur sympathie aux deux sœurs en deuil. Marthe apprend que Jésus est resté à l’entrée du village et elle vient à sa rencontre :
Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort. Mais je sais que maintenant Dieu t’accordera tout ce que tu lui demanderas. - Ton frère ressuscitera. - Oui je sais qu’il ressuscitera au dernier jour, à la résurrection. - Moi, je suis la résurrection. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. Et tout homme qui vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? - Oui, Seigneur, tu es le Messie, je le crois, le Fils de Dieu. »


Les deux sœurs vont reprendre le cri universel devant l’horreur et le scandale de la mort : « S’il y avait un bon Dieu, tout cela n’arriverait pas ! ». Cependant Marthe, comme les pharisiens, croit à la résurrection finale. Mais Jésus lui fait une révélation inouïe par une de ces fameuses phrases en « Je suis » employées par Jean afin de percer le mystère de cet homme Jésus: « Je suis la résurrection. Celui qui croit en moi continuera à subir la mort corporelle mais il aura une Vie divine, éternelle sur laquelle la mort n’aura jamais prise ». L’unique condition pour recevoir ce don : croire en Jésus, Messie, Fils de Dieu, Seigneur.

Marthe la croyante va prévenir sa sœur : qu’elle aille elle aussi rencontrer et écouter Jésus. Car apprendre que l’on peut recevoir une Vie inaltérable rend missionnaire. La Samaritaine ne faisait-elle pas de même ? Tout être humain est appelé à partager cette Vie nouvelle. Tout disciple, même sans en connaître les moyens, doit ressentir cette envie de communiquer cette foi vivifiante.


Jésus rencontre Marie


Marie se lève et sort en hâte vers Jésus. Croyant qu’elle se rend au tombeau, des gens la suivent. Marie se jette aux pieds de Jésus : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort. ».
Quand Jésus vit qu’elle pleurait et que les gens venus avec elle pleuraient aussi, il fut bouleversé d’une émotion profonde… Il demanda : « Où l’avez-vous déposé ? – Viens voir, Seigneur ». Alors Jésus pleura. Les gens disaient : « Voyez comme il l’aimait ».


Autant Jean fait pressentir la condition divine de Jésus, autant il insiste fréquemment sur son humanité véritable. Jésus est un homme authentique qui éprouve, mille fois plus que nous, nos désirs et nos émotions. Lazare était son ami très cher et sa disparition le bouleverse. D’autant que Marie et l’entourage éclatent en lamentations bruyantes. Chagrin immense de l’humanité qui pleure un ami, un frère, un enfant disparu. Souffrance indicible de Dieu qui voit l’humanité, son chef-d’œuvre, être esclave impuissante de la dictature de la mort. Quand nous sommes frappés par le deuil, n’oublions pas : « Jésus pleure ». La foi chrétienne n’a rien d’un stoïcisme qui croit que la sainteté consiste à tout supporter de façon imperturbable.


Jésus au tombeau


Repris par l’émotion, Jésus arrive au tombeau : une grotte fermée par une pierre. Il dit : « Enlevez la pierre. » Marthe lui dit : « Seigneur, il sent déjà : voilà 4 jours qu’il est là ». Jésus lui répond : « Ne t’ai-je pas dit que, si tu crois, tu verras la Gloire de Dieu ? ». On enleva la pierre.
Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je savais que tu m’exauces toujours, mais si j’ai parlé, c’est pour cette foule autour de moi : afin qu’ils croient que tu m’a envoyé ».
Il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ». Et le mort sortit, les pieds et les mains attachés, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le et laissez-le aller ».


La forme du tombeau et les vêtements évoquent déjà ceux de Jésus au Golgotha. Jésus prie non pour obtenir de Dieu une force nouvelle mais pour manifester que Père et Fils agissent de concert pour rendre la vie à l’homme. Et c’est par le cri de sa Parole que Jésus agit.

Lazare surgit debout : va-t-il nous raconter ce qui se passe dans l’au-delà ? Allons-nous enfin savoir ? Non, Lazare se tait. Il est rendu à l’affection de ses sœurs mais il ne bénéficie que d’un sursis. Il va retrouver joies et soucis et à nouveau maladie et mort.

On ne devrait plus parler de « la résurrection de Lazare » mais de sa réanimation. Jésus, lui, ressuscitera réellement et ce sera absolument différent : Dieu le relèvera, la pierre sera roulée sans intervention humaine, bandelettes et suaire (la mentonnière qui ferme la bouche) giseront là. Jésus n’aura pas une prolongation mais il participera de la Vie toute nouvelle, il retrouvera, vivant, ses disciples sidérés et incrédules, parlera à Marie-Madeleine et aux disciples d’Emmaüs.

La sortie de Lazare n’est qu’une parabole, un « signe », le dernier de la série des 7 signes que Jean a racontés dans son évangile. Non « des miracles » qui éblouissent et figent dans l’admiration. Mais « pour que nous aussi nous croyions que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu » (20, 31).

Le récit de la revivification de Lazare va se terminer sur une conséquence tragique.


Conséquence : la mort de Jésus


Beaucoup crurent en lui et certains allèrent raconter aux Pharisiens ce que Jésus avait fait. On réunit un conseil : « Cet homme fait beaucoup de signes. Si nous le laissons continuer, tous croiront en lui, les Romains interviendront et ils détruiront le temple et notre nation ! ». Caïphe, grand prêtre en cette année-là, dit : « Vous ne comprenez rien. Votre avantage, c’est qu’un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas ».
C’est ce jour là qu’ils décidèrent de le faire périr. Jésus se retira dans la ville d’Ephraïm avec ses disciples.


A Béthanie, des croyants se réunissaient autour de Jésus qui rend la vie à l’homme. A Jérusalem, les autorités se réunissent pour décider la mort d’un homme. Caïphe craint que le peuple, enflammé par les prouesses de Jésus, se soulève contre l’occupant. Ce sera la révolution que Rome écrasera : ville et temple seront détruits. Jésus sera donc victime d’un crime d’Etat décidé à supprimer un individu qui lui paraît dangereux pour l’ordre public. Mais Jean donne l’interprétation de cette sentence :
« Comme grand prêtre, Caïphe fit cette prophétie : il fallait que Jésus non seulement meure pour la nation mais pour réunir dans l’unité les enfants de Dieu dispersés ».


Jésus se donne parce qu’il aime tous les Lazare et par sa Pâque – mort et résurrection – il va attirer à lui tous les hommes qui croient en lui. Il parvient à fuir et il reviendra dans quelques jours : alors il s’offrira comme l’agneau pascal qui libère l’humanité de la mort éternelle. Mystérieux échange !

Relisons le texte : combien de fois dit-on que Jésus « aime » l’homme et qu’il faut « croire » en lui ?...

Frère Raphaël Devillers, dominicain

Coincé, tourné vers le passé et gentil :  C’est cela être chrétien ?

Coincé, tourné vers le passé et gentil : C’est cela être chrétien ?

Laurent Fourquet - 10 mars 2020 - site Aleteia

Les chrétiens passent volontiers aux yeux du monde pour des coincés nostalgiques, gentiment inoffensifs. Cette vision imaginaire du christianisme rencontre une certaine complicité de la part des catholiques qui renoncent à être le sel de la terre. Pourtant les chrétiens sont attendus et espérés, car ils sont les seuls à pouvoir porter, au nom de leur foi, ce refus sans concession du monde de la consommation généralisée.

L’antichristianisme foncier des sociétés occidentales contemporaines, loin d’être superficiel ou anecdotique, exprime une vérité de fond sur celles-ci. En tout et partout, nos sociétés valorisent l’appropriation des autres et des choses et font de cette appropriation la condition de la sagesse et du bonheur. Mais les chrétiens sont-ils eux-mêmes exempts de toute responsabilité dans cet antichristianisme « de principe » qui s’installe progressivement dans notre monde ?

Si les chrétiens portent quelque responsabilité dans l’antichristianisme contemporain, (…) c’est surtout parce qu’ils sont ce qu’ils sont et que ce qu’ils sont ne va pas.


Être chrétien aux yeux du monde : coincé et gentil

« Ils sont ce qu’ils sont » : pour comprendre cette expression, il faut s’interroger sur ce qu’être chrétien signifie dans notre monde.
…Être chrétien, c’est croire au Christ ressuscité…Dans les faits, la foi au Christ ressuscité ne correspond pas du tout à la représentation que notre monde se fait d’un chrétien.

Pour le monde, il y a en réalité trois modalités qui expriment, aujourd’hui, l’appartenance au christianisme :
la première, c’est l’affirmation, sinon la pratique, d’une morale sexuelle jugée « rigoriste » puisque personne ne s’en réclame en dehors des chrétiens ;
la seconde, c’est l’appartenance à une identité culturelle « chrétienne », mélange vague de clochers de village, de messes de minuit et de Requiem de Mozart, autrement dit la mémoire et l’art ;
la troisième, enfin, c’est un effort de spiritualisation de la morale des droits de l’homme commune à tous ceux qui se réclament de l’humanisme occidental.

Etre chrétien aux yeux du monde, c’est être coincé, tourné vers le passé et sagement gentil.

Il est bien certain que beaucoup de chrétiens occidentaux …vivent leur foi avec une sincérité et une profondeur admirables. Dieu seul, du reste, connaît le secret des âmes. Mais notre propos porte sur la représentation collective du christianisme dans notre monde.


Irritants mais inoffensifs

Ainsi se dessine un christianisme pour notre temps que notre époque prend sérieusement pour le christianisme. Un « christianisme imaginaire », suffisamment agaçant dans son refus obstiné de ne pas sacrifier aux nouveaux dieux de l’empire, en matière de « libération sexuelle » et de nostalgie du passé notamment, pour provoquer la détestation, suffisamment indigent, sur le plan de l’esprit, pour appeler le mépris.

Soyons honnêtes : malgré nos efforts pour casser ces représentations et tenter d’expliquer que le christianisme parle de tout autre chose, nous sommes tous, par moment, sinon complices, du moins résignés à cette représentation d’un christianisme décoloré, exsangue, réduit à quelques caricatures, une nostalgie et des bons sentiments.


Vivre enfin la vraie vie de Dieu

Or, soyons en assurés : rien ne changera dans le processus de déclin du christianisme occidental tant que, vaille que vaille, les chrétiens en Occident se conformeront dans leur ensemble à cette triple assignation. Car celle-ci ressemble à la foi chrétienne à peu près comme des ruines ressemblent à la vie.

Je ne choisis pas cette comparaison au hasard. Le christianisme est, en effet, par excellence, la religion de la vie, de la vie de l’âme en particulier, appelée à prendre conscience de ses péchés pour éprouver cette métamorphose inouïe du pardon et du libre amour de Dieu qui lui donne son Salut.

Qu’il y a loin de cette vie de l’âme, de cette révélation bouleversante de l’amour de Dieu, au statut officiel que ce monde assigne au christianisme, centré sur la chambre à coucher, les nostalgies d’antiquaires et les platitudes bien pensantes !

Si le christianisme est la religion de la vie, alors il faut le vivre.

Pour cela, il faut se désencombrer des soucis qui obsèdent la majorité de nos contemporains, occupés en permanence à s’approprier un bout du monde, le plus grand possible, puisque, selon l’idéologie dominante, plus étendue est l’appropriation des autres et du monde que l’on exerce plus l’on est puissant, et plus l’on est puissant plus l’on existe.

Vivre le christianisme, au contraire, c’est, quoi qu’il advienne autour de nous, dépasser les soucis de ce monde, respirer spirituellement, se vider de tout le tohu-bohu hystérique pour permettre à l’Esprit de faire sa demeure en nous et vivre enfin, vivre véritablement, de la vie de Dieu.


Où les chrétiens sont attendus et espérés

Car le véritable clivage entre notre société et la vérité chrétienne est là et nulle part ailleurs :
d’un côté, un besoin compulsif de consommer le monde, c’est-à-dire aussi de posséder et de dominer, parce que, croit-on, on ne se réalise, on ne s’épanouit que par la possession et la domination au service de la consommation ;
de l’autre, un appauvrissement volontaire de l’âme qui se fait écoute et regard, écoute du verbe divin, regard de reconnaissance pour cet univers qui nous est donné, à condition que nous accueillions ce don sous les auspices de la gratitude.

À l’aune de cette lutte entre deux principes opposés, comme les petites controverses sur notre fidélité respective au passé ou au présent s’avèrent soudain dérisoires ! Et comme le site assigné au christianisme par le monde actuel se révèle une ridicule imposture !

Mais pour en avoir conscience, il faut s’échapper résolument de cette prison, pour entrer dans le combat que je viens de décrire et où les chrétiens sont attendus et même espérés, y compris par des esprits très éloignés, en apparence, du christianisme, car les chrétiens sont seuls à pouvoir porter, au nom de leur foi, ce refus sans concession du monde de la consommation généralisée.

Face à la machine nihiliste qui réduit l’univers à la marchandise, ils sont seuls à pouvoir opposer la beauté et la gratuité du don, de Dieu aux hommes, des hommes entre eux lorsqu’ils se décident à s’aimer vraiment.

Mais voulons-nous vraiment nous opposer à la machine ? Et croyons-nous suffisamment au Christ pour porter ce combat ? Tout est là.


Des lampes dans la nuit

Si, cessant de raser les murs ou de rêver à d’impossibles restaurations, nous faisons ce choix, alors soyons en sûrs : là où, actuellement, l’égoïsme et le culte de l’intérêt personnel font croître le désert, là où, au fur et à mesure que l’on possède, le besoin de posséder tyrannise davantage, on verra renaître la fraîcheur de la reconnaissance et de la charité vraie, et les chrétiens seront à nouveau ces lampes dans la nuit et ce sel dont parlent les Écritures.

Qu’ils soient suivis par beaucoup ou par peu, il n’y aura pas, cette fois, maldonne : c’est bien du Christ dont il aura été question.

Laurent FOURQUET

Auteur de :
L’ère du consommateur.
Le christianisme n’est pas un humanisme.

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