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2ème dimanche de Carême – Année A – 8 mars 2020

Évangile de Matthieu 17, 1-9

La Transfiguration n’est pas un transhumanisme

2ème dimanche de Carême – Année A – 8 mars 2020 – Évangile de Matthieu 17, 1-9
Ce n’est pas en nous mettant à la traîne de fables tarabiscotées
que nous vous avons fait connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ
mais pour l’avoir vu de nos yeux dans tout son éclat.

Car il reçut de Dieu le Père honneur et gloire
quand la voix venue de la splendeur magnifique de Dieu lui dit :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir ».

Et cette voix, nous l’avons nous-mêmes entendue venant du ciel
quand nous étions avec lui sur la montagne sainte.

2ème lettre de Pierre 1, 16

* * *

Ce n’est pas nous-mêmes mais Jésus Christ Seigneur que nous proclamons.
Dieu qui a dit : « Que la lumière brille au milieu des ténèbres »,
c’est lui-même qui a brillé dans nos cœurs pour faire resplendir
la connaissance de sa Gloire qui rayonne sur le visage du Christ

Paul : 2ème Lettre aux Corinthiens 4, 5

ÉVANGILE DE MATTHIEU 17, 1-9

La Transfiguration n’est pas un transhumanisme


Lorsqu’au baptême, Jésus reçut la vocation de son Père, n’était-il pas magnifique le programme qu’il décida de proposer à son peuple ? Dieu allait venir établir son règne non par une déflagration cosmique ni par l’anéantissement des ennemis mais suite à un effort de conversion de chacun.

Le bonheur venait non de la richesse ni de l’orgueil ni même de la fin des maladies mais de l’humilité, de la miséricorde, de la douceur. Pas de colère, pas d’injures, pas de mensonges, pas de vengeances. Travailler à la paix, aimer même ses ennemis. Oser l’extraordinaire et ainsi recevoir mission de donner saveur à la vie, comme le sel, et d’éclairer les ténèbres du désespoir et de l’angoisse.

Très vite les foules se pressèrent pour écouter ce message d’espérance du jeune prophète qui circulait à travers la Galilée. « Ah si on faisait ce qu’il enseigne ! ». Mais en fait peu s’y engageaient. On accourait surtout pour demander la guérison des malades. Et Jésus se lamentait sur les villes du lac qui refusaient de se convertir à sa Parole. Même dans son village de Nazareth, même au sein de sa famille, on demeurait sceptique devant ce charpentier qui perturbait tout le monde.

Mais il y avait pire : les pharisiens, acharnés à pratiquer les moindres détails de la Loi, et les scribes, spécialistes de l’explication des Ecritures, se cabraient devant ce prétendu Messie qui fréquentait les pécheurs, embauchait même un voleur dans son équipe, égratignait l’observance formelle du sabbat, dédaignait les purifications légales et surtout osait donner le pardon des péchés. S’il opérait des guérisons, c’était certainement parce qu’il avait fait un pacte avec le diable.

L’affaire était très grave, cet individu était dangereux et très vite l’évangile note : « Des pharisiens tinrent conseil sur la manière de TUER Jésus » (12, 14).

Jésus peu à peu fait la triste expérience : ce qui est l’absolue vérité de son Père et qui fait son bonheur à lui, se heurte au mur non seulement des moqueries et de l’incrédulité mais d’une hostilité qui vire à la haine. Il voulait la vie des hommes et certains parmi les plus pieux d’entre eux veulent sa mort.

Alors il décide de faire une nouvelle retraite, cette fois à la frontière nord d’Israël, près de la nouvelle ville païenne de Césarée. Et là, le ton grave, le visage tendu, les traits tirés, il annonce à ses disciples sa décision qui éclate comme un coup de tonnerre : « Je vais monter à Jérusalem pour proclamer mon message et dénoncer les dérives religieuses. Je le sais : les autorités m’arrêteront et me condamneront à mort. Mais mon Père, j’en suis sûr, me rendra la vie. Et je vous préviens: celui qui veut être mon disciple doit me suivre sur ce chemin et subir le même sort ».

Et sans attendre, sans forcer les disciples complètement éberlués, Jésus se met en route. Il ne faut pas tarder afin d’arriver à Jérusalem pour la Pâque. Bientôt, comme jadis à son baptême, il va réentendre la voix de son Père.


Jésus transfiguré


« Après six jours, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, il les emmène à l’écart sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux : son visage devint brillant comme le soleil et ses vêtements blancs comme la lumière. Voici que leur apparurent Moïse et Elie qui s’entretenaient avec lui ».


Exceptionnellement Matthieu précise le lien avec l’épisode précédent que nous venons de rappeler : c’est « après six jours ». La notation est une reprise de la grande scène de la révélation sur la montagne du Sinaï quand Moïse, accompagné de 3 hommes, reçut la Torah de Dieu et que son visage devint lumineux.

Donc c’est parce que Jésus vient de s’engager à remplir jusqu’au bout la mission reçue de son Père, en acceptant la mort, que son Père en retour lui fait la grâce d’être transformé par la Lumière de la Vérité.

Il y a donc là non une grâce mystique mais comme un prélude, une prophétie de la Pâque prochaine. Si la croix est amour donné jusqu’à la mort, la transfiguration est esquisse de la Résurrection. Jésus vit l’annonce de la Pâque. Son visage illuminé par la Gloire révèle sa personnalité divine.

Moïse et Elie, les deux grandes figures de la Loi et des Prophètes, apparaissent et s’entretiennent avec Jésus. Luc précise : « Ils parlaient de son exode qu’il allait accomplir à Jérusalem ». Donc ces géants de la révélation voient en Jésus l’accomplissement de leur histoire et ils s’inclinent devant sa grandeur singulière.
Non Jésus n’abolit pas la Loi comme le prétendaient ses adversaires mais il l’accomplit, la conduit à son aboutissement. Le Premier Testament conduit normalement au Nouveau.


Les erreurs de Pierre


« Pierre dit à Jésus : « Seigneur, il est heureux que nous soyons ici. Si tu le veux, je vais dresser trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Elie ».
Il parlait encore lorsqu’une Nuée lumineuse les couvrit de son ombre ; et de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ».


Le sympathique et fougueux n°1 des apôtres nous représente souvent dans les évangiles : il aime son Maître, il est plein de bonne volonté mais ses réactions sont souvent trop courtes, trop « humaines ».

D’abord il veut montrer son sens du sacré en dressant trois tentes pour les trois grands personnages. Car l’homme croit toujours honorer Dieu en lui élevant un édifice, en lui assignant une maison, un espace. Le temple de Jérusalem était la demeure de Dieu et toutes les religions ont voulu pour leur(s) divinité(s) des bâtiments majestueux, à la décoration fastueuse où se déroulaient les cérémonies rituelles.

Mais cette initiative de Pierre entraine une séparation entre les personnages sacrés, entre Loi, Prophètes et Evangile et une autre entre ceux-ci et les trois apôtres.

Cette suggestion de Pierre, faussement généreuse, est aussitôt démentie par Dieu lui-même qui envoie, sous le symbole de la Nuée, son Esprit qui prend tous les personnages sous son ombre. L’homme voulait se dévouer en faisant une maison à Dieu : c’est Dieu lui-même qui offre un abri, une demeure qui protège prophètes et disciples et les rassemble tous autour de Jésus.

Ensuite Pierre était tout « heureux » de voir Jésus en gloire, il souhaitait éterniser ce moment lumineux. Dieu lui répond que l’essentiel n’est pas de voir mais d’entendre. La Voix divine lui dit ce qu’elle avait dit à Jésus seul au baptême : « Celui-ci est mon fils bien-aimé » et elle ajoute « Ecoutez-le ».

Or Jésus est demeuré silencieux pendant toute la scène. Dieu renvoie donc à tout ce qu’il leur enseigne depuis le début et surtout ce qu’il leur a dit « six jours avant » : sa mort prochaine et sa résurrection. Cette annonce qui leur paraissait folie est la vérité. Puisque les hommes veulent supprimer le messager de la Bonne Nouvelle, il donnera sa vie afin de leur pardonner. Et c’est par ce paradoxe que le Royaume de Dieu viendra.


Jésus seul


« Les disciples tombèrent face à terre, saisis d’une grande frayeur. Jésus s’approcha, les toucha : « Relevez-vous, n’ayez pas peur ». Ils ne virent plus que Jésus seul. »


Devant la manifestation de Dieu, les hommes s’effondrent comme morts mais Jésus les touche et sa voix les relève et les calme. Il y a là comme un mime du mystère pascal auquel les disciples vont participer : tomber et se laisser relever. La vision furtive a disparu. Il ne leur reste plus que l’essentiel : regarder l’homme Jésus, descendre avec lui de la montagne et le suivre sur la route vers Jérusalem où tout se déroulera comme Jésus l’avait dit.

Il est remarquable que ce moment divin de transfiguration n’empêchera pas Jésus de trembler d’angoisse au jardin des Oliviers et de hurler sa souffrance sur la croix du Golgotha. Pas plus qu’elle n’empêchera Pierre de renier son Maître et les apôtres de s’enfuir en l’abandonnant.

Les plus hautes grâces mystiques ne briment pas notre liberté et nous laissent dans la faiblesse de notre condition. L’homme ne peut par ses propres forces construire un au-delà de l’homme – un transhumanisme.

Il est homme pour être divinisé : ce ne peut être qu’un don divin. Depuis la Transfiguration, tout visage humain – fût-il horriblement défiguré – est divinement respectable.


Conclusions

La 1ère étape du carême nous rappelait les trois grandes options de vie.

La 2ème aujourd’hui nous pousse à la retraite, à la méditation de la personne de Jésus. Heureux sommes-nous de jouir de moments de lumière, d’entrevoir son mystère. Mais plus encore d’obéir au Père qui nous offre la maison de la communion dans l’Esprit et nous encourage à suivre son Fils.

La réelle beauté du visage n’est pas cosmétique mais l’épiphanie d’un cœur qui aime.


Frère Raphaël Devillers, dominicain


Message de carême 2020 du pape François


Message de carême 2020
du pape François

(texte complet)

Chers frères et sœurs!

Cette année encore, le Seigneur nous accorde un temps favorable pour nous préparer à célébrer avec un cœur renouvelé le grand Mystère de la mort et de la résurrection de Jésus, pierre angulaire de la vie chrétienne personnelle et communautaire.

Il nous faut constamment revenir à ce Mystère, avec notre esprit et notre cœur. En effet, ce Mystère ne cesse de grandir en nous, dans la mesure où nous nous laissons entraîner par son dynamisme spirituel et y adhérons par une réponse libre et généreuse.


Le Mystère pascal, fondement de la conversion

La joie du chrétien découle de l’écoute et de l’accueil de la Bonne Nouvelle de la mort et de la résurrection de Jésus : le kérygme.

Il résume le Mystère d’un amour « si réel, si vrai, si concret qu’il nous offre une relation faite de dialogue sincère et fécond » (Exhort. ap. Christus vivit, n. 117). Celui qui croit en cette annonce rejette le mensonge selon lequel notre vie aurait son origine en nous-mêmes, alors qu’en réalité elle jaillit de l’amour de Dieu le Père, de sa volonté de donner la vie en abondance (cf. Jn 10, 10).

En revanche, si nous écoutons la voix envoûtante du “père du mensonge” (cf. Jn 8, 45), nous risquons de sombrer dans l’abîme du non-sens, de vivre l’enfer dès ici-bas sur terre, comme en témoignent malheureusement de nombreux événements dramatiques de l’expérience humaine personnelle et collective.

En ce Carême de l’année 2020, je voudrais donc étendre à tous les chrétiens ce que j’ai déjà écrit aux jeunes dans l’Exhortation Apostolique Christus vivit: « Regarde les bras ouverts du Christ crucifié, laisse-toi sauver encore et encore. Et quand tu t’approches pour confesser tes péchés, crois fermement en sa miséricorde qui te libère de la faute. Contemple son sang répandu avec tant d’amour et laisse-toi purifier par lui. Tu pourras ainsi renaître de nouveau » (n. 123). La Pâque de Jésus n’est pas un événement du passé : par la puissance de l’Esprit Saint, elle est toujours actuelle et nous permet de regarder et de toucher avec foi la chair du Christ chez tant de personnes souffrantes.


Urgence de la conversion

Il est salutaire de contempler plus profondément le Mystère pascal, grâce auquel la miséricorde de Dieu nous a été donnée. L’expérience de la miséricorde, en effet, n’est possible que dans un ‘‘face à face’’ avec le Seigneur crucifié et ressuscité « qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2, 20). Un dialogue cœur à cœur, d’ami à ami.

C’est pourquoi la prière est si importante en ce temps de Carême.

Avant d’être un devoir, elle exprime le besoin de correspondre à l’amour de Dieu qui nous précède et nous soutient toujours. En effet, le chrétien prie tout en ayant conscience d’être aimé malgré son indignité.

La prière peut prendre différentes formes, mais ce qui compte vraiment aux yeux de Dieu, c’est qu’elle creuse en nous jusqu’à réussir à entamer la dureté de notre cœur, afin de le convertir toujours plus à lui et à sa volonté.

En ce temps favorable, laissons-nous donc conduire comme Israël dans le désert (cf. Os 2, 16), afin que nous puissions enfin entendre la voix de notre Époux, pour la faire résonner en nous avec plus de profondeur et de disponibilité. Plus nous nous laisserons impliquer par sa Parole, plus nous pourrons expérimenter sa miséricorde gratuite envers nous. Ne laissons donc pas passer ce temps de grâce en vain, dans l’illusion présomptueuse d’être nous-mêmes les maîtres du temps et des modes de notre conversion à lui.


La volonté passionnée de Dieu de dialoguer avec ses enfants

Le fait que le Seigneur nous offre, une fois de plus, un temps favorable pour notre conversion, ne doit jamais être tenu pour acquis. Cette nouvelle opportunité devrait éveiller en nous un sentiment de gratitude et nous secouer de notre torpeur.

Malgré la présence, parfois dramatique, du mal dans nos vies ainsi que dans la vie de l’Église et du monde, cet espace offert pour un changement de cap exprime la volonté tenace de Dieu de ne pas interrompre le dialogue du salut avec nous.

En Jésus crucifié, qu’il «a fait péché pour nous» (2Co 5, 21), cette volonté est arrivée au point de faire retomber tous nos péchés sur son Fils au point de « retourner Dieu contre lui-même », comme le dit le Pape Benoît XVI (cf. Enc. Deus caritas est, n. 12). En effet, Dieu aime aussi ses ennemis (cf. Mt 5, 43-48).

Le dialogue que Dieu par le Mystère pascal de son Fils veut établir avec chaque homme n’est pas comme celui attribué aux habitants d’Athènes, qui «n’avaient d’autre passe-temps que de dire ou écouter les dernières nouveautés» (Ac 17, 21). Ce genre de bavardage, dicté par une curiosité vide et superficielle, caractérise la mondanité de tous les temps et, de nos jours, il peut aussi se faufiler dans un usage trompeur des moyens de communication.


Une richesse à partager et non pas à accumuler seulement pour soi

Mettre le Mystère pascal au centre de la vie signifie éprouver de la compassion pour les plaies du Christ crucifié perceptibles chez les nombreuses victimes innocentes des guerres, dans les atteintes à la vie, depuis le sein maternel jusqu’au troisième âge, sous les innombrables formes de violence, de catastrophes environnementales, de distribution inégale des biens de la terre, de traite des êtres humains dans tous aspects et d’appât du gain effréné qui est une forme d’idolâtrie.

Aujourd’hui encore, il est important de faire appel aux hommes et aux femmes de bonne volonté pour qu’ils partagent leurs biens avec ceux qui en ont le plus besoin en faisant l’aumône, comme une forme de participation personnelle à la construction d’un monde plus équitable.

Le partage dans la charité rend l’homme plus humain, alors que l’accumulation risque de l’abrutir, en l’enfermant dans son propre égoïsme. Nous pouvons et nous devons aller encore plus loin, compte tenu des dimensions structurelles de l’économie.

C’est pourquoi, en ce Carême 2020, du 26 au 28 mars, j’ai convoqué à Assise de jeunes économistes, entrepreneurs et porteurs de changement, dans le but de contribuer à l’esquisse d’une économie plus juste et plus inclusive que l’actuelle.

Comme le Magistère de l’Église l’a répété à plusieurs reprises, la politique est une forme éminente de charité (cf. Pie XI, Discours aux Membres de la Fédération Universitaire Catholique Italienne, 18 décembre 1927). Ainsi en sera-t-il de la gestion de l’économie, basée sur ce même esprit évangélique qui est l’esprit des Béatitudes.

J’invoque l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie pour ce Carême , afin que nous accueillions l’appel à nous laisser réconcilier avec Dieu, pour fixer le regard du cœur sur le Mystère pascal et nous convertir à un dialogue ouvert et sincère avec Dieu.

C’est ainsi que nous pourrons devenir ce que le Christ dit de ses disciples : sel de la terre et lumière du monde (cf. Mt 5, 13-14).

FRANÇOIS
Fête de Notre-Dame du Rosaire

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